Il s’impose ainsi comme une évidence qu' Hillel II n'a pas inventé la computation calendaire qui était déjà utilisée par les Juifs depuis les temps anciens. Mais les Karaïtes ne sont pas de cet avis. Ils insistent que contrairement à ce qui se fait actuellement dans le Judaïsme Rabbinique, la maturité de l’orge, et non le calcul de l'équinoxe, est ce qui, dans la Torah, détermine le commencement du mois de Nissan (le Nouvel An Religieux). Le raisonnement karaïte s’articule ainsi : « Le mois de Nissan est appelé « mois de l’Aviv » dans la Bible; le terme Aviv se réfère à l’épi d'orge lorsqu’ il est mûr ; donc l’année ne peut débuter que lorsque les épis d’orge sont mûrs ». Mais est-ce le cas ? Il est vrai qu' « Aviv » en hébreu peut signifier « épis d’orge mûr », mais rien dans le texte biblique, que les Karaïtes considèrent comme le seul ouvrage ayant autorité, ne dit que le début du premier mois doit correspondre à la maturité des épis d' orge. En effet, l'on pourrait aussi comprendre, en supposant que l'interprétation karaïte d' « Aviv » soit exacte, que le mois de l'Aviv est celui au cours duquel, et pas nécessairement au début duquel, mûrit l'orge. Par ailleurs, le terme « Aviv » peut également désigner la saison printanière. Les Rabbins, à propos desquels l’on ne peut dire qu’ils ignoraient l’hébreu, comprirent l’expression « Ḥodesh Ha-aviv » (mois de l’Aviv) comme « mois du Printemps » (Talmud de Babylone Rosh Ha-shanah 21a). Les Karaïtes prétendent cependant que « jusqu' au 2è siècle, les Rabbanites eux-mêmes suivaient le calendrier de l'Abib (épis d'orge mûr) ». Ils se basent sur la Barayta suivante:
« Nos rabbins
ont enseigné : L’année est intercalée sur la base de trois choses : les fruits
des arbres, l’Aviv (l’orge mûr) et la Téqoufah (équinoxe). Sur la base d’au
moins deux d’ entre elles l’année est intercalée, mais sur une seule, l’année n’est
pas intercalée. Et lorsque l’Aviv (l’orge mûre) est l’une d’ entre elles, tout
le monde se réjouit. Rabbi Shime’on ben Gamaliel dit : Sur la base de la
Téqoufah. La question se pose cependant : cela veut-il dire qu’ils se
réjouissaient sur la Téqoufah ou bien qu’ils intercalaient l’année sur la base
de la Téqoufah [seulement] ? » תנו רבנן על שלשה דברים מעברין את השנה
על האביב ועל פירות האילן ועל התקופה על שנים מהן מעברין ועל אחד מהן אין מעברין ובזמן
שאביב אחד מהן הכל שמחין רבי שמעון בן גמליאל אומר על התקופה איבעיא להו על התקופה
שמחין או על התקופה מעברין תיקו (Talmud de Babylone Sanhédrin 11b)
Pour notre part, l’on
notera tout d' abord que l'avis attribué à « Nos Rabbins »,
Rabbanan, dans cette Barayta ne correspond pas à l'interprétation
Karaïte. En effet, il est dit que l'Aviv (orge mûr) pouvait n'être pas pris en
compte dans l'intercalation des années comme l'indique la mention « lorsque
l’Aviv est l’une d’ entre elles, tout le monde se réjouit ». Deux d'entre les
trois facteurs cités suffisent ; ce qui veut dire que quand même
l’orge aurait été déjà mûre, l'année aurait été intercalée si l'équinoxe et les
fruits tardaient à venir. A l’inverse, si les conditions « équinoxe » et
« fruits » étaient remplis, l’on n’intercalait pas l’année même si l’orge
n’était pas encore mûr ; la règle étant que « sur un seul [facteur], l’année
n’est pas intercalée » על אחד מהן אין מעברין. Ceci démontre une fois
de plus que « mois de l’Aviv » n’équivaut pas forcément à « mois d’orge mûr ».
Il semble qu’aux yeux des « Rabbanan » dont la position est citée dans cette
Barayta, il faut, pour que ce soit le printemps, que l'équinoxe soit accompagné
des signes printaniers. Ensuite, l’on voit que Rabban Shime'on fils de
Gamaliel, qui était le Président du Sanhédrin donc le dépositaire du secret de
l'intercalation, précise que l'année est intercalée sur la base de
l’équinoxe על התקופה, un détail que les Karaïtes omettent de mentionner.
Afin de mieux en comprendre la signification, il serait opportun de citer
l'enseignement du Rav Eviathar qui l'explique manifestement mieux que les
Karaïtes qui en déforment le sens :
« Dans
les Pirqéi de-Rabbi Eliezer ben Horkénos, il est dit : L'année est intercalée
sur la base de trois choses : sur les arbres, sur les herbes et sur l'équinoxe.
L'année n'est pas intercalée sur la base d'une seule de ces choses mais sur au
moins deux. L'année n'est intercalée ni sur la base des plantes ni sur les
herbes jusqu'à ce que l'équinoxe fasse partie [des facteurs considérés] ; on
tient compte de l'un mais pas des deux (les arbres et les herbes) en même
temps. On intercale l'année sur la base de l' équinoxe » בפרק ר אליעזר בן הורקנוס
אום על שלשה סימנין מעברין את השנה על האילנות ועל העשבים ועל התקופות הגיעו שנים ואחד
לא הגיע אין מעברין את השנה לא על האילן ולא על העשבים אלא עד שתהא תקופה אחת מהן הגיע
אחד מהן ולא הגיעו שנים מעברין את השנה על התקופה (Mégillath
Eviathar)
De cette manière, si
ce n'étaient pas les fruits, c'était l'orge qui était pris en compte avec le
facteur équinoxe. Il est bon de faire observer qu’étant donné que les fruits et
le blé se développent en temps normal sous l’effet du climat printanier, il n’y
a en règle générale pas de décalage entre le facteur « pérey ha-ilan » (fruits)
et « Aviv » (orge) d'une part et le facteur « téqoufah » (équinoxe) d'autre
part. Sauf, bien sûr, si en raison d’une sécheresse excessive, les fruits et
l’orge tardent à mûrir, dans quel cas, l’année n'était pas intercalée : «
Nos rabbins ont enseigné : Les années de disette ne sont pas intercalées » ת"ר
אין מעברין את השנה בשני רעבון (Talmoud Bavli Sanhédrin 11b-12a).
Dans la pratique, il suffisait donc de ne prendre en compte que l'équinoxe.
A l’analyse, l’on
s’aperçoit que telle fut la halakhah à l'époque du deuxième Temple. En effet,
Flavius Josèphe ne mentionne que les facteurs astronomiques lorsqu'il évoque la
détermination de la date de la Pâque par ses contemporains:
« Au mois de
Xanthicos, qui s'appelle chez nous Nisan et qui commence l'année, le
quatorzième jour en comptant d'après la lune, quand le soleil est au Bélier , -
car c'est en ce mois que nous avons été délivrés de l'esclavage des Égyptiens -
, il a institué qu'on devait chaque année offrir le même sacrifice que
j'ai dit que nous avions offert jadis au sortir de l'Égypte, sacrifice dit Pascha
» (Antiquités Juives 3:10 :5 )
Philon d'Alexandrie,
à la même époque, et Aristobule de Panéas, vers 160 avant l'ère
chrétienne, auraient, à en croire Eusèbe de Césarée (4è siècle),
similairement déclaré :
« Il faut que
tous offrent les sacrifices de Pâques après l'équinoxe du printemps, au milieu
du premier mois, et cela se trouve, lorsque le soleil traverse le premier
segment du solaire, ou, comme quelques-uns d'entre eux l'appellent, du cercle
du Zodiaque » (Histoires Ecclésiastiques 12,17)
En outre, comment la
Mishnah peut-elle affirmer que l'orge était semé « soixante dix-jours avant la
Pâque » (Ménaḥot 7:2) si le début du mois de Nissan, au quinzième jour
duquel la Pâque tombait, n'était pas connue d'avance ? Autrement dit, comment
pouvait-on prévoir deux mois à l' avance quand la Pâque allait être célébrée si
la détermination de cette date nécessitait que l’on observe à l'état mûr ce que
l'on allait encore semer ? Il est évident que même « avant le IIè siècle », les
Rabbanites se basaient sur les calculs et n’attendaient pas de voir mûrir les
épis d’orge pour déterminer quand l’année allait débuter. Même après, les juifs
ne se basaient que sur l’équinoxe et ce, bien avant Hillel II :
« Houna b. Avin
envoya ce message à Rava : Si tu constates que la Téqoufah de Tévet (la saison
hivernale) s’étend jusqu’au 16 Nissan, déclare sans crainte l’année comme
embolismique, car il est écrit : " Garde le mois de l’Aviv ", veille
à ce que l’équinoxe du printemps ait lieu au mois de Nissan » כד
חזית דמשכה תקופת טבת עד שיתסר בניסן עברה לההיא שתא ולא תחוש לה דכתיב שמור את חדש
האביב שמור אביב של תקופה שיהא בחדש ניסן (Talmud de babylone Rosh Ha-shanah
21a)
Aussi, à moins qu’il
fut prophète (nous en doutons fortement), l’on ne verrait pas comment Shmouel
de Néhardea aurait-il pu « rédiger et envoyer le calendrier des soixante années
suivantes » כתב שדר ליה עיבורא דשתין שנה à Rabbi Yoḥannan (Talmud de
Babylone Ḥoulin 95b), si selon la halakhah de l’époque, il fallait pour cela
avoir recours à l’observation préalable des épis d’orge des soixante années qui
allaient suivre, des épis que Shmouel n’a de toute évidence pas encore vu
lorsqu’il entreprit de fixer d’avance les dates. Citons encore cet extrait du
Targoum, dont la formulation orale remonte à l'époque d'Ezra :
« Veillez à garder
les dates des fêtes, à intercaler l’année, à garder l’équinoxe au mois lunaire
de l’Aviv, pour y faire le sacrifice pascal devant Adonaï votre Dieu » הוון
זהירין למינטר זימני מועדיא לעבורי שתא למינטר תקופתא בירחא דאביבא למעבד ביה פיסחא
קדם ייי אלקכון (Tg. Yonathan sur Deut. 16:1)
L'on voit ainsi que
de tout temps, la halakhah était que « l'année est intercalée selon les calculs
» ; le peuple « le savait » (Talmoud Bavli Rosh Hashanah 7a). Il faut
reconnaître cependant que le Sanhédrin, pouvait occasionnellement intercaler
l'année sur la base d'autres facteurs qui n'ont rien à voir avec l'équinoxe, ni
même d’ailleurs avec l’orge. Par exemple, lorsque les ponts et les routes que
traversaient les pèlerins des communautés Israélites de la Diaspora ou les
fours où l'on faisait rôtir l'agneau pascal étaient abîmés par la pluie ou bien
lorsque les pèlerins qui ont déjà entrepris le trajet ne pouvaient pas arriver
à temps à Jérusalem, le Sanhédrin pouvait décider d'intercaler l'année et de
retarder d'un mois la date de la Pâque pour qu' il y ait le temps de réparer
les routes, les ponts ou les fours et que les pèlerins puissent arriver avant
la fête (Talmud de Babylone Sanhédrin 11a, Tossefta Sanhédrin 2,12). Mais même
en de telles circonstances, le Sanhédrin informait le peuple de l'ajout d'un
13è mois avant le 14è jour du premier Adar de l'année intercalée, soit environ
deux mois avant la date du premier Nissan qui était visiblement fixée d’avance
(Mishnah Edouyoth 7:1). Aussi , l'intercalation ne pouvait être effectuée que
sept fois pendant chaque cycle de 19 ans et il était interdit de rendre
embolismiques trois années de suite (Talmud de Babylone, Sanhédrin 12a). L’on
pouvait aussi invoquer le fait que les tourterelles ou les moutons et les boucs
destinés au sacrifice de la Pâque n’étaient pas encore suffisamment gras.
Cependant, la loi stipule qu’il ne s’agit là que de motifs auxiliaires (Talmud
de Babylone Sanhédrin 11a). Il est inutile d'insister sur le fait que tout ceci
n'est plus applicable depuis l’an 70, lorsque, faute de Temple, les pèlerinages
et les sacrifices prescrits par la Torah prirent fin.
La position des
karaïtes, qui font preuve de l'incohérence la plus absolue lorsqu' ils font
appel à la tradition qu'ils vilipendent alors qu' eux-mêmes, en tant que «
Bénéi Ha-Miqra » ("scripturalistes") sont censés baser leurs
pratiques religieuses uniquement sur l'écriture, n'a ironiquement aucun
fondement ni traditionnel ni même scripturaire solide. D'autant plus que selon
cette même tradition, l'intercalation de l'année sur la base d’autre chose que
l’équinoxe n'est applicable que lorsque le Sanhédrin siège en terre d'Israël,
et qu'en l'absence d'un Sanhédrin, l'on doit se conformer strictement au cycle
des embolismes selon l'équinoxe (Midrash Sod Ha-‘Ibbour). Cette tradition, les
Karaïtes l'ignorent volontiers lorsqu'à l'époque actuelle, ils recourent au
mûrissement de l'orge pour intercaler l'année alors qu'aucun Sanhédrin n'est en
fonction.
Un autre sujet de
controverse entre les juifs rabbiniques et les karaïtes sont les deḥiyot ou
règles d’ajournements calendaires , en particulier celle que l’on nomme « lo
adou Rosh » qui consiste en ce que Rosh Ha-shanah ne peut jamais tomber un
premier jour, un 4è jour, ou un 6è jour et qui a pour effet que la Pâque n’est
jamais célébrée un 2è jour , un 4è jour et un 6è jour ( « lo badou Pessaḥ
»). Les Karaïtes prétendent que non seulement cette règle n’est mentionnée
nulle part dans la Torah, mais aussi que les anciens Rabbanites eux-mêmes
l’ignoraient. Ils citent pour cela certains passages mishnaïques qui
mentionnent la célébration des fêtes en des jours considérés comme interdits
dans le calendrier rabbinique actuel. Mais comme le reste de leurs contentions,
celle-ci également est infondée. Nous nous contenterons de reprendre les
explications de Rabbenou Hananel sur les passages de la Mishnah que citent les
Karaïtes.
« Une fois, le 7è
jour de Soukkoth est tombé un Shabbath etc … » פעם אחת חל שביעי של ערבה להיות
בשבת (Talmud Soukkah 43a) : « Concernant cet extrait, nous
avons reçu cette tradition selon laquelle lorsque vous voyez le 7è jour de
Soukkoth qui tombe un Shabbath, c’était lorsque les années n’étaient pas fixés
selon notre fixation, comme lors de l’établissement d’une persécution » על
זה הפסק של שמועה זו קבלנו שאלו ראו יום ז של עריבה בשבת בזמן שלא נתקבעו השנים כתיקונן
כגון יסוד השמד (Rabbenou Hananel sur Soukkah 43a). Qu'une telle
persécution s'est réellement produite, les sources historiques en témoignent.
L'historien Flavius Josèphe affirme qu'en 88 avant l'ère chrétienne, le Roi
Hasmonéen Alexandre Jannée, incité par la secte des Sadducéens à laquelle il
était affilié, entama une violente campagne de persécution à l' encontre des
Pharisiens. D'après Flavius Josèphe, Jannée en fit crucifier 800 et ordonna à
ce que l'on égorge leurs femmes et leurs enfants devant leurs yeux alors qu' il
admira le massacre lors d' un festin en compagnie de ses concubines (Antiquités
13:14:2). Les manuscrits esséniens de la mer morte y font référence en ces
termes : « Le lion furieux qui remplit sa grotte d'innombrables cadavres, se
vengeant contre les interprètes de fausses lois en ce qu'il pendit des hommes
vivants sur le bois, et commit une abomination comme cela ne s'est jamais fait
en Israël auparavant » כפיר החרון אשר ימלא חורה רוב פגרי לעשות נקמות בדורשי
החלקות אשר יתלה אנשים חיים על העץ לפעול תועבה אשר לוא יעשה בישראל מלפנים
(4Q169). Les rédacteurs du Talmud se souviennent du Roi Jannée ינאי מלכא
comme de celui qui « massacra nos rabbins » מדקטל להו לרבנן
(Bérakhot 48a). Flavius Josèphe nous apprend qu'avant Alexandre Jannée, Jean
Hyrcan, un autre Roi Hasmonéen « passa à la secte des Sadducéens, abandonnant
celle des Pharisiens ; il abrogea les pratiques imposées au peuple par ceux-ci
et punit ceux qui les observaient » (Antiquités 13:10:6). D' après le Talmud le
Babylone, ce fut un rabbin répondant au nom de Shime'on ben Shataḥ, le
beau-frère d'Alexandre Jannée, qui « restaura la Torah à sa gloire originelle »
(Qidoushin 66a). La tradition nous apprend que Shime'on ben Shataḥ, parce qu’il
était le beau frère du Roi, fut le seul Pharisien autorisé à siéger au
Sanhédrin qui, à l'époque, était constitué majoritairement par des Sadducéens.
La Méguilat Ta'anith raconte que les Pharisiens sont revenus au pouvoir lorsque
Shime'on ben Shataḥ remplaça par des Pharisiens les Sadducéens du Sanhédrin
sous prétexte que ces derniers étaient incapables de répondre par des preuves
scripturaires aux questions halakhiques qui leur étaient posées (Meguilat
Ta'anith chapitre 10). Cela va de soit qu'à une époque où les pratiques
pharisiennes étaient bannies et que le Sanhédrin fut contrôlé par les
Sadducéens, les dates étaient fixées selon la loi sadducéenne et non suivant les
principes hérités de la Torah orale.
« Les os, nerfs
et le reste sont brûlés le 16 Nissan. Et si le 16 Nissan tombe un Shabbath, ils
sont brûlés le 17 Nissan » העצמות והגידין והנותר ישרפו בששה עשר חל ששה
עשר להיות בשבת ישרפו בשבעה עשר (Mishnah Pessaḥim 7:10) : « Non pas que ce
fut vraiment le 16 Nissan, car si tel était le cas, Pessaḥ aurait correspondu à
un 6è jour, mais que « si » c’était le cas, la loi serait qu’ils seraient
brûlés le lendemain, et c’est ainsi que l’interprète le Talmud de Jérusalem dans
le traité Méguillah » חל ט״ז להיות בשבת ולא חל ממש דאם כן חל פסח להיות בבד״ו,
אלא אלו חל דין הוא שישרפו למחר. וכך הוא מפורש בתלמוד ארץ ישראל במס׳ מגלד (Rabbenou
Hananel sur Pessaḥim 83a)
« Si Yom Kippour
tombe la veille du Shabbath , on ne sonne pas du Shoffar et s’il tombe après le
Shabbath, on ne fait pas la Havdalah » יום הכפורים שחל להיות ערב שבת לא היו
תוקעין ובמוצאי שבת לא היו מבדילין (Talmud Shabbath 114b) : « Il vaut la
peine de savoir que toutes ces traditions sont l’opinion des « autres », mais
que pour nous, il n’est pas possible que Yom Kippour s’entresuive avec le
Shabbath en étant avant ou après. Et il est enseigné dans la Guémara
de-‘halil (Soukkah 53a) que lorsque Yom Kippour tombe un premier jour, nous le
reportons. Et nous apprenons dans le Talmud de Jérusalem, au début du traité
Mégillah : « Rabbi Yossé dit: Il n'y a pas de 14 Adar qui tombe un deuxième
jour ou un Shabbath; car si le 14 Adar tombe un deuxième jour, le Grand Jeûne
(Yom Kippour) tombera un premier jour de la semaine, et si le 14 Adar
tombe le Shabbath, le Grand Jeûne (Yom Kippour) tombera un Arouvta (sixième
jour) ». Nous apprenons de là que même si c’est une Mishnah anonyme, c’est une
Mishnah rejetée et qui exprime une opinion personnelle, et non une Mishnah sur
laquelle on se fonde … car la loi donnée à Moïse au Sinaï est qu’il ne faut pas
placer Yom Kippour avant ou après le Shabbath » ראוי לדעת דהני כולהו שמעתתא
אליבא דאחרים, אבל לדידן לא מיתרמי לן יום הכיפורים הסמוך לשבת לא מלפניה ולא מלאחריה
ומפרש בגמרא דחליל דכד מיקלע כיפורים בחד בשבא מדחינן ליה וכו׳ ,וגרסינן בירושלמי בתחילת
מגילה אמר רבי יוסי לית כאן חל להיות בשני. לית כאן חל להיות בשבת, דאם חל י״ר בשני
צומא רבא בחד בשבא, ואם בשבת צומא רבה בעירובתא, שמעינן מינה דאע״ג דסתם משנה היא דחויה
היא ומשנת יחיד היא, ולאו דסמכא היא וכו׳ שהלכה למשה מסיני שלא לקבוע יום הכיפורים
סמוך לשבת בין מלפניה ובין מלאחריה (Rabbenou Hananel). Voir également les
commentaires des tossafistes : « Partout où il est enseigné que deux shabbats
s’entresuivent, il s’agit de l’opinion des autres (aherim) qui disent qu’entre
Atzéret et Atzéret que quatre jours de différence. Et c’est ce qu’enseigne le
Talmud dans le dernier chapitre du traité Soukkah» כל היכא דקתני תרי שבי דהוו
בהדי הדדי איתא כאחרים דאמרי אין בין עצרת לעצרת אלא ד׳ ימים בלבד והכי מפורש בש״ס
פרק בתרא דסוכה (Tossafot Shabbath 114a). Et effectivement, le Talmud
precise ailleurs qu’il s’agit là de l’opinion des « autres » qui « disaient
qu'entre Atséret et Atséret et entre Rosh Ha-shanah et Rosh Ha-shanah, il n'y a
que quatre jours de différence; cinq si l'année est embolismique » אחרים אומרים
אין בין עצרת לעצרת ואין בין ראש השנה לראש השנה אלא ארבעה ימים בלבד ואם היתה שנה
מעוברת חמשה (Talmoud Bavli Soukkah 54b). La note de bas de page de
l'Edition Soncino du Talmud explique que dans ce système calendaire, « si une
année, Atséret tombe un Dimanche, l'année suivante, il tombe un Jeudi, puisque
les 12 mois comportent alternativement 29 et 30 jours, soit en tout 354 jours
ou 50 semaines et 4 jours ». Le calendrier dont les « autres », au IIè siècle,
se sont fait les défenseurs fut ainsi le même que le calendrier rabbinique
actuel mais sans les deḥiyot. Notons que par « aḥerim », le Talmud veut dire
Rabbi Méir, lequel fut renvoyé de la Yéshivah après qu’il tenta d’usurper
l’autorité du Président du Sanhédrin. Il fut ensuite réadmis à condition que
son nom ne soit pas mentionné et qu’un pseudonyme soit utilisé à la
place. C’est la raison pour laquelle lorsque ses enseignements sont
rapportés dans la tradition rabbinique, l’expression « d’autres disent » ou « aḥerim
omrim », est utilisé. Selon Rabbenou Hananel, « Rabbi Méir n’était pas
initié dans le secret de l’intercalation … Depuis toujours, pour nos rabbins, à
chaque fois que cela se produit (c'est-à-dire lorque les fêtes tombent pendant
un jour interdit), on les ajourne comme cela a été transmis dans le secret de
l’intercalation à Moïse au Sinaï , et cette loi n’a pas été transmise à Rabbi
Méir » וקיימ"ל דלא הוי בקי ר"מ בסוד העיבור וכו' ולעולם לרבנן כל אימת
דמתרמי הכי דחינן להני היכי דמסירי להו בסוד העיבור למשה מסיני, והא הלכה לא אימסירא
לרבי מאיר (Rabbenou Hananel sur Soukkah 54b) . La Halakhah rapportée dans
le Talmud de Babylone étant en effet que « quand le premier jour de Soukkoth
tombe un vendredi, nous le reportons. Pourquoi ? Parce que si c’est le
cas, Yom Kippour est un dimanche. C’est pourquoi nous le reportons » כי מקלעינן
יום טוב ראשון בערב שבת מדחי דחינן ליה מאי טעמא כיון דאיקלע יו"ט הראשון של
חג להיות בע"ש יוה"כ אימת הוי בחד בשבת הלכך דחינן ליה
(Soukkah 54b)
Pour faire court,
d’après Rabbenou Hananel et les tossafot, lorsqu’il est parlé dans la
Mishnah de halakhot se rapportant aux dates des fêtes tombant un jour interdit,
il s’agit de traditions des « autres » qui admettaient la possibilité que les
fêtes correspondent à des jours considérés comme interdits par l’opinion
majoritaire, tandis que celles relatant des faits réels se réfèrent à l’époque
où le calendrier officiel n’était pas celui des pharisiens, mais des
sadducéens. Certains de ces enseignements se référant à des cas hypothétiques,
il est vrai, sont attribuées à des rabbanim comme Akiva (Talmud de Babylone
Soukkah 54b). Il ne faut cependant pas oublier que Rabbi Akiva interprète le
Lévitique 23,4 comme « vous (le Sanhédrin), même si vous commettez une erreur ;
vous, même si vous vous trompez intentionnellement; vous, même si vous êtes
abusés » אתם אפילו שוגגין אתם אפילו מזידין אתם אפילו מוטעין (Talmud
de Babylone Rosh ha-shanah 25a) et que, d'après sa tradition, les décisions
calendaires du grand tribunal sont valides que dates soient fixées « en leur
temps fixe ou pas » בין בזמנן בין שלא בזמנן (Mishnah Rosh Ha-shanah
II,9). Autrement dit, Rabbi Akiva ne reprend l’enseignement des « aherim
» (Rabbi Méir) qu’afin d’expliquer ce qui se ferait « si » le Sanhédrin
décidait de se « tromper intentionnellement » en faisant correspondre les dates
des fêtes en des jours interdits ; ce qui explique pourquoi les enseignements
des aherim furent repris dans la Mishnah qui, rappelons-le, incorpore une
grande partie des traditions de l’école d’Akiva. Notons par ailleurs que le
Talmud attribue explicitement ces traditions à Rabbi Akiva et suggère qu’elles
ne représentent pas la position de tous les rabbins : « Rabbi Zeira dit : Quand
j’étais dans l’école de Rab à Babylone, j’avais l’habitude de dire que
l’enseignement selon lequel « si Yom Kippour était tombé la veille du Shabbath,
ils n’auraient pas sonné du Shoffar, et s’il était tombé après la Shabbath, ils
n’auraient pas fait la Havdalah », est accepté par tous, mais quand je suis
monté en terre d’Israël , j’ai trouvé Rabbi Yéhoudah , le fils de Shime’on ben
Pazi , assis et qui disait que ceci n’était accepté que par Rabbi Akiva.
Il n’y a aucune difficulté puisque cette affirmation [que ce n’est que l’avis
de Rabbi Akiva] est celle des nos Rabbins et l’autre [que c’est accepté par
tous] est celle des autres, car il a été enseigné : les autres disent qu'entre
Atséret et Atséret et entre Rosh Ha-shanah et Rosh Ha-shanah, il n'y a que
quatre jours de différence; cinq si l'année est embolismique » אמר רבי זירא
כי הוינן בי רב בבבל הוה אמרי הא דתניא יום הכפורים שחל להיות ערב שבת לא היו תוקעין
ובמוצאי שבת לא היו מבדילין דברי הכל היא כי סליקית להתם אשכחתיה לרבי יהודה בריה דר'
שמעון בן פזי דיתיב וקאמר ר"ע היא לא קשיא הא רבנן הא אחרים היא דתניא אחרים אומרים
אין בין עצרת לעצרת ואין בין ראש השנה לראש השנה אלא ארבעה ימים בלבד ואם היתה שנה
מעוברת חמשה (Talmud de Babylone Soukkah 54b).
Outre les extraits du
Talmud de Jérusalem (Mégillah 1:2 et ‘Avodah Zarah 2b) que nous avons vu tout à
l’heure et qui indiquent que les deḥiyot furent déjà en place à l’époque
biblique, l’origine ancienne des règles d’ajournements est aussi démontrée par
cette Barayta : « S’il (le 14 Nissan) tombait un Shabbath, c’est comme si il
tombait un deuxième jour, tels sont les paroles de Rabbi Yishma’el » חל להיות
בשבת כחל להיות בשני בשבת דברי ר' ישמעאל (Talmud de Babylone Pessaḥim 58b).
Rabbenou Hananel explique que le choix du 2è jour comme exemple réside dans le
fait qu’ « il est impossible que la veille de Pessaḥ tombe le premier
jour. En effet, si la veille de Pessaḥ tombe le premier jour, alors Pessaḥ
correspondra à un 2è jour. Ceci répond à l’objection de ceux qui disent qu’aux
jours des Sages, Pessaḥ pouvait correspondre à un 2è, un 4è ou un 6è jour et
que ce n’est qu’après la clôture du Talmud qu’ils introduirent la règle du lo
badou Pessaḥ » וקתני בשני בשבת מכלל דלא אפשר ערב פסחשיחול באחד בשבת, דאם כן
יחול פסח בשני בשבת. מכאן תשובה לאומרים כי בימי החכמים חל פסח בבד״ו וכי אחרי סתימת
התלמוד תקנו בשני בשבת לא בבד״ו פסח (Rabbenou Hananel sur Talmud
Pessaḥim 58b). Ou bien selon la formulation des Tossafot : « Il n’est pas
nécessaire d’expliquer que le deuxième jour est possible, car c’est le premier
jour de la semaine pendant lequel le 14 Nissan peut tomber. En effet, il
ne peut pas tomber un premier jour en raison du principe selon lequel Pessaḥ
[le 15 Nissan] ne peut tomber un 2è, un 4è ou un 6è jour » אין צריך לפרש דדוקא
נקט שני, דהוא יומא קמא דמיקלע ביה ארבעה עשר ... דחד בשבתא לא חזי לארביסר - דלא בד"ו
פסח (Tossafot Pessaḥim 58b)
Quid alors des
raisons des deḥiyot ? Le Rav Saadia explique : « Rosh Ha-shanah ne peut tomber
un 4è jour, car cela voudrait dire que le jeûne de Yom Kippour serait observé
un 6è jour. Et la Torah a prescrit d’apporter à Yom Kippour en sacrifice un
bouc que les prêtres avaient l’obligation de manger ; or, ils ne pouvaient pas
le manger le jour à cause du jeûne, ni le cuire la nuit à cause du
Shabbath [qui commence le vendredi soir] ni attendre le premier jour car il ne
serait pas agréé » אלו היה ר"ה ביום רביעי בשבת היה אז יום הכיפורים בא
בששי בשבת והתורה חיבה להקריב בו שעיר חטאת שהכוהים חיבים לאכלו ואין יכולים לאכלד
בו ביום מפני הצום, ולא לבשלו בערב מפני השבת ולא לעכבו עד לאחד שבת משום פגול.
En réponse à ceci, Yitzḥaq Ha-Yisraeli, qui était d’avis que les deḥiyot
n’existaient pas aux temps anciens et que les sages, à l’instar des karaïtes,
se fiaient uniquement à l’apparition de la lune, affirma que selon la Mishnah «
lorsque Yom Kippour tombait la veille du Shabbath, le bouc de Yom Kippour était
mangé à la sortie du Shabbath, et les prêtres babyloniens le mangeaient cru car
ils n’étaient pas pointilleux » חל יום הכיפורים להיות בע״ש שעיר של ום הכיפורים
נאכל למוצאי שבת והבבלאים אוכלין אותו חי מפני שדעתן יפה. Mais ce n’est pas ce
qu’affirme la Mishnah qui dit le bouc était mangé, non pas à la sortie du
Shabbath, mais au soir même : « [Lorsque] Yom Kippour tombe un Shabbath, le
bouc de Yom Kippour est mangé au soir et les babyloniens le mangent cru car ils
ne sont pas pointilleux » חל להיות ערב שבת שעיר של יום הכפורים נאכל לערב,
הבבליים אוכלין אותו כשהוא חי מפני שדעתן יפה. (Mishnah Ménaḥot 11 :7). D’autre
part, la Halakhah stipule que les sacrifices doivent être mangés « le jour ou
la nuit jusqu’à minuit » ליום ולילה עד חצות (Mishnah Zevaḥim 8:3), ce
qui veut dire qu’il n’était pas permis aux prêtres d’attendre jusqu’au
lendemain. Puisque seuls les sacrifices du Shabbath pouvaient, selon la loi,
être préparés le Shabbath au Temple, le sacrifice de Yom Kippour ne pouvait de
toute évidence pas être cuit le 7è jour, raison pour laquelle « les babyloniens
le mangeaient cru ». Toutefois, cette Mishnah ne résout pas entièrement le
problème. En effet, que se serait-il passé en l’absence de cohanim «
babyloniens », en réalité des « Alexandrins » (Ménaḥot 100a), les seuls qui
avaient l’estomac assez accroché pour être capables de manger de la viande de
chèvre crue ? Expliquée selon la perspective du Rav Saadia d’ après lequel
cette Mishnah ne parle que de ce qui se ferait « si » Yom Kippour tombait un 6è
jour אלו היו , il est clair que « si » cela se produisait ,
soit le sacrifice de Yom Kippour n’aurait pas été consommé soit les prêtres
n’auraient pas terminés tout le bouc sans dégorger et la loi n’aurait pas été
respectée; raison pour laquelle le Sanhédrin a jugé prudent de faire en sorte
que Rosh Ha-shanah ne corresponde jamais à 4è jour, afin que, suivant la loi
orale, Yom Kippour n’ait pas lieu un 6è jour. L’on pourrait également, à
la manière de Rabbénou Hananel, comprendre cette Mishnah comme décrivant, non
point une situation hypothétique, mais des faits réels qui se sont produits «
lorsque les années n’étaient pas fixées selon notre fixation » בזמן שלא נתקבעו
השנים כתיקונן
De même, dit le Rav
Saadia, « il n’est pas convenable que Yom Kippour soit adjacent au Shabbath car
c’est un précepte de la Torah que pour chacun des deux, il faut ajouter un jour
profane au jour sacré et que lorsqu’ils s’attachent l’un l’autre, il faut
ajouter [un jour], de crainte de l’un des deux soit diminué» אינו ראוי להיות
יום הכיפורים סמוך לשבת מפני שדין תורה הוא בכל אחד משניהם להוסיף מחול על הקודש
ובהיתם דביקים זה לזה לא נוכל להוסיף אלא אם נגרע מהשנים. Il est à rappeler que
selon la Torah le Shabbath est un « oneg » (délice) et que par conséquent, il
est interdit d’y jeûner (Talmud Shabbath 118b, Isaïe 58,13), tandis qu’à
l’opposé, Dieu ordonna à Yom Kippour d’ « affliger vos âmes », notamment par le
jeûne (Lévitique 16,9-31; Mishnah Yoma 8,1 ; Isaïe 58,3). Sachant que Yom
Kippour, comme le Shabbath, débute quelques minutes avant le coucher du soleil
et se termine le lendemain après l’apparition des étoiles, lorsque Yom Kippour
tombe un 6è jour (du jeudi soir au vendredi soir), soit l’on jeûne encore au
début du Shabbath et l’on diminue la durée du « délice » du Shabbath, soit l’on
coupe prématurément le jeûne et l’on diminue la durée de Yom Kippour. A
l’inverse, lorsque Yom Kippour débute un premier jour (du Samedi soir au
Dimanche soir), soit l’on commence à jeûner alors que c'est encore Shabbath et
l’on diminue ainsi l’ « oneg » du 7è jour, soit on attend après la Havdalah, à
l'apparition des étoiles, et l’on diminue alors la durée de Yom Kippour.
Enfin, si Rosh
Ha-shanah tombe un premier jour, Hoshannah Rabbah aurait lieu un Shabbath, ce
qui rendrait impossible l’accomplissement du traditionnel hibbouth arayoth ou
battage des branches de saule, lesquels sont mouktsé (objet qu’il n’est pas
permis de déplacer pendant le Shabbath) pour les uns et illicites au battage le
jour du Shabbath pour les autres.
C’est pour éviter ces
situations halakhiquement problématiques que Dieu, dans sa Torah parfaite,
donna à Moïse un système calendaire dans lequel Rosh Ha-shanah ne peut tomber
ni premier jour, afin qu’ Hoshannah Rabbah n’ait pas lieu un 7è jour, ni un 4è
jour et que Yom Kippour n’ait pas lieu un 6è jour ou un 1er
jour. Afin, justement, que Rosh Ha-shanah n’ait pas lieu un jour interdit, la
durée des mois hivernaux de Mar’heshvan et Kislev, qui peuvent comporter chacun
29 ou 30 jours, sont arrangés en sortes que Pessaḥ n’ait jamais lieu un 2è
jour, un 4è jour ou 6è jour. En effet, si Pessaḥ, dans le calendrier fixe,
tombe un 2è jour, alors Rosh Ha-shanah correspondrait à un 4è jour, et si Pessaḥ
tombe un 4è jour ou un 6è jour, Rosh Ha-shanah aurait lieu un 6è jour ou un
premier jour.
Oulla explique encore
que Yom Kippour ne peut être adjacent au Shabbath hebdomadaire « en raison des
morts » משום מתיא , c'est-à-dire pour éviter qu’il y ait deux jours
de repos sabbatiques de suite pendant lesquels il serait interdit d’inhumer les
défunts, et « en raison des légumes » משום ירקיא, c'est-à-dire pour éviter
que les légumes , lesquels, si Yom Kippour tombe un 6è jour , sont
cueillis un Jeudi , se flétrissent sous l’effet du climat chaud du
Proche-Orient en attendant le Shabbath où ils seront consommées (Talmud de
Babylone Rosh Ha-shanah 20a). Ces raisons avancées par Oulla ne sont cependant
pas valables d’ après Rabbenou Hananel dont nous reprendrons ci-après
l’explication : « Oulla vint et dit : ils ont fait d’Eloul un mois de 30 jours,
en d’autres termes, il était nécessaire selon le secret de l’intercalation qui
était entre les mains du Beith Din de faire d’Eloul un mois de 30 jours. Et
pourquoi l’appelaient –ils « secret de l’intercalation » ? Car ils ne le
révélaient qu’à ceux qui étaient invités à l’étudier. Cette année là le 30ème
jour d’ Eloul [ qui aurait dû être Rosh Ha-shanah ] était adjacent au Shabbath,
et il a semblé à Oulla, lorsque celui-ci vit que le Beith din fit d’ Eloul un
mois de 30 jours, que le Beith din a agit ainsi par nécessité pour que Rosh
Ha-shanah n’ait pas lieu un 6è jour ou un premier jour afin qu’il n’y ait pas
deux jours saints qui s’entresuivent à cause de l’honneur morts ou à
cause de la joie du jour saint en raison du délice des légumes ou pour d’
autres raisons encore. Cependant, à Dieu ne plaise qu’ils aient intercalé Eloul
en raison d’autre chose que la tradition qu’ils ont reçu de Moïse notre Maître.
Il apparaît toutefois à celui à qui les fondements n’ont pas été révélés que
c’est par nécessité qu’ils le firent » עולא אמר אברוה לאלול כלומר
אצטרין כפי המסורה שהיתה ביד בית דין לעברוה לאלול. ומפני מה נקרא סוד העיבור
. מפני שבית דין לא היו מגלין אותו אלא למזומנין לעיין בדבר זה . והיה אותו שנה יום
שלושים לאלול יום הסמוך לשבת בין מלפניה בין מלאחריה . וכיון שראה עולא כי עיברו בית
דין לאלול נדמה לו שבית דין מעברין על צורך השעה שלא יבא ראש שנה בערב שבת ולא באחד
בשבת שלא לחבר שתי קדושות כאחד מפני כבוד מתים או כגון שמחת יום טוב בתענוג ירקות או
כיוצא בהן. וחלילה לעבר אלא על המסורה שמסורה בידם ממשה רבינו, אבל מי שלו נתגלו לו
העיקרים מדמה כי על כל צורך מעברין (Rabbénou Hananel sur Rosh Ha-shanah
20a). Plus tard , le Ramba"m, qui croyait à l’opposé du Rav
Saadiah , de Rabbenou Hananel, du Rav Eviathar hacohen et de Bahya ben Asher
que lorsqu’un Sanhédrin existe en terre d’Israël, le calendrier doit être fixé
selon l’observation mais que néanmoins, en l’absence d’un Sanhédrin, on doit
suivre le calendrier calculé qui, d’ après lui, a été donné par Dieu au Sinaï,
ignorera également les raisons donnés par Oulla (Hilkhoth Qidoush Haḥodesh
7:7-8). Notons, à l’adresse de ceux qui s’étonneraient du fait qu’Eloul,
contrairement au calendrier actuel où il est fixé à 29 jours, a été fixé à 30
jours à l’ époque d’ Oulla, que l’arrangement de la succession des mois pleins
et défectifs erronément attribué à Hillel II n’est selon la tradition
juive qu’un modèle donné par Dieu à Moïse et que l’on pouvait par conséquent ne
pas s’y conformer strictement et disposer autrement la succession des mois «
malé » (plein) et « ḥasser » (défectif) du moment que sont appliqués les
principes fondamentaux régissant le calendrier et que le nombre exigé de jours
que doit comporter l’année est respecté. Relevons dans le Talmud de Babylone :
« Rabbi Simay attesta au nom d'Aggée, de Zacharie et de Malachie à propos des
deux Adars : S'ils (les anciens du Sanhédrin) le souhaitaient, ils peuvent
rendre chacun d'eux malé (de 30 jours) et s'ils le voulaient, ils peuvent
rendre l'un malé (de 30 jours) et l'autre ḥasser (de 29 jours) comme cela se
fait en Diaspora » העיד רבי סימאי משום חגי זכריה ומלאכי על שני אדרים שאם רצו
לעשותן שניהן מלאין עושין שניהן חסרין עושין אחד מלא ואחד חסר עושין וכך היו נוהגין
בגולה (Talmud de Babylone Rosh Ha-shanah 19a). Toutefois, afin que les
fêtes soient célébrées en leur « temps fixe », un nombre fixe de jours était
établi en sorte que peu importe la manière dont le Sanhédrin dispose
l’ordre des mois pleins et défectifs, les solennités aient toujours lieu aux
mêmes moments que si le modèle de cycle révélé à Moïse fut suivi, comme
l’indique en ces termes le Talmud de Jérusalem : « Rabbi Yossé dit: Il
n'y a pas de 14 Adar qui tombe un deuxième jour ou un Shabbath; car si le 14
Adar tombe un deuxième jour, le Grand Jeûne (Yom Kippour) tombera un
premier jour de la semaine, et si le 14 Adar tombe le Shabbath, le Grand Jeûne
(Yom Kippour) tombera un Arouvta (sixième jour) » א"ר יוסה לית כאן חל
להיות בשני ולית כאן חל להיות בשבת חל להיות בשני צומא רבא בחד בשבא חל להיות בשבת
צומא רבא בערובתא (Yéroushalmi Mégillah 1:2). La Torah écrite y fait
allusion lorsque les dates exactes des fêtes de Nissan et de Tishri sont
données, sauf pour Shavou’oth, la seule fête tombant au mois de Sivan, dont il
est simplement dit qu’elle a lieu 49 jours après la Pâque ; ce qui semble
vouloir dire qu’étant donné que le Sanhédrin peut disposer à sa convenance la
succession des mois pleins et défectifs entre Nissan et Tishri, la date de Shavou’oth
peut varier, raison pour laquelle aucune date fixe n’est donnée pour cette fête
et qu’il est ordonné aux Israélites de procéder au décompte de l’omer
(Lévitique 23,9-16). Le Talmud de Babylone dit à ce propos : « Rav Shema'yah
répéta la tradition tannaïtique selon laquelle Atséret (Shavou'oth) est parfois
le 5, le 6 ou le 7 Sivan : le 5 si Nissan et Iyyar sont chacun de 30
jours, le 7 si chacun d'entre eux est de 29 jours et le 6 si l'un est de
30 et l'autre de 29 jours » תני רב שמעיה עצרת פעמים ה' פעמים ששה פעמים שבעה
הא כיצד שניהן מלאין חמשה שניהן חסרין שבעה אחד מלא ואחד חסר ששה (Talmud de
Babylone Rosh Ha-shanah 6a). Le modèle de la succession des mois donné
par Dieu fut néanmoins suivi depuis le don de la Torah et pendant toute la
période biblique, bien qu'il pouvait parfois arriver à l’époque d’Ezra le
scribe que l'ordre des mois pleins et défectifs soit inversée et qu' Eloul
comporte 30 jours et non pas 29 comme dans le cycle hérité de Moïse, « afin de
démontrer à tout Israël que le tribunal religieux a l’autorité de l'intercaler
» להודיע לכל ישראל שהרשות ביד בית דין לעבר (Rabbénou Hananel sur Rosh
Ha-shanah 19b). C’est également ce qui s’est passé à l’époque d’Oulla, où afin
d’éviter que Rosh Ha-shanah corresponde à un jour « interdit », « Eloul a été
intercalé » ; l’une des rares exceptions relevées dans le Talmud à la règle
selon laquelle « depuis les jours d'Ezra on n'a pas eu d’Eloul intercalé
(c'est-à-dire de trente jours) » מימות עזרא ואילך לא מצינו אלול מעובר (Talmud
de Babylone Bétzah 6a, Rosh Ha-shanah 19b et 32a)
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