Face à l’évidence
biblique, les défenseurs du calendrier essénien affirment que ce verset veut au
contraire dire : « Il a fait la lune,
pour les fêtes le soleil connait son coucher ». Les ta’amim du texte
massorétique n’autorisent cependant pas une telle lecture qui brise le rythme
musical du Psaume 104 (écoutable en audio ici). En effet, dans le texte
massorétique, l’accent disjonctif ou «
atna’h », que nous avons entouré en rouge, est placé sur le terme « mo’adim »
(fêtes), ce qui ne laisse aucun doute sur la signification réelle de ce passage
: « Il a fait la lune pour les fêtes, le
soleil connait son coucher ». Tout ceci,
l’auteur de l’Ecclésiastique (2è siècle avant l’ère chrétienne), qui entend le
terme « ḥodesh » comme
se référant à un mois lunaire, l’a très bien compris :
« La lune aussi
retourne selon son époque, maîtresse pour l’étèrnité et signe perpétuel. Par
elle la fête, les temps de l’ordonnance. Elle apparaît, traverse dans son
circuit. La nouvelle lune (ḥodesh),
comme son nom l’indique, se renouvelle (ḥadash).
Comme elle est impréssionante lors de son changement ! » וגם ירח זרח כעתו ישבות וממשלת לנצח ואות עולם : וממני מועד זמני חוק,
מופע עבר בתקופתו : חדש כשמו הוא מתחדש : מה נורא בהשתנותו (Ben sira, codex B de la Guéniza du Caire)
Ou bien selon
la version grecque intégrée au canon de
la Septante :
« La lune
aussi, toujours exacte à marquer les temps, signe éternel. C'est la lune qui
marque les fêtes, cet astre qui décroît, après son plein. C'est d'elle que le
mois tire son nom; elle croît étonnamment en sa révolution » (Ecclésiastique
43:6-8, Bible de Jérusalem)
Ce fut aussi
l’interprétation des juifs hellénisés, qui faisaient usage de la Septante où ne
figurent ni le livre d’ Enoch, ni le livre des Jubilés, ni aucun ouvrage
préconisant le calendrier solaire. Aristobule, l’un des 70 traducteurs de la
Torah en grec, suit un calendrier lunaire où la Pâque a lieu pendant la pleine
lune de Nissan (Histoires Ecclésiastiques 7 :16-18). Dans ses écrits, Philon d’
Alexandrie ne mentionne également jamais le calendrier solaire essénien, dont
il ignorait visiblement l’existence, mais
fait référence à un calendrier
basé sur la lune et calculé selon le « molad » (conjonction) ou « synodos » en
grec, à l’instar du calendrier
rabbinique :
« La troisième [fête] est la néoménie qui est
selon la conjonction (σύνοδον) de la
lune avec le soleil » (Philon, Traité
sur les lois spéciales 2,11)
« Suivant l’ordre que nous avons adopté,
parlons maintenant de la troisième fête, celle de la néoménie qui est selon la
lune, c'est-à-dire la période entre une conjonction et la suivante, la durée de
laquelle a été calculée avec précision par les écoles astronomiques χρόνος ο
άπό συνόδου έπι σύνοδον, δν μαθηματι ών παίδες εύ μάλα διηριθμή-σαντο. En
premier lieu, car elle est le début du mois, et le début que ce soit numériquement
ou chronologiquement, est honorable. En second lieu, car à cette période, il n
y a rien dans tout le ciel qui soit dépourvu de lumière. Troisièmement car à
cette période, le plus puissant et le plus important des luminaires fournit une
portion d’assistance nécessaire au luminaire moins puissant et moins important,
puisque lors de la nouvelle lune, le soleil commence à illuminer la lune d’une
lumière sensible et elle expose sa beauté à ceux qui la contemplent. Et ceci,
me semble t-il, est une leçon évidente de bonté et d’humanité aux hommes, pour
leur enseigner qu’ils ne devraient jamais s’abstenir de donner leurs propres
biens aux autres, mais en imitant les corps célestes, ils devraient éloigner
l’envie et la bannir de l’âme. La quatrième raison est que, de tous les corps
célestes, la lune traverse le zodiac au dernier rendez-vous: elle accomplit son
orbite dans un intervalle mensuel. Pour cette raison; la loi honore la fin de
son orbite, le moment où la lune finit au point de départ où elle commença son voyage,
en appelant ce jour un jour de fête ... » (Philon d’Alexandrie, Lois spéciales
2:26)
De toute
évidence, le calendrier solaire essénien était inconnu à l’époque biblique et,
en raison de son origine tardive et sectaire, n’a jamais été accepté par les
Israélites de la diaspora qui eux,
suivaient le calendrier des Pharisiens et dépendaient, pour les dates, des décisions calendaires du Sanhédrin, comme
en atteste le Talmud qui nous informe que c’était encore le cas au premier
siècle, aux temps de Rabban Gamaliel l’Ancien :
« Rabban Gamaliel et les Anciens étaient assis
sur les marches du Temple, et Yo’hannan le scribe était assis devant eux.
Rabban Gamaliel disait à ce dernier : " Ecris : […] A nos frères de la
diaspora de Babylone, à nos frères de la diaspora de Médie, à nos frères de la
diaspora héllénistique, et le reste de la diaspora d’Israël, que votre paix
abonde. Nous vous informons que les agneaux sont maigres, que les tourterelles
sont faibles, et que le printemps n’est pas encore venu. Aussi, nous a-t-il
parru convenable, à moi et à mes collègues, d’ajouter trente jours à cette
année" » מעשה ברבן גמליאל וזקנים שהיו יושבין על
גב מעלה בהר הבית ויוחנן סופר הלז יושב לפניהן.
אמר לו רבן גמליאל כתוב לאחנא בני גלותא דבבל בני גולתא דמדי בני גולתא דיוון
ושאר כל גלוותא דישראל שלמכון יסגא. מודענא
לכון דאימריא רכיכין וגוזליא דקיקין וזימנא דאביבא לא מטא ושפר מילתא באפיי ואנפי חבריי
מוספא על שתא דא תלתין יומין (Talmud de Jérusalem , Sanhédrin 1:2)
L’on comprend
ainsi que lorsqu’ il est affirmé, dans le 2è chapitre des Actes d’Apôtres, que
« des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel » ; «
Parthes, Mèdes, Elamites, et nous qui habitons, [les uns] dans la Mésopotamie,
[les autres] en Judée, et en Cappadoce, au pays du Pont, et en Asie, En
Phrygie, en Pamphylie, en Egypte, et dans ces quartiers de la Libye qui est
près de Cyrène, tant Juifs que Prosélytes ; Crétois, et Arabes » , tous ces
pèlerins venus de loin, étaient « réunis à Jérusalem » pour « le jour de la Pentecôte », c’ était suivant
le calendrier lunaire pharisien et non le calendrier karaïte, sadducéen ou
essénien. D’autant plus que la Torah ne prescrit les pèlerinages des « shalosh régalim » ou trois fêtes de pèlerinage,
qu’afin que les Israélites « se présentent devant la face du Seigneur,
l’Eternel » au Temple de Jérusalem (Exode 23,17). Or, l’on sait que les
esséniens ne fréquentaient pas le Temple, qu’ils considéraient comme souillé en
raison des pratiques pharisiennes qui étaient imposées. Reformulé autrement, ce n’était pas pour la
Pentecôte essénienne que ces pèlerins étaient réunis à Jérusalem étant donné
que les esséniens eux-mêmes abandonnèrent la pratique du pèlerinage depuis
qu’ils rompirent avec le culte sacrificiel du Temple. A en croire le livre des
Actes, non seulement les Apôtres de célébrèrent la fête en même temps que ces
pèlerins, mais le Saint Esprit vint aussi se poser sur eux à cette date,
témoignant, ce faisant, de l’approbation divine de la computation calendaire du
Sanhédrin Pharisien. Ceci ne devrait pas
nous étonner quand on sait que Yéshoua en personne dit à ses disciples :
« Les Scribes et les Pharisiens sont assis dans
la chaire de Moïse. Toutes les choses donc qu'ils vous diront d'observer,
observez-les, et les faites, mais non point leurs œuvres : parce qu'ils disent,
et ne font pas. » (Matthieu 23,2-3)
L’on notera que
parmi les disputes entre Yéshoua et les Pharisiens rapportées dans le Nouveau Testament , aucune
n’est en rapport avec le calendrier. Lorsque que dans le reste du chapitre 23
de Matthieu, Yéshoua nuance par la suite ses propos concernant l’autorité des Pharisiens, il évoque entre autres leur
hypocrisie, leur manque de miséricorde et leur élargissement plus que nécessaire
des téfilins et des tsitsiyot « afin
d’être vu des hommes » , généralement des cas spécifiques à l’école
d’interprétation shammaïte , laquelle était majoritaire au premier siècle, mais
ne trouve rien à redire sur leur calendrier alors que c’aurait été l’occasion
idéale d’exprimer son désaccord sur ce point.
L’on remarquera qu’il n’y avait nul besoin des docteurs pharisiens pour
enseigner la Torah écrite. En effet, chaque Israélite était censé posséder une
copie de la Torah. L’on pourrait ajouter que tout juif, à condition qu’il sache
lire, et pas seulement ceux qui étaient «
assis dans la chaire de Moïse », était invité à faire la lecture
publique de la « sidra » ou « parashah » (section de la Torah) à la synagogue
. Ainsi, lorsque Yéshoua enjoint à ses
disciples d’ « observer » et de « faire » tout ce que les Pharisiens assis sur
la chaire de Moïse « diront d’observer », il se réfère clairement à leur
interprétation de la Torah suivant la tradition qu’ils ont héritée de Moïse,
dans laquelle est expliquée la manière de fixer le calendrier. Non seulement
cela , mais il dit aussi qu’ ils sont « assis dans la chaire de Moïse » , ce
qui veut dire que l’ autorité légitime de Moïse , celle de trancher la loi et
de fixer les mois, leur revient . D’ ailleurs, si Yéshoua était de confession
essénienne et suivait le calendrier dit énochéen, n’aurait-il pas été plus
convenable de dire : « Les esséniens
sont assis sur la chaire de Moïse , tout ce qu’ ils vous diront d’ observer ,
observez-les et les faites » ? Ou bien : «
Faites tout ce que disent les sadducéens » s’il était un «
scripturaliste » qui suivait le « calendrier de l’Abib » ? Les Sadducéens, eux,
ne basaient leur observance religieuse que sur la Torah écrite et les
Esséniens, qui rejetaient l'autorité du Sanhédrin Pharisien, avaient leurs
propres docteurs de la loi qui occupaient eux-mêmes le siège du législateur : «
Quiconque entre dans le concile de la communauté, entrera dans l’Alliance de
Dieu en présence de tous ceux qui se portent volontaires. Il s' obligera par
serment de revenir à la Torah de Moïse,
selon tout ce qu’il a ordonné, de tout son coeur et de toute son âme, en accord
avec tout ce qui fut révélé aux fils de Tsadok, les cohanim qui gardent l’Alliance
et qui interprètent Sa volonté » כול הבא לעצת היחד יבוא בברית אל לעיני
כול המתנדבים ויקם על נפשו בשבועת אסר לשוב אל תורת מושה ככול אשר צוה בכול לב ובכול
נפש לכול הנגלה ממנה לבני צדוק הכוהנים שומרי הברית ודורשי רצונו
(Manuel de discipline Col. 5:7-9)
Les défenseurs
du calendrier essénien croient toutefois retrouver, en Jean 11 :9-10, la trace de l’opposition de
Yéshoua au calendrier rabbinique :
« Jésus
répondit: N'y a-t-il pas douze heures au jour? Si quelqu'un marche pendant le
jour, il ne bronche point, parce qu'il voit la lumière de ce monde; mais, si
quelqu'un marche pendant la nuit, il bronche, parce que la lumière n'est pas en
lui. » (Jean 11 :9-10, Louis Segond)
Par une
falsification incroyable du texte qu’eux seuls savent faire, ils proposent de
retraduire de la sorte le texte :
« Cela ne fait-il pas douze mois ce jour? Si
quelqu'un marche par ce jour (jour J de l'entrée du soleil par la Grande Porte
nommé équinoxe) il ne trébuchera pas car cette lumière (cette étoile ou ce
feu), ce cosmos (cercle de la terre,
arrangement des étoiles) (est) envoyé pour briller aux yeux des hommes. Mais si
quelqu'un marche par cette nuit
(possible référence aux suivis des mois lunaires) (il) trébuchera car
cette lumière (cette étoile ou feu)
n'est pas avec elle. »
Pour appuyer
cette lecture, ils avancent qu’un jour ne comporte pas forcément 12 heures de
60 minutes. Aussi, disent-ils, le grec ωρα (hora) ne doit pas s’entendre ici
dans le sens d’ « heure », mais de « mois », raison pour laquelle il faut
lire « douze mois » au lieu de « douze
heures ». Mais si tel était le cas, comment comprendre ce terme en Marc 15,33-34
? Jésus expira t-il à la « neuvième
heure » comme le disent avec raison toutes les traductions existantes ou au «
neuvième mois »? Sachant que la journée juive comporte 12 heures
proportionnelles ou « shaot zmaniot » équivalant chacune au 12è de la durée
d’ensoleillement, il n’y a pour nous
aucune raison valable d’échanger la lecture simple, claire et exacte qu’offrent
les versions françaises du Nouveau Testament pour cette traduction franchement
inintelligible.
Mais le livre
de la Révélation (12,14-6), qui dit qu’ « un temps, des temps et la moitié d’un
temps », c'est-à-dire 3 ans et demi,
équivalent à 1260 jours ne décrit-il pas un calendrier solaire de 360
jours ? Pas forcément, si l’on comprend
« un temps » comme une année embolismique ou 384 jours et « des temps » comme
deux années normales de 12 mois ou deux
fois 354 jours. Les 168 jours restants équivalent ainsi à environ 5 ,7 mois.
Mais puisque selon le Talmud de Jérusalem, « la fraction d’une période est
comme son entièreté » מקצת עונה ככולה (Yéroushalmi Shabbath 59a), l’on pourrait
donc, d’un point de vue juif, considérer les 0,7 mois des 5,7 comme un mois
entier, ce qui nous amène à 6 mois, soit la moitié d’une année ou bien « la moitié d’un temps ».
Que dire encore
du fait que le livre de la Révélation ne parle que de 12 mois ?
« Et au milieu
de la place de la Cité, et des deux côtés du fleuve était l'arbre de vie,
portant douze fruits, et rendant son fruit chaque mois; et les feuilles de
l'arbre [sont] pour la santé des Gentils » (Revélation 22 :2)
Nous répondrons
qu’il n’en est pas ainsi dans la Peshitta araméenne :
« Et au milieu
de la rue, de chaque côté, sur la rivière, l’arbre de vie qui produit douze
fruits et à toutes les lunes il rend des fruits et le feuilles guériront les
nations » במצעתא דשוקה פתיא ועל נהרא מן הרכא ומן להל קיסא דחיא דעבד פארא תרעסר
בכל ירחא יהב פארא וטרפוהי דקיסא לאסיותא דעממא
Ici, le texte
dit simplement que l’arbre de vie produit 12 fruits par mois pour les 12 tribus d’Israël, tandis que les
feuilles sont destinées aux nations ; ce
qui, en soit, est parfaitement logique. Cette version, dans laquelle aucunne
mention n’est faite du nombre de mois dans l’année n’exclut pas l’ajout à
certaines années d’un mois additionnel.
Paul, en Actes
affirme qu’il a vécu « pharisien, selon la secte la plus rigide de notre
religion » (Actes 26 :5 Louis Segond). Cependant, quiconque connait un tant
soit peu le judaïsme du premier siècle sait qu’il n’en a jamais été ainsi. Les
esséniens, dans leurs écrits, se réfèrent en effet aux pharisiens comme « les interprètes
des choses faciles » (dorsché halaqot). Flavius Josèphe rapporte que les
esséniens « observaient plus rigoureusement que les autres Juifs le repos du
sabbat » (Guerre des Juifs II:8:9). La
comparaison de la halakhah essénienne telle que codifiée dans le document de
Damas avec les sources rabbiniques anciennes révèlent d’ ailleurs que les
esséniens étaient bien plus « rigides » que les pharisiens en matière
d’observance de la Torah. En réalité, dans le texte grec des Actes, le terme que la Bible de Louis
Segond a traduit par « rigide » est ἀκριβέστατος
(akribestatos), qui signifie également «
exacte ». C’est dans ce sens que Martin a traduit ce terme en Actes 26,5
: « dès mes ancêtres j'ai vécu Pharisien, selon la secte la plus exacte de
notre Religion ». Voir aussi la traduction de Darby : « selon la secte la plus
exacte de notre culte, j'ai vécu pharisien ».
Etant donné , donc , que Paul
considère le pharisianisme comme la «
secte la plus exacte » du judaïsme , sous entendant par là que l’ essénisme et
le sadducéisme étaient « moins exactes » , l’intelligence doit en déduire que
lorsqu’ il « s’ est fait comme sous la loi , à ceux qui sont sous la loi » (1Co
9,20), il s’ est conformé à l’ interprétation pharisienne de la loi . Il le dit
explicitement dans l’épître aux Philippiens lorsqu’ il affirme qu’il était «
quant à la loi, pharisien » (Phil 3,5). Ceci nous engage à croire que lorsque
Paul célébra les fêtes juives (Actes 18:21, 20 :6 et 16), il le fit selon le calendrier des
pharisiens.
Les sources
ecclésiastiques rapportent que non seulement les juifs d’obédience rabbinique,
mais aussi les chrétiens orientaux, fidèles aux prescriptions de Jésus en
Matthieu 23:2-3, dépendaient du calendrier fixé par le Sanhédrin. Eusèbe de
Césarée y fait référence dans son ouvrage intitulé « Vie de Constantin »:
« Il y avait un
autre mal très pénible, antérieur à ceux-là, qui troublait depuis longtemps les
Eglises; c'était le désaccord au sujet de la fête salutaire; les uns disaient
qu'il fallait suivre la coutume des juifs, les autres qu'il convenait
d'observer exactement la date de l'événement, et de ne pas commettre l'erreur
de suivre ceux qui étaient étranger à la grâce évangélique » (Vie de Constantin
3,5)
La décision du
Concile de Nicée est rapportée comme suit par Eusèbe :
« Là aussi on a
examiné la question du jour très saint de la Pâque: d'un commun accord, il a
été décidé qu'il était bon que, tout, partout, la célèbrent le même jour. Quoi
de plus beau pour nous, en effet, quoi de plus vénérable que de voir cette
fête, par laquelle nous recevons l'espérance de l'immortalité, observée sans
erreur chez tous, conformément à une même ordonnance et à un calcul clair.
D'abord, il a paru indigne de célébrer cette fête très sainte en suivant la
coutume des juifs qui, pour s'être souillés les mains d'une faute criminelle,
ont à juste titre l'âme aveuglée par leur impureté … Absurde, en effet, est
leur prétention selon laquelle nous ne pouvons pas observer ces choses sans eux
» (Ibid. 3,18)
Le 70ème canon
apostolique dit encore : « Si un évêque ou un clerc jeûne avec les Juifs, ou
célèbre avec eux leurs fêtes ou reçoit d'eux les cadeaux de leurs fêtes, par
exemple des azymes ou quelque chose de semblable, qu'il soit déposé. Si c'est
un laïc, qu'il soit excommunié ». De même, le concile d’Antioche, en 341,
condamna ceux qui « agissent contre les ordonnances de Nicée au sujet de la
fête de Pâques », c'est-à-dire les chrétiens qui « osent se singulariser en
célébrant la Pâque avec les Juifs », en déclarant qu’ « ils doivent être
excommuniés »
Jean
Chrysostome , au 4è siècle , se plaignit
du fait que certains membres de l’ Eglise d’ Antioche «
assistent : les uns pour voir, d'autres même pour prendre part » à ce qu’il qualifie de « fêtes de ces
malheureux Juifs » , « fêtes continuelles, incessantes : les trompettes, les
tabernacles, les jeûnes » (Adversus Judaeos 1:5 ). Dans le 3è discours de son
ouvrage, Chrysostome s’attaque virulemment aux chrétiens qui rejetaient la
décision du concile de Nicée et qui célébraient la Pâque avec les juifs et en
même temps qu’eux, justifiant cette pratique sur le fait que « Jésus-Christ a
fait la pâque avec les Juifs ». « Allez dans les synagogues », leur dit-il, «
et voyez si let Juifs ont changé leur jeûne, s'ils ont observé le jeûne pascal
avec nous, s'ils ont quelquefois mangé pour célébrer le jour de Pâques avec
vous ; vous avez changé votre gloire,
sans en retirer aucun profit, et vous avez pris part aux rites judaïques », en
poursuivant : « quand les avez-vous vus
observer le jeûne pascal? Quand ont-ils célébré avec nous la fête des martyrs?
Quand se sont-ils joints à nous pour le jour de l'épiphanie? Ils n'accourent
pas, eux, vers la vérité, et vous, vous accourez vers l'iniquité » (Adversus
Judaeos chapitre 4). Il les accuse en
outre, dans un discours qu’il place dans la bouche de Jésus, de « faire cause commune avec ceux qui
me crucifèrent », de « s’empresser de rétablir des fêtes que j'avais
abolies » et de « se précipter dans
synagogues des juifs qui m’ont outragé»
(Adversus Judaeos 4 :7). Selon
Jean Chrysostome, ces chrétiens « considéraient les Juifs comme plus sages que
les Pères de Nicée » (Adversus Judaeos 3 :3). Il leur demande ainsi de choisir
: « Si vous croyez que le judaïsme soit la vérité, pourquoi importunez-vous
l'Eglise ? Mais, si le christianisme est vrai, comme il l'est en effet,
restez-y et suivez-le. Vous participez aux mystères; comme chrétiens, vous
adorez Jésus-Christ, vous lui demandez des grâces; et vous célébrez des fêtes
avec ses ennemis ? Et dans quelle intention, après cela, vous présentez vous à
l'église? » (Adversus Judaeos 4 :4
). Les Actes des Apôtres démontrent que
l’érreur ne fut toutefois pas du côté de ces chrétiens judéophiles qui n’ont
fait perpétuer les pratiques des non-juifs craignants Dieu des débuts de la
prédication apostolique. En effet , selon Actes 15 :21 , il fut décidé lors du
concile de Jérusalem que les non-juifs qui crurent allaient fréquenter , non
pas les églises , mais les « synagogues »
, « pendant le Shabbath » , et
non tous les dimanches , et qu’ il y sera prêché « Moïse » , c'est-à-dire la Torah , et non le sermon dominical.
Sous l’Empereur
Constantin, les persécutions anti-juives étaient telles qu’il était interdit au Sanhédrin de tenir conseil ou d’envoyer
des messagers pour informer les communautés de l’Exil des dates des fêtes. Ceci
semble avoir engendré la confusion dans certaines communautés juives à tel
point que de nombreux juifs et chrétiens non informés de l’ajout d’un 13è mois
célébraient Pessaḥ un
mois trop tôt. Le 7è canon apostolique stipule que « si un évêque ou un prêtre
ou un diacre célébre le saint jour de Pâques avant l'équinoxe de printemps avec
les Juifs, qu'il soit déposé ». Face à la gravité de la situation, le
Sanhédrin n’ avait d’ autre choix que de
rendre public le « secret de
l’intercalation » : « Houna b. Avin envoya ce message à Rava : Si tu constates
que la Téqoufah de Tévet (la saison hivernale) s’étend jusqu’au 16 Nissan,
déclare sans crainte l’année comme embolismique, car il est écrit : "
Garde le mois de l’Aviv ", veille à ce que l’équinoxe du printemps ait
lieu au mois de Nissan » כד חזית דמשכה תקופת טבת עד שיתסר בניסן עברה לההיא שתא ולא תחוש לה דכתיב
שמור את חדש האביב שמור אביב של תקופה שיהא בחדש ניסן (Talmud de babylone
Rosh Ha-shanah 21a)
Mais qu’en
était-il des disciples d’origine juive ? Il apparaît clairement, comme en
atteste une source ancienne, qu’eux aussi, en tant que juifs pieux qui ne se
différenciaient que de par leur assurance que Yéshoua’ reviendrait en tant que
Messie Roi, priaient et célébraient les fêtes avec le reste de la communauté
rabbinique :
« Après lui,
ses disciples étaient avec les juifs et les fils d’Israël dans les synagogues
de ces derniers et observaient les fêtes et les prières des (Juifs) dans les
mêmes endroits qu’eux. Cependant, il y eut un désaccord entre eux et les Juifs
concernant le Messie » (Les judéo-chrétiens des premiers siècles selon une
nouvelle source, p. 14, par Shlomo
Pines)
Le « Toledot
Yéshou », texte polémique anti-chrétien rédigé à l’époque médiévale, se réfère
également aux temps reculés où les disciples de Yéshoua « n’ont pas abandonné
la Torah d’Israël » לא היו יוצאים מתורת ישראל
si bien qu’il était pratiquement impossible de les distinguer des juifs
rabbiniques que ce soit « par la Torah, la langue, la communauté, les shabbats et les fêtes » בתורה בלשון בחבורה בשבתות ובמועדים (Das Leben Jesu nach jüdischen Quelle p. 82
et 85). En d'autres termes, les Nazaréens célébraient les fêtes en même temps
et dans les mêmes synagogues que les autres juifs de tradition pharisienne .
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