jeudi 3 août 2017

Partie 3 : lune ou soleil ?



Outre les sadducéens et les karaïtes, d’autres groupes rejetaient également le calendrier rabbinique.  Plus récemment, les fameux manuscrits esséniens de la mer morte révélèrent l’existence d’un calendrier sectaire ancien basé, non pas sur la lune comme les autres calendriers juifs, mais sur le soleil.   Quelques individus qui, à l’époque actuelle, se prétendent « esséniens » se font encore les ardents défenseurs de ce calendrier. En ne tenant compte, dans un premier temps, que de leurs objections basées sur la bible hébraïque, l’argumentaire de ces esséniens autoproclamés contre le calendrier rabbinique se résume aux points suivants :

     1)   «  Lévitique 23,37-38 dit que les fêtes sont indépendantes du Shabbath ; or , les fêtes , dans les calendriers lunaires rabbinique et karaïte ont parfois lieu un Shabbath ,ce qui n’est jamais le cas dans le « véritable calendrier » qu’est le calendrier essénien ». En y regardant de plus près, cette assertion n’est soutenue ni par le texte biblique dont la signification, il faut le dire, est peu claire et peut s’interpréter de plus d’une façon, ni par la lecture qu’en font les écrits esséniens les plus anciens. Revoyons, avant d’aller plus loin, le texte en question :
                                     Texte hébreu  
אלה מועדי יהוה אשר־תקראו אתם מקראי קדש להקריב אשה ליהוה עלה ומנחה זבח ונסכים דבר־יום ביומו׃ מלבד שבתת יהוה ומלבד מתנותיכם ומלבד כל־נדריכם ומלבד כל־נדבותיכם אשר תתנו ליהוה׃
                                    Translitération
(v. 37) Elleh mo’adé Adonaï asher tiqréou otam miqraé qodesh lehaqriv ishéh la- Adonaï ‘olah oumin’hah zéva’h ounsakhim dévar yom béyomo  (v. 38) milévad shabétot Adonaï oumilévad maténotékhem oumilévad nidrékhem ou- milévad kol nidvotékhem asher titténou la-Adonaï

Le verset 37 est clair et ne nécessite aucune explication additionnelle : « Voici les fêtes de l’Eternel que vous proclamerez, les saintes proclamations, afin d’offrir des offrandes par le feu (ishéh) à l’Eternel ; holocauste, offrande végétarienne, sacrifice et libation, chacun en son jour ». C’est au verset 38 que les choses se compliquent. En effet, le terme « milévad » מלבד  peut à la fois signifier  «  sauf »  comme en Exode 12,37 : « Vayis’ou vné Yisrael méra’amsès soukotah késhesh méot élef ragli hagévarim lévad mittaf » , « les fils d'Israël partirent de Ramsès pour Succoth au nombre d'environ six cent mille hommes de pied, à part (lévad) les enfants »  et «  outre » comme en Genèse 16,1 : « Vayhi ra’av baarèts milévad ra’av harishon » ,« Et il y eut une famine dans le pays, outre (milévad) la première famine »  ou en Nombres 29,38 : « ous’ir ‘hattat e’had milévad ‘olat hatamid oumin’hatah véniskhahh  » « Et un bouc en sacrifice pour le péché outre (milévad) l’holocauste perpétuel , le sacrifice végétarien et sa libation ». Par ailleurs, « shabbat », le singulier de « shabétot », peut désigner aussi bien le « 7eme jour » que le « sacrifice du Shabbath ». Compte tenu de la polysémie de ces deux termes, il existe ainsi quatre lectures possibles du Lévitique 23,38:

1) «  En plus des jours de shabbats de l’Eternel, et en plus de vos dons, et en plus de vos vœux et en plus de vos offrandes volontaires que vous offrirez à l’Eternel »

2) «  En plus des sacrifices shabbatiques de l’Eternel,  et en plus de vos dons, et en plus de vos vœux et en plus de vos offrandes volontaires que vous offrirez à l’Eternel »

3) «  Sauf les jours de shabbats de l’Eternel, et sauf vos dons, et sauf vos vœux et sauf vos offrandes volontaires que vous offrirez à l’Eternel »
4) « Sauf les sacrifices shabbatique de l’Eternel, et sauf vos dons, et sauf vos vœux et sauf vos offrandes volontaires que vous offrirez à l’Eternel »

Dans  la 1ère et la 3è lecture, il n’ est pas tout à fait clair si «  milévad » ( « en plus » ou « outre ») se réfère aux fêtes de l’ Eternel ; autrement dit , si le jour du Shabbat est « milévad » ( outre ou en plus ) des fêtes , comme l’interprètent les défenseurs du calendrier solaire,  ou s’il se réfère aux termes « dévar yom béyomo »  ( chacune en son jour ) du verset précédent. Suivant cette dernière possibilité, le sens du passage est soit que l’on offre tous les sacrifices énumérés dans le verset 38 ; offrandes par le feu, holocauste, offrande végétarienne et libation, « chacun en son jour » « sauf » le « jour du Shabbath », soit que ceux-ci sont effectués, « chacun en son jour », « en plus des jours de shabbats ».

La 4è lecture, où « milévad », cette fois-ci comprise dans le sens de « sauf » ou « à part », se réfère aux sacrifices énumérés dans le verset 37, est celle que proposent les auteurs sadokites du document de Damas, lesquels, contrairement à nos pseudo-esséniens, n’interprétaient pas ce texte en rapport au calendrier mais comme signifiant que seuls les sacrifices sabbatiques pouvaient être offerts au Temple le jour du Shabbath :

« Un homme ne doit apporter, le jour du Shabbath, sur l’autel que l’holocauste du Shabbat car il est écrit : Sauf vos Shabbaths » אל יעל איש למזבח בשבת כי אם עולת השבת כי כן כתוב מלבד שבתותיכם (Document de Damas 11,17-18)

Dans la 2è lecture, pour nous exacte, «  milévad » se réfère aux sacrifices des fêtes cités dans le verset 38, voulant ainsi dire que lorsqu’ une fête coïncide avec le jour du Shabbath, les sacrifices sabbatiques sont offerts «  en plus » des sacrifices festifs. C’est la lecture que font les tannaïm dans la Sifra :

« D’où savons-nous que les sacrifices additionnels du Shabbath doivent être offerts avec les sacrifices des fêtes ? L’Ecriture enseigne : En plus (milévad) du [sacrifice] du shabbat » מנין למוספי שבת שיקרבו עם אמורי הרגל? תלמוד לומר מלבד שבתת יהוה (Sifra Emor 12,10)

Et dans le Targoum néofiti :

« Outre les sacrifices d’Adonaï que vous offrez pendant les saints shabbats d’Adonaï » בר מן קרבניה דייי די אתון מקרבין בשובי קדשוי דייי (Tg Néofiti sur Levitique 23,38)

  2) D’après les défenseurs du calendrier essénien, Genèse 7,11-24 affirme que les eaux furent en crue pendant exactement 5 mois, c’est-à-dire du dix-septième jour du second mois au dix-septième jour du septième mois, équivalant à 150 jours. Chaque mois comporte donc, selon eux, exactement 30 jours (150 / 5). Mais puisqu’un mois lunaire dure en moyenne 29.5 jours, n’est-ce pas là, demandent alors les aspirants esséniens, la preuve éclatante que le calendrier lunaire est erroné ?  Comme nous l’avons noté ailleurs, cette explication n’est conforme ni au livre d’Enoch, où 5 mois équivalent à 152 jours, et non pas à 150, ni à l’enseignement des anciens esséniens qui interprétaient ce verset comme se référant à une année solaire complète (cliquer ici pour plus de détails). Le Seder Olam Rabbah, qui date  de l’époque tannaïtique,  ainsi que Rashi (voir l'explication ici) disent aussi que le texte se réfère à une année lunaire et non pas seulement à cinq mois.

     3) « Un 13è mois n’est jamais mentionné dans la Bible.  Au contraire, le livre des Rois ne mentionne que 12 mois : « Salomon avait douze intendants sur tout Israël. Ils pourvoyaient à l'entretien du roi et de sa maison, chacun pendant un mois de l'année » (1 Rois 4 :7) » : Nous répondrons simplement que la suite de ce passage suggère bien l’existence d’un mois embolismique lorsqu’il est fait mention d’un 13è intendant : « et un intendant était dans le pays » ונציב אחד אשר בארץ   (1Rois 4 :19), « ceci se réfère à l’intendant en charge pendant le mois intercalaire » (Talmud de Babylone, Sanhédrin 12a). D’autres preuves encore de l’existence d’un mois embolismique dans le calendrier biblique peuvent être relevées dans les écritures saintes :
 «  Ezéchias envoya des messagers dans tout Israël et Juda, et il écrivit aussi des lettres à Ephraïm et à Manassé, pour qu'ils vinssent à la maison de l'Eternel à Jérusalem célébrer la Pâque en l'honneur de l'Eternel, le Dieu d'Israël. Le roi, ses chefs, et toute l'assemblée avaient tenu conseil à Jérusalem, afin que la Pâque fût célébrée au second mois; car on ne pouvait la faire en son temps, parce que les sacrificateurs ne s'étaient pas sanctifiés en assez grand nombre et que le peuple n'était pas rassemblé à Jérusalem. La chose ayant eu l'approbation du roi et de toute l'assemblée  » וישלח יחזקיהו על־כל־ישראל ויהודה וגם־אגרות כתב על־אפרים ומנשה לבוא לבית־יהוה בירושלם לעשות פסח ליהוה אלהי ישראל׃ ויועץ המלך ושריו וכל־הקהל בירושלם לעשות הפסח בחדש השני׃ כי לא יכלו לעשתו בעת ההיא כי הכהנים לא־התקדשו למדי והעם לא־נאספו לירושלם׃ ויישר הדבר בעיני המלך ובעיני כל־הקהל׃  (2Rois 30,1-4)

Ici, nous nous hâtons de faire remarquer que ceci n’était pas la « deuxième Pâque » mais bien la Pâque elle-même telle que prescrite en Exode 12,21-51.  En effet, le texte nous informe que « les enfants d'Israël qui se trouvèrent à Jérusalem célébrèrent la fête des pains sans levain, pendant sept jours » (2 Chroniques 30,21), ce qui n’est pas, selon la Torah, le cas de la « deuxième Pâque » qui n’était célébrée qu’un seul jour. La Torah stipule en outre que seuls les individus qui étaient rituellement impurs et ceux en voyage, et non pas «  tout Israël et Juda », devaient célébrer la deuxième Pâque. Par ailleurs, la fête des pains sans levain était toujours célébrée au premier mois, même par ceux qui étaient rituellement impurs, lesquels n’avaient juste pas le droit de consommer l’agneau de la Pâque, raison pour laquelle ils devaient attendre pour ce faire le 15è jour du 2è mois. A l’évidence, « la Pâque », la première et non la deuxième, fut donc « célébrée au deuxième mois » cette année là. D’après Ibn Ezra, Ezéchias et les anciens «  reportèrent Nissan pendant mois de Nissan ». Autrement dit , ils décidèrent, au mois censé être celui de Nissan, de faire de l’année qui précéda une année embolismique, reportant ainsi le début de Nissan, le premier mois, et simultanément la Pâque qui avait lieu au 15è jour du premier mois , au mois suivant qui devait être en temps normal le deuxième mois .  Plusieurs conclusions s’imposent alors :

1) Un 13è mois était parfois intercalé à l’année hébraïque

2)  Un cycle préétabli d’embolismes existait et c’est suivant celle-ci que l’écriture s’exprime lorsqu’ elle dit que «  la Pâque a été célébrée au 2è mois » que l’on pourrait interpréter comme « au 2è mois, si le cycle était strictement suivi ». Néanmoins , il était loisible au Grand Sanhédrin de ne pas se conformer strictement à ce cycle et d’intercaler l’année en se basant sur des facteurs qui n’ont rien à voir avec l’astronomie , comme l’ enseigne le Midrash Sod Ha-‘Ibbour : « Bien que le Saint Béni Soit-il ait enseigné à Moïse les années non-embolismiques et les années embolismiques, l'autorité a été donnée à Moïse notre Maître et au Sanhédrin qui fut avec lui ainsi qu’aux Sanhédrins des générations futures de fixer les années selon leur volonté, car s'ils se concertent pour intercaler une année non embolismique, ils peuvent l'intercaler »

3) Le calendrier biblique était, non pas solaire,  mais lunaire, car seul un calendrier lunaire a besoin d’être intercalé d’un 13è mois afin de l’accorder avec le cycle des saisons.

Il est à propos de noter un autre point encore : Alors que l’année essénienne comporte « 364 jours seulement » (Jubilés 6 :32-38), l’année solaire en comporte 365,25. Entre l’année essénienne et l’année solaire véritable, il existe donc un écart de 1,25 jours par an. Les manuscrits esséniens eux-mêmes n’évoquent  jamais l’existence d’un jour ou d’un mois intercalaire afin de corriger cet écart qui, lorsqu’ il s’accumule, conduit inévitablement les Esséniens à célébrer la Pâque plusieurs mois en avance, soit en hiver, en automne, ou en été.  L’auteur du livre d’Enoch en a pleinement conscience et jette la faute sur les corps célestes:  « Les étoiles qui roulent sur le feu sont celles qui ont transgressé le commandement du Seigneur dès leur lever, — car elles ne sont pas venues en leur temps »  (Enoch 17 :15 ) ; «  Aux jours des pécheurs les années seront abrégées, et leur semence se retardera sur leur terre et sur leurs champs ; et toute œuvre sur la terre sera changée et n’apparaîtra plus en son temps, et la pluie sera retenue, et le ciel (l’) arrêtera. Et en ce temps le fruit de la terre sera retardé, et il ne croîtra pas en son temps, et le fruit des arbres sera arrêté en son temps … Et beaucoup erreront des chefs des étoiles de l’ordre, et ceux-ci changeront leurs voies et leur œuvre, et ils n’apparaîtront pas dans les temps qui leur sont prescrits. Et toutes les lois des étoiles seront fermées pour les pécheurs, et les pensées de ceux qui vivent sur la terre erreront à leur sujet, et ils se détourneront de toutes leurs voies et ils erreront et ils les regarderont (les étoiles) comme des dieux. Et le mal se multipliera contre eux et le châtiment viendra sur eux pour les anéantir tous.  »  (Enoch 81 :2-6). Mais ce n’est pas ce que dit la Torah qui prescrit : «  Observe de mois de l’Aviv et garde la Pâque de l’Eternel ». Autrement dit,  la Pâque doit avoir lieu au Printemps (Aviv), pendant ou après l’equinoxe vernal .

   4) « Les noms babyloniens des mois juifs indiquent leur origine babylonienne, donc païenne » : Si tel était le cas, les auteurs du livre biblique d’ Esther commirent un grave pêché lorsqu’ ils enjoignirent aux juifs de célébrer Pourim au 14è jour du mois de l’Adar, dont le nom provient l’ assyro-babylonien « Adarou », et que les Machabées et les pieux  hassidéens, fervents défenseurs du judaïsme face au paganisme, fixèrent la célébration annuelle de Hannoukah le 25è jour du mois de Kislev, dont le nom provient de celui du mois babylonien de « Kislimou » qui a lieu au même moment, prescrivant ainsi, si l’on suit la logique des détracteurs du calendrier traditionnel juif, le suivi d’un calendrier babylonien d’origine païenne. Nous croyons pour notre part que les juifs, lors de l’Exil à Babylone, adoptèrent,  comme le reconnaît la tradition rabbinique (Talmud de Jérusalem, Rosh Ha-shanah 1,2),  les noms des mois babyloniens pour désigner leurs mois, parce que, justement, les mois hébreux et babyloniens, étant lunaires, coïncidaient. Dans le cas contraire, l’on ne verrait pas comment les juifs auraient pu désigner par des noms de mois lunaires les mois du calendrier hébreu si celui-ci n’était pas également lunaire.

5) « Yéra’h, qui signifie lune, n’est jamais employé dans la Bible pour désigner le mois ». Cette assertion est contredite par les écrits bibliques post-exiliques qui , au contraire , désignent bien par le vocable « yéraḥ » (lune) les mois hébreux :
« Le mois (ḥodesh) de Ziv qui est le second mois (ḥodesh) » בחדש זו הוא החדש השניa (1Rois 6,1)

« Dans la quatrième année, on fonda la maison de l’Eternel pendant le mois (yéraḥ, lune) de Ziv » בשנה הרביעית יסד בית יהו”ה   (1 Rois 6,37)

« Pendant le mois (yéraḥ, lune) de Boul qui est le huitième mois (hodesh) » בירח בול הוא החדש השמיני  (1 Rois 6,38)

« Pendant le mois (yéraḥ, lune) de l’Etanim ... Qui est le septième mois (hodesh) »בירח האתנים ... הוא החדש השביעי  (1Rois 8,2)
Le terme « ḥodesh » lui-même, qui, en hébreu, signifie « mois », suggère que le calendrier hébreu ancien était lunaire. En effet, « ḥodesh » a « ḥadash » (nouveau) pour racine. Or, seule la lune connait un renouvellement mensuel. Dans le calendrier juif traditionnel, le premier jour du mois est marqué soit par l’invisibilité de la lune, soit par l’apparition d’un mince croissant dans le ciel pendant quelques minutes après le coucher du soleil.  Le soleil, lui, ne se renouvelle pas. Il est donc inapproprié de qualifier le mois solaire de « ḥodesh ». D’ailleurs, nous lisons ceci dans le livre des Psaumes :



 
                                         Translitération
       ‘assah yarea’h lamo’adim shémesh yada’ mévoo (Psaumes 104 :19)



Face à l’évidence biblique, les défenseurs du calendrier essénien affirment que ce verset veut au contraire dire : «  Il a fait la lune, pour les fêtes le soleil connait son coucher ». Les ta’amim du texte massorétique n’autorisent cependant pas une telle lecture qui brise le rythme musical du Psaume 104 (écoutable en audio ici). En effet, dans le texte massorétique, l’accent disjonctif ou  « atna’h », que nous avons entouré en rouge, est placé sur le terme « mo’adim » (fêtes), ce qui ne laisse aucun doute sur la signification réelle de ce passage : «  Il a fait la lune pour les fêtes, le soleil connait son coucher ».  Tout ceci, l’auteur de l’Ecclésiastique (2è siècle avant l’ère chrétienne), qui entend le terme « ḥodesh » comme se référant à un mois lunaire, l’a très bien compris :
« La lune aussi retourne selon son époque, maîtresse pour l’étèrnité et signe perpétuel. Par elle la fête, les temps de l’ordonnance. Elle apparaît, traverse dans son circuit. La nouvelle lune (ḥodesh), comme son nom l’indique, se renouvelle (ḥadash). Comme elle est impréssionante lors de son changement ! » וגם ירח זרח כעתו ישבות וממשלת לנצח ואות עולם : וממני מועד זמני חוק, מופע עבר בתקופתו : חדש כשמו הוא מתחדש : מה נורא בהשתנותו  (Ben sira, codex B de la Guéniza du Caire)
Ou bien selon la version grecque intégrée  au canon de la Septante :
« La lune aussi, toujours exacte à marquer les temps, signe éternel. C'est la lune qui marque les fêtes, cet astre qui décroît, après son plein. C'est d'elle que le mois tire son nom; elle croît étonnamment en sa révolution » (Ecclésiastique 43:6-8, Bible de Jérusalem)
Ce fut aussi l’interprétation des juifs hellénisés, qui faisaient usage de la Septante où ne figurent ni le livre d’ Enoch, ni le livre des Jubilés, ni aucun ouvrage préconisant le calendrier solaire. Aristobule, l’un des 70 traducteurs de la Torah en grec, suit un calendrier lunaire où la Pâque a lieu pendant la pleine lune de Nissan (Histoires Ecclésiastiques 7 :16-18). Dans ses écrits, Philon d’ Alexandrie ne mentionne également jamais le calendrier solaire essénien, dont il ignorait visiblement l’existence, mais  fait référence  à un calendrier basé sur la lune et calculé selon le « molad » (conjonction) ou « synodos » en grec,  à l’instar du calendrier rabbinique :
«  La troisième [fête] est la néoménie qui est selon la conjonction (σύνοδον)  de la lune avec le soleil »  (Philon, Traité sur les lois spéciales 2,11)
«  Suivant l’ordre que nous avons adopté, parlons maintenant de la troisième fête, celle de la néoménie qui est selon la lune, c'est-à-dire la période entre une conjonction et la suivante, la durée de laquelle a été calculée avec précision par les écoles astronomiques χρόνος ο άπό συνόδου έπι σύνοδον, δν μαθηματι ών παίδες εύ μάλα διηριθμή-σαντο. En premier lieu, car elle est le début du mois, et le début que ce soit numériquement ou chronologiquement, est honorable. En second lieu, car à cette période, il n y a rien dans tout le ciel qui soit dépourvu de lumière. Troisièmement car à cette période, le plus puissant et le plus important des luminaires fournit une portion d’assistance nécessaire au luminaire moins puissant et moins important, puisque lors de la nouvelle lune, le soleil commence à illuminer la lune d’une lumière sensible et elle expose sa beauté à ceux qui la contemplent. Et ceci, me semble t-il, est une leçon évidente de bonté et d’humanité aux hommes, pour leur enseigner qu’ils ne devraient jamais s’abstenir de donner leurs propres biens aux autres, mais en imitant les corps célestes, ils devraient éloigner l’envie et la bannir de l’âme. La quatrième raison est que, de tous les corps célestes, la lune traverse le zodiac au dernier rendez-vous: elle accomplit son orbite dans un intervalle mensuel. Pour cette raison; la loi honore la fin de son orbite, le moment où la lune finit au point de départ où elle commença son voyage, en appelant ce jour un jour de fête ... » (Philon d’Alexandrie, Lois spéciales 2:26)
De toute évidence, le calendrier solaire essénien était inconnu à l’époque biblique et, en raison de son origine tardive et sectaire, n’a jamais été accepté par les Israélites  de la diaspora qui eux, suivaient le calendrier des Pharisiens et dépendaient, pour les dates,  des décisions calendaires du Sanhédrin, comme en atteste le Talmud qui nous informe que c’était encore le cas au premier siècle, aux temps de Rabban Gamaliel l’Ancien :
«  Rabban Gamaliel et les Anciens étaient assis sur les marches du Temple, et Yo’hannan le scribe était assis devant eux. Rabban Gamaliel disait à ce dernier : " Ecris : […] A nos frères de la diaspora de Babylone, à nos frères de la diaspora de Médie, à nos frères de la diaspora héllénistique, et le reste de la diaspora d’Israël, que votre paix abonde. Nous vous informons que les agneaux sont maigres, que les tourterelles sont faibles, et que le printemps n’est pas encore venu. Aussi, nous a-t-il parru convenable, à moi et à mes collègues, d’ajouter trente jours à cette année" » מעשה ברבן גמליאל וזקנים שהיו יושבין על גב מעלה בהר הבית ויוחנן סופר הלז יושב לפניהן.  אמר לו רבן גמליאל כתוב לאחנא בני גלותא דבבל בני גולתא דמדי בני גולתא דיוון ושאר כל גלוותא דישראל שלמכון יסגא.  מודענא לכון דאימריא רכיכין וגוזליא דקיקין וזימנא דאביבא לא מטא ושפר מילתא באפיי ואנפי חבריי מוספא על שתא דא תלתין יומין (Talmud de Jérusalem , Sanhédrin 1:2)
L’on comprend ainsi que lorsqu’ il est affirmé, dans le 2è chapitre des Actes d’Apôtres, que « des Juifs, hommes pieux, de toutes les nations qui sont sous le ciel » ; « Parthes, Mèdes, Elamites, et nous qui habitons, [les uns] dans la Mésopotamie, [les autres] en Judée, et en Cappadoce, au pays du Pont, et en Asie, En Phrygie, en Pamphylie, en Egypte, et dans ces quartiers de la Libye qui est près de Cyrène, tant Juifs que Prosélytes ; Crétois, et Arabes » , tous ces pèlerins venus de loin, étaient « réunis à Jérusalem » pour «  le jour de la Pentecôte », c’ était suivant le calendrier lunaire pharisien et non le calendrier karaïte, sadducéen ou essénien. D’autant plus que la Torah ne prescrit les pèlerinages des «  shalosh régalim » ou trois fêtes de pèlerinage, qu’afin  que les Israélites «  se présentent devant la face du Seigneur, l’Eternel » au Temple de Jérusalem (Exode 23,17). Or, l’on sait que les esséniens ne fréquentaient pas le Temple, qu’ils considéraient comme souillé en raison des pratiques pharisiennes qui étaient imposées.  Reformulé autrement, ce n’était pas pour la Pentecôte essénienne que ces pèlerins étaient réunis à Jérusalem étant donné que les esséniens eux-mêmes abandonnèrent la pratique du pèlerinage depuis qu’ils rompirent avec le culte sacrificiel du Temple. A en croire le livre des Actes, non seulement les Apôtres de célébrèrent la fête en même temps que ces pèlerins, mais le Saint Esprit vint aussi se poser sur eux à cette date, témoignant, ce faisant, de l’approbation divine de la computation calendaire du Sanhédrin Pharisien.  Ceci ne devrait pas nous étonner quand on sait que Yéshoua en personne dit à ses disciples :
«  Les Scribes et les Pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse. Toutes les choses donc qu'ils vous diront d'observer, observez-les, et les faites, mais non point leurs œuvres : parce qu'ils disent, et ne font pas. »  (Matthieu 23,2-3)
L’on notera que parmi les disputes entre Yéshoua et les Pharisiens  rapportées dans le Nouveau Testament , aucune n’est en rapport avec le calendrier. Lorsque que dans le reste du chapitre 23 de Matthieu, Yéshoua nuance par la suite ses propos concernant lautorité des Pharisiens, il évoque entre autres leur hypocrisie, leur manque de miséricorde et leur élargissement plus que nécessaire des téfilins et des tsitsiyot «  afin d’être vu des hommes » , généralement des cas spécifiques à l’école d’interprétation shammaïte , laquelle était majoritaire au premier siècle, mais ne trouve rien à redire sur leur calendrier alors que c’aurait été l’occasion idéale d’exprimer son désaccord sur ce point.  L’on remarquera qu’il n’y avait nul besoin des docteurs pharisiens pour enseigner la Torah écrite. En effet, chaque Israélite était censé posséder une copie de la Torah. L’on pourrait ajouter que tout juif, à condition qu’il sache lire, et pas seulement ceux qui étaient «  assis dans la chaire de Moïse », était invité à faire la lecture publique de la « sidra » ou « parashah » (section de la Torah) à la synagogue .  Ainsi, lorsque Yéshoua enjoint à ses disciples d’ « observer » et de « faire » tout ce que les Pharisiens assis sur la chaire de Moïse « diront d’observer », il se réfère clairement à leur interprétation de la Torah suivant la tradition qu’ils ont héritée de Moïse, dans laquelle est expliquée la manière de fixer le calendrier. Non seulement cela , mais il dit aussi qu’ ils sont « assis dans la chaire de Moïse » , ce qui veut dire que l’ autorité légitime de Moïse , celle de trancher la loi et de fixer les mois, leur revient . D’ ailleurs, si Yéshoua était de confession essénienne et suivait le calendrier dit énochéen, n’aurait-il pas été plus convenable de dire : «  Les esséniens sont assis sur la chaire de Moïse , tout ce qu’ ils vous diront d’ observer , observez-les et les faites » ? Ou bien : «  Faites tout ce que disent les sadducéens » s’il était un « scripturaliste » qui suivait le « calendrier de l’Abib » ? Les Sadducéens, eux, ne basaient leur observance religieuse que sur la Torah écrite et les Esséniens, qui rejetaient l'autorité du Sanhédrin Pharisien, avaient leurs propres docteurs de la loi qui occupaient eux-mêmes le siège du législateur : « Quiconque entre dans le concile de la communauté, entrera dans l’Alliance de Dieu en présence de tous ceux qui se portent volontaires. Il s' obligera par serment  de revenir à la Torah de Moïse, selon tout ce qu’il a ordonné, de tout son coeur et de toute son âme, en accord avec tout ce qui fut révélé aux fils de Tsadok, les cohanim qui gardent l’Alliance et qui interprètent Sa volonté » כול הבא לעצת היחד יבוא בברית אל לעיני כול המתנדבים ויקם על נפשו בשבועת אסר לשוב אל תורת מושה ככול אשר צוה בכול לב ובכול נפש לכול הנגלה ממנה לבני צדוק הכוהנים שומרי הברית ודורשי רצונו (Manuel de discipline Col. 5:7-9) 
Les défenseurs du calendrier essénien croient toutefois retrouver,  en Jean 11 :9-10, la trace de l’opposition de Yéshoua au calendrier rabbinique :
« Jésus répondit: N'y a-t-il pas douze heures au jour? Si quelqu'un marche pendant le jour, il ne bronche point, parce qu'il voit la lumière de ce monde; mais, si quelqu'un marche pendant la nuit, il bronche, parce que la lumière n'est pas en lui. » (Jean 11 :9-10, Louis Segond)
Par une falsification incroyable du texte qu’eux seuls savent faire, ils proposent de retraduire de la sorte le texte :
«  Cela ne fait-il pas douze mois ce jour? Si quelqu'un marche par ce jour (jour J de l'entrée du soleil par la Grande Porte nommé équinoxe) il ne trébuchera pas car cette lumière (cette étoile ou ce feu), ce cosmos  (cercle de la terre, arrangement des étoiles) (est) envoyé pour briller aux yeux des hommes. Mais si quelqu'un marche par cette nuit  (possible référence aux suivis des mois lunaires) (il) trébuchera car cette lumière  (cette étoile ou feu) n'est pas avec elle. »
Pour appuyer cette lecture, ils avancent qu’un jour ne comporte pas forcément 12 heures de 60 minutes. Aussi, disent-ils, le grec ωρα (hora) ne doit pas s’entendre ici dans le sens d’ « heure », mais de « mois », raison pour laquelle il faut lire  « douze mois » au lieu de « douze heures ». Mais si tel était le cas, comment comprendre ce terme en Marc 15,33-34 ?  Jésus expira t-il à la « neuvième heure » comme le disent avec raison toutes les traductions existantes ou au « neuvième mois »? Sachant que la journée juive comporte 12 heures proportionnelles ou « shaot zmaniot » équivalant chacune au 12è de la durée d’ensoleillement,  il n’y a pour nous aucune raison valable d’échanger la lecture simple, claire et exacte qu’offrent les versions françaises du Nouveau Testament pour cette traduction franchement inintelligible.
Mais le livre de la Révélation (12,14-6), qui dit qu’ « un temps, des temps et la moitié d’un temps », c'est-à-dire 3 ans et demi,  équivalent à 1260 jours ne décrit-il pas un calendrier solaire de 360 jours ? Pas forcément,  si l’on comprend « un temps » comme une année embolismique ou 384 jours et « des temps » comme deux années normales de 12 mois ou  deux fois 354 jours. Les 168 jours restants équivalent ainsi à environ 5 ,7 mois. Mais puisque selon le Talmud de Jérusalem, « la fraction d’une période est comme son entièreté »  מקצת עונה ככולה (Yéroushalmi Shabbath 59a), l’on pourrait donc, d’un point de vue juif, considérer les 0,7 mois des 5,7 comme un mois entier, ce qui nous amène à 6 mois, soit la moitié d’une année ou bien «  la moitié d’un temps ».
Que dire encore du fait que le livre de la Révélation ne parle que de 12 mois ?
« Et au milieu de la place de la Cité, et des deux côtés du fleuve était l'arbre de vie, portant douze fruits, et rendant son fruit chaque mois; et les feuilles de l'arbre [sont] pour la santé des Gentils » (Revélation 22 :2)
Nous répondrons qu’il n’en est pas ainsi dans la Peshitta araméenne :
« Et au milieu de la rue, de chaque côté, sur la rivière, l’arbre de vie qui produit douze fruits et à toutes les lunes il rend des fruits et le feuilles guériront les nations »  במצעתא דשוקה פתיא ועל נהרא מן הרכא ומן להל קיסא דחיא דעבד פארא תרעסר בכל ירחא  יהב פארא וטרפוהי דקיסא לאסיותא דעממא
Ici, le texte dit simplement que l’arbre de vie produit 12 fruits par mois  pour les 12 tribus d’Israël, tandis que les feuilles sont destinées aux nations ;  ce qui, en soit, est parfaitement logique. Cette version, dans laquelle aucunne mention n’est faite du nombre de mois dans l’année n’exclut pas l’ajout à certaines années d’un mois additionnel.
Paul, en Actes affirme qu’il a vécu « pharisien, selon la secte la plus rigide de notre religion » (Actes 26 :5 Louis Segond). Cependant, quiconque connait un tant soit peu le judaïsme du premier siècle sait qu’il n’en a jamais été ainsi. Les esséniens, dans leurs écrits, se réfèrent en effet aux pharisiens comme « les interprètes des choses faciles » (dorsché halaqot). Flavius Josèphe rapporte que les esséniens « observaient plus rigoureusement que les autres Juifs le repos du sabbat »  (Guerre des Juifs II:8:9). La comparaison de la halakhah essénienne telle que codifiée dans le document de Damas avec les sources rabbiniques anciennes révèlent d’ ailleurs que les esséniens étaient bien plus « rigides » que les pharisiens en matière d’observance de la Torah. En réalité, dans le texte grec  des Actes, le terme que la Bible de Louis Segond a traduit par « rigide » est ἀκριβέστατος (akribestatos), qui signifie également «  exacte ». C’est dans ce sens que Martin a traduit ce terme en Actes 26,5 : « dès mes ancêtres j'ai vécu Pharisien, selon la secte la plus exacte de notre Religion ». Voir aussi la traduction de Darby : « selon la secte la plus exacte de notre culte, j'ai vécu pharisien ».  Etant donné ,  donc , que Paul considère le pharisianisme comme  la « secte la plus exacte » du judaïsme , sous entendant par là que l’ essénisme et le sadducéisme étaient « moins exactes » , l’intelligence doit en déduire que lorsqu’ il « s’ est fait comme sous la loi , à ceux qui sont sous la loi » (1Co 9,20), il s’ est conformé à l’ interprétation pharisienne de la loi . Il le dit explicitement dans l’épître aux Philippiens lorsqu’ il affirme qu’il était « quant à la loi, pharisien » (Phil 3,5). Ceci nous engage à croire que lorsque Paul célébra les fêtes juives (Actes 18:21, 20 :6 et  16), il le fit selon le calendrier des pharisiens.
Les sources ecclésiastiques rapportent que non seulement les juifs d’obédience rabbinique, mais aussi les chrétiens orientaux, fidèles aux prescriptions de Jésus en Matthieu 23:2-3, dépendaient du calendrier fixé par le Sanhédrin. Eusèbe de Césarée y fait référence dans son ouvrage intitulé « Vie de Constantin »:
« Il y avait un autre mal très pénible, antérieur à ceux-là, qui troublait depuis longtemps les Eglises; c'était le désaccord au sujet de la fête salutaire; les uns disaient qu'il fallait suivre la coutume des juifs, les autres qu'il convenait d'observer exactement la date de l'événement, et de ne pas commettre l'erreur de suivre ceux qui étaient étranger à la grâce évangélique » (Vie de Constantin 3,5)
La décision du Concile de Nicée est rapportée comme suit par Eusèbe :
« Là aussi on a examiné la question du jour très saint de la Pâque: d'un commun accord, il a été décidé qu'il était bon que, tout, partout, la célèbrent le même jour. Quoi de plus beau pour nous, en effet, quoi de plus vénérable que de voir cette fête, par laquelle nous recevons l'espérance de l'immortalité, observée sans erreur chez tous, conformément à une même ordonnance et à un calcul clair. D'abord, il a paru indigne de célébrer cette fête très sainte en suivant la coutume des juifs qui, pour s'être souillés les mains d'une faute criminelle, ont à juste titre l'âme aveuglée par leur impureté … Absurde, en effet, est leur prétention selon laquelle nous ne pouvons pas observer ces choses sans eux » (Ibid. 3,18)
Le 70ème canon apostolique dit encore : « Si un évêque ou un clerc jeûne avec les Juifs, ou célèbre avec eux leurs fêtes ou reçoit d'eux les cadeaux de leurs fêtes, par exemple des azymes ou quelque chose de semblable, qu'il soit déposé. Si c'est un laïc, qu'il soit excommunié ». De même, le concile d’Antioche, en 341, condamna ceux qui « agissent contre les ordonnances de Nicée au sujet de la fête de Pâques », c'est-à-dire les chrétiens qui « osent se singulariser en célébrant la Pâque avec les Juifs », en déclarant qu’ « ils doivent être excommuniés »
Jean Chrysostome ,  au 4è siècle , se plaignit du fait que certains membres de l’ Eglise d’ Antioche  «  assistent : les uns pour voir, d'autres même pour prendre part »  à ce qu’il qualifie de « fêtes de ces malheureux Juifs » , « fêtes continuelles, incessantes : les trompettes, les tabernacles, les jeûnes » (Adversus Judaeos 1:5 ). Dans le 3è discours de son ouvrage, Chrysostome s’attaque virulemment aux chrétiens qui rejetaient la décision du concile de Nicée et qui célébraient la Pâque avec les juifs et en même temps qu’eux, justifiant cette pratique sur le fait que « Jésus-Christ a fait la pâque avec les Juifs ».  «  Allez dans les synagogues », leur dit-il, « et voyez si let Juifs ont changé leur jeûne, s'ils ont observé le jeûne pascal avec nous, s'ils ont quelquefois mangé pour célébrer le jour de Pâques avec vous ;  vous avez changé votre gloire, sans en retirer aucun profit, et vous avez pris part aux rites judaïques », en poursuivant : «  quand les avez-vous vus observer le jeûne pascal? Quand ont-ils célébré avec nous la fête des martyrs? Quand se sont-ils joints à nous pour le jour de l'épiphanie? Ils n'accourent pas, eux, vers la vérité, et vous, vous accourez vers l'iniquité » (Adversus Judaeos chapitre 4).  Il les accuse en outre, dans un discours qu’il place dans la bouche de Jésus, de «  faire cause commune  avec ceux qui  me crucifèrent », de « s’empresser de rétablir des fêtes que j'avais abolies »  et de « se précipter dans synagogues des juifs qui m’ont outragé»  (Adversus Judaeos 4 :7).  Selon Jean Chrysostome, ces chrétiens « considéraient les Juifs comme plus sages que les Pères de Nicée » (Adversus Judaeos 3 :3). Il leur demande ainsi de choisir : « Si vous croyez que le judaïsme soit la vérité, pourquoi importunez-vous l'Eglise ? Mais, si le christianisme est vrai, comme il l'est en effet, restez-y et suivez-le. Vous participez aux mystères; comme chrétiens, vous adorez Jésus-Christ, vous lui demandez des grâces; et vous célébrez des fêtes avec ses ennemis ? Et dans quelle intention, après cela, vous présentez vous à l'église? »  (Adversus Judaeos 4 :4 ).  Les Actes des Apôtres démontrent que l’érreur ne fut toutefois pas du côté de ces chrétiens judéophiles qui n’ont fait perpétuer les pratiques des non-juifs craignants Dieu des débuts de la prédication apostolique. En effet , selon Actes 15 :21 , il fut décidé lors du concile de Jérusalem que les non-juifs qui crurent allaient fréquenter , non pas les églises , mais les « synagogues »  , «  pendant le Shabbath » , et non tous les dimanches , et qu’ il y sera prêché «  Moïse » , c'est-à-dire la Torah ,  et non le sermon dominical.
Sous l’Empereur Constantin, les persécutions anti-juives étaient telles qu’il  était interdit  au Sanhédrin de tenir conseil ou d’envoyer des messagers pour informer les communautés de l’Exil des dates des fêtes. Ceci semble avoir engendré la confusion dans certaines communautés juives à tel point que de nombreux juifs et chrétiens non informés de l’ajout d’un 13è mois célébraient Pessaḥ un mois trop tôt. Le 7è canon apostolique stipule que « si un évêque ou un prêtre ou un diacre célébre le saint jour de Pâques avant l'équinoxe de printemps avec les Juifs, qu'il soit déposé ». Face à la gravité de la situation, le Sanhédrin  n’ avait d’ autre choix que de rendre public le «  secret de l’intercalation » : « Houna b. Avin envoya ce message à Rava : Si tu constates que la Téqoufah de Tévet (la saison hivernale) s’étend jusqu’au 16 Nissan, déclare sans crainte l’année comme embolismique, car il est écrit : " Garde le mois de l’Aviv ", veille à ce que l’équinoxe du printemps ait lieu au mois de Nissan  » כד חזית דמשכה תקופת טבת עד שיתסר בניסן עברה לההיא שתא ולא תחוש לה דכתיב שמור את חדש האביב שמור אביב של תקופה שיהא בחדש ניסן (Talmud de babylone Rosh Ha-shanah 21a)
Mais qu’en était-il des disciples d’origine juive ? Il apparaît clairement, comme en atteste une source ancienne, qu’eux aussi, en tant que juifs pieux qui ne se différenciaient que de par leur assurance que Yéshoua’ reviendrait en tant que Messie Roi, priaient et célébraient les fêtes avec le reste de la communauté rabbinique :
« Après lui, ses disciples étaient avec les juifs et les fils d’Israël dans les synagogues de ces derniers et observaient les fêtes et les prières des (Juifs) dans les mêmes endroits qu’eux. Cependant, il y eut un désaccord entre eux et les Juifs concernant le Messie » (Les judéo-chrétiens des premiers siècles selon une nouvelle source, p. 14, par  Shlomo Pines)
Le « Toledot Yéshou », texte polémique anti-chrétien rédigé à l’époque médiévale, se réfère également aux temps reculés où les disciples de Yéshoua « n’ont pas abandonné la Torah d’Israël » לא היו יוצאים מתורת ישראל si bien qu’il était pratiquement impossible de les distinguer des juifs rabbiniques que ce soit « par la Torah, la langue, la  communauté, les shabbats et les fêtes » בתורה בלשון בחבורה בשבתות ובמועדים  (Das Leben Jesu nach jüdischen Quelle p. 82 et 85). En d'autres termes, les Nazaréens célébraient les fêtes en même temps et dans les mêmes synagogues que les autres juifs de tradition pharisienne .

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