dimanche 28 octobre 2018

Le Dieu de Yéshou`a

Première partie :
La conception biblique et juive de Dieu

Dieu est-il unique ou pluriel ? Le messie est-il littéralement ou métaphoriquement le Fils de Dieu ? L’objet de cette série d’articles sera de répondre à ces questions à la lumière du Tana"kh, des sources juives traditionnelles, essentielles pour notre compréhension des choses,  et du Nouveau Testament.

Outre la croyance chrétienne en l’abrogation de la Loi, les réponses à ces questions sensibles sont ce qui divise, plus qu’autre chose, le judaïsme et le christianisme. Aryeh Kaplan, un rabbin orthodoxe, s'exprima en ces termes à ce sujet :
« Le judaïsme rejette emphatiquement tout concept de pluralité à l'égard de Dieu; rejetant ainsi la doctrine chrétienne de la Trinité, dans la laquelle Dieu est décrit comme trois personnes en une, qui correspondent à ses manifestations dans la création, la rédemption et la révélation » (Comprendre Dieu)
Et : 
« En tant que Créateur, le pouvoir de Dieu dans le monde est illimité. Par conséquent, nous disons de Dieu qu'il est omnipotent [...]  Nous n'attribuons cependant pas à Dieu le pouvoir de faire ce qui est catégoriquement impossible [pour lui], comme se dupliquer, s'annihiler, se corporifier ou changer. Le judaïsme rejette ainsi la possibilité que Dieu ait pu prendre forme humaine » (ibid.).

Contrairement à ce que l'on entend parfois des missionnaires, la croyance en l’unicité absolue de Dieu, laquelle exclut toute notion de pluralité divine, n’est pas le produit du judaïsme tardif par opposition à un hypothétique judaïsme antique trinitaire.  Dire l'opposé serait faire fi de la tradition rabbinique ancienne qui  est très claire à ce sujet :

« Je suis l’Eternel ton Dieu. Rabbi Abbahou dit : " Un Roi de chair et de sang a un père, un frère ou un fils. Mais le Saint Béni Soit-il dit : Je ne suis pas ainsi. Je suis le premier et je suis le dernier et en dehors de moi il n’y a point de Dieu. Je suis le premier car je n’ai pas de père, et le dernier car je n’ai pas de fils et en dehors de moi il n’y a point de Dieu car je n’ai pas de frère " »
אנכי ה' אלהיך אמר ר' אבהו משל למלך בשר ודם מולך, יש לו אב או אח או בן. אמר הקב"ה: אני איני כן, ראשון ואני אחרון ומבלעדי אין אלהים. אני ראשון שאין לי אב. ואני אחרון שאין לי בן. ומבלעדי אין אלהים שאין לי אח
( Shémoth Rabbah 29 :4)

De même, en deux autres endroits de la littérature midrashique, nous lisons : 

« Ne te mêle pas avec les shonim » (Proverbes 24.21). Avec ceux qui disent qu’il existe un second ( shéni ) Dieu, ne te mêle pas. Rabbi Yéhoudah bar Simon dit : « Dans tout le pays, dit l'Éternel, Les deux tiers seront exterminés et périront  » (Zacharie 12.8) Les bouches qui déclarent qu'il existe deux divinités  seront exterminées et périront. Et qui subsistera dans le futur ? « Et l'autre tiers restera » (ibid.). Il s’agit d’Israël  […] « C'est qu'il y a tel qui est seul, et qui n'a point de second, qui aussi n'a ni fils ni frère » ( Ecc. 4:8). Il n’a ni fils ni frère, mais « Ecoute Israël, l’Eternel est notre Dieu, l’Eternel est Un » (Deut. 6 :4) »
עם שונים אל תתערב, עם אלו שאוֹמרים יש אלוה שני, אל תתערב. אמר רבי יהודה בר סימון (זכריה יג, ח): והיה בכל הארץ נאם ה' פי שנים בה יכרתו יגועו. הפיות שאומרים שתי רשויות הן יכרתו ויגועו, ומי עתיד להיות קיּם (זכריה יג, ח): והשלשית יותר בה, אלו ישראל  וכו' יש אחד ואין שני גם בן ואח אין לו. אין לו לא אח ולא בן אלּא שׁמע ישראל ה' אלהינו ה' אח
(Dévarim Rabbah 2:34)

« C'est qu'il y a tel qui est seul », c’est le Saint Béni Soit-il comme il est écrit à son sujet : « Ecoute Israël, l’Eternel est notre Dieu, l’Eternel est Un » (Deut. 6 :4). « Et qui n'a point de second », car il n’a aucun associé dans son monde. « Qui aussi n'a ni fils ni frère ». Il n’a pas de frère et n’a aucun fils. Dieu, cependant, aima les Israélites et les appela « fils », comme il est dit : «  Vous êtes des fils pour l’Eternel votre Dieu » (Deut. 15 :1) »
יש אחד ואין שני. יש אחד, זה הקּדוש ברוך הוא, שנאמר בו (דברים ו, ד): ה' אלהינו ה' אחד. ואין שני, שאין לו שתף בעולמו. גם בן ואח אין לו, אח אין לו בן מאין יש לו, אלא שחבב הקדוש ברוך הוא לישראל וקראן בנים, שׁנאמר (דברים יד, א): בנים אתם לה' אלהיכם
(Qoheleth Rabbah 4 :8)

Nous voyons que le Talmud de Jérusalem exprime la même idée :

« La figure du quatrième ressemble à celle d'un fils de Dieu - bar élahîn -  (Daniel 3:25). Rabbi Réouven dit : A ce moment, un Ange descendit des cieux, gifla la bouche de cet   impie et lui dit : Corrige tes propos ! Dieu a-t-il un fils ? Il reprit et dit : Béni soit le Dieu de Shadrak, de Méschak et de `Aved-Négo, lequel a envoyé son ange et délivré ses serviteurs. Il n’est pas écrit "son fils" mais "son ange"  »
וריויה די רביעאה דמי לבר אלהין. אמר ר' ראובן: באותה שעה ירד מלאך וסטרו לההוא רשיעא על פיו ואמר ליה תקין מילך ובר אית ליה? חזר ואמר ברוך אלההון די שדרך מישך ועביד נגו די שלה מלאכיה ושיזיב לעבדוהי, בריה אין כתיב כאן אלא מלאכיה
(Talmud de Jérusalem, Shabbath 39b)

Ces textes constituent la preuve que déjà dans l'antiquité, les juifs croyaient en une unicité divine absolue. En outre, Dieu, pour les rabbins, n’engendre ni n’est engendré et l’appellation d' « enfants de Dieu » que le Tana"kh applique aux Israélites n'est qu'une métaphore qui exprime l'affection du Créateur envers son peuple.

C'est ce qui transparaît encore plus nettement de l'opposition que manifestèrent les rabbins à l'égard de la doctrine de la Trinité. Nous lisons dans le Talmud de Jérusalem cet extrait qui met en scène Rabbi Simlaï (IIIè siècle) et des « hérétiques » qui apparaissent clairement comme des chrétiens trinitaires :

« Les hérétiques demandèrent à Rabbi Simlaï : « Combien de divinités firent le monde ? » Il leur dit : « Pourquoi me le demandez-vous ? Demandez a premier Homme comme il est dit : « Interroge donc les temps anciens qui t’ont précédé, depuis le jour où Dieu créa l’homme sur la terre » (Deut.   4 :32). Il n’est pas écrit : «  Lorsque les dieux créèrent l’homme sur la terre », mais «  Lorsque Dieu créa l’homme sur la terre ».  Ils lui dirent : « N’est-il pas écrit qu’au commencement Elohim (pluriel)  créa ? ». Il leur dit : «  Il n’est pas dit : Ils créèrent, mais : Il créa ».  Rabbi Simlaï dit : « Au sujet de tous les passages que citent les hérétiques, la réponse est à portée de main ». Ils revinrent et lui demandèrent: « Pourquoi est-il écrit : Nous ferons l’homme à notre image » (Genèse 1:26) ? Il leur répondit : «  Il n’est pas écrit que les dieux firent l’homme à leur image, mais que Dieu fit l’homme à son image ».  Ses disciples lui dirent : « Rabbi, tu les as éloigné avec un bâton. Mais que nous diras-tu ? ». Il leur dit : « Au début, Adam fut créé de la terre, et Eve fut à son tour créée à partir d'Adam, mais dorénavant, s'applique le verset : A notre image, à notre ressemblance. [Dorénavant] il n'est plus possible pour un homme [de produire un autre homme] sans une femme, ni à une femme sans un homme, ni à l'homme et à la femme sans la présence de Dieu ». Ils sont revenus et lui demandèrent: «  Pourquoi est-il écrit: Dieu (El), Dieu (Elohim), l'Eternel, il sait (Josué 22:22) ? » Il leur dit : « Il n’est pas écrit qu’ils savent, mais qu’il sait ». Ses disciples lui dirent : « Rabbi,   tu les as éloigné avec un bâton. Mais que nous diras-tu ? »  Il leur dit : « Les trois noms sont les noms d’un seul, comme quand quelqu’un dit: Basile, César, Auguste ».  Les hérétiques sont revenus et lui demandèrent: Pourquoi est-il écrit: Dieu, Dieu, l'Eternel, parle, et convoque la terre (Psaume 50:1)? » Il leur dit : « Il n'est pas écrit parlent et convoquent la terre (au pluriel) mais : Parle et convoque la terre (au singulier) ». Ses disciples lui dirent : « Rabbi, tu les as éloigné avec un bâton. Mais que nous diras-tu ? » Il leur dit: « Les trois noms sont les noms d’un seul, comme quand quelqu’un dit: Artisan, constructeur, architecte ». Les hérétiques sont revenus et lui demandèrent : « Pourquoi est-il écrit : Car c'est un Dieu saint (qédoshim - pluriel) ? ». Il leur dit: « Il n'est pas écrit: ce sont, mais : c'est un, et : il est un Dieu jaloux  ». Ses disciples lui demandèrent : « Rabbi, tu les as éloigné avec un bâton. Mais que nous diras-tu ? » Rabbi Yits'haq dit : « Sa sainteté est de toutes sortes. Rabbi Youdan dit au nom de Rabbi A'ha : Sa voie est dans la sainteté, son élocution est dans la sainteté, il s'assied dans la sainteté, le découvrement de son bras est dans la sainteté, il est redoutable et glorieux dans la sainteté [...] » Les hérétiques revinrent et lui demandèrent: « Pourquoi est-il écrit: Quelle est la grande nation qui ait Dieu aussi proches (pluriel) (Deut 4.7)  ?» Il leur dit: « Il n'est pas écrit [dans la suite] :  Comme l'Eternel, notre Dieu, est près de nous, dans tout ce pour quoi nous les invoquons,  mais : dans tout ce pour quoi nous l'invoquons ». Ses disciples lui dirent: « Rabbi, tu les as éloigné avec un bâton. Mais que nous diras-tu ? ». Il leur dit: « Il est proche dans toutes sortes de proximité »
המינין שאלו את רבי שמלאי כמה אלוהות בראו את העולם אמר להן ולי אתם שואלין לכו ושאלו את אדם הראשון שנאמר (דברים, ד) כי שאל נא לימים הראשונים וגו' אשר בראו אלהים אדם על הארץ אין כתיב כאן אלא למן היום אשר ברא אלהים אדם על הארץ. אמרו ליה והכתיב בראשית ברא אלהים אמר להן וכי בראו כתיב אין כתיב אלא ברא אמר ר' שמלאי כל מקום שפרקו המינין תשובתן בצידן חזרו ושאלו אותו מה אהן דכתיב (בראשית, א) נעשה אדם בצלמינו כדמותינו אמר להן ויבראו אלהים את האדם בצלמם אין כתיב כאן אלא ויברא אלהים את אדם בצלמו אמרו לו תלמידיו לאלו דחיתה בקנה לנו מה אתה משיב אמר להן לשעבר אדם נברא מן העפר וחוה נבראת מן אדם מאדם ואילך בצלמינו כדמותינו אי אפשר לאיש בלא אשה ואי אפשר לאשה בלא איש אי אפשר לשניהן בלא שכינה. וחזרו ושאלו אותו מה ההן דכתיב (יהושע, כב) אל אלהים ה' אל אלהים ה' הוא יודע אמר להן הם יודעים אין כתיב כאן אלא הוא יודע כתיב אמרו לו תלמידיו רבי לאלו דחית בקנה לנו מה אתה משיב אמר להן שלשתן שם אחד כאינש דאמר בסיליוס קיסר אגוסטוס חזרו ושאלו אותו מה ההן דכתיב (תהלים, נ) אל אלהים ה' דיבר ויקרא ארץ אמר להן וכי דיברו ויקראו כתיב כאן אין כתיב אלא דבר ויקרא ארץ אמרו לו תלמידיו רבי לאלו דחית בקנה ולנו מה אתה משיב אמר להן שלשתן שם אחד כאיניש דאמר ואמנון בניין אריכטיקנטן. חזרו ושאלו אתו מהו דכתיב (יהושע, כד) כי אלהים קדושים הוא. אמר להן קדושים המה אין כתיב כאן אלא הוא אל קנא הוא. אמרו לו תלמידיו רבי לאלו דחית בקנה. ולנו מה אתה משיב. אמר רבי יצחק קדוש בכל מיני קדושות. דאמר רב יודן בשם רבי אחא הקב"ה דרכו בקדושה דיבורו בקדושה וישובו בקדושה חשיפת זרועו בקדושה <אלהים> נורא ואדיר בקדושה. דרכו בקדושה (תהלים, עז) אלהים בקודש דרכך הילוכו בקדושה (תהלים, סח) הליכות אלי מלכי בקודש מושבו בקדושה (תהלים, מז) אלהים ישב על כסא קדשו דיבורו בקדושה (תהלים, סח) אלהים דביר חשיפת זרועו בקדושה (ישעיה, נב) חשף ה' את זרוע קדשו נורא ואדיר בקדושה (שמות, טו) מי כמוכה נאדר בקודש. חזרו ושאלו אותו מה אהן דכתיב (דברים, ד) מי גוי גדול אשר לו אלהים קרובים אליו. אמר להן כה' אלהינו בכל קראינו אליהם אין כתיב כאן אלא בכל קראינו אליו. אמרו לו תלמידיו רבי לאלו דחית בקנה. לנו מה אתה משיב. אמר להן קרוב בכל מיני קריבות
(Talmud de Jérusalem Bérakhoth 62b)

En réponse à ceux qui croyaient en « plusieurs puissances », lesquels, comme les hérétiques auxquels Rabbi Simlaï a eu à faire, se fondaient sur les versets bibliques où Dieu s'exprime au pluriel, le Talmud de Babylone reprend la réfutation fournie par Rabbi Yo'hanân:

« Rabbi Yo’hanan dit: Pour tous les textes sur lesquels se fondent les hérétiques, la réfutation est à portée de main. Le verset: « Nous ferons  (pluriel) l’homme à notre image » (Genèse 1:26), trouve sa réponse dans: « Et Dieu fit (singulier) l’homme à son image » (Genèse 1:27). Le passage: « Allons, descendons (pluriel), et là confondons leur langage » (Genèse 11:7), dans: « Alors l’Eternel descendit (singulier) pour voir la ville et la tour » (Genèse 11:5). Le verset: « Car c’est là que les dieux se sont révélés (pluriel) à lui » (Genèse 35:7) dans : « A Dieu qui m’a répondu (singulier) au jour de ma détresse » (Genèse 35:3).  Le passage : « Car quelle est la grande nation qui ait Dieu aussi proches (pluriel) d'elle », dans la suite même : « comme l'Eternel, notre Dieu, est pres de nous, dans tout ce pour quoi nous l'invoquons (singulier)? ». « Est-il sur la terre une seule nation qui soit comme ton peuple, comme Israël, que Dieu sont venus (pluriel)  racheter pour en former son peuple (singulier) » (2 Sam 7 :23). Le passage : « pendant que l'on plaçait des trônes » (Daniel 7 :9) dans la suite : « Et l'ancien des jours s'assit ». Pourquoi ces pluriels sont-ils nécessaires ? Comme l’a enseigné Rabbi Yo’hanan : «  Le Saint, Béni soit-il, ne fait rien sans consulter son tribunal céleste, car il est écrit : « Cette sentence est un décret des Anges veilleurs, cette résolution est un ordre des saints » (Daniel 4 :17) »
ר יוחנן כ"ם שפקרו המינים תשובתן בצידן (בראשית א, כו) נעשה אדם בצלמנו (ואומר) (בראשית א, כז) ויברא אלהים את האדם בצלמו (בראשית יא, ז) הבה נרדה ונבלה שם שפתם (בראשית יא, ה) וירד ה' לראות את העיר ואת המגדל (בראשית לה, ז) כי שם נגלו אליו האלהים (בראשית לה, ג) לאל העונה אותי ביום צרתי (דברים ד, ז) כי מי גוי גדול אשר לו אלהים קרובים אליו כה' אלהינו בכל קראנו אליו (שמואל ב ז, כג) ומי כעמך כישראל גוי אחד בארץ אשר הלכו אלהים לפדות לו לעם (דניאל ז, ט) עד די כרסוון רמיו ועתיק יומין יתיב הנך למה לי כדרבי יוחנן דא"ר יוחנן אין הקב"ה עושה דבר אא"ך נמלך בפמליא של מעלה שנאמר (דניאל ד, יד) בגזירת עירין פתגמא ובמאמר קדישין שאילתא התינח
(Talmud de Babylone, Sanhédrin 38a)

Le Targoum,  qui renferme des traditions remontant à la plus haute antiquité, affirme au sujet de Dieu qu'il est yé'hiday (Tg néofiti, le Tg-Yonathan, Tg fragmentaire sur Gn 3:22), l'équivalant Araméen de l'Hébreu ya'hid qui se réfère à une unicité absolue, et confirme dans sa paraphrase l'interprétation talmudique :
« Et Dieu dit aux anges qui servent devant lui, qui furent créés au deuxième jour de la création du monde : Nous ferons l’homme à notre image, selon notre ressemblance »
ואמר אלקים למלאכייא דמשמשין קומוי דאיתבריין ביום תניין לבריית עלמא נעבד אדם בצילמנא כדייוקננא

(Targoum Yonathan sur Genèse 1 :26)


« Et l’Eternel dit aux soixante-dix anges qui se tiennent devant lui : Venez, nous allons descendre et y confondre leur langage » 
אמר ייי לשבעין מלאכיא דקימין קומוי איתון כדון וניחות ונערבבא תמן לישנהום
(Targoum Yonathan sur Genèse 11 :7)
Nous lisons dans la Mékhilta dé-rabbi Yishma`el , un midrash tannaïtique : 
« Rabbi Papos enseigna : « L’homme est devenu comme l’un des nôtres » (Genèse 3 :22 )  – comme l’un des Anges serviteurs »
הן האדם היה כאחד ממנו", כאחד ממלאכי השרת.
(Mékhilta Béshala’h 6)
C’est ici le lieu de remarquer que l’interprétation rabbinique, qui remonte à l'époque où le christianisme n'existait pas encore, ne résulte pas des polémiques anti-chrétiennes. D'après le livre des Jubilés, un ouvrage datant du 2è siècle avant l’ère commune, un des Anges de la Présence qui furent créés le premier jour (Jubilés 2 :2 et 18)  aurait dit à Moïse que ce fut à eux que Dieu adressa les propos rapportés en Genèse 11.7 :
« Et le Seigneur notre Dieu nous dit : Voici, ils sont un peuple et ils commencèrent à œuvrer. Dorénavant, rien ne les retiendra. Allons, descendons et confondons leur langage pour qu’ils ne puissent comprendre la langue de l’autre et qu’ils soient dispersés dans les villes et les nations et qu’ils ne soient plus unis par le même but jusqu’au jour du jugement. Et le Seigneur descendit et nous descendîmes avec lui pour voir la ville et la tour que les fils des hommes ont construit » (Jubilés 10 :22-23)
L'interprétation judaïque, selon laquelle c'est aux créatures célestes que Dieu parla lorsque les écritures le montrent s'exprimant au pluriel,  est davantage corroborée par le passage d'Isaïe 6,1-8 où l'on peut lire :
« L'année de la mort du roi Ozias, je vis l’Eternel assis sur un trône très élevé, et les pans de sa robe remplissaient le temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui; ils avaient chacun six ailes; deux dont ils se couvraient la face, deux dont ils se couvraient les pieds, et deux dont ils se servaient pour voler […] J'entendis la voix de l’Eternel, disant: Qui enverrai-je, et qui marchera pour nous ? »
בשנת־מות המלך עזיהו ואראה את־אדני ישב על־כסא רם ונשא ושוליו מלאים את־ההיכל שרפים עמדים ׀ ממעל לו שש כנפים שש כנפים לאחד בשתים ׀ יכסה פניו ובשתים יכסה רגליו ובשתים יעופף  וכו' ואשמע את־קול אדני אמר את־מי אשלח ומי ילך־לנו ואמר הנני שלחני

L’on retrouve dans le troisième chapitre de la Genèse que juste après que Dieu a dit : « Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d'avancer sa main, de prendre de l'arbre de vie, d'en manger, et de vivre éternellement », des chérubins, et non le Père et le Fils et le Saint-Esprit, agitèrent leurs flamboyantes épées «  pour garder le chemin de l'arbre de vie » (Genèse 3 :24 ). L'on comprend ainsi mieux l'enseignement du Midrash :
« Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous -signifie comme l'un des anges serviteurs »
הן האדם היה כאחד ממנו, כאחד ממלאכי השרת
(Béréshit Rabbah sur Gn 3.22)
Les chrétiens trinitaires citent aussi parfois Is 6,3 : « Saint, saint, saint est l' Eternel des armées! toute la terre est pleine de sa gloire! ».  Ils prétendent que puisque « saint » est répété trois fois, ce verset démontre l’existence de la Trinité. Mais ce serait oublier qu’il est commun , dans la Bible hébraïque , de dire trois fois les expressions pour marquer l'emphase et non la pluralité :  « Ne vous livrez pas à des espérances trompeuses, en disant: C'est ici le temple de l'Eternel, le temple de l'Eternel, Le temple de l'Eternel! »  (Jer 7,4) ; « Terre, terre, terre, Ecoute la parole de l'Eternel! »  (Jer 22,8) ; « J'en ferai une ruine, une ruine, une ruine. Mais cela n'aura lieu qu'à la venue de celui à qui appartient le jugement et à qui je le remettrai »  (Ez 21,27)
Quant au verset de la Gn 19 :24, dans lequel les trinitaires et les binitaires croient retrouver la preuve d'une uni-pluralité divine, le Talmud l’explique ainsi dans cette anecdote :
«  Un hérétique dit à Rabbi Yishma`el bar Yossé : Il est écrit : ‘Alors l'Eternel fit pleuvoir du ciel sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu, de par l'Eternel’ (Gn 19 :24), n’aurait-il pas dû être écrit : ‘ de par lui-même’ ? Un blanchisseur dit: Laisse. Je vais lui répondre. [Le blanchisseur dit alors:] Il est écrit : Lémec dit à ses femmes: Ada et Tsilla, écoutez ma voix! Femmes de Lémec, écoutez ma parole! ( Gn 4:23 ) N'aurait-il pas dû être écrit: Mes femmes ? Il s'agit ici d'une expression scripturaire. De même, dans l'autre verset, il s'agit d'une expression scripturaire. D'où as-tu appris cela ? (demanda Rabbi Yishma`el ). Je l'ai entendu d'un discours de Rabbi Méir (répondit le blanchisseur) »
אמר ליה ההוא מינא לר' ישמעאל בר יוסי כתיב וה' המטיר על סדום ועל עמורה גפרית ואש מאת ה' מאתו מיבעי ליה א"ל ההוא כובס שבקיה אנא מהדרנא ליה דכתיב  ויאמר למך לנשיו עדה וצלה שמען קולי נשי למך נשיי מיבעי ליה אלא משתעי קרא הכי הכא נמי משתעי קרא הכי א"ל מנא לך הא מפירקיה דר' מאיר שמיע לי

( Talmud de Babylone,  Sanhedrin 38b )
 La même  tournure se retrouve ailleurs dans le Tanakh  :
« Salomon assembla les anciens d'Israël et tous les chefs des tribus, les princes des pères des fils d'Israël, auprès du roi Salomon à Jérusalem »
אז יקהל שלמה את־זקני ישראל את־כל־ראשי המטות נשיאי האבות לבני ישראל אל־המלך שלמה ירושלם
(1 Rois 8: 1)
« Et le Roi leur dit : Prenez avec vous les serviteurs de votre Seigneur »
ויאמר המלך להם קחו עמכם את־עבדי אדניכם
(1 Rois 1 :33)
« Le roi Assuérus dit : […] Ecrivez donc en faveur des Juifs comme il vous plaira, au nom du roi et scellez avec l'anneau du roi; car une lettre écrite au nom du roi et scellée avec l'anneau du roi ne peut être révoquée. »
ויאמר המלך אחשורש  ... ואתם כתבו על־היהודים כטוב בעיניכם בשם המלך וחתמו בטבעת המלך כי־כתב אשר־נכתב בשם־המלך ונחתום בטבעת המלך אין להשיב

                                  (Esther 8 :6-7)
Sachant tout cela, l'on ne s'étonne pas des propos du Ramba"n, qui dit lors de la Dispute de Barcelone que « la pensée d'un juif, ou de toute autre personne, ne peut tolérer » l'assertion « que le Créateur du ciel et de la terre est allé séjourner dans le ventre d'une certaine Dame Juive, s'y est développé pendant neuf mois et est né en tant que nourrisson, et a par la suite grandi et a été livré aux mains de ses ennemis qui l'ont condamné à mort et l'ont exécuté et qu'ensuite il est revenu à la vie et est retourné dans son lieu d'origine ». Tryphon le juif, au 2è siècle, dit à Justin, un père de l'église : 
« Vous prétendez que votre Christ est Dieu, qu'il a existé avant les siècles, qu'il a bien voulu naître, s'incarner, et qu'il s'est fait homme sans être né de l'homme. Ce n'est pas seulement un paradoxe qui choque toutes les idées reçues, mais encore une absurdité.» (Dialogue avec Tryphon, chapitre 48)
Et : 
« L'opinion de ceux qui ne font de Jésus-Christ qu'un homme marqué du sceau de l'élection divine à la faveur de l'onction qu'il a reçue, et par elle devenu le Christ, paraît bien plus probable que celle que vous défendez; et nous aussi, nous attendons un Christ qui ne sera qu'un homme né d'entre les hommes, et qui recevra l'onction sainte des mains d'Élie, quand celui-ci viendra. Bien que Jésus vous paraisse le Christ, vous ne devez toujours voir en lui qu'un homme, né comme les autres hommes » (ibid. chapitre 48)
Il est enseigné dans le Talmud de Jérusalem que  « si un homme te dit : "Je suis Dieu", c'est un menteur » אם יאמר לך אדם אל אני מכזב הוא (Ta`anith 2a). L'évangile de Jean témoigne que déjà pour les juifs de l'époque de Yéshou`a, l'idée que Dieu soit multiple ou se fasse homme était considérée blasphématoire :   
«  Nous ne te lapidons pas pour une bonne oeuvre, mais pour blasphème; et parce que toi, étant hommetu te fais Dieu»   (Jean 10:33)
Somme toutes, le judaïsme a de tout temps maintenu que Dieu est unique et n'engendre pas de fils, qu’il n’a ni corps ni forme visible et qu'il n'est pas ni ne deviendra jamais un mortel de chair et de sang. Traditions d’hommes, objectera-t-on. La Bible, cependant, le dit déjà très clairement :
« Ecoute, Israël! l'Eternel est notre Dieu, l’Eternel est un (é’had) »
שמע ישראל יהוה אלהינו יהוה אחד
(Deutéronome 6:4)
Le chrétiens trinitaires prétendent que le mot hébreu אחד « é’had » se réfère à une unité composite, et non à une unicité absolue. Ils s’appuient sur les versets scripturaires suivants :
« Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le premier (é’had) jour »
ויהי־ערב ויהי־בקר יום אחד
(Genèse 1 : 5)
« C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule (é’had) chair »
על־כן יעזב־איש את־אביו ואת־אמו ודבק באשתו והיו לבשר אחד
(Genèse 2 :24)
Bien qu’un matin et un soir font « un » jour, un matin et matin ne font cependant pas « un », mais deux matins. Un jour et un jour font par ailleurs deux jours et non un seul. Un homme et une femme ne font pas une seule personne. Et lorsque l’homme et la femme s'unissent,  se forme alors une nouvelle entité appelée « couple », mais un couple et un couple ne font pas un couple. De la même manière, trois êtres divins,  pleinement Dieu chacun, ne font pas un seul  Dieu (é’had), mais trois.
En hébreu, le mot « é’had », que l’on utilise pour exprimer le chiffre « un », se réfère toujours à une unicité numérique.  Le Tanakh parle ainsi d’ « un homme » - ish é’had – (Genèse 42 : 13), d’ « une sauterelle » – arbéh é’had – (Exode 10 : 19), d’ « un chérubin » – kérouv é’had – (Exode  25: 19), d’ « un bœuf » – par é’had – (Exode 29: 1), d’ « un bélier »  – ayil é’had – (Lévitique 16:5), d’ « une verge » – matéh é’had – (Nb. 16: 3), d’ « un prince » – nassi é’had - (Nombre 8: 11) d’ « un chemin » - derekh é’had – (Deutéronome 28: 7).
Il ne fait par conséquent nul doute que l’enseignement scripturaire selon lequel Dieu est « é’had » signifie qu’il n’existe qu’une seule personne Divine.
« Ainsi parle l'Eternel, roi d'Israël et son rédempteur, L'Eternel des armées: Je suis [et non nous sommes] le premier et je suis le dernier, Et hors moi [pas nous] il n'y a point de Dieu »
כה־אמר יהוה מלך־ישראל וגאלו יהוה צבאות אני ראשון ואני אחרון ומבלעדי אין אלהים
(Isaïe 44:6)

« Vous êtes mes témoins, dit l'Eternel, Vous, et mon serviteur que j'ai choisi, Afin que vous le sachiez, Que vous me croyiez et compreniez que c'est moi: Avant moi il n'a point été formé de Dieu, Et après moi il n'y en aura point »
אתם עדי נאם־יהוה ועבדי אשר בחרתי למען תדעו ותאמינו לי ותבינו כי־אני הוא לפני לא־נוצר אל ואחרי לא יהיה
(Isaïe 43:10)

« N'ayez pas peur, et ne tremblez pas; Ne te l'ai-je pas dès longtemps annoncé et déclaré? Vous êtes mes témoins: Y a-t-il un autre Dieu que moi [et non : Y a-t-il un autre Dieu que nous] ? Il n'y a pas d'autre rocher, je n'en connais point [et non nous n’en connaissons point]. »
אל־תפחדו ואל־תרהו הלא מאז השמעתיך והגדתי ואתם עדי היש אלוה מבלעדי ואין צור בל־ידעתי
(Isaïe 44:8)

« Car tu es grand, et tu opères des prodiges; toi seul, tu es Dieu »
כי־גדול אתה ועשה נפלאות אתה אלהים לבדך
(Psaume 86:10)
Certes, le mot « Elohim », utilisé dans la Bible hébraïque pour se référer à Dieu, est pluriel. Mais le pluriel, en hébreu, n’implique pas toujours une pluralité au sein de ce qu’il désigne. Le pluriel de « adon » (seigneur) est en effet appliqué dans les écritures à des individus comme Abraham (Genèse 24:9), Potiphar (Genèse  39:2),  le Pharaon (Genèse 40:1), Joseph (Genèse 42:30) et David (2 Samuel 11 :9). Ba’al, Dagon, Kémosh et Astarté, des divinités païennes singulières, sont chacun appelés « élohim » (1Samuel 5:7; 1Rois 11:33; 18:24; 1Rois 11:5). Le fait que l'écriture ne dise pas « Elohim créèrent » - barou Elohim -, mais « Elohim créa » - bara Elohim -, est la preuve que le mot Elohim appliqué à Dieu ne se réfère qu'à une seule personne.
Considérons aussi ce verset de  la Torah:
« Puisque vous n'avez vu aucune figure le jour où l'Éternel vous parla du milieu du feu, à Horeb, veillez attentivement sur vos âmes »
ונשמרתם מאד לנפשתיכם כי לא ראיתם כל־תמונה ביום דבר יהוה אליכם בחרב מתוך האש
(Deutéronome 4 :15)
L’idée est répétée dans le livre d’Isaïe :
« A qui me comparerez-vous, pour le faire mon égal? A qui me ferez-vous ressembler, pour que nous soyons semblables? »
למי תדמיוני ותשוו ותמשלוני ונדמה
    (Isaïe 46 :5)

« A qui donc ferez-vous ressembler Dieu, et quelle ressemblance lui approprierez-vous ?  [ … ] A qui me comparerez-vous, pour que je lui ressemble? Dit le Saint. »        
ואל־מי תדמיוני ואשוה יאמר קדוש ואל־מי תדמיון אל ומה־דמות תערכו לו
                             (Isaïe 40 :18 et 25)
Rabbénou Hananel expliqua dans son commentaire sur le traité Bérakhoth (6a et b) que toutes les fois où l’écriture et les textes de la tradition disent qu’un tel ou un tel vit Dieu et le décrit sous des traits anthropomorphiques, il s’agissait simplement de songes ou de visions prophétiques sans nulle réalité objective étant donné la Divinité, laquelle est incorporelle, ne peut jamais être vue dans la réalité. C'est ce qui explique par exemple, selon lui, pourquoi la Torah dit tantôt que « vous n'avez vu aucune figure le jour où l'Éternel vous parla du milieu du feu  » ( Deut 4:15 ), tantôt, au sujet d'Aaron et des soixante-dix anciens, qu' « ils virent le Dieu d'Israël » ( Ex 24:10 ). « Le verset qui dit : « Et ils virent le Dieu d’Israël » parle d’une perception du cœur (vision mentale) tandis que l’autre où il est écrit : « Vous n’avez vu aucune forme » parle d’une perception oculaire » האי קרא דכתיב ויראו, ראיית הלב , האי דכתיב כי לא ראיתם כל תמונה, ראיית העין (Rabbénou Hananel sur Bérakhoth 6a). Le texte sur lequel s'appuie Rabbénou Hananel est Osée 12.10 :  
«  J’ai parlé aux prophètes, et multiplié les visions, et par l’entremise des prophètes j'ai parlé en similitudes  »  
ודברתי על־הנביאים ואנכי חזון הרביתי וביד הנביאים אדמה
Le Ram'hal a similairement écrit :
« En Dieu, il n’existe en réalité aucune forme quelle qu’elle soit, et l’image n'est rien d'autre qu'une chose produite par Dieu pour la perception du prophète  selon sa propre volonté et pour une raison connue de lui-même. A ce propos, il a été dit aux Israélites : « Vous n’avez vu aucune forme, seulement une voix » (Deut 4 :12) et : «  Vous n’avez vu aucune image » (Deut 4 :15). Les Israélites comprirent deux choses : D’abord, qu’il n’existe dans l’Essence véritable de Dieu aucune image et ensuite qu’Il est détaché de toutes ces formes. Et lorsqu’ ils réalisèrent cela, une image prophétique parmi d'autres images prophétiques à propos de laquelle il est dit : « Et ils virent le Dieu d’Israël » ( Ex 24 :10 ) etc.  leurs a été révélée ... Et les  sages de mémoire bénie appelèrent cela une vision de la parole ( prophétique ) qui n’est pas une vision de la Gloire  en réalité mais une vision produite par la puissance de la parole ( prophétique ) »
בו יתברך באמת אין שום ציור כלל, ושאין הציור ההוא אלא דבר נעשה לעיני הנביא ברצונו יתברך על הטעם הידוע אצלו. ועל דבר זה נאמר לישראל "ותמונה אינכם רואים זולתי קול". וכן "כי לא ראיתם כל תמונה" דברים ד). כי הנה שני הדברים השיגו באמת, השיגו תחלה שאמיתת מציאותו יתברך אין בו שום ציור כלל ועיקר, והוא משולל מכל אלה הדמיונות לגמרי. ואחר הידיעה הזאת נתגלית להם גם כן תמונה מן התמונות הנבואיות, שעליה נאמר, "ויראו את אלקי ישראל" וכו'. ולזה קראו החכמים ז"ל (ספרי במדבר יב, ח) מראה דיבור שאינו מראה הכבוד באמת אלא מראה שמצטייר מכח הדיבור
( Dérekh Hashem 3:5 )  
L'antiquité de cette tradition est attestée par ces propos de Philon, un philosophe juif alexandrin qui vécut pendant la première moitié du premier siècle,  
« Abraham eut quatre vingt dix neuf ans et le Seigneur lui apparut et lui dit: Je suis ton Dieu - Genèse 17:1 - [...] Ne va pas t'imaginer que c'est sur les yeux du corps que se fait l'impression - ils ne voient, eux, que les seuls sensibles, or, les choses sensibles sont des composés tout pleins de corruption, tandis que tandis que le divin est sans composition, incorruptible -, non, ce qui reçoit la représentation de Dieu, c'est l'œil de l'âme (vision mentale)  [ ... ] Tout ce que voit l'âme, elle le voit par elle-même, sans la coopération de rien d'autre, car les objets de la pensée sont eux-mêmes lumière pour eux-mêmes. C'est de cette manière encore que nous apprenons les sciences : l'intelligence jette sur les principes des arts et  des sciences un regard qui ne s'éteint et ne s'endort jamais ; elle les voit non pas grâce à une lumière bâtarde, mais par une lumière authentique, qui tire d'elle-même son éclat. Donc, quand tu entends dire que Dieu est apparu aux yeux d'un homme, pense que cela se produit en dehors de la lumière sensible, car c'est par la pensée intelligible que l'intelligible peut seulement - et c'est normal - être perçu : la source d'irradiation la plus pure est Dieu ; aussi, il se manifeste à l'âme, il suscite des rayons de lumière qui ne laissent jamais rien dans l'ombre et éclairent tout à l'entour. Cependant, ne va pas imaginer que l'Etre, Celui qui existe en vérité, peut être percu par un homme. Nous n'avons en nous aucun moyen de nous le représenter jamais, ni sensation - il n'est pas sensible - ni intelligence. Moïse [est] l'homme qui contemple la nature sans formes visibles, et qui voit Dieu - car les oracles divins disent qu'il a pénétré dans la nuée obscure, parlant à mots couverts de l'essence invisible et incorporelle - » (De Mutatione Nominum 6-7, les parenthèses sont nôtres)       
                                Le livre d’Isaïe dit en outre  :
« Ainsi parle l'Eternel: Le ciel est mon trône, Et la terre mon marchepied. Quelle maison pourriez-vous me bâtir, Et quel lieu me donneriez-vous pour demeure? »
כה אמר יהוה השמים כסאי והארץ הדם רגלי אי־זה בית אשר תבנו־לי ואי־זה מקום מנוחתי
(Isaïe 66 :1)
Il est pareillement déclaré dans le livre du prophète Jérémie :
« Quelqu'un se pourra-t-il cacher dans quelque retraite, que je ne le voie point? dit l'Eternel. Ne remplis-je pas, moi, les cieux et la terre? dit l'Eternel »
אם־יסתר איש במסתרים ואני לא־אראנו נאם־יהוה הלוא את־השמים ואת־הארץ אני מלא נאם־יהוה
(Jérémie 24 :23)
Voilà pourquoi le Midrash dit que « le Saint Béni-soit il est le lieu où se trouve l’univers mais l’univers n’est pas le lieu où il se trouve »  הקב"ה מקומו של עולם ואין עולמו מקומו (Bereshith Rabbah 68:9)
Rabbi Aryéh Kaplan explique au sujet de la description biblique d'un  Dieu à la fois omniprésent et habitant dans le Temple :
« L'immance de Dieu implique qu'il n'existe aucun lieu dans toute la création qui soit vide de lui. L'on dit ainsi de lui qu'il est omniprésent. La Torah dit: " Toute la terre est remplie de la Gloire de Dieu " (Nombres 14:21). Il est aussi écrit que " Sa Gloire est aux cieux et sur la terre" (Psaume 148:13).  En un certain nombre d'endroits, la Torah parle de Dieu comme étant en un certain endroit à un moment donné. Cela ne signifie pas que Dieu se trouve en cet endroit et n'est pas présent ailleurs mais qu'il souhaite conférer de l'honneur et une atttention particulière à cet endroit ou, alternativement, que ses agissements y sont particulièrement visibles.  Ainsi, Dieu est dit avoir habité le saint Temple car il a conféré de l'honneur et une attention spéciale à cet endroit. Dieu est dit avoir guidé les Israélites car son activité fut particulièrement visible par rapport à eux » (Loc. cit.)
L'on peut donc comprendre que lorsque le Tana"kh dit que Dieu fut dans le Temple, ce n'est pas parce que Dieu n'était pas en d'autres endroits, mais parce que Dieu manifeste son existence au Temple plus qu'en d'autres endroits.  La sensation que l'on peut avoir de la présence et de la réalité de l'existence de la Divinité est ainsi  plus intense au Temple; ce qui donne l'impression que Dieu habite ce lieu. Suivant cette perspective; l'expression selon laquelle Dieu habite le Temple est métaphorique et non littérale. «  La Torah parle dans le language des hommes »דברה תורה כלשון בני אדם  (Talmud de Babylone Bérakhoth 37b). Il s'agit de l'une des explications traditionnelles que reprend le Rambam qui s'exprime comme suit :
« Demeurer signifie: séjourner en permanence dans un seul et même endroit; car, lorsque l'animal prolonge son séjour dans un lieu, soit commun, soit particulier, on dit qu'il demeure dans cet endroit; quoique, sans doute, il y soit en mouvement. Ce verbe s'applique métaphoriquement à ce qui est inanimé ou, pour mieux dire, à toute chose qui reste fixe et qui s'est attachée à une autre chose; on emploie donc dans ce cas le verbe demeurer, quand même l'objet auquel s'est attachée la chose en question ne serait pas un lieu; ni la chose un être inanimé; p. ex. : [Périsse le jour où je suis né, Et la nuit qui dit: Un enfant mâle est conçu! Ce jour! qu'il se change en ténèbres, Que Dieu n'en ait point souci dans le ciel, Et que la lumière ne rayonne plus sur lui! Que l'obscurité et l'ombre de la mort s'en emparent ]  Qu'un nuage demeure sur lui (Job III,5); car le nuage sans doute n'est pas un être animé, ni le jour n'est point un corps, mais une portion du temps. C'est dans ce sens métaphorique que le verbe en question a été appliqué à Dieu, je veux dire, à la permanence de sa Schékhinâ ou de sa Providence en un lieu quelconque, ou à la Providence se montrant permanente dans une chose quelconque. Il a été dit p. ex. : Et la gloire de l'Eternel demeura (Exode XXIV,17); et je demeurai au milieu des fils d'Israël (ibid. XXIV,45); Et la bienveillance de celui qui demeurait dans le buisson (Deutéronome XXIII,16). Et toutes les fois où ce verbe est appliqué à Dieu, il désigne la permanence dans quelque lieu, de sa Schékhinâ, je veux dire de sa lumière qui est une chose créée, ou la permanence de la Providence se manifestant dans une chose quelconque selon ce qui convient à chaque passage » (Guide des égarés, traduction de Salomon Munk, p. 86-88)
Notons que les deux explications ne sont pas exclusives étant donné que l'apparition (en vision prophétique) de la Gloire est l'une des manifestations de l'activité de Dieu en un endroit ( Gn 28:10-17 ).  
En tout état de cause, que Dieu ne demeure pas littéralement dans le Temple ni en aucun endroit en  contraste avec un autre, le Roi Salomon le dit encore plus clairement :
« Mais Dieu habiterait-il effectivement sur la terre avec les hommes? Voilà, les cieux, même les cieux des cieux, ne peuvent point te contenir, et combien moins cette maison que j'ai bâtie! » 
כי האמנם ישב אלהים את־האדם על־הארץ הנה שמים ושמי השמים לא יכלכלוך אף כי־הבית הזה אשר בניתי
(2 Chroniques 16 :18 ; ibid. 2 :6 ; 1 Rois 8 :27)
Si le saint Temple et l'étendue des cieux n'étaient pas capables de contenir la Divinité infinie, il est clair que ce n'est pas un corps humain qui le peut.

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