lundi 29 octobre 2018

Le Dieu de Yéshou`a

Partie II : 
La christologie du Nouveau Testament

Les chrétiens qui croient en la Trinité disent souvent que la nature trine  de Dieu, soi disant exprimée en des termes obscurs dans l’Ancien Testament, a été pleinement révélée dans le Nouveau. Force est de constater, cependant, que même le Nouveau Testament n’enseigne pas la « divinité du Christ » et rejoint le Tana"kh dans sa proclamation de l’unicité absolue de Dieu.

Les évangiles synoptiques

Dans les évangiles synoptiques, non seulement Yéshou`a  ne prétend jamais être Dieu, mais un certain nombre d’éléments ne permettent pas d’aboutir à une telle conclusion.

Matthieu, Marc et Luc attestent unanimement que Yéshou`a  a été tenté dans le désert par le Diable. Ceci montre sans l'ombre d'un doute qu'il ne pouvait être Dieu puisque, d'après l'épître de Jacques, «  Dieu ne peut être tenté par le mal, et il ne tente lui-même personne » (Jacques 1:13).  Comment d’ailleurs le Diable, une créature, aurait-il pu montrer  au Créateur et Dieu de toute la terre, « tous les royaumes du monde et leur gloire, et lui dire : Je te donnerai toutes ces choses, si tu te prosternes et m'adores » (Matthieu 4 :9-10 et Luc 4 :5-6) ?  Ne serais-ce pas plutôt à Yéshou`a, s’il fut réellement Dieu dans la chair, de demander à Satan de se soumettre à lui en échange des royaumes du monde et leur gloire ? Le récit de la tentation de Yéshou`a, tel que rapporté dans les évangiles synoptiques, est irréconciliable avec le dogme de l'incarnation, dont les implications sont blasphématoires.

Il est raconté dans l’évangile de Luc  qu’après avoir été tenté, Yéshou`a   «  se rendit à Nazareth, où il avait été élevé, et, selon sa coutume, il entra dans la synagogue le jour du sabbat. Il se leva pour faire la lecture, et on lui remit le livre du prophète Esaïe. L'ayant déroulé, il trouva l'endroit où il était écrit: L'Esprit du Seigneur est sur moi, Parce qu'il m'a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; Il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, Pour proclamer aux captifs la délivrance, Et aux aveugles le recouvrement de la vue, Pour renvoyer libres les opprimés »  (Luc 4 :16-19). Le onzième chapitre du livre d’Isaïe, un texte considéré aussi bien par les juifs que par les chrétiens  comme une prophétie messianique, déclare à propos de l’oint d'esprit :

« Puis un rameau sortira du tronc d'Isaï, Et un rejeton naîtra de ses racines. L'Esprit de l'Eternel reposera sur lui: Esprit de sagesse et d'intelligence, Esprit de conseil et de force, Esprit de connaissance et de crainte de l'Eternel » (Isaïe 11 :1-2)

Mais si le Messie est l’Eternel, pourquoi craindrait-il un quelconque châtiment ? L’Eternel peut-il mal agir? D'ailleurs, l’Eternel craint-il l’Eternel ?

 « S'asseoir à ma droite et à ma gauche », dit Yéshou`a, « ne dépend pas de moi » mais du « Père »  (Matthieu 20:23) ; ce qui n’a de sens que s’il n’était pas le Père.

Yéshou`a  lui-même reconnut ne pas posséder l’attribut divin de l’omniscience. Marc 13 :22 et Matthieu 24 :36, en effet, rapportent ces paroles de Yéshou`a  :

« Pour ce qui est du jour et de l'heure, personne ne le sait, ni les anges des cieux, ni le Fils, mais le Père seul »

 Le fait que Yéshou`a  ne sache pas des choses que sait le Père est la preuve supplémentaire qu'ils ne peuvent pas être la même personne.

Nous pouvons par ailleurs lire dans la version synoptique du récit de la passion :

« Puis, ayant fait quelques pas en avant, il se jeta sur sa face, et pria ainsi: Mon Père, s'il est possible, que cette coupe s'éloigne de moi! Toutefois, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux » (Matthieu 26 :39 ; Luc 2 :22 ; Marc 14 :36)

Ainsi, non seulement Yéshou`a  était-il doué d’une volonté distincte de celle du Père, mais encore il se soumet aussi à la volonté du Père. Cela nous apprend d’une part que Yéshou`a  était une personne différente du Père, et d’autre part, que lui et Dieu ne sont pas égaux.

Matthieu et Marc relatent qu'au moment de la crucifixion, « vers la neuvième heure, Jésus s'écria d'une voix forte: Eli, Eli, lama sabachthani ? c'est-à-dire: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné? » (Matthieu 27 :46 ; Marc 15 :34 ).  Dieu n’ayant pas de Dieu, c'est de la non-divinité de Yéshou`a  que le texte témoigne. Prétendre le contraire serait suggérer l’existence de plusieurs divinités; une croyance à laquelle Yéshou`a, en tant que juif,  n’adhérait pas :

« Un des scribes, qui les avait entendus discuter, sachant que Jésus avait bien répondu aux sadducéens, s'approcha, et lui demanda: Quel est le premier de tous les commandements? Jésus répondit: Voici le premier: Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu est l'unique Seigneur; et: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton coeur, de toute ton âme, de toute ta pensée, et de toute ta force. Voici le second: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Il n'y a pas d'autre commandement plus grand que ceux-là. Le scribe lui dit: Bien, maître; tu as dit avec vérité que Dieu est unique et qu'il n'y a point d'autre que lui, et que l'aimer de tout son coeur, de toute sa pensée, de toute son âme et de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, c'est plus que tous les holocaustes et tous les sacrifices. Jésus, voyant qu'il avait répondu avec intelligence, lui dit: Tu n'es pas loin du royaume de Dieu » (Marc 12 :28-34)

Yéshou`a  lui-même n’a jamais dit à ses disciples de lui rendre un culte, mais leur demanda au contraire de prier  « notre Père qui est aux cieux »  (Mt 6:8).  Il nia même expressément être Dieu. Les évangiles rapportent en effet qu’il dit à l’homme riche qui l’appela « bon » : « Pourquoi m'appelles-tu bon? Il n'y a de bon que Dieu seul » (Marc 10 :18 ; Luc 18 :19 ; Matthieu 19 :17).

L'évangile de Jean

Plusieurs passages du quatrième évangile montrent que son auteur non plus ne croyait pas que Yéshou`a  était Dieu sous forme humaine.

Citons entre autres le verset 16 du chapitre 8 « Si je juge, mon jugement est vrai, car je ne suis pas seul; mais le Père qui m'a envoyé est avec moi »  (Jean 8:16).

De même, l'on retrouve en Jean 8:17 que « Père » et « Fils » sont « deux témoins », pas un seul (Jean 8 :17).

Comme les synoptiques, le récit johannique présente le Père et le Fils comme deux personnes indépendantes, chacune desquelles est douée d'une volonté qui lui est propre :

« Je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de celui qui m'a envoyé. » (Jean 6:38)

Puisque que nul ne peut-être plus grand que lui-même, le verset de Jean 14 :28, en lequel nous lisons que le Père est «  plus grand » que Yéshou`a, constitue la preuve supplémentaire que Yéshou`a, était un être distinct et subordonné au Père. Citons également :

 « Celui qui croit en moi croit, non pas en moi, mais en celui qui m'a envoyé » (Jean 12 :44)

Lorsqu’il fut accusé de se faire Dieu, Yéshou`a, au lieu de confirmer l’accusation, la dément en indiquant que l'écriture nomme également « Elohim » (Dieu) des personnes qui ne sont pas le vrai Dieu :

 «  N'est-il pas écrit dans votre loi: J'ai dit: Vous êtes des dieux? Si elle a appelé dieux ceux à qui la parole de Dieu a été adressée, et si l'Ecriture ne peut être anéantie, celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde, vous lui dites: Tu blasphèmes! Et cela parce que j'ai dit: Je suis le Fils de Dieu » (Jean 10 :33-36)

La réplique de  Yéshou`a  laisse clairement entrevoir qu'il se considérait Elohim à la manière des créatures portant ce titre et non en tant que l'Eternel Dieu dans la chair. Nous y reviendrons plus tard.

D’après Jean 5:19 et 30, « le Fils ne peut rien faire de lui-même » ; ce qui veut dire que le « Fils » n’est pas omnipotent. Il nia également posséder l’attribut divin de l’omniprésence: « ... Je n’y étais pas ... » (Jean 11:15)

Même après être revenu à la vie, Yéshou`a, d'après l'évangile de Jean, appela encore le Père « mon Dieu » :

« Je monte vers mon Père, et vers votre Père, vers mon Dieu est votre Dieu » (Jean 20:17)

Yéshou`a  qui dit avoir à l’instar de ses disciples un Dieu ne s'est clairement pas considéré être Dieu ou son égal.

Indiquons pour finir qu'en Jean 17:5, Yéshou`a, s’adressant au « Père », l'appelle « le seul Vrai Dieu » qu’il distingue de lui-même: « Yéshou`a  ha-mashia'h que tu as envoyé ».

Les Actes des Apôtres

Il est dit en Actes 2.22-36 :

« Hommes Israélites, écoutez ces paroles! Jésus de Nazareth, cet homme à qui Dieu a rendu témoignage devant vous par des miracles, les prodiges et les signes qu'il a opérés par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes; cet homme, livré selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous l'avez crucifié, vous l'avez fait mourir par la main des impies. Dieu l'a ressuscité, en le délivrant des liens de la mort, parce qu'il n'était pas possible qu'il fût retenu par elle … C'est ce Jésus que Dieu a ressuscité; nous en sommes tous témoins. Elevé par la droite de Dieu, il a reçu du Père le Saint-Esprit qui avait été promis, et il l'a répandu, comme vous le voyez et l'entendez. Car David n'est point monté au ciel, mais il dit lui-même: Le Seigneur a dit à mon seigneur: Assieds-toi à ma droite, Jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis ton marchepied. Que toute la maison d'Israël sache donc avec certitude que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié  ».

 Cet extrait, qui présente Yéshou`a  comme distinct de Dieu, permet de répondre aux allégations christologiques de la chrétienté.  Il montre en effet que les miracles de Yéshou`a  n’impliquent pas qu’il est divin puisque ces miracles, c’est Dieu  qui les fit par son entremise.  Yéshou`a  est appelé « homme » et il est dit à son sujet que  « Dieu l’a fait Seigneur ». Cette dernière assertion suggère que Yéshou`a  n’a pas toujours été Seigneur et qu’il ne l’est devenu qu’après son ascension aux cieux.

Nous lisons également dans le troisième chapitre :

« Le dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a glorifié son serviteur Jésus, que vous avez livré et renié devant Pilate, qui était d'avis qu'on le relâchât. Vous avez renié le Saint et le Juste, et vous avez demandé qu'on vous accordât la grâce d'un meurtrier. Vous avez fait mourir le Prince de la vie, que Dieu a ressuscité des morts; nous en sommes témoins » (Actes 3:15-16 ) 

Le titre de serviteur du Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob attribué à Yéshou`a  n'aurait aucun sens si Yéshou`a  était lui-même ce Dieu.  Le texte poursuit :

« Moïse a dit: Le Seigneur votre Dieu vous suscitera d'entre vos frères un prophète comme moi; vous l'écouterez dans tout ce qu'il vous dira, et quiconque n'écoutera pas ce prophète sera exterminé du milieu du peuple. Tous les prophètes qui ont successivement parlé, depuis Samuel, ont aussi annoncé ces jours-là. Vous êtes les fils des prophètes et de l'alliance que Dieu a traitée avec nos pères, en disant à Abraham: Toutes les familles de la terre seront bénies en ta postérité. C'est à vous premièrement que Dieu, ayant suscité son serviteur, l'a envoyé pour vous bénir, en détournant chacun de vous de ses iniquités »  (Actes 3 :22-26 )

Un prophète, par définition, étant un homme qui reçoit un message de la part de Dieu, Yéshou`a  qui est appelé par le titre de « prophète » ne peut de toute évidence pas être lui-même Dieu.

Ces passages, que les pères de l'église tentèrent tant bien que mal d'expliquer, leur étaient visiblement problématiques. Pour Athanase (296 - 373), il ne pouvait y avoir d'autre explication : les Apôtres dissimulèrent le « mystère » de la divinité du Christ. Voici ses propos :

« Affirmeront-ils que les Apôtres maintenaient la doctrine d'Arius, car ils disent qu'il fut un simple homme de Nazareth et qu'il a souffert sur la croix ? Ou bien, parce qu'ils tinrent ces propos, les Apôtres pensaient-ils que le Christ n'était rien de plus qu'homme ? Cela ne devrait être imaginé en aucun cas. Mais les Apôtres firent cela en tant que sages architectes et dispensateurs des mystères de Dieu, et c'est pour cela qu'ils firent cela.  Car les Juifs de cette époque, s'étant trompés eux-mêmes, et ayant également trompés les Gentils, pensaient que le Christ est un homme ordinaire, venu seulement de la semence de David à l'instar des autres fils issus de David, car ils ne croyaient ni qu'il était Dieu ni que le Verbe était devenu chair. C'est pour cela que les Apôtres enseignèrent d'abord aux Juifs l'humanité du Christ, pour qu'après les avoir persuadé à partir de faits visibles, et des miracles, que le Christ est venu, ils les amènent à la croyance en sa divinité »  (Athanase, De Setentia Dyonisii, chap. 8)

Pourtant, même dans leurs prières privées où ils s'adressaient à Dieu, les Apôtres se référaient à Yéshou`a  comme « ton serviteur » (Actes 4:25, 30). Les prophéties du Tana"kh annoncent aussi le messie comme étant le serviteur עבד de l'Eternel, lequel trouve plaisir en lui (Isaïe 42:1). L'explication d'Athanase n'est donc pas recevable.

Les Actes relatent par ailleurs qu' «  étant rempli du Saint-Esprit, et ayant les yeux attachés au ciel, [Etienne] vit la gloire de Dieu, et Jésus étant à la droite de Dieu. Et il dit: Voici, je vois les cieux ouverts, et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu »  (Actes 7 :55). Là encore, la distinction est établie entre le Fils de l'Homme (Yéshou`a) et Dieu, qu'Etienne, à l'instar d'Aaron et des soixante-dix anciens ( Ex 24:10 ), « vit » , pour reprendre les expressions de Rabbénou Hananel « en vision mentale uniquement » אניה אלא ראיית הלב « et non en vision oculaire littérale » ולא ראיית העין ממש (Rabbénou Hananel sur Bérakhoth 6a) - la tradition rabbinique et le NT ( Jn 1:18; 1 Jn 4:12 et 20 ; Col 1:16 ) s'accordant pour dire que personne n'a jamais réellement vu Dieu   -. Yéshou`a n'est ainsi pas Dieu ou une partie de son être.  Notons également avec intérêt les versets 48-50 du chapitre 7, qui rapportent ces paroles du martyre :

« Le Très-Haut n'habite pas dans ce qui est fait de main d'homme, comme dit le prophète: Le ciel est mon trône, Et la terre mon marchepied. Quelle maison me bâtirez-vous, dit le Seigneur, Ou quel sera le lieu de mon repos ? N'est-ce pas ma main qui a fait toutes ces choses?... »

Etienne semble ignorer totalement l’idée, invoquée pour expliquer la doctrine de l’incarnation, que Dieu peut limiter son essence infinie et se confiner en un endroit tel qu’un corps.

Les épîtres pauliniennes

D’après Paul, Yéshou`a, même après  sa résurrection  et son ascension aux cieux, est resté distinct et subordonné à Dieu. Nous lisons ainsi dans la première épître aux Corinthiens que « le Chef de tout homme, c'est Christ; et que le Chef de la femme, c'est l'homme; et que le Chef de Christ, c'est Dieu » (1 Co 11:3).

Dans le chapitre 15 de l’épître, Paul dira encore : « Lorsque toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous » (1 Corinthiens 15:28)

L’hymne aux Philippiens que citent parfois les défenseurs de la divinité de Yéshou`a  contredit leurs dires. Paul y dit en effet que «  le Christ existant en forme de Dieu  n'a point regardé comme une proie à arracher d'être égal avec Dieu » (Phil 2 :6).  Or, Dieu ne peut être « en forme de Dieu ». Il est Dieu tout court.  Personne ne peut non plus cesser d’être son propre égal.

Paul écrivit à Timothée :

« Car il y a un seul Dieu, et aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ homme » (1Timothée 2:5)

Relevons aussi dans la première épître aux Corinthiens :

« Car, s'il est des êtres qui sont appelés dieux, soit dans le ciel, soit sur la terre, comme il existe réellement plusieurs dieux et plusieurs seigneurs, néanmoins pour nous il n'y a qu'un seul Dieu, le Père, de qui viennent toutes choses et pour qui nous sommes, et un seul Seigneur, Jésus-Christ, par qui sont toutes choses et par qui nous sommes » (1 Corinthiens 8:5-6)

Etant donné que « Dieu » est différent du « Christ », et que de Dieu, il n’en existe qu’un seul – bien que, comme le dit Paul qui confirme Jean 10:33-36, des créatures peuvent porter le titre de Dieu sans l'être en réalité –, il est clair que le « Christ » n’est pas « Dieu ».  Pour Paul, « Dieu », c'est « le Père de notre Seigneur Jésus-Christ » et non « Jésus-Christ » lui-même (Ephésiens 1:3)

L'épître aux Hébreux

L'épître aux Hébreux, dès les premières strophes, atteste de la non-divinité de Yéshou`a  :

« Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils » ( Hébreux 1:1-2 )

Le « fils » est donc comme les « prophètes » en ce qu’il est la personne à travers laquelle Dieu se révèle et s'exprime, donc un être distinct de Dieu, et non Dieu en personne.

Il est affirmé  dans la suite au sujet du « Fils » que Dieu l'a «  établi héritier de toutes choses ». Notons d’une part que l’héritier doit être distinct de celui duquel il hérite une chose, et, d’autre part, que Dieu, en tant que le créateur, posséda déjà  toutes choses dès leur création. Il ne peut donc pas être dit de Dieu qu’il hérita quoi que ce soit.

L'auteur s'exprime aussi en ces termes aux versets 4 et 5 :

« Le Fils […] devenu d'autant supérieur aux anges qu'il a hérité d'un nom plus excellent que le leur. Car auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit: Tu es mon Fils, Je t'ai engendré aujourd'hui? Et encore: Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils? »

A moins d’être, 'has véshalom, schizophrène, Dieu ne peut pas s'être parlé à lui-même et dit : «  Tu es mon fils ».  A noter d’ailleurs qu’un « père » et un « fils » sont, par définition, des êtres distincts.

« Car celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés sont tous issus d'un seul. C'est pourquoi il n'a pas honte de les appeler frères, lorsqu'il dit: J'annoncerai ton nom à mes frères, Je te célébrerai au milieu de l'assemblée. Et encore: Je me confierai en toi. Et encore: Me voici, moi et les enfants que Dieu m'a donnés » (Hébreux 2:11-13)

L'on voit dans l'extrait que Yéshou`a, à l'instar du reste de l'humanité, est issu de Dieu. Il n'est donc pas Dieu lui-même. En outre, celui qui donne étant différent de celui  qui reçoit,  lorsque l’épître aux Hébreux attribue à Yéshou`a  les mots : « Me voici, moi et les enfants que Dieu m'a donnés », il faut comprendre que Yéshou`a  n’est pas Dieu.  Yéshou`a  annonça le nom de Dieu et le célébra au milieu de l’assemblée. La distinction entre Yéshou`a  d’une part et Dieu, dont le nom est annoncé et célébré, d’autre part, est ici plus qu’explicite.

L’épître aux Hébreux reprend la tradition synoptique selon laquelle Yéshou`a  a été tenté (Hébreux 2:18 ; 4:15 ).  Or, puisque, comme nous l’avons dit, Dieu ne peut être tenté, Yéshou`a  n’est donc pas Dieu.  Ajoutons que puisque il est impossible de tenter un être incapable de pécher, cela implique que Yéshou`a  possédait comme le reste des hommes une nature pècheresse ou, dans le langage rabbinique, le penchant au mal (yétser hara`). C’est ce qui est indiqué au verset 17 du deuxième chapitre :

 « Il a dû être rendu semblable en toutes choses à ses frères »

Dire cela concernant Dieu, qui, selon Jacques 1 :13, ne peut être tenté par le mal, serait un blasphème.

Au troisième chapitre, nous lisons à propos de Yéshou`a  qu’il « a été fidèle à celui qui l'a établi, comme le fut Moïse dans toute sa maison » (Hébreux 3:2). Yéshou`a, non seulement a été fidèle « à celui qui l’a établi », mais il a aussi été « établi » par Dieu.  Dieu a-t-il été fidèle et s’est-il obéi  à lui-même ? Dieu s’est-il établi lui-même ? De toute évidence non.

Relevons aussi dans le chapitre 5:

« Et Christ ne s'est pas non plus attribué la gloire de devenir souverain sacrificateur, mais il la tient de celui qui lui a dit: Tu es mon Fils, Je t'ai engendré aujourd'hui! Comme il dit encore ailleurs: Tu es sacrificateur pour toujours, Selon l'ordre de Melchisédek »  (Hébreux 5 :5-6)

Le bon sens doit en déduire que le « Christ » est différent de Dieu.

Au verset 7, nous lisons :

« C'est lui (Yéshou`a  ) qui, dans les jours de sa chair, ayant présenté avec de grands cris et avec larmes des prières et des supplications à celui qui pouvait le sauver de la mort, et ayant été exaucé à cause de sa piété a appris, bien qu'il fût Fils, l'obéissance par les choses qu'il a souffertes »

Ici se présentent des difficultés qu'il n'est pas facile aux trinitaires et autres qui prétendent que Yéshou`a  est Dieu de résoudre : Dieu a-t-il ressenti de la détresse ? Dieu s’est-il supplié Dieu  afin que Dieu délivre Dieu de la mort ? Dieu a-t-il exaucé Dieu ? Dieu, qui est parfait et omniscient, a-t-il besoin d’apprendre quoi que soit ?  Dieu a-t-il obéi-il à Dieu ? Soit l'on conclut, en contradiction avec l'enseignement des écritures, qu'il existe plusieurs dieux, l'un desquels, le Fils, ne partage pas les perfections et les attributs du Père, un autre dieu, soit l'on admet que Yéshou`a  n'est pas Dieu. Il ne peut y avoir d'autre alternative.  Ce n’est pas tout. Il est affirmé aux versets 9 et 10 :

« Et qui, après avoir été élevé à la perfection, est devenu pour tous ceux qui lui obéissent l'auteur d'un salut éternel, Dieu l'ayant déclaré souverain sacrificateur selon l'ordre de Melchisédek. »

Dieu a-t-il déclaré Dieu « souverain sacrificateur selon l’ordre de Melchisédek » ?  Dieu a-t-il élevé Dieu à la perfection ? Il ne saurait clairement être question de Dieu d'autant plus que seule une chose initialement imparfaite peut être rendue parfaite. Dieu étant  parfait de toute éternité,  il n'est inexact et inapproprié de dire qu'il fut « élevé à la perfection ». Voir également Hébreux 2 :10 :

«  Il convenait, en effet, que celui pour qui et par qui sont toutes choses, et qui voulait conduire à la gloire beaucoup de fils, élevât à la perfection par les souffrances le Prince de leur salut. »

Les épîtres universelles

Les épîtres universelles non plus n’enseignent pas la divinité de Yéshou`a  .

Dans la première épître de Pierre, il est dit : « Béni [soit] Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ » (1P 1 :3). Dieu, c’est donc le Père de Yéshou`a, et non Yéshou`a  lui-même.  Nous lisons en 1P 1 :19 que « Dieu a ressuscité [Jésus] des morts, et lui a donné la gloire ». D’après 1P 2 :4,  « la pierre vivante », c'est-à-dire Yéshou`a,  a été « choisie par Dieu ».  Il est aussi affirmé en 1P 2 :21 que « Jésus-Christ est à la droite de Dieu, depuis qu'il est allé au ciel, et les anges, les autorités et les puissances, lui ont été soumis ». Dieu n’ayant pas élu et ressuscité Dieu pour l’élever à sa propre droite et lui donner la gloire et la domination que lui, en tant que Dieu, possède déjà, Yéshou`a  n’est de toute évidence pas Dieu.

D’après la première épître de Jean, « notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ » (1 Jn 1 :2). Deux personnes sont ici évoquées : Le « Père » et  « son Fils Jésus-Christ ».  La distinction se rencontre également en 1 Jean 2:23, où l’on peut lire :

« Quiconque nie le Fils n'a pas non plus le Père; quiconque confesse le Fils a aussi le Père »

Pareillement, 2 Jean 1:8 évoque « le Père et le Fils ».

Selon 1 Jean 2 :1, « Si quelqu'un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ le juste ». Notons que personne ne peut être simultanément l’avocat et le juge. En précisant «  avocat auprès du Père », le texte différencie encore plus nettement Yéshou`a  le juste du Père.

Nous lisons en 1 Jean 4 :12 que « personne n’a jamais vu Dieu ». Nous retrouvons de même au verset 20 que « si quelqu'un dit: J'aime Dieu, et qu'il haïsse son frère, c'est un menteur; car celui qui n'aime pas son frère qu'il voit, comment peut-il aimer Dieu qu'il ne voit pas? ». Si Personne n’a jamais vu Dieu, Yéshou`a, qui a vécu sur terre et a été vu et touché, n'est donc pas Dieu.

1 Jean 5 :1 affirme que « quiconque croit que Jésus est le Christ, est né de Dieu, et quiconque aime celui qui l'a engendré aime aussi celui qui est né de lui. ». Là encore, Yéshou`a  et Dieu sont présentés comme deux personnes, pas une. La relation entre Yéshou`a  et Dieu est celle de l’engendré et l’engendreur, ce qui ne peut pas être dit d’un seul et même être.  Au cas où d’aucuns verraient en l’expression « né de Dieu »  la confirmation de la divinité de Yéshou`a, notons qu’au  troisième chapitre, il est dit pareillement au sujet des croyants:

« Voyez quel amour le Père nous a témoigné, pour que nous soyons appelés enfants de Dieu! Et nous le sommes. Si le monde ne nous connaît pas, c'est qu'il ne l'a pas connu. Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu […] Quiconque est né de Dieu ne pratique pas le péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui; et il ne peut pécher, parce qu'il est né de Dieu.  C'est par là que se font reconnaître les enfants de Dieu et les enfants du diable. Quiconque ne pratique pas la justice n'est pas de Dieu, non plus que celui qui n'aime pas son frère »

 Le livre de la Révélation

Les dogmes aporétiques de l'incarnation et de la Trinité sont également absents du livre de la Révélation.

 «  La Révélation de Jésus-Christ, que Dieu lui a donnée » (Rev 1 :1 )

Ainsi, non seulement «  Dieu » est-il, d’après le livre de la Révélation, distinct de « Jésus-Christ », mais l'auteur n'attribue pas l'omniscience au Messie ressuscité et exalté qui a encore besoin qu'on lui « révèle » certaines choses.

Cette distinction est maintenue tout au long de l'ouvrage : Yéshou`a  est assis sur un trône « avec » son Père (Rev 3,21), qu’il appelle « mon Dieu »  (3,12) ; l'agneau, c'est-à-dire Yéshou`a, prend le rouleau de la main droite de Dieu (5,7) ; le trône appartient à Dieu « et »  à l'Agneau (Rev 22,1-3); les saints sont comme des prémices « pour Dieu et pour l'Agneau »  (Rev 14,4) ; enfin, ceux qui ont part à la première résurrection sont les « sacrificateurs de Dieu et de l'Agneau »  (Rev 20,5).

Bien que Yéshou`a  y soit dépeint comme assis sur le trône de Dieu,  cela ne font pas de lui et Dieu un seul être, étant donné que nous lisons aussi concernant des justes ressuscités: « Celui qui vaincra, je le ferai asseoir avec moi sur mon trône, comme moi j'ai vaincu et me suis assis avec mon Père sur son trône » (Rev 3 :21)

Les christologies de la chrétienté

Les chrétiens, d'une manière générale, attribuent les expressions de limitation et de non-divinité à la « nature humaine » de Yéshou`a. Mais cette explication n’a aucun sens étant  donné qu’une nature, laquelle n'est rien d'autre qu'une caractéristique de l'être, n’est pas un être conscient et ne peut de ce fait pas prier Dieu, le supplier, le craindre et le servir, être tenté, ressentir de la détresse, ou être capable de connaître ou d'ignorer. L'on notera d'ailleurs que dans certains passages, de telles expressions décrivent justement le « Fils », un terme qui, si nous en croyons l’enseignement du christianisme orthodoxe, se réfère à la nature divine du Messie. Ainsi, nous retrouvons par exemple en Mc 13:22 que le « Fils », à la différence du Père, n’est pas omniscient car ne savant ni le jour ni l’heure de la fin.  En Jn 5:19 et 30 la non-omnipotence est attribuée au « Fils ». D'après Paul, « le Fils lui-même qui sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous » (1 Co 15:28). L'enseignement de l'épître aux Hébreux selon lequel Yéshou`a  « a dû être rendu semblable en toutes choses à ses frères » (Heb 2:17), c'est à dire les membres de l'espèce humaine, exclut la notion d'une nature ou d'une conscience divine qui le distingue du reste de l'humanité.

Le modalisme, dont l'enseignement fut repris dans le Pentecôtisme unitaire, prétend que le Père, le Fils et l’Esprit sont trois modes  ou attributs de Dieu qui n’est qu’une seule personne. Cette doctrine, cependant, est tout aussi problématique que le trinitarisme qu’elle rejette. En effet, les auteurs du Nouveau Testament montrent Yéshou`a  ressentant de la détresse, craignant, priant, suppliant et glorifiant le Père qu’il appelle son Dieu et qui possède une volonté différente de la sienne.  Yéshou`a  est donc un être distinct, doué en lui-même d’intelligence et de sentiments, et non un simple attribut ou une manifestation. L’attribut, qui, comme la nature, n'est qu'une caractéristique de l'être, ou le mode d’une personne n’est pas une chose intelligente douée d’une personnalité et n’interagit pas avec un  autre attribut ou avec la personne elle-même.

 Une autre doctrine, le kénotisme, prétend que bien que Yéshou`a  soit Dieu dans son essence, il s’est dépouillé de sa nature divine et vécut sur terre comme un simple homme. Mais cette doctrine est pire que les deux autres puisque, non seulement, elle a des implications polythéistes – Elle enseigne en effet qu’une personne divine est restée Dieu tandis qu’une autre s’est vidée de sa divinité pour se faire homme –  mais  en affirmant que Dieu changea sa nature en se faisant homme,  elle vient en contradiction avec Malachie 3 :6, qui dit en des termes très clairs: « Je suis Dieu, et je ne change pas ».

L'on notera qu'aucune de ces christologies n'explique la distinction entre Yéshou`a et Dieu qu'établissent les passages que l'on a vu. Bien que Dieu soit effectivement le Père, le mot « Père » n’apparaît pas dans la plupart de ces versets où apparaît le mot « Dieu ».  L’argument selon lequel « le Fils n’est pas le Père mais le Fils est pleinement Dieu », souvent avancé pour expliquer ces textes, ne tient donc pas.

Passages difficiles

Ceux qui croient que Yéshou`a  est Dieu citent souvent Jn 20:28, où nous lisons que Thomas dit à Yéshou`a : « Mon Seigneur et Mon Dieu ».  Bien que l’on puisse expliquer le verset à la lumière d'Ex 7:1 où Moïse est dit être Dieu pour Pharaon, il ne semble pas que ce soit de cela qu’il s’agit ici étant donné que d’une part, Thomas n’a pas dit à Yéshou`a  « tu es mon Seigneur et mon Dieu », mais simplement « mon Seigneur et mon Dieu », et  que d’autre part,  la même tournure apparaît en 1 Sam 1.12 :

« Et Jonathan dit à David 
ויאמר יהונתן אל־דוד Eternel, Dieu d'Israël יהוה אלהי ישראל Quand j'aurai sondé mon père demain à cette heure, ou après-demain, s'il y a quelque chose de bon pour David, et qu'alors je n'envoie pas vers toi et ne te le découvre pas »

Ceci est-il la preuve de la divinité de David ? De toute évidence non. Dans le commentaire de Rashi, nous lisons : « Eternel, Dieu d’Israël ! – cela exprime un serment ». Le Métsoudath David dit pareillement :  « Eternel, Dieu d’Israël – cela veut dire : Je jure par l’Eternel, Dieu d’Israël » . Faire serment en mentionnant le Dieu d’Israël est d’ailleurs un commandement de la Torah qui prescrit : « Tu craindras l'Eternel, ton Dieu, tu le serviras, et tu jureras par son nom »   (Deut 6 :13)

Certains traducteurs chrétiens, pour la simple raison qu’ils ne croient pas en la divinité de David comme ils croient en la divinité de Yéshou`a, suivirent l’explication des sages d’Israël. Au lieu de traduire 1 Sam 20 :12 tel qu’il figure dans l’original hébreu, ces traducteurs paraphrasèrent le verset. Ainsi, Louis Segond a rendu le texte comme suit : « Jonathan dit à David: Je prends à témoin l'Eternel, le Dieu d'Israël! ». Les traductions anglaises disent alternativement : « Je jure par l’Eternel, Dieu d’Israël »

Etant donné que le reste du NT atteste de la non-divinité de Yéshou`a, nous sommes, pour notre part, fondés à penser que les termes « mon Seigneur et mon Dieu » ne constituent pas l’affirmation de la divinité de Yéshou`a  mais expriment pareillement un serment. Cela est-il en harmonie avec le contexte ? Absolument ! Il suffit pour s’en persuader de procéder comme l'ont fait les traducteurs chrétiens avec le verset en Samuel :

« Thomas, appelé Didyme, l'un des douze, n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent donc: Nous avons vu le Seigneur. Mais il leur dit: Si je ne vois dans ses mains la marque des clous, et si je ne mets mon doigt dans la marque des clous, et si je ne mets ma main dans son côté, je ne croirai point. Huit jours après, les disciples de Jésus étaient de nouveau dans la maison, et Thomas se trouvait avec eux. Jésus vint, les portes étant fermées, se présenta au milieu d'eux, et dit: La paix soit avec vous! Puis il dit à Thomas: Avance ici ton doigt, et regarde mes mains; avance aussi ta main, et mets-la dans mon côté; Et ne sois pas incrédule, mais crois. Thomas lui répondit: Je prends a témoin mon Seigneur et mon Dieu  (que maintenant  je crois)! Jésus lui dit: Parce que tu as vu, tu as cru. Heureux ceux qui n'ont pas vu, et qui ont cru! » (Jean 20 :26-28)

Lorsque Yéshou`a  dit en Jean 10,33 : « Moi et le Père sommes uns », la signification est donnée en Jn 17,22 : « Qu'ils soient un comme nous sommes un ... et qu'ils soient un en nous ». Les disciples ne constituant pas plusieurs parties d'un dieu qui composerait à son tour la divinité trine qui n'en serait plus une,  l'unité dont il est question n'est autre que le commun accord : « Celui qui m'a envoyé est avec moi; il ne m'a pas laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable » (Jn 8:28). De même, lorsqu' il est affirmé en Jn 14,11 : « Je suis dans le Père et le Père est en moi », il faut comprendre qu'il s'agit du commun accord. En effet, il est dit similairement au chapitre 17 à propos des disciples : « Afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu'eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m'as envoyé ».  La première épître de Jean enseigne que tout homme qui garde les commandements «  demeure en Dieu, et Dieu en lui » (1Jn 3 :24).

D’autres encore citent le verset de  Jean 8:58 qui place dans la bouche de Yéshou`a  la phrase : « Avant qu’Abraham fût, je suis » et prétendent que « Je suis » fut  le nom par lequel Dieu se révéla à Moïse au milieu du buisson ardent. Pourtant, Dieu, dans l’original Hébreu d’Ex 3 :14,  n’a jamais dit « Je suis » mais « Je serai » אהיה – Ehyéh –. Dans la Septante, la  version grecque du Tanakh, le nom de Dieu est « Celui qui est » (ho ôn), et non le « Je suis » (égo éimi)  employé par Yéshou`a  en Jean 10 :58. D’ailleurs, l’expression « égo eimi » est employée par des mortels dans le NT. On trouve notamment : « Les uns disaient : C'est lui. D'autres disaient : Non, mais il lui ressemble. Et lui-même (le paralytique guéri) disait : Je suis (ego emi) » (Jn 9:9) ; « Et Pierre étant descendu vers les hommes, dit: Voici, moi, je suis (ego emi) celui que vous cherchez » (Actes 10:21). Yéshou`a, en Jn 8:58 ne s’est ainsi pas désigné par le nom de Dieu ni proclamé sa préexistence divine, mais  affirma simplement avoir été avant Abraham. Inutile d’insister sur le fait que ce qui a existé avant Abraham n’est pas forcément Dieu.  Dans le cas contraire, l’on serait obligé d’adorer comme des divinités les Anges et le premier homme. Ceux qui croient en la divinité de Yéshou`a  rétorquent souvent que la réaction de ceux que l'évangile de Jean appelle « juifs », qui prirent des pierres pour lapider Yéshou`a, montre qu'il s'est bien proclamé Dieu. Mais encore faudrait-il que les antagonistes de Yéshou`a  aient saisi le sens de ses propos; ce qui, dans le récit johannique, n'est pas toujours le cas. En outre, étant donné que le quatrième évangile appelle aussi « juifs » les adeptes du sadducéisme, laquelle secte enseignait qu'il n'existe ni ange ni esprit (Ac 23:8), l'on peut raisonnablement penser que c'est le fait même que Yéshou`a  a dit être avant Abraham, ce qui, interprété à la lettre, implique la préexistence spirituelle et donc l'existence d'êtres célestes, qui provoqua une telle réaction. 

Si, en Jn 14 :29, Yéshou`a affirma : « Celui qui m’a vu a vu le Père », ce n’est parce qu’il est le Père, mais parce que, pour reprendre les expressions de Paul, il est « l’image du  Dieu invisible ».  D’après le NT, « personne n’a jamais vu Dieu » et comme Origène, l’un des pères de l’église catholique, l’a lui-même reconnu,  le verset en Jn 14 :29 signifie que « celui qui a compris le Fils comprendra aussi le Père ».  Dans la Loi orale, le commandement d’ « aimer l'Eternel, votre Dieu, et marcher dans toutes ses voies » (Deut 11 :12) est clarifiée comme suit  :

«  Comme Dieu est appelé miséricordieux, toi aussi sois miséricordieux ;  comme Dieu est appelé compatissant, toi aussi sois compatissant ;  comme Dieu est appelé Juste ; toi aussi sois juste ;  comme Dieu est appelé pieux, toi aussi sois pieux  » (Séfer ha-mitsvot huitième commandement ;  Rashi sur le Deut 11 :22 et Sifri parashath `Eqev)

Yéshou`a, selon Matthieu 5 :17, étant venu pour « accomplir »  la Torah, c'est-à-dire l’observer parfaitement pour montrer l’exemple,  réalisa ce commandement en sortes qu’il est devenu le reflet parfait des qualités du Père, une  « image du Dieu invisible »,   et qu’il pouvait dire que celui qui l’a « vu a vu le Père ».  Mais il n’était pas lui-même le Père.

La plupart des traductions chrétiennes de la Bible insistent à traduire Heb 1.8 de cette manière : « Ton trône, ô Dieu est à toujours », attribuant ainsi le titre de « Dieu » à Yéshou`a. James Mofatt, dans sa traduction du NT,  a cependant rendu le verset comme suit : « Dieu est ton trône pour toujours ». Contrairement à ce que veulent faire accroire certains théologiens chrétiens, lesquels prétendent qu’il est ridicule d’appeler Dieu « un trône », la description métaphorique d’une personne comme étant le trône d’une autre est bien attestée dans la Bible.  Il peut en effet être lu en Isaïe 22 :23 au sujet d’Eliaqim qu’il « sera un trône de gloire pour la maison de son père ».  Le sens de la métaphore est donné dans le verset 24 : « Il sera le soutien de toute la gloire de la maison de son père ». De même, l’on peut comprendre qu’ Heb 1 :8 n’enseigne pas que Yéshou`a  est Dieu, mais simplement que Dieu est son trône, ou en d’autres termes,  est le soutien de sa royauté. Signalons avec beaucoup d’intérêt que les Sages d’Israël interprétèrent de la même manière le Psaume  45 :7 qu’ Heb 1:8 applique à Yéshou`a. Rabbi Avraham Aben `Ezra, dans son commentaire, nous apprend que pour Rabbénou Sa`adyah Gaôn, il faut comprendre à cet endroit : « Dieu établira ton trône » כסאך יכין אלהים. C’est aussi dans ce sens que l’a compris le Radaq (Rabbi David Qimhi).

Mais Paul n’a-t-il pas dit en 1 Co. 5 :19 que « Dieu était en Christ » et ailleurs qu’ « en lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité » (1 Col 2 :9) ? C’est effectivement le cas. Paul, cependant, n’a pas déclaré que Yéshou`a  est Dieu mais simplement que Dieu est en Yéshou`a. D’autre part, Paul exhortera les chrétiens à être « remplis jusqu'à toute la plénitude Dieu » (Eph 3 :17-19). Il ne semble pas que dans tous ces passages, Paul s’exprime d’une manière littérale. Nous croyons qu’il faut interpréter ces textes à lumière de  ce qu’expliqua le Rambam : « Toute la terre est remplie de sa Gloire (Is 6 :9); ce qui signifie: Toute la terre témoigne de sa perfection, c'est-à-dire le montre (partout). Il en est de même des mots: Et la gloire de l’Eternel remplit la demeure (Ex 40 :34). Toutes les fois que tu retrouves le verbe remplir appliqué à Dieu, c'est dans ce même sens et on ne veut point dire qu'il y ait là un corps remplissant un espace  » (Guide des Egarés 1:19, traduction de Salomon Munk). Paul lui-même affirma que « Dieu a voulu que toute plénitude habitât en Jésus » (Col 1:19). Il ne fait nul doute que pour Paul, Yéshou`a  et Dieu ne sont pas la même chose.

La plupart des traductions contiennent en Rom 9,5 : « ... et les promesses, et les patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ, qui est au-dessus de toutes choses, Dieu béni éternellement. Amen! ». Les choses sont cependant loin d’être aussi évidentes. Certaines versions, comme la  Bible du Centenaire et, dans la même veine, la traduction du professeur Moffatt, disent en effet : « et dont le Christ est issu, selon l’ordre naturel. Que le Dieu qui est au-dessus de toutes choses soit à jamais béni ! Amen ».  Comme on peut le lire dans le commentaire de la Bible Annotée Neuchâtel : « Les manuscrits les plus anciens étant dépourvus de ponctuation, la question ne peut être tranchée que par l'exégèse ». Les épîtres de Paul, en d’autres endroits,  n’enseignant pas l’identité de Yéshou`a  avec Dieu, il  s’impose pour nous comme une évidence que la traduction qui fait de Yéshou`a  Dieu n'est pas exacte.

Les croyants en l'incarnation disent aussi que puisque Paul, en Rm 10 :13, déclara au sujet de Yéshou`a que « tous ceux qui invoqueront le Nom du Seigneur seront sauvé », mais qu’en Jl 2:32, le verset que reprend Paul, il est question d’invoquer le Tétragramme ( YHWH ), lequel remplacé par l'euphémisme Kyrios ( Seigneur ) dans le LXX et le NT grec, Yéshou`a est forcément l’Eternel. Etant donné cependant que, justement, Paul cite un texte qui parle de Dieu, et que comme nous l’avons vu, Dieu et Yéshou`a sont pour Paul deux personnes différentes, il n'est pas probable que le « Seigneur » qu’évoque Paul dans ce verset soit Yéshou`a. Nous ne devons pas perdre de vue que selon le NT, rejeter Yéshou`a c’est rejeter Dieu (1 Jn 1 :22) et croire en lui c’est croire en Dieu qui l’a envoyé ( Jn 12 :44 ). En d'autres termes, invoquer le Nom de l'Eternel, qui n’est pas seulement un acte verbal mais aussi un acte de foi, implique de reconnaître Yéshou`a que l’Eternel a envoyé. Voilà pourquoi Paul parle d’invoquer le Nom de l’Eternel dans un passage dont le contexte est la foi en Yéshou`a.

Il est à noter que l'importance que revêt dans le NT la croyance en Yéshou`a ne peut constituer la preuve de sa divinité puisque c’est en tous les envoyés de Dieu qui parlent en son Nom que l’on se doit d’ajouter foi ainsi que l’enseigne l'écriture et la tradition  : 

«  Et ils crurent en l'Eternel et en Moïse son serviteur (Ex 14:31) - s'ils crurent en Moïse, à fortiori, ils crurent en l'Eternel ? Mais c'est pour t'enseigner que croire en le bon berger, est aussi croire en celui qui parla et le monde fut [...] Et le peuple parla de Dieu et de Moïse - s'ils parlèrent de Dieu, à fortiori, ils parlèrent de Moïse ? Mais c'est pour t'enseigner que parler du bon berger est comme parler de celui qui parla et le monde fut  » (Mékhilta de Rabbi Yishma`el, Shémoth, pereq 14)

D'après Jn 12:44, Yéshou`a lui-même dit  :

« Celui qui croit en moi croit, non pas en moi, mais en celui qui m'a envoyé »

La plupart des chrétiens se basent aussi sur Isaïe 9:6 pour dire que le Tanakh a prédit d’avance l’incarnation de l’une des personnes de la Trinité, voir même, pour quelques uns, la venue en chair du Père lui-même :

« Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, Et la domination reposera sur son épaule; On l'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix »  (LSG)

Rashi, suivi par le Malbim et Radaq, attribue les appellations de Dieu Puissant et de Père Eternel, non à l'enfant, qu’il identifie à Ezéchias, mais à Dieu :

« le Saint béni soi-il, l'Admirable conseiller, le Dieu puissant, le Père éternel nomma Ezéchias Prince de la Paix car il y aura en ses jours la vérité et la paix »

Si l'on se fie à l'explication de Rashi, voilà donc comment ce verset devrait être traduit:

« Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, Et l'autorité reposera sur son épaule; Et l'Admirable Conseiller, le Dieu puissant, le Père éternel, appela son nom : Prince de la paix »  (Is 9:6,  Judaica Press)

L'on pourrait cependant aussi comprendre ces titres comme désignant l’enfant étant donné que  dans le Tanakh,  « el » אל ne signifie pas toujours Dieu. Dans le Psaume 29 :1,  le mot « élim », dont « el » est le singulier,  est en effet rendu par « princes » dans la version de Martin et par « forts » dans la version de Darby.  « el guibor »  אל גיבור, dans sa forme plurielle « élé guiborim » אלי גבורים, est aussi appliqué à de simples mortels en Ez 32:21 où le terme est traduit par « héro puissant » dans la version de Louis Segond et « fort d'entre les puissants »  dans celles de Martin et de Darby. Quant au mot אב (av) « père », il revêt en hébreu un sens plus large et peut aussi désigner l’initiateur de quelque chose. Yaval (Jabal) ayant été le premier à vivre dans des tentes, la Torah en parle comme le « père de ceux qui demeurent dans les tentes, et des pasteurs » (Gn 4:20). De même, Youval (Jubal), l'inventeur des instruments de musique, est appelé « père de tous ceux qui touchent le violon et les orgues  » (ibid. 4:21). אב (av) peut aussi signifier préconisant  comme en Gn  45 :8 et sert parfois de titre de respect utilisé par des serviteurs pour se référer à leur maître (2 Rois 5:13 , 1 Sam 24:11). Compte tenu de tout cela, l’on pourrait donc également lire de la manière suivante le verset d'Is 9,6 :

« Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, Et la domination repose sur son épaule; On l'appela Admirable, Conseiller, héro puissant, préconisant / maître à perpétuité / initiateur de l’éternité, prince de la paix »

Contrairement à ce que colporte la chrétienté, en Is 7 :14, le nom théophore `Imanou-el, qui signifie littéralement « Dieu est avec nous », n’est ni une désignation de l’essence de celui qui la porte ni n’indique une présence physique de Dieu mais exprime simplement la réalité que Dieu n’est pas contre mais avec, autrement dit, du côté du peuple de Juda. Le livre d'Isaïe ne laisse planer aucun doute là dessus : 

  « Il pénétrera dans Juda, il débordera et inondera, Il atteindra jusqu'au cou. Le déploiement de ses ailes Remplira l'étendue de ton pays, ô `Imanou El ! Poussez des cris de guerre, peuples! Et vous serez brisés; Prêtez l'oreille, vous tous qui habitez au loin! Préparez-vous au combat, et vous serez brisés; Préparez-vous au combat, et vous serez brisés. Formez des projets, et ils seront anéantis; Donnez des ordres, et ils seront sans effet: car Dieu est avec nous – ki `imanou El  » (Is 8 :8-10)

Pareillement, lorsque Jérémie appelle le Messie « l’Eternel notre Justice » (Jer 23 :6), il s’agit d’un nom théophore qui ne dit rien sur l’essence de celui qui le porte. Appeler un être ou une chose par un tel nom n’en fait pas Dieu vu qu’il est déclaré au sujet de Jérusalem que « c'est ici le nom dont elle sera appelée : l'Eternel notre justice » (Jer 33:16). Rabbi Yossèf Albo explique que ce nom donné au Messie résulte de ce qu’il « est le médiateur de Dieu;  la justice venant de Dieu est obtenue par son entremise »  et non pas parce qu’il est lui-même Dieu (Séfer Ha`iqarim 2:28).

Il y en a aussi qui disent que les miracles qu’effectua Yéshou`a, lequel ressuscita les morts et calma les tempêtes, montrent qu’il est Dieu. Mais il n’en est rien.  Le Nouveau Testament dit expressément que ces miracles n’étaient pas de Yéshou`a, mais de Dieu qui agissait à travers lui : 

« Hommes Israélites, écoutez ces paroles! Jésus de Nazareth, cet homme à qui Dieu a rendu témoignage devant vous par les miracles, les prodiges et les signes qu'il a opérés par lui au milieu de vous, comme vous le savez vous-mêmes » (Ac 2 :22)

 Yéshou`a lui-même, à en croire l’évangile de Jean, a dit : « Je ne puis rien faire de moi-même » (Jn 5:30) et « le Père qui demeure en moi, c'est lui qui fait les œuvres »  (Jn 14 :10).

Mais Yéshou`a, en pardonnant les péchés, n’a-t-il pas montré par là qu’il est Dieu ? Les synoptiques, effectivement, relatent que les détracteurs de Yéshou`a dirent : 

«  Comment cet homme parle-t-il ainsi? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés, si ce n'est Dieu seul? »  (Mt 9 :3 ; Mc 2 :7 et Lc 5,20-21)

 Cependant, quelques lignes plus bas, nous lisons dans la version de Matthieu: 

« Quand la foule vit cela, elle fut saisie de crainte, et elle glorifia Dieu, qui a donné aux hommes un tel pouvoir »  (Mt 9 :8)

 Il y a donc Dieu d' un côté et les hommes de l'autre. Le pouvoir de pardonner les péchés fut donnée aux hommes parce que le Fils de l'Homme, qui est homme et non pas Dieu, reçut de Dieu cette autorité.  Dieu n'a nul besoin qu'on lui donne ce qu'il possède déjà. La réponse des évangiles est éloquente : Le Messie a le pouvoir de pardonner les péchés, non pas parce qu'il est Dieu, mais parce que Dieu lui a octroyé ce pouvoir que, d'ailleurs, les apôtres aussi reçurent sans être pour autant des incarnations de Dieu :

« Jésus leur dit de nouveau: La paix soit avec vous! Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Après ces paroles, il souffla sur eux, et leur dit: Recevez le Saint Esprit. Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » (Jn 20 : 21-23)

Pareillement, il est inconséquent de prétendre que le fait que Yéshou`a soit juge démontre son identité avec Dieu puisque selon les Actes : 

« Il a été établi par Dieu comme juge des vivants et des morts » (Ac 10 :42)

Autrement dit, il exerce le rôle de Juge en tant que mandataire et représentant élu par Dieu et non parce qu’il serait lui-même d’essence divine. Nous lisons ailleurs dans le livre des Actes que Dieu « a fixé un jour où il jugera le monde selon la justice, par l'homme qu'il a désigné, ce dont il a donné à tous une preuve certaine en le ressuscitant des morts »  (Ac 17 :31). L’idée que le jugement eschatologique se fera par l’entremise d’un être humain qui n’en est pas pour autant Dieu dans la chair n’est pas étrangère au judaïsme de l’époque du deuxième Temple.  Le passage suivant, tiré du Testament d' Abraham, un Midrash rédigé au premier siècle, nous éclaire sur les croyances des juifs de l'époque :

 « Entre les deux portes se tenait un trône d’aspect terrible, d’un cristal terrible, scintillant comme le feu et sur lui était assis un homme incroyable, brillant comme le soleil, comme le fils de Dieu ; devant lui était une table comme en cristal, toute en or et de toile fine et un livre était posé sur la table d’une épaisseur de six coudées et d’une largeur de deux  coudées, et à sa droite et sa gauche, deux anges tenant le papier et l’encre et le crayon. Un ange de lumière assis devant la table tenait dans sa main une balance et sur sa gauche, assis, un ange très ardent, sans pitié et sévère, tenait dans sa main une trompette, ayant en lui le feu tout-consumant avec lequel éprouver les pécheurs. L’homme extraordinaire qui s’était assis sur le trône jugeait lui-même et condamnait les âmes et les deux anges du côté droit et du côté gauche écrivaient, celui de droite la droiture et celui de gauche la méchanceté. L’être devant la table qui tenait la balance pesait les âmes et l’ange ardent qui tenait le feu éprouvait les âmes .... Et Abraham dit : Mon seigneur chef-capitaine, qui est ce juge le plus extraordinaire ? Et qui sont les anges qui écrivent ? Et qui est l’ange comme le soleil, tenant la balance ? Et qui est l’ange ardent tenant le feu ? Le chef-capitaine dit : Vois-tu très saint Abraham, l’homme terrible assis sur le trône est le fils du premier-créé Adam qui est appelé Abel que le mauvais Caïn a tué et il s’assied ainsi pour juger toute la création et examiner les hommes justes et les pécheurs, car Dieu a dit : Je ne vous jugerai pas mais chaque homme-né, par l’homme sera jugé. Par conséquent il lui a donné le jugement pour juger le monde jusqu’à son grand et glorieux à venir » (Testament d'Abraham 12-13)

Quoique le NT ne présente nul part le Messie comme étant Abel Revividus, les paroles prêtées à Yéshou`a en Jn 5:22-27 se fondent certainement sur des traditions identiques à celles dont s'est inspiré l'auteur du Testament d'Abraham. Non seulement la thématique du jugement exercé par le Fils de l'Homme ou Fils d'Adam, ce qui revient au même en hébreu où homme se dit Adam, se retrouve dans les deux récits, mais leurs déclarations se rejoignent : Le Fils de l'homme est juge entrôné par Dieu, non pas parce qu'il est Dieu, mais parce qu'il est  « Fils de l'Homme », un terme qui dénote l'humanité:

 « Le Père ne juge personne, mais il a remis tout jugement au Fils ... Et il lui a donné le pouvoir de juger, parce qu'il est Fils de l'homme » (Jn 5:22 ,27)

 « Dieu a dit : Je ne vous jugerai pas mais chaque homme-né, par l’homme sera jugé. Par conséquent il lui a donné le jugement pour juger le monde jusqu’à son grand et glorieux à venir » (Testament d'Abraham, chapitre 13)

L’évangile de Matthieu nous apprend que les douze apôtres, lesquels ne sont pas des incarnations de Dieu, exerceront  aussi le jugement divin aux côtés du Fils de l’Homme :

« Jésus leur répondit: Je vous le dis en vérité, quand le Fils de l’homme, au renouvellement de toutes choses, sera assis sur le trône de sa gloire, vous qui m’avez suivi, vous serez de même assis sur douze trônes, et vous jugerez les douze tribus d’Israël. » (Mat 19: 28)

Nous retrouvons cette même idée dans la Révélation de Jean  :

« Et je vis des trônes; et à ceux qui s'y assirent fut donné le pouvoir de juger » ( Rev 20:4 )

Le fait que Yéshou`a soit appelé  « Roi des rois et le Seigneur des seigneurs » dans le livre de la Révélation ne permet pas non plus d’inférer qu’il est Dieu puisque l’écriture attribue ce titre à Artaxerxès et Nabuchodonosor, lesquels n’en furent pas pour autant d'essence divine (Esd. 7 :12 ; Ez 26 :7 et Dan 2 :37).

Ce n’est pas non plus parce que Yéshou`a est appelé « sauveur » qu’il est obligatoirement Dieu. Le terme « moshia` » (sauveur) et son pluriel « moshi`im » désigne en effet d’autres dans le Tanakh: 

« Alors tu les abandonnas entre les mains de leurs ennemis, qui les opprimèrent. Mais, au temps de leur détresse, ils crièrent à toi; et toi, tu les entendis du haut des cieux, et, dans ta grande miséricorde, tu leur donnas des sauveurs (moshi`im) qui les sauvèrent de la main de leurs ennemis  »  (Neh 9 :27)

  Le prophète `Ovadiah annonce qu’à la fin des temps « des sauveurs (moshi`im) monteront sur la montagne de Sion, Pour juger la montagne d'Esaü; Et à l'Eternel appartiendra le règne. » (Abdias 1 :21). Jg 3 :9 appelle Othniel, le fils de Qénaz, « sauveur » (moshia`), de même qu’Ehoud le fils de Guérah en Jg 3 :15. L’on doit ainsi comprendre que l’affirmation en Is 43 :11, selon laquelle il n’y a pas de sauveur en dehors de l’Eternel, signifie que nul salut n’est possible si Dieu ne le souhaite pas. Mais cela n’empêche pas que Dieu accomplisse le salut au travers d’agents, tels qu’Othniel, Ehoud ou Yéshou`a qui sont appelés « sauveurs » en tant qu’instruments du salut.  D’après la théologie du NT, seul un membre du genre humain pouvait réparer la faute d’Adam, le premier homme, et c’est en tant qu’homme partageant la nature des membres de son espèce mais « rendu parfait » par l’obéissance et la souffrance, et non, comme l’affirment les croyants en l’incarnation, en tant que Dieu, que Yéshou`a devait mourir pour les fautes de l’humanité pécheresse  (Rm 5 :15 ;  Heb 2:7 ; 2:10; 7:28)

Quant à l’affirmation selon laquelle Yéshou`a est Dieu car il est glorifié, elle n’est pas appuyée par l’écriture. Il est dit dans le livre d’Isaïe qu’Israël est la  « gloire » de Dieu car Dieu glorifia le peuple (Is 46 :13 et  55 :5). Au chapitre 60, nous lisons : « Lève-toi, sois éclairée, car ta lumière arrive, Et la gloire de l'Eternel se lève sur toi. Voici, les ténèbres couvrent la terre, Et l'obscurité les peuples; Mais sur toi l'Eternel se lève, Sur toi sa gloire apparaît. … Ce ne sera plus le soleil qui te servira de lumière pendant le jour, Ni la lune qui t'éclairera de sa lueur; Mais l'Eternel sera ta lumière à toujours, Ton Dieu sera ta gloire ». D’après le NT, c’est aux Israélites  qu’ « appartiennent l'adoption, et la gloire, et les alliances » (Rm 9 :4). Il n’est pas difficile de comprendre qu’Is 42:8 veut signifier que l’Eternel ne donnera sa gloire à aucune autre nation. C’est dans ce sens que le Targoum paraphrasa le texte : « Je suis l’Eternel, c’est là mon nom. Et ma gloire que j’ai révélée sur vous, je ne la donnerai à aucun autre peuple et ma louange aux serviteurs d’images ». Yéshou`a, selon Jean 17:22,  dit à Dieu au sujet de ses disciples: «  Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée  »

Parmi les arguments avancés par les croyants en l’incarnation, un autre consiste à dire que le Grand-Prêtre condamna Yéshou`a  à mort pour s’être proclamé Dieu. Dans la version synoptique du jugement de Yéshou`a, nous lisons :

« Le souverain sacrificateur l'interrogea de nouveau, et lui dit: Es-tu le Christ, le Fils du Dieu béni? Jésus répondit: Je le suis. Et vous verrez le Fils de l'homme assis à la droite de la puissance de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. Alors le souverain sacrificateur déchira ses vêtements, et dit: Qu'avons-nous encore besoin de témoins? Vous avez entendu le blasphème. Que vous en semble? Tous le condamnèrent comme méritant la mort » (Mc 14 :61-64)

L’on remarquera que personne n’a demandé à Yéshou`a  s’il était Dieu, mais s’il était le Fils de Dieu ; un titre que le Tana"kh reconnait aux rois davidiques : « Je serai pour lui (Salomon) un père, et il sera pour moi un fils. S'il fait le mal, je le châtierai avec la verge des hommes et avec les coups des enfants des hommes » (2 Sam 7:14). En quoi consistait alors le soi disant blasphème ? La lecture naturelle du texte montre que Yéshou`a  a été condamné à mort non pas parce qu’il s’est proclamé Dieu, mais parce qu’il s’est prétendu être le Messie.  Il est à rappeler qu’un blasphème n’est pas nécessairement une parole qui dégrade Dieu, mais peut aussi consister en une parole contre les choses sacrées tel que le Temple ou Moïse (Ac 6 :11 et 13).  Certes, se considérer être le Messie, d’après la Loi rabbinique, n’est en soi pas un blasphème du moment qu’on mérite le titre.  Mais le tribunal devant lequel comparut Yéshou`a  n’était pas le Sanhédrin religieux pharisien, lequel était constitué exclusivement de Sages pharisaïques, mais celui à la tête duquel était le Grand-Prêtre Caïphe, un sadducéen. De plus,  Yéshou`a  n’ayant pas appartenu à la secte sadducéenne à laquelle il s’opposa, l’on comprend que Caïphe ait pu trouver blasphématoire les prétentions messianiques d’un homme qui, à ses yeux, était un apostat. Que des tribunaux sadducéens ou contrôlés par des saducéens, comme celui qui jugea et condamna à mort Yéshou`a, agissaient indépendamment du Sanhédrin religieux pharisien et s’arrogeaient parfois le pouvoir de condamner à mort des gens, les sources en attestent.  En référence à l’incident où la fille d’un Prêtre fût brûlée vive sur le bûcher, un procédé contraire à la Loi pharisienne, le Talmud de Babylone relate que le tribunal qui prononça le verdict était le tribunal des Sadducéens בית דין של צדוקים (Sanhédrin 52b). Flavius Josèphe rapporte qu’Anan, un sadducéen, provoqua la colère des Pharisiens de Jérusalem lorsqu’il  « réunit un sanhédrin, traduisit devant lui Jacques, frère de Jésus appelé le Christ, et certains autres, en les accusant d'avoir transgressé la loi, et il les fit lapider »  (Antiquités judaïques 20,9)

Le Fils de Dieu

A en croire les trinitaires, le terme « Fils de Dieu » qui désigne Yéshou`a dans le NT se réfère à son essence divine. Le raisonnement s'articule ainsi : Puisque ce qui naît de l’homme est homme, comment ce qui est né de Dieu serait-il autre chose qu'un Dieu ? Il est cependant une autre interprétation plus conforme avec la raison et le reste du NT. Le Rabbi Shime`on ben Tséma’h Douran, qui étudia les évangiles, dit dans sa disputatio : 

« Yéchou et ses disciples ne sont pas tombés dans l’erreur de penser qu’il est Dieu, mais il se désigna lui-même par le terme « Fils de Dieu » parce qu’il était, à ses yeux, plus grand que tout homme et ses disciples pensèrent qu’il a été l’élu du genre humain et fut élevé au-dessus de Moïse notre Maître , que la paix soit sur lui, car le rang Moïse était, à leurs yeux, celui d’un serviteur , comme il est dit «  Moïse mon serviteur », tandis que le rang de Yéchou était celui d’un fils bien aimé comme l’un d’entre eux l’a écrit dans l’épître qu’il envoya aux Hébreux  (Heb 3 :5-6) »

Rabbi Léon de Modène, dans son Magen va-Herev, a similairement écrit  :

« Il ne fait nul doute pour moi que non seulement le Nazaréen n’a jamais osé se proclamer Dieu ou une partie de lui, mais aussi, comme on peut le juger de sa manière d’agir et de ses paroles, qu’il ne lui est jamais venu à l’esprit de se faire Dieu […] Il n’ignorait pas que s’il se décrivait comme Dieu, ou une partie du Dieu d’en haut, comme l’inventèrent  plus tard ceux crurent en lui, même le peuple l’aurait lapidé sans même l’emmener devant de tribunal. Puisqu’il souhaitait être considéré comme étant plus qu’un prophète et un homme de Dieu et s’élever au dessus de tous les degrés et de la dispute des Sages pharisiens, il s’est décrit lui-même comme Fils de Dieu.  Car de cette manière, il aurait été élevé et considéré par la populace et tout le peuple non seulement comme étant plus grand que tous ceux qui sont nés d’une femme, les prophètes et Moïse notre Maître, que la paix soit sur lui, mais aussi au-dessus de tous les Anges étant donné que le rang d’un fils auprès d’un père est plus élevé que celui d’un serviteur. Les prophètes sont appelés serviteurs de l’Eternel comme il est dit : « Car le Seigneur, l'Eternel, ne fait rien Sans avoir révélé son secret à ses serviteurs les prophètes » (Amos 3 :7). Et à propos de Moïse, notre Maître, il est dit : «  Moïse, le serviteur de l’Eternel » (Deut 34 :5). Et les Anges sont appelés serviteurs comme il est dit : « Il fait des esprits ses anges, des flammes de feu ses serviteurs »  (Ps 104 :4). De ce fait, en se disant Fils de l’Eternel, il était à l’en croire plus grand que tous ceux-là.  Tu peux voir que Paul en parla dans sa lettre qu’il envoya aux juifs de mémoire bénie : « Après avoir autrefois, à plusieurs reprises et de plusieurs manières, parlé à nos pères par les prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses, par lequel il a aussi créé le monde, et qui, étant le reflet de sa gloire et l'empreinte de sa personne, et soutenant toutes choses par sa parole puissante, a fait la purification des péchés et s'est assis à la droite de la majesté divine dans les lieux très hauts, devenu d'autant supérieur aux anges qu'il a hérité d'un nom plus excellent que le leur. Car auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit: Tu es mon Fils, Je t'ai engendré aujourd'hui? Et encore: Je serai pour lui un père, et il sera pour moi un fils? Et lorsqu'il introduit de nouveau dans le monde le premier-né, il dit: Que tous les anges de Dieu lui rendent hommage! De plus, il dit des anges: Celui qui fait de ses anges des vents, Et de ses serviteurs une flamme de feu. Mais il a dit au Fils: Ton trône, Dieu, est éternel ; le sceptre de ton règne est un sceptre d'équité ». Voilà qu’avec la description de Fils de Dieu, ses disciples et ceux qui crurent en lui l’élevèrent au-dessus des prophètes et des anges d’en haut »  (Léon de Modène, Magen va-‘herev chapitre 10)

L’expression « Fils de Dieu » n’est ainsi pas littérale mais métaphorique. Elle se réfère, non pas l’essence ou à la nature divine de Yéshou`a, mais à sa supériorité par rapport au reste de la création et sa proximité et sa relation spéciale avec Dieu. En d'autres mots, l'ont peut métaphoriquement, et non littéralement, parler du rapport entre Dieu et Yéshou`a comme celle d’un père et d’un fils engendré, ainsi que le déclare le prologue du quatrième évangile : 

« Et nous vîmes sa gloire une gloire comme d'un fils unique de la part du père »  (Jn 1 :14)

C’est dans ce sens que la tradition rabbinique comprend le Psaume 2:7  :

« Tu es mon fils – De là, nous avons une réponse à ceux qui disent que Dieu a un fils. Réponds-leur : Tel un serviteur qui fait la volonté de son maître et auquel son maître dit : Je t’aime comme mon fils »  (Midrash Téhilim  sur Ps 2 :7)

« L’Eternel m'a dit : Tu es chéri par moi comme un fils l’est par un père » (Targoum sur Ps 2:7)

Une autre explication consiste en ce que Yéshou`a  reflétait les qualités de Dieu tel un Fils à l’image de son Père. L’un n’empêche cependant pas l’autre étant donné que si Dieu eut de l'affection pour Yéshou`a, ce fut grâce au fait qu’il a accompli le but de la Torah qui est, comme nous l'avons vu tout à l'heure, de revêtir les qualités divines.  

Yéshou`a, le mandataire de Dieu

Il faut reconnaître cependant que Yéshou`a, dont on sait pourtant qu'il est distinct de Dieu, est parfois représenté comme s'il était Dieu lui-même. Comment expliquer cela ?

Le phénomène de la créature identifiée au Créateur n’est pas sans précédent dans la littérature biblique. En Ex 4:16, nous lisons :

« Et il parlera pour toi au peuple, et ainsi il te sera pour bouche, et tu seras pour lui Elohim (Dieu)  »  

Nous retrouvons également en Ex 7.1 :

« L'Eternel dit à Moïse: Vois, je te fais Elohim (Dieu) pour Pharaon »

On interprète parfois le terme « Elohim » comme signifiant ici « juge ». Quand on lit la suite, cependant, il ne semble pas que ce soit le cas:

« Aaron, ton frère, sera ton prophète »

Les juges n'ont pas de prophètes. Seul Dieu en a. Dieu a donc bien fait de Moïse « Dieu ». Nous lisons dans le livre de Zacharie : 

« L'Eternel dit à Satan: Que l'Eternel te réprime, Satan! que l'Eternel te réprime, lui qui a choisi Jérusalem! » ( Zach 3:2 ) 

Le texte semble faire allusion à deux êtres désignés comme l' Eternel ( YHWH ).  Au lieu, cependant, d'y voir la preuve de l'existence d'une pluralité divine, la tradition reprise dans l'Ascension de Moïse ( De principis 3:2:1 ) et citée dans l'épître de Jude voit dans la première occurrence du Nom Divin une référence à un ange créé: 

« L'archange Michel, lorsqu'il contestait avec le diable et lui disputait le corps de Moïse, n'osa pas porter contre lui un jugement injurieux, mais il dit: Que le Seigneur te réprime! » ( Jude 1:9 ) 

La Torah relate aussi :

« L'Eternel dit: J'ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Egypte, et j'ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs, car je connais ses douleurs. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens, et pour le faire monter de ce pays dans un bon et vaste pays, dans un pays où coulent le lait et le miel, dans les lieux qu'habitent les Cananéens, les Héthiens, les Amoréens, les Phéréziens, les Héviens et les Jébusiens. Voici, les cris d'Israël sont venus jusqu'à moi, et j'ai vu l'oppression que leur font souffrir les Egyptiens. Maintenant, va, je t'enverrai auprès de Pharaon, et tu feras sortir d'Egypte mon peuple, les enfants d'Israël » (Ex 3 :8-10)

Dans un premier temps, l’Eternel affirma qu’il allait lui-même faire sortir les Hébreux d’Egypte. Dans la suite, cependant, nous voyons qu’il délégua la tache à Moïse. Le livre de Samuel affirme que  « l’Eternel envoya Moïse et Aaron qui firent sortir vos pères d’Egypte et les firent habiter dans ce lieu.» (1 Sam 12: 8 cf. Ex 3 :12, 14 : 11, 17:3, Nb 20: 3-4). Ailleurs, c’est l’Eternel lui-même qui est dit avoir fait sortir Israël d’Egypte, « par sa main puissante » (Ex.13 :9, 17 :1, Nb 15: 41, Lev 25: 55, Deut 16 :1). Autre exemple :

« Ainsi parle l'Eternel: A ceci tu connaitras que Je suis l’Eternel. Je vais frapper les eaux du fleuve avec la verge qui est dans ma main; et elles seront changées en sang. Les poissons qui sont dans le fleuve périront, le fleuve se corrompra, et les Egyptiens s'efforceront en vain de boire l'eau du fleuve. L'Eternel dit à Moïse: dis a Aaron: prends ta verge, et étends ta main sur les eaux des Egyptiens, sur leurs rivières, sur leurs ruisseaux, sur leurs étangs, et sur tous leurs amas d'eaux. Elles deviendront du sang: et il y aura du sang dans tout le pays d'Egypte, dans les vases de bois et dans les vases de pierre. Moïse et Aaron firent ce que l'Eternel avait ordonné. Aaron leva la verge, et il frappa les eaux qui étaient dans le fleuve, sous les yeux de Pharaon et sous les yeux de ses serviteurs; et toutes les eaux du fleuve furent changées en sang … Il s'écoula sept jours, après que l'Eternel eut frappé le fleuve » (Ex 7 :17-25)

Qui frappa le fleuve ? A deux reprises, il est dit qu’il s’agissait de l’Eternel. Cependant, nous voyons que ce fut Aaron, le frère de Moïse, qui frappa le fleuve. En outre, l'Eternel déclara qu'il allait lui-même tenir la verge dans ses « mains », comme s'il possédait un corps physique. La suite nous apprend que la verge se trouvait  en réalité dans les mains d'Aaron avec lequel Dieu s'identifia.

Considérons également ceci :

« Toute l'assemblée éleva la voix et poussa des cris, et le peuple pleura pendant la nuit. Tous les enfants d'Israël murmurèrent contre Moïse et Aaron [ … ]  L'Eternel parla à Moïse et à Aaron, et dit: Jusqu'à quand laisserai-je cette méchante assemblée murmurer contre moi? J'ai entendu les murmures des enfants d'Israël qui murmuraient contre moi.  »  ( Nb 14 :2 , 26-28 )

«  Je ( Zacharie )  leur dis: Si vous le trouvez bon, donnez-moi mon salaire; sinon, ne le donnez pas. Et ils pesèrent pour mon salaire trente sicles d'argent. L'Eternel me dit: Jette-le au potier, ce prix magnifique auquel ils m'ont estimé!  » ( Zacharie 11 :12-13) 

Moïse, Aaron et Zacharie furent-ils Dieu ?  Il est évident – et les chrétiens et autres qui se basent sur des textes similaires pour prouver la divinité de Yéshou`a  le reconnaîtront – qu’il n’en est rien. Il existe un principe qui permet de comprendre tous ces versets :

« Nous retrouvons dans toute la Torah que le mandataire d’une personne est comme elle-même » (Talmud de Babylone Nédarim 72b)

« Rabbi Yéhoshou`a ben Qo’rha dit : D’où savons nous que le mandataire (shalia’h) d’une personne est comme elle-même ? Il est dit : Et toute l’assemblée de la congrégation des fils d’Israël l’égorgera (l’agneau pascal) entre les deux soirs (Ex 12 :6). Ainsi, toute l’assemblée l’égorge. Or, c’est une seule personne qui l’égorge. De là nous dérivons l’idée que le mandataire d’une personne est comme elle-même »   (Talmud de Babylone Qidoushîn 41b)

« Une chose est appelée du nom de la chose à laquelle elle est attachée et le mandataire est appelé par le nom du mandant » (Rabbénou Bé'hayé sur Ex 33:7)

« Le shalia’h (mandataire) est unique en ce qu’ il conserve un certain degré d’ autonomie en accomplissant sa mission, tout en étant en même temps l’extension virtuelle de la personnalité de la personne qui l’a mandaté (meshalea’h) […] Le méshalea’h ( mandant ) agit à travers la totalité du shalia’h – non seulement à travers les agissement physiques du shalia’h (mandataire), mais aussi à travers sa personnalité qui devient une extension de la personnalité du méshaléa’h (mandant) » (Tiré de l'article the Emissaries de Chabad.org)

« Le mandataire d’une personne est comme elle-même, il est pour elle comme son corps »  (Talmud de Babylone, Qidoushin 43b )

Somme toutes, c'est une manière de parler, en Hébreu biblique, que d'attribuer au mandant les actes du mandataire, lequel agit au nom et pour le compte du mandant et de désigner par les appellations de Dieu ses représentants qui accomplissent ses oeuvres et jouent son rôle dans l'exercice de leur mandat.    

C'est la clé de compréhension de la plupart des versets que citent les trinitaires et autres qui  croient que Yéshou`a  est Dieu sous forme humaine.

Ainsi, quand le Tana"kh prédit que « l’Eternel viendra » (Os 6:3 et Za 14:5) et que le Nouveau Testament interprète la prophétie comme une référence à l’avènement de Yéshou`a  à la parousie (Jc. 5:7; Jd 1:14; 1Thes 3:13), l’on doit simplement comprendre que Yéshou`a, le mandataire, est considéré comme s'il était son mandant, l'Eternel à qui appartiennent tous les saints, comme  Moïse dont la venue en Egypte était considérée comme la venue de l'Eternel ou d'Aaron au sujet duquel l'Exode chapitre 7 dit : « Aaron leva la verge, et il frappa les eaux qui étaient dans le fleuve », « Il s'écoula sept jours, après que l'Eternel eut frappé le fleuve ». C'est que dit précisément le verset en Matthieu qui affirme qu'à la parousie, Yéshou`a viendra « au nom de l'Eternel » (Mt 23:9 cf Ps 118:26)

De la même manière, lorsque, dans le livre d’Ezéchiel, Dieu dit « c'est moi qui ferai paître mes brebis, c'est moi qui les ferai reposer […] Je chercherai celle qui était perdue, je ramènerai celle qui était égarée, je panserai celle qui est blessée, et je fortifierai celle qui est malade » , mais qu’ ensuite, il dit : « J'établirai sur elles un seul berger, qui les fera paître, mon serviteur David; il les fera paître, il sera leur pasteur » (Ez 34) et que d’après les évangiles, Yéshou`a est  le berger venu pour ramener les brebis perdues de la maison d’Israël, c’est à comprendre de la même manière que les textes que l’on a vu dans lesquels Dieu dit dans un premier temps qu’il fera lui-même une chose, mais qu’il délègue ensuite la tache à un mandataire. 

Lorsque nous lisons en Za 12:10 : « Et ils tourneront les regards vers moi (Dieu), celui qu'ils ont percé », il ne faut pas comprendre que Dieu lui-même est percé, mais qu'il se réfère à son mandataire percé à la première personne, comme il le fit avec Aaron et d'autres. Si l'on en croit les Actes, Paul, alors qu'il persécutait les disciples de Yéshou`a, entendit une voix céleste lui disant : « Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? » et : « Je suis Jésus, que tu persécutes. » (Ac 22:7-8). Il est à noter que le Nouveau Testament ne considère pas que celui qui est percé est Dieu mais un tiers. C'est ce qui transparaît de la paraphrase qui y est faite la prophétie de Zacharie : « Et regarderont vers celui qu'ils ont percé » (Jn 19 :37 et Rev 1 :7).

Il en est de même quand on lit que les « pieds » de l'Eternel se poseront sur le mont des oliviers (Za 14:4). Cela ne veut pas dire que l'Eternel s'est fait homme, mais que les pieds de l'émissaire, identifié dans le NT à Yéshou`a, sont considérées comme ceux de l'Eternel de la même manière que la Torah considère comme la main de l'Eternel la main d'Aaron par laquelle les eaux du Nil ont été frappées et changées en sang.

Lorsque le livre de la Révélation attribue à Yéshou`a  le titre de « Premier et Dernier » (Rev 1:18, Is  44 :6), il faudrait l’interpréter de la même manière qu’Ex 7:1, où Moïse reçoit le titre de « Dieu ». Autrement dit, Yéshou`a  a été élevé à l’instar de Moïse au rang d’agent de Dieu.

Notons que les disciples de Yéshou`a, qui s'exprimèrent de cette manière à propos de leur maître, ne constituent pas un cas isolé. La littérature rabbinique en fait de même avec les tsadiqim (justes).  Citons entre autres cet extrait du Talmud de Babylone :

« Rabbi A’ha dit au nom de Rabbi El`azar : D’où sait-t-on que le Saint, Béni Soit-il, appela Jacob « El » (Dieu) ? Il est écrit : Et il l’appela : El, Elohé, Israël (Gen 33 :20) »  (Méguillah 18a)

L'on pet lire aussi dans le traité Bava Batra  : 

 « Rabbi Yo’hannan dit : Les tsadiqim seront appelés du Nom du Saint Béni Soit-il, comme il est dit : Tous ceux qui sont appelés de mon Nom; car je les ai créés pour ma gloire; je les ai formés, et les ai faits – Isaïe 43 :7 – Rabbi Shmouel b. Na’hmani dit au nom de Rabbi Yo’hannân : Trois sont appelés du Nom du Saint Béni Soit-il : Le tsadiq, le messie et Jérusalem. Les tsadiqim, c’est comme nous l’avons dit. Le messie, comme il est écrit : « Et voici le nom dont on l'appellera: L'Eternel notre justice » (Jérémie 23 :6). Jérusalem, comme il est écrit : « Ainsi le circuit [de la ville] sera de dix-huit mille [cannes]; et le nom de la ville depuis ce jour-là sera: L’Eternel est là. (Adonaï shamah) » (Ez. 48 :35) Ne lis pas schamah (là), mais shémah (son nom) »  (Talmud Bava Batra 75b)

A rapprocher avec Rev 3.12 :

« Celui qui vaincra, je ferai de lui une colonne dans le temple de mon Dieu, et il n'en sortira plus; j'écrirai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la ville de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d'auprès de mon Dieu, et mon nom nouveau »

Il est encore dit dans la suite du passage talmudique que l’on vient de reprendre :

«  Rabbi Ele`azar dit : Dans le futur, il sera dit « Qadosh » (Saint) devant les Justes comme on le dit devant le Saint Béni Soit-il, comme il est dit : Et les restes de Sion, les restes de Jérusalem, Seront appelés saints – Isaïe 4:3 – » (ibid.)

Certains textes vont même jusqu’à appliquer à des rabbins des versets  de l’écriture qui parlent de l’Eternel. Nous retrouvons ainsi dans le Talmud de Jérusalem :

« Et l’Eternel est dans son saint Temple (Hab 2 :20) – C’est Rabbi Yits’haq bar Le`azar qui se trouve dans la synagogue à la porte de Césarée » (Talmud de Jérusalem Biqourim 3 :3)

Dans son Séfer ha-mitsvot, le Ramba"m a écrit :

« Pour aimer l'Eternel, votre Dieu, pour marcher dans toutes ses voies et pour vous attacher à lui » (Deut 11 :22). Ce commandement est répété en Deut 10,20 : « tu t'attacheras à lui ». Selon  l’explication du Sifri : Attaches-toi aux Sages et à leurs disciples » (Séfer Ha-mitsvoth, huitième commandement positif )

Relevons également dans le Zohar :

« Un jour, Rabbi Shime`on b. Yo’hay vint, accompagné de Rabbi Abba et de Rabbi Yéhoudah, de Cappadoce à Loud. Rabbi Abba était fatigué et courrait après Rabbi Shime`on ben Yo’hay, lequel montait un âne. Rabbi Abba dit : C’est évident : Ils suivront l'Eternel, rugissant comme un lion (Osée 11 :10) » (Zohar 1 :123a et 3 :79b)

Ailleurs dans le Zohar, nous lisons :

« Qui est la face du Seigneur Dieu ? C’est Rabbi Shime`on bar Yo’hay » (Zohar 2 :38a)

Nous pouvons faire appel à Rabbi Yossèf Albo pour mieux comprendre les autres versets sur lesquels les chrétiens s'appuient :

« L’Ange ne peut pas se rebeller contre le commandement de l’Eternel, pour changer son mandat ou prendre la responsabilité sur lui-même. Il est appelé « mal’akh » (envoyé), non pas parce qu’il est une intelligence distincte, mais parce qu’il vient en tant que mandataire de Dieu. Et s’il change son mandat, alors il n’est plus un « mal’akh ». C’est pour cela qu’ il ne lui est pas permis, pendant son mandat, de faire ou de dire quoi que soit qui n’a pas été commandé par Hashem. C’est pourquoi l’ange qui est envoyé en mission divine ne souhaite pas révéler son nom propre ou ses propres forces, à part son mandat.  Lorsque Jacob demanda à l’ange : « Fais-moi je te prie, connaître ton nom » (Gn 32.29), l’ange lui dit : « Pourquoi demandes-tu mon nom? ». De même, l’Ange dit à Manoa’h : « Pourquoi demandes-tu mon nom? Il est merveilleux » (Juges 13.18) et déclara également : « Quand tu me retiendrais, je ne mangerais pas de ton mets; mais si tu veux faire un holocauste, tu l'offriras à  l’Eternel » (Ibid. 13 :16) c'est-à-dire : Si tu m’offres un holocauste, je ne l’accepterais pas, et cela ne t’apporteras rien, car je ne me manifeste à toi pas en mon propre nom ou en ma propre capacité. De ce fait, cela ne te serviras à rien de connaître mon nom ou ma force propre, car cela peut t’induire en erreur en ce que tu pourrais penser que j’ai une quelconque force personnelle dans ce mandat, alors que ce n’est pas le cas. Ainsi, « si tu veux faire un holocauste, tu l'offriras à  l’Eternel » car la force est sienne et que le mandat provient de lui. C’est pourquoi, celui qui se prosterne devant un Ange en tant que tel dans sa capacité personnelle est coupable du péché de l’idolâtrie, contre lequel nous sommes prévenus lorsqu’ il a été dit : « Et tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face » (Deut. 5 :7), comme nos Rabbins de mémoire bénie ont expliqué dans la Mékhilta » (Séfer Ha-`iqarim 2:28) 

C'est en ce sens que l’Ange, dans le livre de la Révélation, défendit similairement à Jean de se prosterner devant lui et lui dit d’adorer Dieu. Notons à propos de l’Ange de l’Eternel, que certains identifient au Messie pré-incarné, que l’écriture en fait un être distinct de Dieu.  Il s’adresse à l’Eternel (Zach. 1: 12) et l’Eternel lui répond (Zach. 1: 13). L’Ange de l’Eternel cherche à massacrer le peuple (I Chr. 21 :16) mais l’Eternel l’en empêche et l'ordonne d'arrêter (I Chr. 21 :22).  Si l’écriture, en Ex 3:2 dit à son sujet qu'il apparut à Moïse dans une flamme de feu au milieu du buisson  et que selon Ex 3:4,  l’Eternel parla avec Moïse au milieu du buisson, c’est uniquement parce que l’Ange, le mandataire, est considéré comme son mandant, Dieu, et en porte les titres.  C’est d’ailleurs ce que dit la Torah lorsqu’on y lit concernant l’Ange: «  Car mon Nom est en lui » (Ex 23 :21).  Lorsque, en certains endroits de la Torah et du Nakh, l’Ange transmet au style direct les paroles de Dieu,  il faut l’interpréter de la même manière que les passages où on lit que Moïse déclare sans l’habituel « ainsi parle l’Eternel »: « Moi, moi, je suis lui et il n'y a point de dieu à cote de moi » (Deut 32:39); «  Je fais vivre et je fais mourir, Je blesse et je guéris » (ibid.)  ; « Personne ne délivre de ma main » (ibid.) ; « Je donnerai à votre pays la pluie en son temps »  (Deut 11 :14) ou encore : « Je suis l’Eternel ton Dieu »  (Deut 29:6). Rabbi Yossèf Albo explique de la sorte ce phénomène :

 « Il est permis aux Anges, lorsqu’ ils viennent vers les hommes, de parler au Nom de celui qui les a envoyé. On peut le voir en plusieurs endroits où, bien que celui qui est visible est un Ange, celui-ci parle au Nom de celui qui l’a envoyé. Ainsi l’Ange dit à Hagar: « Je multiplierais ta  descendance »  (Gn 17). Et il dit à Abraham : « Je reviendrai vers toi à cette même époque » (Gn 18.10) ; si Dieu l’envoie comme l’a expliqué Rashi, car il est constant que l’Ange n’est pas revenu vers lui. Jacob dit aussi : « Et l'ange de Dieu me dit en songe: Jacob! Je répondis: Me voici! » (Gn 31 :11) ; alors qu’à a fin du songe, l’Ange lui dit : « Je suis le Dieu de Béthel, où tu as oint un monument, où tu m'as fait un vœu » (ibid. 13). Or, Jacob n’a pas fait un vœu à un Ange, mais à Dieu.  De même, l’Ange dit à Abraham : « Je sais maintenant que tu crains Dieu, et que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique » (Gn 22.12). Mais Abraham n’a offert son fils Isaac qu’à Dieu ! Dans le cas de Gédéon, également, l’Ange lui dit : « Je serais avec toi » (Juges 7). De même avec Moïse : Au début de la vision du buisson ardent, l’écriture dit : « L'ange de l’Eternel lui apparut » (Ex. 3:2), alors que lorsqu’ il commence à lui parler, il lui dit : « Je suis le Dieu de ton père … J’ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Egypte ». Cela démontre qu’un Ange parle au Nom de celui qui l’a envoyé, saches-le »

Au cas où d’aucuns trouveraient cette explication invraisemblable, indiquons que le NT nous offre un autre exemple qui illustre encore mieux le principe :

« C'est moi Jean, qui ai entendu et vu ces choses. Et quand j'eus entendu et vu, je tombai aux pieds de l'ange qui me les montrait, pour l'adorer. Mais il me dit: Garde-toi de le faire! Je suis ton compagnon de service, et celui de tes frères les prophètes, et de ceux qui gardent les paroles de ce livre. Adore Dieu. Et il me dit: Ne scelle point les paroles de la prophétie de ce livre. Car le temps est proche. Que celui qui est injuste soit encore injuste, que celui qui est souillé se souille encore; et que le juste pratique encore la justice, et que celui qui est saint se sanctifie encore. Voici, je viens bientôt, et ma rétribution est avec moi, pour rendre à chacun selon ce qu'est son œuvre. Je suis l'alpha et l'oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin »

Soit l’on interprète littéralement le texte  et on en déduit que Yéshou`a, qui refusa d’être adoré, n’est pas Dieu mais un ange créé qui, à un certain stade, s’est fait homme. Soit l’on en conclut que l’ange, même s’il ne le précise pas, ne parle pas en son propre nom mais transmet au style direct les propos de celui qui l’a envoyé. Si tel est le cas, et ceux croient que Yéshou`a est un Homme-Dieu ont tout intérêt à ce que ce le soit, il n’existe aucune bonne raison de ne pas croire qu’il en fut de même lorsque l’Ange de Dieu, dans le Tanakh, parle comme s’il était lui-même Dieu.  Après que Moïse soit descendu du Mont Sinaï, son visage reflétait la Gloire, et le peuple prit peur en le voyant (Ex.39: 29-35). De même, tous ceux qui virent l’Ange de Dieu craignirent pour leur vie (Gn.22: 30, Ex. 3: 6, Jg 13:21-22,6:22-23). Si l’Ange est appelé « Elohim » par Manoah  ou Jacob ; c’est à l’instar de Moïse qui porte ce titre en Ex7:1.  Rabbi Yossèf Albo poursuit :

« Mais si quelqu’un se prosterne devant un Ange en sa qualité d’émissaire de l’Eternel, un tel acte est permis. Lorsqu’on se prosterne devant un officiel du Roi dans sa capacité individuelle et qu’on l’accepte comme Seigneur, on est rebelle vis-à-vis du pouvoir.  Mais si on se prosterne devant lui en tant que mandataire du Roi, on honore le Roi. C’est la raison pour laquelle il a été permis à Josué de se prosterner devant l’Ange qui lui est apparu à Jéricho et qui s’adressa à lui en ces termes : «  Je suis le chef de l'armée de l'Eternel, j'arrive maintenant. Josué tomba le visage contre terre et se prosterna » (Josué 5.14). Car bien que la prosternation est l’une des quatre expressions du culte avec  les sacrifices, l’ offrande d’ encens et de libation ; choses qu’ il est interdit de faire, même à un Ange, la prosternation est en l’ occurrence autorisée car faite pour la Gloire de l’Eternel et que l’ange était son mandataire »

En sachant que le mandataire porte le Nom du mandant, c'est la clé qui donne la compréhension de l'hymne aux Philippiens dans lequel l'on peut lire à propos du messie ressuscité que  « Dieu l'a souverainement élevé, et lui a donné le Nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu'au Nom de Jésus tout genou fléchisse dans les cieux, sur la terre et sous la terre, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, a la gloire de Dieu le Père » (Phil 2.9-11). 

Tout cela est en résonance avec les versets en Jean, où Yéshou`a , en mandataire modèle, dit : 

« Je suis venu au nom de mon Père, et vous ne me recevez pas; si un autre vient en son propre nom, vous le recevrez. » (Jn 5:43 ) 

« Je ne cherche point ma gloire; il en est un qui la cherche et qui juge » (Jean 8 :50) 

Et : 

« Celui qui parle de son chef cherche sa propre gloire; mais celui qui cherche la gloire de celui qui l'a envoyé, celui-là est vrai, et il n'y a point d'injustice en lui » ( Jean 7 :18 )

Ou encore : 

«  Le Père ne juge personne, mais il a remis tout jugement au Fils, afin que tous honorent le Fils comme ils honorent le Père. Celui qui n'honore pas le Fils n'honore pas le Père qui l'a envoyé. »  ( Jn 5:23 ) 

Pour paraphraser ce qu'a dit Rabbi Yossèf Albo, « lorsqu’on honore un officiel du Roi dans sa capacité individuelle et qu’on l’accepte comme Seigneur, on est rebelle vis-à-vis du pouvoir.  Mais si on l'honore en tant que mandataire du Roi, on honore le Roi  » 

Prier Yéshou`a ?

En Actes 7 :59, nous voyons Etienne s’adresser au Yéshou`a ressuscité.  Les croyants en la divinité Yéshou`a y voient une preuve qui corrobore leurs croyances.  Mais là non plus, l’argument ne tient pas.

Bien que, dans les traductions françaises du Livre des Actes, il soit dit qu’Etienne, juste avant de mourir, « priait et disait: Seigneur Jésus, reçois mon esprit! », le terme traduit par « prier » est πικαλέω (épikaléo) qui apparaît également en Ac 25 :1, où nous lisons que Paul, lors de son jugement, dit : « J'en appelle – épikaléo – à César ».

Etienne n’a ainsi pas « prié » Yéshou`a, mais « l’appela » comme le traduisent ces versions anglaises plus exactes de sens : 

« Alors, ils lapidèrent Etienne, qui appela le Seigneur, disant : Seigneur Jésus, reçois mon esprit » (Moffatt) 


 « Alors qu’ils lapidaient Etienne, il s’écria : Seigneur Jésus, reçois mon esprit ! » (English Standard Version) 


« Et ils lapidaient Etienne, en appelant au Seigneur et disant : Seigneur Jésus, reçois mon esprit ! »
 (Berean Study Bible)

Le texte rapportant qu’Etienne voyait Yéshou`a en vision, il est clair qu’il lui a parlé comme il aurait parlé à n’importe quel être céleste qui lui serait apparu.

Il en est de même lorsque Paul, dans ses lettres, parle d’ « appeler le Nom du Seigneur Jésus » : Il ne s’agit ni de « prier » Yéshou`a ni de l’adorer comme Dieu, mais simplement de faire appel à lui. L’enseignement de la tradition donne à mieux comprendre de quoi parle Paul : 

« Quiconque a une personne souffrante dans sa maison, devra aller vers un homme sage qui implorera la miséricorde pour lui comme il est dit : La fureur du roi, ce sont des anges de la mort, mais l'homme sage l'apaisera »  (Talmud de Babylone, Bava Batra 117a)

Nous voyons dans le Tanakh que cette pratique fut suivie par les rois Ezéchias et Josias qui demandèrent au prophète Jérémie d'intercéder pour eux (2 Rois 19 et 22). Le livre de Jérémie y fait d’ailleurs allusion en ces termes : 

« Souviens-t'en, je me suis tenu devant toi, Afin de parler en leur faveur, Et de détourner d'eux ta colère » (Jer.  18 :20)

 Et : 

« L'Eternel me dit: Quand Moïse et Samuel se présenteraient devant moi, Je ne serais pas favorable à ce peuple » (Jer. 15 :1)

 Nous lisons aussi dans le livre d’Ezéchiel :

 « Je cherche parmi eux un homme qui élève un mur, qui se tienne à la brèche devant moi en faveur du pays, afin que je ne le détruise pas; mais je n'en trouve point »  (Ez 22 :30)

C’est ainsi uniquement le fait de servir ou d’adresser à une  créature les louanges que l’on doit à Dieu ou de la reconnaître comme la source de la bénédiction, chose qui, nulle part dans le NT, n’est faite vis-à-vis de Yéshou`a, qui est prohibé. Par contre, simplement s’adresser à un être terrestre ou céleste ou lui demander l’intercession n’est pas interdit.

En ce sens, la pratique nazaréenne et paulinienne de « faire appel » à Yéshou`a n’est que l’expression de la conviction que Yéshou`a est vivant et actif pour intercéder auprès de Dieu (Heb 4 :14-16) et non qu’il est d’essence ou de nature divine.

Comme nous l’avons déjà dit, Yéshou`a  lui-même n’a jamais demandé à ses disciples de le prier ou de lui rendre un culte, mais leur demanda au contraire de s’adresser dans leurs prières à « notre Père qui est aux cieux » (Mt 6:8).  Dans l’évangile de Jean, il est enseigné que la prière est adressée à Dieu  « au nom de Yéshou`a » (Jn 14 :13-14; 16:23) ; ce qui concorde avec la pratique juive qui consiste à mentionner, dans les demandes faites à Dieu, les «  noms » ou « les mérites » des tsadiqim afin d’être exaucé.


La préexistence de Yéshou`a

Etant donné que la divinité de Yéshou`a ne peut être envisagée sans l'idée qu'il ait déjà existé avant de naître en tant qu'homme, la question de la préexistence mérite que l’on s’y penche également.

Remarquons tout d'abord que même si certaines traditions  enseignent la préexistence de toutes les âmes ( Béréshith Rabbah ch. 8, Midrash Tan’houma parashath Péqoudé 3  ), y compris celle du Messie, dans d’autres textes, la préexistence messianique n’est pas conçue comme littérale mais plutôt comme idéale : 

 « Ainsi répétèrent oralement nos rabbins : Sept choses furent créées alors que le monde n'a pas encore été créé , les voici : le trône de Gloire , la Torah , le Temple , les Pères du monde , Israël , le nom du  Messie et la Repentance »  ( Midrash Tan'houma , Parashat Nasso , Simân 11 )

« Sept choses furent créées alors que le monde n'a pas encore été créé, les voici : la Torah, la Repentance, le Jardin d'Eden , la Géhenne , le Trône de Gloire , le Temple et le nom du Messie »  (Talmud Bavli Pessa'him 54a ; Nedarim 39a)

« Rabbi Tan'houma dit : ... Six choses précédèrent la création de l’univers. Certaines furent créés, et d'autres ont émergées dans les pensées de Dieu pour être créées. La Torah et le trône de Gloire furent créés ... Les Pères, Israël, le Temple et le nom du Messie ont émergées dans la pensée pour être créées »  ( Midrash Bereshit Rabbah , chapitre premier )

Le verset de Michée 5 :1, où l’origine du Messie est dite remonter aux « temps anciens » est expliquée comme suit par le Targoum :

« Et toi Bethlehem Ephrata ... c'est de toi que sortira le Messie celui qui est destiné à dominer sur Israël et dont le nom a été mentionné aux temps lointains, aux jours antiques »

C’est donc le nom du Messie, c'est-à-dire l’idée et le concept messianique, et non la personne du Messie, qui a préexisté et qui est antérieure à la création du monde.

Il apparaît clairement que c’était aussi l’avis de l’auteur de la première épître de Pierre, lequel dit au sujet de Yéshou`a qu’il a été «  préconnu avant la fondation du monde, et manifesté à la fin des temps » ( 1 P 1 :20 )

Si la tradition rabbinique voit en Michée 5:2, qui parle pourtant d'origine, une référence à la présence du Messie dans le plan Divin ou à la préexistence de son nom, c'est parce la pensée juive exprime parfois la prédestination d’une chose en termes d’existence.  La même chose se retrouve dans le NT lorsque nous retrouvons par exemple dans le livre de la Révélation que l’agneau ( Yéshou`a ) a été immolé « depuis la fondation du monde » ( Rev 13 :8, version de Martin ) alors que la crucifixion elle-même n’a littéralement eu lieu qu’ en l’an 30 de l’ère commune. Comme il peut être lu dans le livre des Actes,  Yéshou`a  a été «  livré selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu »  ( Ac 2 :23 ).  

Rien dans le Nouveau Testament ne semble d'ailleurs dire de façon explicite que Yéshou`a a personnellement existé avant de naître en tant qu'homme.

Même si Paul, en Col 1:15, parle de Yéshou`a comme le premier né de la création et le présente comme l'instrument à travers lequel  tout a été fait, il précisa  par la suite que Yéshou`a est  en réalité le commencement en ce qu'il  est le premier-né d'entre les morts ( Col 1:18 ). Nous retrouvons pareillement dans l'épître aux Corinthiens : «  Mais maintenant, Christ est ressuscité des morts, il est les prémices de ceux qui sont morts » ( 1 Co 15:20 ). Et dans livre de la Révélation, où l'on peut lire  :  « Jésus-Christ, le témoin fidèle, le premier-né des morts, et le prince des rois de la terre » ( Rev 1:5 ).  L'épître aux Hébreux précise que  « ce n'est pas à des anges que Dieu a soumis le monde à venir dont nous parlons » ( Heb 2:5 ) ; ce qui donne à entendre que le monde créé à travers le Fils dont il est fait mention dans le premier chapitre  n'est pas ce monde-ci, dont la création est relaté dans les premiers versets de la Torah, mais le monde à venir, la nouvelle création ( Is 65:17-18 ) dont Yéshou`a est les prémices. C'est ce que dit Paul en 2 Co 5:17 :   «  Si quelqu'un est en Christ, il est une nouvelle créature. Les choses anciennes sont passées; voici, toutes choses sont devenues nouvelles  »

Quid alors de l'hymne aux Philippiens ? Signalons tout d'abord que les traductions divergent au niveau du verset 7. Alors que la version de Darby et de Martin disent « fait à la ressemblance des hommes », Louis Segond, qui n'était à l'évidence pas à l'aise avec l'idée que le Christ a été fait (créé) ou que son existence n'a commencée que lorsqu' il est né en tant qu'homme, dit à la place :  « En devenant semblable aux  hommes ». Compte tenu de tout cela, et sachant que les originaux grecs sont dépourvus de ponctuation, il serait possible lire l'hymne comme suit : 

« Qu'il y ait donc en vous un même sentiment qui a été en Jésus-Christ. Lequel étant en forme de Dieu, n'a point regardé comme une usurpation d'être égal à Dieu mais s'est vidé  lui-même en prenant  la forme de serviteur. Venu à l'existence (γίνομαι) à la ressemblance des hommes et étant trouvé dans sa manière d'être (σχῆμα) comme un homme, il s'est abaissé lui-même, et a été obéissant jusques à la mort, à la mort même de la croix. »

Lu de cette manière, le texte peut-être interprété comme parlant non pas du Christ préexistant, mais du Christ créé en tant qu' homme, lequel, durant sa vie terrestre,  bien qu'il était en forme de Dieu, c'est à dire revêtu des qualités de Dieu ( Jn 14:9 ), ne s'est pourtant jamais proclamé l'égal de Dieu mais resta subordonné. Il s'est « vidé » non pas de sa soi disant nature divine mais de sa vie en acceptant le rôle du serviteur souffrant du chapitre 53 d'Isaïe dont l'original hébreu dit littéralement qu' il a  « vidé sa vie à la mort » הערה למות נפשו ( hé`erah lémavet nafsho ) 

Le parallèle avec le  récit de la chute d'Adam est remarquable:  Le premier Adam créé « à l’image de Dieu » ( Gn 1:26 ) pécha contre son Créateur quand le serpent a promis que lorsque l’homme mangera du fruit de l’arbre, lui et la femme deviendront des dieux ( Gn 3:5 ). Yéshou`a, par contre, bien qu’étant à l’image de Dieu ( durant sa vie terrestre ), ne s’est pas fait l’égal de Dieu mais est resté obéissant. Il s’est fait serviteur et n’a jamais proclamé être Dieu puisqu'il savait pertinemment ce qu'il était : Un être humain créé à la ressemblance des autres hommes et non une divinité. Adam, à cause de son péché, a perdu son immortalité et introduit la mort dans le monde ( Rm 5:12 ). Yéshou`a, par son obéissance, a mérité de ressusciter pour la vie éternelle et d'être élevé à la droite de Dieu. L'on voit que l'hymne reprend l’histoire d’Adam, mais dans le sens inverse.

Si, dans les épîtres de Paul, le Fils n’intervient qu’au moment de la nouvelle création, dans le prologue de l’évangile de Jean, il est effectivement question de la création des cieux et de la terre telle que relatée dans le livre de la Genèse. Mais là non plus, il n’est pas nécessaire pour comprendre le texte de supposer que le Fils préexista ou que la Parole dont parle le prologue soit autre chose qu’une Parole littérale. L’incompréhension résulte de la traduction de Jn 1:1  dans la plupart des Bibles (trinitaires) :

« Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu »

En revenant au texte grec, on remarque qu'alors que dans le premier cas, « théos »  (Dieu) est précédé d'un article défini, dans le second, il ne l'est pas. Bien que « théos » sans article soit parfois utilisé dans la version grecque de l'évangile johannique pour signifier Dieu, le fait que ce terme ne se présente pas de la même manière dans le même verset illustre clairement l'intention de l'auteur qui n'est autre que de distinguer deux sujets: « ho théos » (« le théos », avec l'article défini) et « théos » (sans article). Ce détail n’est pas passé inaperçu au professeur Moffat qui, dans sa traduction, a rendu le texte comme suit :

«  Le Logos exista au commencement, et le Logos était avec Dieu, et le Logos était divin »  (cf. traduction de Mofatt)

Lorsque le prologue dit que « la Parole a été faite chair, et elle a tabernaclée parmi nous » (  Jn 1 :14 , traduction littérale du grec ), cela ne signifie pas que la Parole est une personne qui s’est incarnée, mais que Dieu mit sa Parole dans un homme : Yéshou`a qui l'internalisa. La littérature Hassidique, bien que tardive,  peut nous aider à mieux comprendre davantage cette notion de Logos «  fait chair »  :

«  Puisque, par la connaissance de la Torah ( la Parole de Dieu ), la Torah est revêtue de l’âme et de l’intellect de l’homme, et en est enveloppée, elle est appelée « pain » et « nourriture » de l’âme. Car de même que le pain physique nourrit le corps quand il est ingéré, dans les entrailles mêmes, et qu’il y est transformé en sang et en chair de sa propre chair, et c’est [seulement] ainsi qu’il [le corps] vit et se maintient, ainsi, au moyen de la connaissance et de la compréhension de la Torah par l’âme de l’homme qui l’étudie convenablement, avec la concentration de son intellect, jusqu’à ce que [la Torah ] soit saisie par son intellect et unie avec lui de sorte qu’ils ne fassent qu’un » (Tanya Likkoutéi Amarim chap. 5)

L'homme Yéshou`a, qui, dans le récit johannique, personnifie la Parole, s'exprime d'ailleurs en s'identifiant étroitement au Logos qu'il n’est parfois guère aisé de distinguer le Logos de la personne ( entièrement humaine ) à laquelle il est uni   :

« En vérité, en vérité, je vous le dis, Moïse ne vous a pas donné le pain du ciel, mais mon Père vous donne le vrai pain du ciel; car le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au monde. Ils lui dirent: Seigneur, donne-nous toujours ce pain. Jésus leur dit: Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi n'aura jamais faim, et celui qui croit en moi n'aura jamais soif ... En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui croit en moi a la vie éternelle. Je suis le pain de vie. Vos pères ont mangé la manne dans le désert, et ils sont morts. C'est ici le pain qui descend du ciel, afin que celui qui en mange ne meure point. Je suis le pain vivant qui est descendu du ciel. Si quelqu'un mange de ce pain, il vivra éternellement; et le pain que je donnerai, c'est ma chair, que je donnerai pour la vie du monde. » (Jn 6:32-35 , 47-50)

Ceux qui l'écoutèrent furent scandalisés par ces déclarations qui semblent rendre licite l'anthropophagie (Jn 6:41-42). Loin d'éclaircir l'équivoque, Yéshou`a accentue l'indignation de la foule outragée :

« En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l'homme , et si vous ne buvez son sang, vous n'avez point la vie en vous-mêmes. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang a la vie éternelle; et je le ressusciterai au dernier jour. Car ma chair est vraiment une nourriture, et mon sang est vraiment un breuvage. Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang demeure en moi, et je demeure en lui. Comme le Père qui est vivant m'a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi. C'est ici le pain qui est descendu du ciel. Il n'en est pas comme de vos pères qui ont mangé la manne et qui sont morts: celui qui mange ce pain vivra éternellement » (Jn 6:53-58)

Cependant , le texte le dit très clairement  :

« C'est l'esprit qui vivifie; la chair ne sert de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie » (Jn 6:60)

« Simon Pierre lui répondit: Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6:68)

Il ne s'agissait donc en aucun cas de dévorer littéralement le Fils de l'homme mais de se nourrir, à travers l'imitatio Christi, de ses paroles qui ne sont autre que la Parole de Dieu qu'il enseigne et incarne ( 1Jn 2:6, 3:24, 1P. 2:21 ). En d’autres termes, bien que Yéshou`a s'exprime à la première personne et malgré l'incompréhension de la foule,  ce qui est descendu du ciel et que l’on est invité à manger n’est pas littéralement Yéshou`a, mais la Parole de Dieu qu'il personnifie ( Deut 8:3 et Mat 4:4 ). L’on est amené à comprendre que pareillement,  lorsque, ailleurs dans le quatrième évangile, Yéshou`a se disait venir du ciel, être sorti de Dieu, être le chemin, la vérité et la vie,  ou avoir existé avant Abraham, il ne se référait  pas littéralement  à lui-même, à son être, mais au Logos qui fut au commencement avec Dieu ( Jn 1 :1 ).   

Quant à Jn 17:5, Yéshou`a parle simplement de la gloire qui lui était destinée, donc déjà sienne, avant même que le monde et lui-même n' existent :

« Et maintenant glorifie-moi , Père , auprès de toi-même de la gloire que j'ai possédé avant (que) le monde (soit), qui exista auprès de toi » (Jn 17:5 , traduction littérale du texte grec)

Mais quand bien même le NT enseignerait que Yéshou`a préexista et que ce fut à travers lui que Dieu fit toutes choses,  cela ne démontrerait pas pour autant sa divinité sachant, d’une part, que  si Yéshou`a a réellement préexisté, il a très bien pu l’être en tant qu’âme ou un esprit créée et, d’autre part, que, contrairement à ce qu'avancent les trinitaires contre les ariens, l’idée que Dieu ait fait toutes choses par l'entremise d'une créature n’est pas invraisemblable. Si, en effet, la Torah affirme sujet de l’Eternel que « seul il a conduit son peuple » ( Deut 23 :12 ) quand bien même il le fit à travers ses émissaires que sont l’ange et Moïse ( Ex 32 :34 ), qu'y a t-il d'inconcevable dans l’idée que Dieu créa seul les cieux et la terre  ( Is 44:24 ) à travers une créature qu'il utilisa comme instrument ?  

L’Esprit, troisième personne de la Trinité ?

Dans le Tanakh, l' « Esprit Saint »  n'est pas une personne distincte. Le mot « esprit » ou  « roua'h » signifie en effet en hébreu le caractère ou le principe pensant d'une personne (Gn 41:18 ; Ex 6:9 ; 28:13 ; Nb 5:14 ; Is 11:2 ; 40:13) ou son énergie vitale, et, lorsque le terme est utilisé en relation à Dieu, se réfère soit à son intellect  (Is 4:13-14), soit à la puissance par laquelle il fit l’univers (Za 4:6; Job 33:4 ; Ps 33:6 ; Gn 1:1 ) et confère parfois à certains individus pour les inspirer, les guider dans l’accomplissement de sa volonté, ou bien pour qu'ils prophétisent (Nb 11:17 - 25 - 29, 24:2, 27:18 , 1 Sam 16:13 ,11:6, Is 42;1, 44:3, 63:10, Jl 2:28-29 , Ps 51:13, Juges 3:1 , 11:29 etc ...).  C'est  le sens que revêt ce terme en Actes 1,8 :

« Mais vous recevrez une puissance, le Saint-Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre »

C’est ce qui transparaît également des épîtres de Paul. En Rm 8 :11, nous lisons que c’est par l'Esprit que Dieu a ressuscité le Christ et « donnera vie aux corps mortels » des pauliniens. En 1 Co 6 :14, par contre, il est dit que « Dieu qui a ressuscité le Seigneur, nous ressuscitera aussi par sa puissance ».  Alors qu'ailleurs dans le NT, il est parlé de la présence et de l’activité de l'Esprit de Dieu dans les croyants, Eph 3:20 évoque « la puissance qui agit en nous ».

Puisqu’il est dit scruter (2 Co. 2: 10), parler (Rev 2: 7), intercéder (Rm 8:  26) ou être attristé (Eph 4: 30), l’Esprit, disent les trinitaires, est une personne consciente et distincte. A noter cependant que des choses inanimées et impersonnelles sont pareillement personnifiées dans le Tanakh et le NT. Par exemple, dans le chapitre 8 du livre des Proverbes, la sagesse est dite aimer, haïr et crier.   Selon Lc 11: 49, « la sagesse de Dieu a dit: Je leur enverrai des prophètes et des apôtres; ils tueront les uns et persécuteront les autres ». Le NT dit du péché qu’il séduit et tue (Rm 7: 11)  et affirme au sujet de la mort qu’elle règne sur les hommes (Rm 5: 1). Paul, dans ses lettres, écrit à propos de la charité, qui n’est pourtant pas une personne, qu’elle est « patiente, pleine de bonté, point envieuse, ne se vante pas, ne s’enorgueillit pas, n’est pas malhonnête, ne cherche pas son intérêt, ne s’irrite pas et ne soupçonne pas le mal » (1 Cor.13 :4-8). A l’instar de l’Esprit Saint, (Rev 2 :7, Jn 15 :26, Ac 16 :6), les écritures peuvent aussi parler (Rm  4:3) témoigner (Jn 5:39), ordonner (Nb 5:30) et prévoir (Ga 3 :8). « La parole de Dieu », dit l’épître aux Hébreux, « est vivante et efficace, plus tranchante qu'une épée quelconque à deux tranchants, pénétrante jusqu'à partager âme et esprit, jointures et moelles; elle juge les sentiments et les pensées du cœur » (Heb 4 :12).  Sachant cela,  il n’est pas nécessaire d'inférer de la personnification de l'esprit de Dieu qu’il s’agit d’une personne distincte.

Dans le NT, la personnification de l’Esprit peut le plus souvent s'expliquer par le fait que que le terme « Esprit » est employé comme une métonymie pour parler de Dieu en action, dont l'Esprit est la force agissante, ou de Yéshou`a, qui est rempli de l’Esprit.  Il est à noter que la métonymie, un procédé littéraire qui consiste à « exprimer un concept au moyen d'un terme désignant un autre concept qui lui est uni par une relation nécessaire », n’est pas rare dans les écritures hébraïques.  Ainsi, par exemple, en Gn 42 :38,  les « cheveux blancs » désignent la personne dont les cheveux sont blancs.  En plusieurs endroits de la Torah, le mot  « bouche » signifie le commandement ou la parole exprimée au moyen de la bouche (Nb 3 :16 , 20:24 ; Deut 1 :26 : 27 :6 ; 29 :15). En Nb 11 :7, l’original  hébreu duquel dit que « les yeux de la manne était comme l’œil de la coriandre » ועינו כעין הבדלח, ou en Pr 23 :31, qui dit concernant le vin qu' « il donne ses yeux dans la coupe » כי־יתן בכוס עינו, « œil » désigne la couleur ou l’apparence perçue par l’œil. David, pleurant la mort de Saül et Jonathan, dit : « Comment sont tombes les hommes forts, et sont péris les instruments de guerre! »  (2 Sam 1:27).  Le NT fait également usage de la métonymie. En Luc 16 :29 ; 24.27 ainsi qu’en Actes 15:21 ; 21 :21, « Moïse » signifie clairement la  «  Loi de Moïse ». De la même manière, en Rm 16 :9, le mot « Christ » désigne l’Evangile et quand on lit en Mt 2 :11 que les mages « ont ouvert leurs trésors », l’on comprend qu’ils ouvrirent le coffre ou la boîte contenant le trésor. En 1 Jn 4 :1-3, le mot « esprit »  est employé comme une métonymie pour signifier les prophètes qui en sont habités et animés :  

« Bien-aimés, n'ajoutez pas foi à tout esprit; mais éprouvez les esprits, pour savoir s'ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde. Reconnaissez à ceci l'Esprit de Dieu: tout esprit qui confesse Jésus-Christ venu en chair est de Dieu; et tout esprit qui ne confesse pas Jésus n'est pas de Dieu, c'est celui de l'antéchrist, dont vous avez appris la venue, et qui maintenant est déjà dans le monde »

Ces passages peuvent jeter une lumière sur ce que nous lisons en Rm 8:26 où Paul dit que « l'Esprit lui-même intercède par des soupirs inexprimables », mais précise quelques versets plus loin c’est le « seul médiateur entre Dieu et les hommes » (1 Tim 2:5)le Christ rempli de l’Esprit Saint, et non une personne distincte, qui « intercède pour nous » ( Rm 8 :33). De la même manière, c'est parce que l'Esprit, qui est la puissance agissante de Dieu, peut être utilisé comme une métonymie pour parler de Dieu que Pierre dit dans un premier temps qu' Ananias a menti à l'Esprit Saint ( Ac 5:3 ) mais affirma par la suite c’est à Dieu (le Père) qu’ Ananias a menti ( Ac 5:4 ).  

A noter que Paul, dans ses lettres, salue toujours ses destinataires au nom de « Dieu le Père et de Jésus-Christ », parfois des anges, mais jamais au nom du «  Saint-esprit ». D'autre part, alors que le NT décrit des visions où sont présents le Père et le Fils de l'Homme, le Messie, ils n'y évoquent par contre aucune troisième personne répondant au nom de « Saint esprit » (Ac 7:55 et 56; Col. 3:1; et Rev 5:1-9; 7:10). Il est question en outre dans la première épître de Jean de « notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus-Christ ... » (1 Jn 1:3 ), mais la communion avec le « Saint-Esprit » y est passée sous silence. De la même manière, Jacques, dans son épître, affirma être le « serviteur de Dieu et du Seigneur Jésus-Christ », mais ne souffle mot de l'Esprit Saint. Contrairement à la chrétienté, les auteurs du NT ne concevaient clairement pas l'Esprit comme la troisième personne au sein d'une Trinité.

Remaniements textuels

D'autres passages que citent les trinitaires relèvent quant à eux d'interpolations insérées tardivement dans le texte dans l'intention d'asseoir la crédibilité des dogmes de la Trinité et de l'Incarnation. C’est le cas notamment des mots « le Père, la Parole et l’Esprit Saint, et ces trois sont un »  qui figurent en 1 Jn 5:7-8. Ainsi que le reconnaît la Bible de Jérusalem : 

« Le texte des versets 7-8 est surchargé dans la Vulg [Vulgate]. par une incise (ci-dessous entre parenthèses) absente des manuscrits grecs anciens, des vieilles versions et des meilleurs manuscrits de la Vulg., et qui semble être une glose marginale introduite plus tard dans le texte : " Car il y en a trois qui témoignent (dans le ciel : le Père, le Verbe et l’Esprit Saint, et ces trois sont un ; et il y en a trois qui témoignent sur la terre) : l’Esprit, l’eau et le sang, et ces trois sont un ". »  

Il en est de même en Mt 28 :19 qui dit :

« Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit »

Eusèbe de Césarée cita dans ses écrits d'avant le concile de Nicée cette variante : 

« Allez enseignez toutes les nations en mon nom »  ( Histoires Ecclésiastiques 3:5:2, Louange de l’empereur Constantin chapitre  16 )

Pour reprendre les commentaires très pertinents de David Flusser, « en se penchant sur Mt 28:19, l'expression rabbinique (rabbi un tel dit au nom de rabbi un tel, signifiant qu'un enseignant répète les enseignements de son prédécesseur) corrobore la version proposée ci-dessus. La phrase est claire et évidente en elle-même puisque l'instruction « enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit » est l'explication de « allez enseignez toutes les nations en mon nom »  »  ( Flusser et Sandt , the Didache p. 289 ). 

Certains citent cependant quelques écrits patristiques d'avant Constatin, où la formule trinitaire apparaissait dans les citations de Mt 28:19, pour justifier l'infaillibilité du texte traditionnel. Mais si les scribes de la chrétienté, à une certaine époque,  n'eurent aucune gène à changer le texte de l' évangile de Matthieu , qu'ils prennent pour sacré, afin de l'harmoniser avec leurs dogmes , qu' est ce qui dit qu' il n'en firent pas de même avec les écrits non-inspirés de leurs prédécesseurs pour donner plus de crédibilité à la nouvelle version ? L'on ne devrait pas s'en étonner en sachant que « dans les oeuvres d'Origène, telles qu'elles sont préservées en grec, la première partie du verset est trois fois rapportée, mais sa citation s'arrête net aux mots "les nations". Cela suggère que le texte fut censuré, et que les mots "en mon nom" furent radiés »  ( Conybeare, The Hibbert Journal , Vol. 1 - n° 1, p. 105 ).  

Notons que les premiers nazaréens, lesquels étaient baptisés « au nom de Jésus  » (Ac 2:38, 19:5 et 10:48) , à l’instar des Israélites  qui, dans le désert, étaient « baptisés en Moïse » (1 Co 10:2), ne connaissaient pas l'injonction d'invoquer « le Père, le Fils et le Saint-Esprit » lors de l'immersion. 

Un autre texte qui, comme en attestent les variantes, a clairement remanié est Ac 20:28 : « Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau sur lequel le Saint-Esprit vous a établis évêques, pour paître l'Eglise de Dieu, laquelle il a acquise par son propre sang ». Cette version, qui est celle du texte reçu, donne l'impression que le Christ qui a versé son sang sur la croix était lui-même Dieu. De multiples manuscrits grecs, parmi lesquels le papyrus 74, le codex Alexandrin et le codex Bezae , lisent  cependant  « l' Eglise du Seigneur » en cet endroit. La Péshitta syriaque parle quant à elle de l' « Assemblée du Messie ». `




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