mercredi 3 août 2016

Un regard nazaréen sur la Torah orale , troisième partie

Nous avons vu dans les parties précédentes que les traditions biblique et nazaréenne sont unanimes quant à l' existence de la Torah orale. Nous avons toutefois remarqué que plusieurs objections sont souvent apportées par les karaïtes et les adeptes de la " sola scriptura " qui prétendent que d' après le Tanakh , toute la loi fut consignée à l' écrit .  Exode XXIV:4 , il faut le reconnaître ,  semble aller dans ce sens :  
" Moïse écrivit toutes les paroles de l' Eternel. Puis il se leva de bon matin; il bâtit un autel au pied de la montagne, et dressa douze pierres pour les douze tribus d'Israël " (ויכתב משה את כל־דברי יהוה וישכם בבקר ויבן מזבח תחת ההר ושתים עשרה מצבה לשנים עשר שבטי ישראל) ( Exode XXIV:4 )
Le contexte indique cependant que ce n'est certainement pas le cas. En effet , d'autres lois , en plus des dix commandements , furent données après cet épisode qui s'est produit , il faut le préciser, avant l' ascension de Moïse au Sinaï ( versets 12 - 18 ) . De toute évidence , les " paroles de l' Eternel " évoquées dans ce verset sont les commandements pré-sinaïtiques révélées jusqu'à lors , à savoir  " les sept lois données au enfants de Noé , le Chabbat , le respect des parents , la vache rousse , et les lois relatives au jugement données à Marah " ( שבע מצות שנצטוו בני נח. ושבת וכבוד אב ואם ופרה אדומה ודינין שניתנו להם במרה )  ( Rashi sur Exode XXIV:3 cf. Mékhilta sur Exode XIX:10 ) , " toutes les paroles de l' Eternel " " depuis la Genèse jusqu'au don de la Torah " (מבראשית ועד מתן תורה ) ( Rashi sur Exode XXIII:4 ). Selon la tradition rabbinique , la loi orale fut révélée à Moïse pendant son séjour de quarante jours et quarante nuits sur le Sinaï , pas avant . Le plaidoyer karaïte s’ appuie également sur Josué VIII,34-35 : 
" Josué lut ensuite toutes les paroles de la loi , les bénédictions et les malédictions selon ce qui est écrit dans le livre de la loi. Il n'y eut rien de tout ce que Moïse avait prescrit, que Josué ne lût en présence de toute l'assemblée d'Israël, des femmes et des enfants, et des étrangers qui marchaient au milieu d'eux. " ( ואחרי־כן קרא את־כל־דברי התורה הברכה והקללה ככל־הכתוב בספר התורה׃לא־היה דבר מכל אשר־צוה משה אשר לא־קרא יהושע נגד כל־קהל ישראל והנשים והטף והגר ההלך בקרבם׃ ) ( Josué VIII:34-35 )
Ce passage ne dit pas que c'est toute la Torah que Josué a lue , mais les "paroles de la Torah" qui consistent en " bénédictions et malédictions selon ce qui est écrit dans le livre de la loi " comme il précisé dans le verset 34 . Le verset 33 relate que la moitié des Israélites se tint sur le mont Guérizim et l' autre moitié sur le mont Ebal. Ils furent visiblement en train d' accomplir les ordonnances prescrites en Deutéronome XXVII:11 à XXVIII: 66. Ainsi , lorsqu' il est dit qu' " il n' eut rien de ce que Moïse a prescrit que Josué ne lût ", il s' agit là , non pas de tous les commandements , mais des " malédictions et bénédictions " que Moïse , dans le passage de la Torah que nous venons de mentionner, a prescrit de lire.   Plusieurs estiment aussi que Deutéronome IV:2 contredit l’ idée d’ une Torah orale :  
"Vous n'ajouterez rien à ce que je vous prescris, et vous n'en retrancherez rien; mais vous observerez les commandements de l' Eternel, votre Dieu, tels que je vous les prescris " (לא תספו על־הדבר אשר אנכי מצוה אתכם ולא תגרעו ממנו לשמר את־מצות יהוה אלהיכם אשר אנכי מצוה אתכם׃ )  ( Deutéronome IV:2 )
Nous répondrons à cela que le texte ne limite pas les " commandements de l' Eternel " aux prescriptions de la loi écrite. En d' autres mots , les " commandements de l' Eternel " peuvent très bien se référer , en plus de la Torah écrite , aux explications et aux ordonnances orales révélées à Moïse . Par ailleurs , les décrets promulgués par les générations postérieures de sages ne constituent aucunement un " ajout " à la Torah dès lors qu' ajouter à la Torah signifie " établir de nouveaux décrets perpétuels et prétendre qu'ils sont tirés de la Torah, écrite ou orale " (לקבוע הדבר לעולם שהוא מן התורה, בין בתורה שבכתב, בין בתורה שבעל פה) ( Rambam , Hilkhot Mamrim II:9 ), c'est à dire attribuer une origine mosaïque et un caractère immuable à des observances qui ne le sont pas, ce qui reviendrait à fausser la transmission de la tradition. La littérature rabbinique distingue elle-même les lois mosaïques, éternelles et inchangeables, qu' elle appelle " déorayta ", et les lois d' origine rabbinique, changeant suivant les circonstances , qu' elle nomme " dérabanan ". Un exemple de " mitsvot dérabanan "  ( lois rabbiniques ) sont les quatre jeûnes , commémorant des évènements liés à la déportation à Babylone et la destruction du premier Temple , qui seront abrogés dans le futur et qui deviendront des jours de réjouissance : 
 " Ainsi parle l' Eternel des armées: Le jeûne du quatrième mois, le jeûne du cinquième, le jeûne du septième et le jeûne du dixième se changeront pour la maison de Juda en jours d'allégresse et de joie, en fêtes de réjouissance " ( כה־אמר יהוה צבאות צום הרביעי וצום החמישי וצום השביעי וצום העשירי יהיה לבית־יהודה לששון ולשמחה ולמעדים טובים והאמת והשלום אהבו׃ ) (Zacharie VIII:19) 
Une analyse des sources aussi bien scripturaires que traditionnelles démontre en outre l' inexactitude de l'assertion selon laquelle reconnaître l' autorité halakhique des rabbins ou accepter la Torah orale implique de renoncer à Yéshoua. L' interprétation du Deutéronome XVII:9-13 selon une baraïta démontre qu' imposer son avis sur l'identité du Messie dépasse le cadre de juridiction du sage telle qu' elle est définie par la loi : 
" ' De toi'   se réfère au conseiller ... ' Affaire ' se réfère à la halakhah ; ' pour le jugement ' se réfère au dîn ( jugement ) ; ' entre sang et sang ' se réfère au sang menstruel , à sang de l' accouchement et au sang du Zivah ;  ' entre cause et cause ' se réfère aux causes pénales , civiles , ou qui impliquent la flagellation; 'entre tache et tache ' se réfère à la lèpre dans l' homme , la maison ou les habits; ' choses ' se réfère aux choses vouées , à l' estimation et à la sanctification; ' conflit ' se réfère à l' eau de l' ordalie de la femme suspectée d' adultère , à l' égorgement de la génisse [ en expiation du meurtre commis par un inconnu ] et à la purification du lépreux , ' dans tes portes ' se réfère au glanage , aux gerbes oubliés et aux coins des champs ... ' De toi' se réfère aux affaires nécessitant un conseiller qui sait comment intercaler les années et déterminer les mois  " ( ממך זה יועץ ... דבר זו הלכה למשפט זה הדין בין דם לדם בין דם נדה דם לידה דם זיבה בין דין לדין בין דיני נפשות דיני ממונות דיני מכות בין נגע לנגע בין נגעי אדם נגעי בתים נגעי בגדים דברי אלו החרמים והערכין וההקדשות ריבות זו השקאת סוטה ועריפת עגלה וטהרת מצורע  בשעריך זו לקט שכחה ופאה ... ממך זה יועץ שיודע לעבר שנים ולקבוע חדשים) ( Talmud Sanhedrin 87a et Sifre 152 ) 
Le domaine de juridiction des rabbins couvre ainsi tous les sujets développés dans les six ordres de la Mishnah : Zéraïm ( les lois relatives à l' agriculture ), Mo'ed ( le calendrier et les fêtes ) , Nachim ( la vie conjugale ), Nézikin ( où l'on discute du droit civil et pénal ), Qodashim ( les choses sacrées ) et Taharot ( la pureté rituelle ) , bref , les questions relevant de la pratique ( Halakhah ) . C'est d' ailleurs ce que Nahmanides exprima clairement en ces termes lorsqu' il dit de la Aggadah ( la partie non-législative de la tradition  ) que " si une personne y croit , c'est une bonne chose , si au contraire, elle n'y croit pas , ce n'est pas grave " ( מי שיאמין בו טוב, ומי שלא יאמין בו לא יזיק ) ( Dispute du Ramban ). Nahmanides lui-même rejettera parfois la lecture midrashique et traditionnelle des écritures , préférant s'en tenir au sens littéral du texte ou du moins à l' interprétation qu'il s'en fait.  Le Rav Hayy Gaon affirma également à propos de la Aggadah que " chacun ne faisait qu' exposer ce qui lui venait à l'esprit en tant que possibilité et non en tant que déclaration catégorique " ( כל אחד דורש מה שעלה על לבו כגון אפשר, ויש לומר, לא דבר חתוך ) ( Otsar hageonim bérakhot 67 ), raison pour laquelle  " il ne faut pas s'appuyer sur la Aggadah et le Midrash, même ceux qui sont compilés dans le Talmud , s'ils sont infondés ou erronés, car notre principe est qu' on ne s'appuie pas sur la Aggadah " ( הגדה ומדרש אף על פי שכתובין בתלמוד אם לא יכוונו ואם ישתבשו אין לסמוך עליהם, כי כללינו הוא אין סומכין על ההגדה ) ( cf. Raavad " Sefer ha'eshkhol " , Hilkhot sefer torah 60a ). Ajoutons à cette énumération les commentaires du Rav Shérira Gaon :  " Ces choses déduites des écritures et qui sont appelées Midrash et Aggadah sont des spéculations . Certains sont exactes ... Beaucoup sont cependant inexacts  ... Nous nous conformons au principe selon lequel " l' homme est estimé en raison de son intelligence " ( Proverbes 12:8) ... Ainsi , on ne s'appuie pas sur les paroles de la Aggadah . Ceux qui sont exacts sont ceux qui sont confirmés par la raison et les écritures " ( הני מילי דנפקי מפסוקי  ומקרי מדרש ואגדה אומדנא נינהו, ויש מהן שהוא כך ... והרבה יש שאינו כן ... ואנו לפי שכלו יהולל איש ... ולכך אין אנו  סומכין על דברי אגדה. והנכון מהם מה שמתחזק מן השכל ומן המקרא מדבריהם ) (ibid).   Même dans la littérature aggadique ancienne nous retrouvons une variété d' interprétations et des avis divergents parfois irréconciliables qui attestent que le judaïsme rabbinique et pharisien ancien n' a jamais interdit la liberté de pensée , du moment , cela va de soi , que l'on ne maintient pas d' opinions qui iraient à l' encontre des fondements de la foi juive. Ceci ne nous autorise cependant pas à tout balayer d' un revers de main.  La version syriaque curétonienne de Matthieu 23:2-3, pour nous authentique , prescrit en effet d' " écouter " ou de " prêter attention " à l' enseignement aggadique des maîtres de la Torah afin , bien entendu , de retenir les bons éléments et rejeter les moins bons.  Il est à noter que c'est grâce au matériel aggadique que l' on sait que le portrait du rédempteur messianique tel que le dépeignent les sages anciens est remarquablement similaire à celui du Nouveau Testament . D'autre part , la Aggadah est aussi constituée de maximes et d' enseignements traditionnels qui éclairent le sens des écritures.  Il ne faut toutefois pas se méprendre , certaines aggadoth sont des récits imaginaires dont l' unique but est d' illustrer une leçon morale ou des notions spirituelles profondes , des paraboles dont la lecture littérale peut parfois " contredire la réalité et le sens commun ", selon l’ expression du Rambam qui ajoute qu' " ils doivent par conséquent être interprétées allégoriquement " ( Introduction au Guide des perplexes ). Yéshoua et ses disciples reprirent eux-mêmes maints éléments tirés de cette riche tradition non-législative du judaïsme. Nous en avons donné quelques exemples dans la première partie de notre étude intitulée " Yéshoua, ses disciples et la Torah ". De même , l' exposé christologique de l' Evangile de Jean , en particulier de son prologue , est fondé sur des traditions aggadiques anciennes à propos de la Torah préexistante ( cf. Reflexions sur la christologie johannique ). Les épîtres universelles s'inspirent de traditions anciennes concernant les Anges déchus de l' époque antédiluvienne ( cf. Le livre d' Enoch , quoi en penser ?, partie 2 , " citations du livre d' Enoch dans le Nouveau Testament ? " ). Le livre de la Révélation reprend également certains matériels aggadiques. De même qu’ en Révélation XX:4 où l' on retrouve l'idée targoumique de la "mota tinyana" ( seconde mort )  ( Targoum Onqelos et Targum Néofiti sur Deutéronome  XXXIII:6 ) , ainsi va-t-il de Révélation XX:4-6 où le concept talmudique du millénium est repris ( Talmud Bavli Sanhédrin 97a ). Révélation IV:5-7 avec sa description du culte céleste et des sept archanges se fait écho avec le chapitre IV des Pirqé de Rabbi Eliezer. Le récit de Balaam qui voulut pervertir les Israélites en les poussant à adorer des idoles et à se vouer à la débauche n'est rapportée que par la tradition ( Révélation II:4 , Talmud Bavli Sanhédrin 106a ). La mention d' une Jérusalem céleste et de sa descente correspond à la tradition aggadique qui figure dans le Talmud Bavli Hagigah 12b et Taanith 5a. Citons aussi Révélation XIX:11-15 dont la description du Messie , la " Parole de Dieu ",  concorde avec celle du Targoum :
" Comme il est beau le Messie Roi qui se lèvera de la Maison de Juda ! Il ceint ses reins et s'en va combattre contre ceux qui le haïssent. Il tue les Rois et leur domination , et avec le sang de leur exécution, il teint en rouge les montagnes , et teint en blanc les collines avec la graisse de leurs guerriers. Son vêtement est teint dans le sang , Il est comme un fouleur de raisins " (מה יאי הוא מלכא משיחא דעתיד  למקום מן מדבית יהודה אסר חרציה ונפק לקרבא על ״כלוקביל״ שנאוי ומקטל מלכין עם שלטונין מסמק טורייא מדם קטיליהון ומחוור גלמתא מתרבי גובריהון לבושוי מעגעגין ומחוור גלמתא מתרבי גובריהון לבושוי מעגעגין בדמא מדמי לרפוס ענבים׃) ( Targoum Neofiti sur Genèse XLIX:11)
" Puis je vis le ciel ouvert, et voici, parut un cheval blanc. Celui qui le montait s'appelle Fidèle et Véritable, et il juge et combat avec justice. Ses yeux étaient comme une flamme de feu; sur sa tête étaient plusieurs diadèmes; il avait un nom écrit, que personne ne connaît, si ce n'est lui-même; et il était revêtu d'un vêtement teint de sang. Son nom est la Parole de Dieu. Les armées qui sont dans le ciel le suivaient sur des chevaux blancs, revêtues d'un fin lin, blanc, pur. De sa bouche sortait une épée aiguë, pour frapper les nations; il les paîtra avec une verge de fer; et il foulera la cuve du vin de l'ardente colère du Dieu tout-puissant " (Révélation XIX:11-15) 
Le livre de la Révélation enseigne que " l' agneau a été immolé depuis la fondation du monde " ( Révélation XIII:8 ) , conformément au récit midrashique selon lequel le Saint Béni Soit-il , Dieu , s'adressa en ces termes au Messie souffrant: " Ephraïm, Machia, ma justice, tu l’a déjà accepté - cette douleur -  depuis les six jours du commencement, et maintenant, ta douleur sera comme ma douleur " (  אפרים משיח צדקי כבר קיבלת עליך מששת ימי בראשית. עכשיו יהא צער שלך כצער שלי ) ( Pesiqta Rabbati 152 ). L' épître aux Hébreux suggère qu' Isaac a réellement été tué pendant son Aqédah ( ligature ) et qu' il est ensuite ressuscité : 
" Il ( Abraham ) pensait que Dieu est puissant, même pour ressusciter les morts; aussi le recouvra-t-il ( Isaac ) par une sorte de résurrection " ( Hébreux XI:19 )
Comme il est dit aussi dans les Pirqé de-Rabbi Eliezer : 
" Rabbi Yéhoudah dit : " Quand le sabre toucha sa gorge , l' âme d' Isaac flotta et sortit de lui . Et quand [ Dieu ] fit entendre sa voix entre les chérubins en disant : " N' avance pas ta main " , son âme [ l' âme d' Isaac ] retourna dans son corps .  Et Isaac se leva et s'est tenu debout , et  il sût que les morts revivront de la même manière dans le futur , et à ce moment là , il commença à dire : Tu es Béni , ô Eternel , qui fait revivre les morts " "  (ר' יהודה אומ' כיון שהגיע החרב על צוארו פרחה ויצאה נפשו של יצחק וכיון שהשמיע קולו מבין הכרובים ואמ' לו אל תשלח ידך נפשו חזרה לגופו וקם ועמד יצחק על רגליו וידע יצחק שכך המתים עתידים להחיות ופתח ואמ' ברוך אתה ה' מחיה המתים) ( Pirqé de-Rabbi Eliezer XXXI ) 
Les épîtres pauliniennes font également usage de la Aggadah comme lorsqu' on y évoque " Jannès et Jambrès "  ( 2 Timothée III:8 ) , dont les noms apparaissent dans le Targoum  ( Tg-J sur Exode VII:11 ), ou le roc servant de puits qui accompagna les Israélites dans le désert ( 1 Corinthiens X:1-6 )  dont on retrouve la mention dans la Tossefta : " Le puits qui fut avec les Israélites dans le désert ressemblait à un rocher entier ... qui montait avec eux sur les montagnes et qui descendait avec eux dans les vallées . Là où les Israélites campaient , il campait en face d' eux dans un endroit élevé en face de l' entrée de la tente d' assignation " (עולה עמהן להרים ויורדת עמהן לגאיות מקום שישראל שורין הוא שורה כנגדן במקום גבוהה כנגד פתחו של אהל מועד ... הבאר שהיתה עם ישראל במדבר דומה לסלע מלא) ( Tossefta Sukkah III:3 ).
Il n'est pas rare que Matthieu XVI:12 , qui dit de se méfier du " levain des pharisiens" , soit cité par ceux qui dénigrent la tradition. Le texte précise en effet qu' il s' agit là de leur "enseignement " . Cependant , il est clair que ceci ne peut concerner la partie législative de la loi orale , la Halakhah , que Yéshoua a prescrit à ses disciples de suivre.  De plus , il est certain que cette déclaration ne peut être que relative puisque les évangiles attestent que Yéshoua fut en accord avec les fondements de la doctrine des pharisiens ( Marc XII:28-34 ).  Le récit de Luc, en identifiant ce " levain " à l' " hypocrisie " ( Luc XII:1 ) , est conforme avec Matthieu XXIII qui constitue un autre cas de reprise de la Aggadah par les évangiles. Avant d' entrer dans les détails , il faudrait tout d' abord noter qu' il ne s' agit nullement en Matthieu XXIII de tous les pharisiens mais seulement des " pharisiens hypocrites ". La tradition pétrinienne  confirme : 
" Notre Maître réprimanda quelques uns des pharisiens et des scribes qui semblaient meilleurs que les autres , et qui s’étaient séparés du peuple, en les appelant hypocrites, car ils purifiaient seulement ces choses qui étaient vues des hommes, mais laissaient souillés et sordides leurs coeurs que Dieu seul sondait. De ce fait , il dit à quelques uns, mais pas à tous: “Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites! parce que vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et qu'au dedans ils sont pleins de rapine et d'intempérance " (Matthieu 23:25 ) " ( Reconnaissances VI:11 )
Le Talmud de Babylone (Sotah 22b) explique que parmi les sept types de pharisiens recensés , y compris ceux qui se donnent l' apparence d' hommes pieux afin de se faire remarquer  , deux seulement étaient sincères à savoir le " pharisiens de l'amour " et les " pharisiens de la peur " (voir aussi Yeroushalmi Berakhot 14b et Avot de-rabbi Nathan 37). Toujours dans le même esprit de réprimande , le Talmud rapporte qu' Alexandre Jannée dit à sa femme : " Ne crains ni les pharisiens ni ceux qui le sont pas . Crains plutôt les hypocrites qui se donnent l'apparence de pharisiens et dont les actions sont comme celles de Zimri mais qui demandent la récompense de Phinéas " (אל תתיראי מן הפרושין ולא ממי שאינן פרושין אלא מן הצבועין שדומין לפרושין שמעשיהן כמעשה זמרי ומבקשין שכר כפנחס) (Sotah 22a). Par ailleurs , les dénonciations que l' on retrouve en Matthieu XXIII sont similaires à celles que l' on retouve dans la littérature rabbinique ancienne à propos des " hypocrites par rapport à la Torah " ( pour plus de détails , lire l'étude : un rabbin nommé Yéshoua
Il en ressort que Matthieu XVI:12 ,  lorsqu' il est lu à la lumière de son parrallèle lucanien , dit à ses lecteurs de se méfier , non pas de la Halakhah ni même de la doctrine pharisienne , mais de l' " enseignement " de l' " hypocrisie " de certains maîtres de la Torah . En d' autres termes , bien qu' ils doivent obéir aux docteurs de la loi , les nazaréens doivent faire attention à ne pas que les quelques hypocrites assis sur le siège de Moïse leur enseignent aussi leur hypocrisie.
 Pour d' autres , la tradition talmudique n'est que le produit de " rabbins qui ont rejeté Jésus ". Mais les manuscrits de Qumran , qui prédatent l' ère chrétienne , démontrent que tel n'est pas le cas. Nous rejoignons les conclusions du professeur Schiffman qui affirme que même l' expression " talmoud " , qui désigne l' étude de la loi , fut déjà d' usage dans le judaïsme pré-chrétien   :
" Les polémiques contre les pharisiens sont de deux sortes . Dans les textes sectariens , les mieux connus , les pharisiens sont appelés par différents euphémismes tel qu' Ephraïm . Dans ces textes , les pharisiens sont dit être les " constructeurs du mur " , c'est à dire qu' ils érigent des barrières autour de la Torah en légiférant des règles additionnelles destinées à assurer son observation .  Ces barrières n' étaient pas plus acceptables aux yeux de la secte de Qumran que les halakhot ( lois ) des pharisiens . La secte , par un jeu de mots , appela avec un ton moqueur les pharisiens doreshe halaqot , qui serait le mieux traduit par " ceux qui expliquent de fausses lois " . Le même texte se réfère au talmud ( littéralement " étude " ) d' Ephraïm comme d' un mensonge , sans doute en référence à la méthode pharisienne de tirer de nouvelles lois , étendues , à partir d' expressions scripturaires . Dans ces textes provenant de Qumran , nous voyons que la description des Pharisiens et de leurs traditions - qui furent les précurseurs du concept de la loi orale rabbinique qui est codifiée dans le Talmud - par Josèphe , furent déjà en place à l' époque hasmonéenne . Une deuxième sorte de polémique anti-pharisienne se retrouve dans le MMT . Dans le MMT , l' auteur fustige ses adversaires et exprime ensuite sa propre opinion , en spécifiant les violations légales dans l' opinion de ses adversaires . Dans de nombreux cas, les lois que l'  auteur ou les auteurs du MMT soutiennent sont ceux que les sources rabbiniques tardives attribuent aux pharisiens , et les lois auxquelles le ou les auteurs du MMT adoptent correspondent à celles des sadducéens telles qu' elles sont reflétées dans les textes rabbiniques postérieurs . Par conséquent , nous avons de bonnes raisons de croire que nous avons , dans le MMT , des halakhot , comme elles furent déjà désignées à l' époque hasmonéenne , soutenues par les pharisiens  ... les matériels talmudiques sont beaucoup plus précis qu'on pensait précédemment ... L'opinion pharisienne prédomina effectivement pendant une grande partie de la période hasmonéenne.  En bref, elle n'est pas une invention talmudique tardive anachronique. Deuxièmement, la terminologie et même les lois en elles-mêmes telle qu' elles sont enregistrées dans les sources rabbiniques ( certaines au nom des pharisiens et d' autres au nom de sages anonymes du premier siècle ) , étaient réellement utilisées et adoptées par les pharisiens . En d' autres termes , et ceci est extrêmement important , le Judaïsme rabbinique tel qu' il est compris dans le Talmud n'est pas une invention post-destruction  [ du Temple ] comme certains spécialistes ont maintenus ; au contraire , les bases du Judaïsme rabbinique remontent au moins à la période hasmonéenne " ( Schifman , " The Sadducean origins of the Dead Sea Scroll sect " dans " Understanding the Dead Sea Scrolls "   43-44 ) 
Et nous ajouterons " à l' époque biblique " étant donné que des traditions mishnaïques se retrouvent déjà dans les Néviim et les Kétouvim . Pour faire court , bien que la tradition ne fut effectivement mise à l' écrit qu' assez tardivement , sa forme orale est beaucoup plus ancienne et précède de plusieurs siècles l' ère commune . Nous ne sommes pas surpris que Yéshoua , puis ses Apôtres , citent ou suivent des traditions qui ne sont mentionnées que dans la littérature rabbinique . Qu' il y ait eu parmi ceux qui transmirent la tradition des individus qui ont " rejeté le christ " ou qui furent " hypocrites " , cela n'a pour nous guère d' importance , car " il vous a été commandé d' honorer le siège de Moïse même si ceux qui l' occupent passent pour des pécheurs  " dit l' Apôtre Pierre ( Homélies III:70 , Matthieu XXIII:2-3 ). 


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