Trinité et
divinité du Messie dans la Kabbale ?
e Zohar 2:43b, où il est parlé de trois noms
qui sont un, est cité par les missionnaires chrétiens et les messianiques pour
faire accroire aux juifs mal informés que la Trinité est une doctrine juive.
Voyons d’abord le texte en question : « Ecoute Israël , l’ Eternel est
Notre Dieu , l’ Eternel est entièrement un , c’est pourquoi il est nommé
l’ UN (Ehad) .Il existe trois noms [ si on lit « l’ Eternel , notre Dieu , l’
Eternel , est un » au lieu de « l’ Eternel est notre Dieu , l’ Eternel est un
»] , comment donc peuvent ils être un ? Et même si nous l’appelons un,
comment sont ils un ? Mais c’est à travers la vision de l’Esprit de
sainteté que cela est su, et dans la vision de l’œil fermé que l’on sait que
les trois sont un. Et c’est la fondation de la voix qui se fait
entendre. La voix est une, mais il existe trois couleurs, le feu, l’air et
l’eau, et tout est un dans le fondement de la voix (et ils ne sont qu’un).
Ainsi, l’Eternel, notre Dieu, et l’Eternel sont un, trois couleurs, et elles
sont unes. Et c’est la voix de l’homme qui sert l’unicité absolue, et qui
accomplit sa volonté depuis l’infini jusqu’ à la fin de tout ; dans cette voix
de celui qui sert, les trois son un Et c’est l’unicité [proclamée] chaque
jour, qui est révélé dans le fondement de l’Esprit de sainteté » שמע ישראל יהוה אלהינו
יהוה, הא כלהו חד, ועל דא אקרי אחד. הא תלת שמהן אינון, היך אינון חד, ואף
על גב דקרינן אחד, היך אינון חד, אלא בחזיונא דרוח קדשא
אתיידע, ואינון בחיזו דעינא סתימא, למנדע דתלתא אלין אחד. ודא איהו רזא דקול דאשתמע, קול איהו חד, ואיהו תלתא גוונין אשא ורוחא ומיא, וכלהו חד
ברזא דקול (ולאו אינון אלא חד), אוף
הכא יהוה אלהינו יהוה אינון חד, תלתא גוונין ואינון חד,
ודא איהו קול דעביד
בר נש ביחודא ולשוואה רעותיה ביחודא דכלא מאין סוף עד
סופא דכלא, בהאי קול דקא עביד בהני תלתא דאינון חד ודא איהו יחודא דכל יומא
דאתגלי ברזא דרוח קודשא
L’on notera premièrement que contrairement à ce
que certains prétendent, ce texte n’enseigne pas qu’il s’agit ici de la seule
interprétation possible du Deutéronome 6,4 ou que l’enseignement rabbinique
traditionnel sur la nature de Dieu est faux. Pour le comprendre, il convient de
rappeler qu’il existe selon la tradition rabbinique quatre niveaux
d’intérprétation du texte biblique : le Péshat ou sens littéral, le Remez ou
allusion, de Dérasch ou interprétation figurée et le Sod ou lecture ésotérique.
D’ autre part, l’un des principes fondamentaux de l’éxégèse rabbinique
est qu’ « aucunne lecture ne peut s’écarter du sens litéral » אין מקרא יוצא מדי פשוטו (Talmud
Shabbat 63a), c'est à dire que pour être recevable, aucunne
interprétation, qu’elle soit Dérasch, Remez ou Sod, ne peut contredire le
sens littéral ou Péshat. Pour illustrerce principe, prenons l’exemple de Genèse
1,1. Nous lisons dans le texte hébreu : בראשית, ברא אלוהים, את השמיים, ואת הארץ -
béréshit bara Elohim et hashamayim véet haarets -. Selon la lecture de niveau
Péshat, ceci veut dire qu’ « au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ».
Cependant, étant donné que dans le livre des proverbes, la sagesse est le
« commencement » (Réshit) et que la Torah est sagesse, une lecture de
niveau Drasch permet d’entendre Genèse 1,1 comme : « A travers la Torah, Dieu
créa le ciel et la terre ». Ici, les deux lectures, Péshat et Dérasch, ne sont
pas mutuellement exclusives et l’un n’empêche pas l’autre en ce que le fait que
Dieu créa le monde « à travers la Torah » n’exclut pas que la création se fit «
au commencement ». En fait, l’on peut dire que les deux interprétations se
complètent puisqu’ on peut dire qu’au commencement, Dieu créa le monde à
travers la Torah. Le Dérasch est donc recevable puisqu’ il complète et ne vient
pas en contradiction avec le Péshat qui dit qu’ « au commencement, Dieu créa le
ciel et la terre ». Pour en revenir au Deutéronome 6 :4, les cantillations
massorétiques, qui donnent le Péshat, articulent le texte de la sorte : «
Ecoute Israël ! L’Eternel est notre Dieu, l’Eternel est un ». Ainsi, peu
importe ce qu’ont voulu dire les auteurs du Zohar dans leur interprétation du
Deutéronome 6 :4, leur intention n’était certainement pas de donner une lecture
alternative qui viendrait remplacer ou conterdire le Péshat qui déclare que
l’Eternel est le Dieu d’ Israël et qu’ « il est un en tout point, ne contenant
aucunne pluralité ou d’éléments superposés à son essence » (Rambam, Guide des
perplexes 1,62). A vrai dire, le Zohar, dans le folio 42b du même volume,
réitère la compréhension rabbinique traditionelle de la nature de Dieu en tant
qu’Etre immatériel et numériquement un et unique – yahid :
« Avant que le Saint béni soit il créa toute
forme et toute représentation dans le monde, il était yahid, sans forme et sans
similitude. Ainsi , il est interdit à celui qui le comprend tel qu’ il était
avant la création , sans forme , de le représenter sous une forme ou une image
quelle qu’ elle soit , pas même sous la lettre He et la lettre Vav , ni par son
Saint Nom , ni par aucun signe ni aucun point quel qu’ il soit . Et c’est ce
que dit la Bible : « vous n'avez vu aucune ressemblance [au jour où l’Eternel
votre Dieu vous parla à Horeb, au milieu du feu] « (Deut 4,15). Mais après qu’
il créa la forme du chariot de l’ homme céleste , il y est descendu et fut
appelé à tarvers cette image par le Tétragramme afin qu’ on le connaisse dans
chaque attribut , et fut appelé El , Elohim , Shadday , Tsévaot , le
Tétragramme et Ehyeh , afin qu’ il soit rendu manifeste que le monde est
gouverné par la Miséricorde et la Justice suivant les œuvres des fils des
hommes. Car s’il n’a pas répandu sa lumière sur toute créature, comment
l’auraient ils connu et comment s’accomplirait ce que dit l’Ecriture : « Car
toute la terre est remplie de Sa Gloire « (Isaïe 6,8) ? Mais malheur à celui
qui ose le comparer à un attribut, même à ceux qui sont siens, et encore moins
aux fils des hommes, les fondements desquels est dans la terre et qui sont
destinés à périr. Mais il doit être conçu comme souverain sur chaque attribut,
et sur toute la création, et au dessus de chaque attribut » דהא קדם דברא קודשא בריך
הוא דיוקנא בעלמא וציי צורה, הוה הוא יחידאי בלא צורה ודמיון, ומאן דאשתמודע ליה
קדם בריאה דאיהו לבר מדיוקנא, אסור למעבד ליה צורה ודיוקנא בעלמא, לא באות ה' ולא
באות י', ואפילו בשמא קדישא, ולא בשום אות ונקודה בעלמא, והאי איהו כי לא ראיתם כל
תמונה, מכל דבר דאית ביה תמונה ודמיון לא ראיתם. אבל בתר דעבד האי דיוקנא דמרכבה
דאדם עלאה, נחית תמן ואתקרי בההוא דיוקנא יהו״ה,בגין דישתמודעון ליה במדות דיליה
בכל מדה ומדה. וקרא אל אלקים שדי צבאות אהיה, בגין דישתמודעון ליה בכל מדה ומדה,
איך יתנהג עלמא בחסד ובדינא, כפום עובדיהון דבני נשא, דאי לא יתפשט נהוריה על כל
בריין איך ישתמודעון ליה, ואיך יתקיים (ישעיה ו ג) מלא כל הארץ כבודו ווי ליה מאן
דישוה ליה לשום מדה, ואפילו מאלין מדות דיליה, כל שכן לבני האדם (איוב ד
יט) אשר בעפר יסודם דכלים ונפסדים, אלא דמיונא דיליה כפום שלטנותיה על ההיא מדה,
ואפילו על כל בריין (Zohar 2,42b)
Le texte est clair sur le fait que l’essence et
la nature de Dieu sont au dessus de toutes choses, même de ses attributs et de
ses noms qui ne se réfèrent qu’à ses divers modes d’interaction avec le monde.
En d’autres termes, la pluralité de noms et de caractères que les hommes
atribuent à Dieu et par lesquels il se laisse désigner n’affectent en aucun cas
son unicité. Ainsi, lorsque le Zohar, dans le folio suivant, dit que l’Eternel,
notre Dieu et l’Eternel sont trois noms qui sont un, il n’enseigne pas qu’il
existe trois êtres divins ou que Dieu est pluriel dans son essence,
contrairement à ce qu’il vient juste d’expliquer, mais que ces trois noms, qui
expriment trois modes d’interaction de Dieu avec le monde (Sévérité ,
Miséricorde et l’ Equilibre ), sont un, car ils désignent une unicité
singulière: Dieu qui est un.
Il semble même que cet extrait du Zohar soit
une polémique à l’encontre du Christianisme. En effet, le Zohar introduit
le passage par une curieuse objection à l’encontre de l’unicité de Dieu : « Il
existe trois noms, comment donc peuvent ils être un ? Et même si nous
l’appelons un, comment sont ils un ? ». Comme si le Zohar citait, afin de mieux
la réfuter, l’objection chrétienne à la doctrine rabbinique de Dieu. Que les chrétiens,
dans leur débat avec les rabbins, tenaient des propos similaires, on le sait de
par « traité sur la résurrection des morts » (Maamar teḥiyyat hamétim) du Rambam:
« Il n’est pas rare que quelqu’un se propose
d’expliquer un certain sujet simplement, clairement et d’une manière précise
afin de se débarrasser du doute et de tout malentendu, mais que des gens
malades d’esprit déformeront ses propos comme voulant dire l’opposé de ce qu’il
a voulu dire. C’est le cas même avec la parole d’Hashem, béni soit il. En
effet, lorsque le maître des prophètes (Moïse) a voulu nous informer par la
parole d’ Hashem, béni soit il, qu’il est un, et qu’il n’y a pas d’autres comme
lui, et pour se débarrasser de l’opinion paresseuse des dualistes, il dit pour
expliquer ce fondement : « Ecoute Israël, l’Eternel est notre Dieu, l’Eternel
est un ». Ils interprètent cependant ceci comme voulant dire que Dieu est
trois, et disent : « Il est dit « l’Eternel », puis « Notre Dieu », puis «
l’Eternel », il y a là trois noms, et après il est dit : « un », ce qui
démontre qu’ils sont trois et que les trois sont un ». A Dieu ne plaise ! » איננו רחוק שיכוון אדם לבאר
עניין הקדמה מן ההקדמות בלשון מבואר פשוט, וישתדל בו לדחות הספקות ולהסיר
הפירושים, ויבינו חולי הנפשות מן הלשון ההוא היפך ההקדמה אשר כיון לבארה. והנה
אירע כיוצא בזה בדברי השם יתברך, והוא כאשר כיוון אדון הנביאים להודיענו בדבר ה'
יתברך, שהוא אחד ואין שני לו, ולהסיר מנפשותינו הדעות הנפסדות אשר האמינום
המשניים, אמר מבאר לזאת הפינה «שמע ישראל ה' אלוהינו ה' אחד». והביאו ראיה מזה הפסוק
על שהאל הוא שלשה ואמרו, אמר «ה' אלוהינו» ואמר «ה'»
הרי אלו שלושה שמות.
ואמר אחר כך «אחד» ראיה שהם שלושה, והשלושה אחד. וחלילה לאל (Introduction
au traité sur la Résurrection)
La réponse du Zohar pourrait donc être
reformulée comme suit: « En supposant qu’il faille lire Deutéronome 6,4 comme :
« Ecoute Israël ! L’Eternel, notre Dieu, l’Eternel, est un » comme le font les
chrétiens et non « Ecoute Israël ! L’Eternel est notre Dieu, l’Eternel est un
», comme le font les juifs, cela ne voudrait pas dire que Dieu est pluriel,
mais que Dieu, qui est un, est simplement appelé par divers noms qui sont un,
car se référant tous au Dieu un ». L’analyse du contexte appuie cette
interprétation. En effet, le Zohar, dans la page précédente, s’oppose à la
théologie qui compare Dieu à un homme. D’après l’Evangile de Jean, les juifs
accusèrent Jésus de se « faire l’égal de Dieu » (Jn 5 ,18). Pour les chrétiens
de la grande Eglise, il ne s’agissait pas d’une simple accusation mensongère,
mais d’une vérité qui exprime une doctrine fondamentale de la foi chrétienne :
la divinité du Fils de Dieu aussi Fils de l’homme et son égalité avec le Père.
Il est intéressant de noter que dans la version araméenne (Peshitta) de Jn 5:18
, le mot utilisé pour exprimer le terme « se faire l’ égal » est משוה, «
maswheh » ou « mashveh » , dont une forme conjuguée est ישוה «
yashveh » , le même terme que l’on retrouve dans le Zohar 2,42b : «
Malheur à celui qui compare ישוה (yashveh) Dieu aux fils
de l’homme ». Il apparaît donc que le Zohar 2,42b à 2,43b est dirrigé
contre la doctrine de l’incarnation et de la Trinité chrétienne. L’affirmation
du Zohar selon laquelle la compréhension de l’unicité de Dieu s’atteint par «
la vision de l’Esprit saint » est clairement une polémique contre l’affirmation
chrétienne selon laquelle la Trinité est un mystère qui ne peut être
appréhendée que par la révélation de la troisième personne de la Trinité. En
d’autres termes, ce que le Zohar veut dire est que ce ne sont non pas les
chrétiens trinitaires qui possèdent l’Esprit saint, qui est interprété dans la
mystique juive comme un état d’esprit exalté juste en dessous de la prophétie,
mais les juifs qui professent l’unicité absolue de Dieu et qui le proclament
chaque jour lorsqu’ ils se cachent les yeux avec la main droite en récitant le
Dt 6:4, le fondement de la religion d’Israël.
Les chrétiens et les messianiques citent encore
un autre texte du Zohar qui mentionne un « pilier central », un « pilier
gauche » et un « pilier droit », et affirment que ces trois pilliers sont les
trois personnes de la Trinité. Cependant, ces trois pilliers sont, à en croire
le Zohar, non pas des personnes, mais les attributs divins du « Ḥessed » ou « Raḥamim », la miséricorde, du « Dîn » ou « Gévourah », le jugement ou
la sévérité, et du « Tiferet », l’attribut médian qui, dans l’arbre
séfirotique, représente l’équilibre entre les deux autres :
« Le pilier central unit le jugement et la
grâce » עמודא דאמצעיתא דאיהו
כליל דינא ורחמי (Zohar 2:118b Ra’aya
Méhémna)
« Le pilier central unit la droite et la
gauche, qui sont la miséricorde et la sévérité, comme un corps qui unit les
deux bras d’un homme » עמודא דאמצעיתא אחיד
ביה ימינא ושמאלא, דאינון חסד וגבורה, כגופא דאחיד בין תרין דרועין דבר נש,
(Zohar 3 :28a Ra’aya Méhémna)
Si donc il fallait considérer, comme le font
les missionnaires, le pilier central et les deux autres, lesquels ne sont que
trois attributs (séfirot) parmi les dix énumérés dans la Kabbale juive, comme
des personnes qui composent Dieu ou des êtres divins distincts, l’on aboutirait
à la conclusion qu’ il existe un Dieu qui serait dix et un à la fois , une
théologie que ni les chrétiens , qui disent que Dieu est une Trinité, ni
les juifs , qui disent que Dieu est absolument un, ne trouveraient acceptable.
Le Zohar, il est vrai, appelle ce « pilier
central » le « Fils de Dieu ». Le Zohar, toutefois, ne dit pas que le « Fils de
Dieu » est Dieu. En fait, de nombreux passages du Zohar donnent à comprendre
que le « Fils de Dieu » est en réalité la collectivité Israël, appelée « Fils »
dans les écritures, laquelle, en ce qu’elle manifeste l’attribut du «
Tiféret » qui est le « pilier central », est identifiée au « pilier central » :
« Israël est le pilier central, il unit
la Shékhinah supérieure et inférieure » דאיהו ישראל עמודא דאמצעיתא, כליל שכינתא עלאה
ותתאה, (Zohar 1 :21b)
« Le pilier central, à propos duquel il est dit
: Mon fils, mon Premier né, Israël (Ex 4,22) » עמודא דאמצעיתא, דאתמר ביה בני בכרי ישראל (Tiqounéi
Zohar 76b)
« Ceci est le Pilier central, ainsi le Juste
est à son image et à sa ressemblance, et par son nom Israël, « Mon fils, mon
premier né, Israël » (Exode 4,22), est appelé. Et par le nom de Juste ils sont
appelés justes comme il est écrit : Et quant à ton peuple, ils seront tous
justes; ils posséderont éternellement la terre (Isaïe 60,21) » דא עמודא דאמצעיתא,
והכי צדיק בצלמיה
וכדמותיה, ועל שמיה אתקריאו ישראל בני בכורי ישראל, ועל שם צדיק אתקרון צדיקים,
הדא הוא דכתיב (ישעיה ס') ועמך כלם צדיקים לעולם ירשו ארץ: (Tiqounéi
Zohar 79b)
La suite de la référence biblique citée par le
Zohar identifie Israël qui est « Fils », à un arbre planté par Dieu
: « rejeton que j'ai planté, œuvre de mes mains, dont je me fais
honneur.» נצר מטעי מעשה ידי
להתפאר (Isaïe 60,21). Lors donc que le Zohar enseigne que « le
Saint, béni soit Il, a un fils qui luit d’une extrémité du monde à l’autre. Il
est un arbre grand et puissant dont la tête atteint les cieux, et dont les
racines s’enfoncent dans la terre sainte »ברא חד דנהיר מסייפי עלמא עד סייפי עלמא אית ליה
לקודשא בריך הוא, והוא אילנא רבא ותקיף, רישיה מטי לצית שמיא, וסופיה מתחין שרשוי,
ואשתרשן בעפר קדישא. ו'מספר' שמיה, ותליא בשמים עלאין et que sans le Fils, « il n’ y aurait eu ni armée ni générations
dans le monde » דאלמלא מספר דא לא
ישתכחון חיילין ותולדין לעלמין (Zohar 2 :106a) , le
Zohar veut parler du peuple juif qui est représenté allégoriquement en Isaïe
60:21 comme un arbre et pour lequel , à en croire la tradition rabbinique, Dieu
créa toute chose :
« Les cieux et la terre n’ont été créés
que pour Israël , comme il est écrit : Béréshit (Pour / dans / à travers le
Réshit) , Dieu créa le ciel et la terre (Gn 1,1), et ce Réshit est Israël comme
il est dit : Israël était consacré à l'Eternel, Il était les prémices (Réshit)
de son revenu » שמים וארץ לא נבראו
אלא בזכות ישראל, דכתיב: בראשית ברא אלהים, ואין ראשית אלא ישראל, שנאמר: (ירמיה
ב)קדש ישראל לה' ראשית תבואתה. (Midrash Vayikra
rabbah 34:4)
L’identification d’Israël au « Fils » est
explicite dans ce passage du Zohar :
« Quel est son Nom, quel est le nom de son fils
? Son est connu : « L’Eternel des armées est son nom » (Isaïe 54,5). Et le nom
de son fils ? Israël est son nom, comme il est écrit : « mon fils, mon premier
né, Israël » (Exode 4,22). Toutes les clés de la foi dépendent d’Israël. Il se
glorifie lui même lorsqu’ il dit : « L’Eternel m’a dit : tu es mon fils »
(Psaumes 2,7). C’est en effet le cas, car le Père et la Mère (Dieu dans ses
dimensions masculine et féminine) l’ont couronnés et l’ont bénis par des
bénédictions innombrables et ont dit et donné l’ordre à tous : « Embrassez le
fils » (Psaumes 2 :12) » מה שמו ומה שם בנו כי
תדע ההוא שם ידיעא יי' צבאות שמו. שם בנו ישראל שמו דכתיב בני בכרי ישראל והא
ישראל כל מפתחן דמהימנותא ביה תליין ואיהו משתבח ואמר יי' אמר אלי בני אתה. והכי
הוא ודאי דהא אבא ואמא אעטרו ליה ובריכו ליה בכמה ברכאן ואמרו ופקידו לכלא (שם)
נשקו בר (Zohar 3 :191b)
Les missionnaires prétendent que puisque le
pilier central est le Fils et que Métatron est appelé pilier central, Métatron
et le Fils ne sont donc qu’une seule personne nommée le pilier central. Mais
cette conclusion trop simpliste est erronée premièrement parce que, comme nous
en avons parlé, le pilier central n’est pas une personne mais un attribut divin
et deuxièmement parce que le Zohar ne désigne jamais Métatron comme le Fils.
Lorsque le Zohar dit que Métatron est le pilier central, il veut dire que «
Tiféret » qui est le pilier central est l’attribut divin à l’image duquel
des êtres comme le Fils (Israël) et Métatron ont été créés et que ceux-ci
incarnent. Autrement dit, le Pilier central qui est « Tiféret » est la qualité
que l’on retrouve aussi bien en Dieu qu’en Métatron et en le Fils. Cette idée
est exprimée comme suit dans le Zohar :
« Le Pilier central est Métatron, qui a fait la
paix en haut, selon l’aspect du Tiféret. Son nom est comme celui de son Maître
et à son image et sa ressemblance il a été créé » עמודא דאמצעיתא איהו מטטרון לאשלמא לעילא כגוונא
דתפארת שמיה כשם רביה בצלמו כדמותו אתברי (Zohar
Ra’aya Méhémna 3 :227a)
« Les êtres vivants (hayoth) célestes sont
appelés par les lettres du Saint Nom comme il est écrit : « Chacun qui est
appelé par mon nom, je l’ai créé pour ma gloire, je l’ai formé, je l’ai créé »
(Is XLIII,7) , y compris les créatures qui ont été formées selon elles. Et il
n’existe pas de créature qui ne sont pas scellées de ce Nom afin qu’elles
proclament qui les ont créé. Le Yod symbolise la tête des créatures, les deux
Hé représentent les cinq doigts de la droite et de la gauche et le Vav
symbolise le corps. Cependant Dieu dit : « A qui me compareriez-vous pour que
je sois son égal ? », « Parmi toutes les choses créées, aucune, y compris
celles qui ont été créées à la ressemblance de mon Saint Nom, ne peut être
comparée à moi car je peux effacer la forme et en créer une nouvelle encore et
encore, mais il n’y a pas d’autre Dieu au dessus de moi qui puisse effacer ma
ressemblance » ל חיון דאינון חיות
הקודש, באתוון דשמא קדישא אתקריאו. הדא הוא דכתיב (ישעיה מג ז) "כל הנקרא
בשמי ולכבודי בראתיו"-- אפילו כל בריין דאתבריאו בהון. ולית בריאה דלא אתרשים
בהאי שמא, בגין לאשתמודעא למאן דברא ליה. והאי יו"ד איהו דיוקנא דרישא דכל
בריין. ה' ה' דיוקנא דה' אצבעאן דימינא וה' דשמאלא. ו'
דיוקנא דגופא. ובגין דא אמר (שם ם כה) "ואל מי תדמיוני ואשוה יאמר
קדוש"-- לית בכל בריה דאשוה כוותי, ואף על גב דבראתי לה כדמות אתוון דילי.
דאנא יכיל למחאה ההיא צורה, ולמעבד לה כמה זמנין, ולית אלוה אחרא עלי דיכיל לממחי (Zohar
2,42a)
Métatron, en tant qu’être « créé à l’image et à
la ressemblance » de Dieu dont il porte les lettres du Nom, ne participe donc
pas à la divinité mais appartient plutôt à la catégorie des « créatures »
formées « à la ressemblance du Saint Nom » et qui « sont appelées par les
lettres du Saint Nom ».
Ainsi, si l’Ange que le Zohar appelle
Métatron était l’esprit préexistant du Messie comme le laissent accroire
les missionnaires, cela ne ferait que confirmer l’idée que le Zohar envisage le
Messie comme n’étant pas Dieu, mais une créature.
Le Arizal , qui est considéré comme l'un
des plus grands maîtres de la Kabbale de tous les temps et celui qui révéla ce
que le Zohar enseignait en des termes voilés , considère cependant le Messie
comme simplement homme. Il tient en effet ce propos :
« Le Messie Roi sera
indubitablement un homme né d’ un homme et d’ un femme , mais sa justice
s’ accroitra jusqu’ à la fin des temps , et il méritera , par ses actes , le
Néfesh , le Rouah , la Néshamah , la Hayah et la Yé’hidah . Et alors , ce jour
là , au temps de la fin , viendra l’ âme de son âme qui a été préparée dans le
jardin d’ Eden et qui sera donnée à cet homme juste qui méritera alors de
devenir le Rédempteur » המלך המשיח יהיה ודאי
אדם צדיק נולד מאיש ומאשה, אלא שביום ההוא יגדל צדקתו עד קץ הימין ויזכה במעשיו
לנפש, רוח, נשמה, חיה,
יחידה ה׳ בחינות אלו של קדושה, ואז ביום ההוא בזמן הקץ תבוא נשמה של נשמה שלו
הנתונה בגן עדן ותנתן לאיש הצדיק ההוא ואז יזכה להיות גואל (Arba’
méot sheqel késef p. 68)
C'est aussi ce que disaient la plupart des
Hébreux , c'est à dire les premiers croyants d' origine juive de l'Eglise de
Jérusalem, qui, d'après Théodore de Cyr, exprimaient leur conceptions
messianiques comme suit :
« Jésus est né d’une manière naturelle, d’un
homme et d’une femme, de Joseph et de Marie, mais qu’il a excellé en sagesse,
en justice ainsi que dans toutes les autres chose » (Théodore de Cyr, Fables
hérétiques II :1-3)
L’identification de Jésus à Métatron a
toutefois déjà été faite par certains courants du « judéo-christianisme »
ancien sous l’influence de la doctrine mystique des Esséniens qui attendaient
la venue d’un Messie-Ange. Une prière juive, qui, à en croire le professeur
Yéhoudah Liebes est de provenance « judéo-chrétienne » (cf. « Malakhéi qol
hashofar vi-yshoua’ sar hapanim » par Yéhoudah Liebes), parle de « Yéshoua
(Jésus) le Prince de la Face et le Prince Métatron » ישוע שר הפנים ושר מטטרון .
Par contre dans la version de la même prière qui est récitée au premier
jour de Rosh Ha shanah, « Prince de la Face » est le qualificatif de « Métatron
» : « Métatron le Prince de la Face » מטטרון שר הפנים, ce
qui suggère que pour les judéo-chrétiens à l’origine de cette prière, l’un des
noms de Yéshoua (Jésus) est Métatron. L’épître aux Hébreux, au premier siècle,
réfute déjà la christologie angélique des croyants d’origine juive auxquels il
s’adresse. L’identification, dans le cadre de la christologie angélique, de
Jésus à Métatron est étayée par le fait que les « judéo-chrétiens » ont ramené
à Jésus la description kabbalistique de Métatron. Epiphane, parlant des «
Ebionites », tient en effet ce propos :
« Ils disent qu’il (Jésus) n’a pas été engendré
par Dieu le Père, mais créé en tant qu’un des Archanges, qu’il est Maître sur
les anges et sur toutes les créatures du Tout puissant » (Epiphane, Panarion
30,16:4)
La correspondance avec ce que dit le Zohar à
propos de l’Archange Métatron est frappante
« Et il est écrit : « Abraham a dit son
serviteur », c’est Métatron, le serviteur de Dieu ; « le plus ancien de
sa maison » ; car il est le premier des créatures de Dieu ; « l'intendant de
tous ses biens », car le Saint Béni soit il lui a donné la domination sur toute
son armée » ויאמר אברהם אל עבדו,
זה מטטרון עבדו של מקום, זקן ביתו, שהוא תחלת בריותיו של מקום, המושל בכל אשר לו,
שנתן לו קודשא בריך הוא ממשלה על כל צבאותיו,
(Zohar 1,126b Midrash Hane’elam)
L’on voit que même si l’identification de Jésus
à Métatron est un concept très ancien, ceux qui maintenaient cette
identification, contrairement aux missionnaires actuels, n’en ont pas pour
autant conclus que le Messie était Dieu fait chair, mais fut simplement, avant
de devenir homme, un Archange « créé » .
Les missionnaires prétendent aussi que l’idée
kabbalistique de l’« Adam qadmon » démontre la divinité du Christ. A cela nous
répondrons que l’ « Adam qadmon » est, dans la kabbale, l’image archétypique
d’Adam, le premier homme, qui est aussi l’image de Dieu: « Comme cette image
(celle d’Adam) est l’image de tout ce qui est en haut et en bas, le Saint
Ancien l’a choisi comme sa propre image » בגין דהאי דיוקנא כליל עלאין ותתאין אתקין עתיקא
קדישא תקונוי (Idra rabbah 127b cf
Zohar 2,42b). Etant donné donc qu’« Adam qadmon » n’est qu’une « image », la
totalité des qualités spirituelles que l’on retrouve aussi bien en l’homme et
qu’ en Dieu, l’on ne peut pas dire à son propos qu’il est un être capable de
prendre forme humaine ni affirmer, lorsqu’ un homme le revêt, que Dieu s’est
fait chair, mais simplement qu’à l’instar d’Adam, une telle personne, tout en
étant simplement humaine, est « à l’image » et « à la ressemblance » de Dieu.
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