mercredi 22 novembre 2017

L'église de Jérusalem, Paul et la Torah


L'Eglise juive de Jérusalem
 La mouvance à l’origine entièrement juive fondée sur l’enseignement du Rabbin Jésus n’a pas rompu avec les observances juives. Le livre des Actes, en effet , dit  :
« Tu vois, frère, combien de milliers de Juifs ont cru, et tous sont zélés pour la loi » (Actes 21,20)
Les Apôtres et les Anciens de l’Eglise primitive n’étaient apparemment pas moins zélés pour la loi que les milliers de Juifs qui crurent.  Non seulement ils ne semblent pas condamner le zèle de leurs ouailles pour la loi, c'est-à-dire la Torah de Moïse avec ses rituels et les « coutumes » (Actes 21,21), mais au lieu de proclamer la fin de la Torah, ils demandent au contraire à Paul de se conformer à la Torah (Actes 21,24)
Les Actes relatent en outre que les Sadducéens , mécontents de ce que les Apôtres « annonçaient en la personne de Jésus la résurrection des morts » , les capturèrent mais furent ensuite obligés de les relâcher , « ne sachant comment les punir, à cause du peuple » (Actes 4,20). Si les Apôtres avaient violé la Torah ou enseigné à ne plus suivre les commandements , la loi aurait permis aux Sadducéens de les exécuter . Cependant , les Actes disent que les Sadducéens , qui étaient incapables de trouver un motif pour les punir , ne pouvaient rien faire contre eux ; ce qui implique clairement que les Apôtres sont restés fidèles à la Torah. Non seulement cela , mais le texte ajoute «  à cause du peuple ». Selon les Actes, en effet, la communauté apostolique avait la faveur de tout le peuple (Actes 2,47). Sachant que la masse du peuple , au premier siècle , était d’ obédience pharisienne et que les Sadducéens furent obligés de se soumettre publiquement à la tradition pharisienne parce qu’ autrement , le « peuple ne les supporterait pas »  (Antiquités judaïques 18:1:3-4 ; 13:11:6), cela montre qu’ aux yeux du peuple et des Pharisiens , les Apôtres n’ étaient pas des renégats et donc que la prédication apostolique n’ était pas contraire aux fondements de la conviction pharisienne. Notre analyse est appuyée par le fait qu’ « un pharisien, nommé Gamaliel, docteur de la loi, estimé de tout le peuple » prit la défense des disciples de Jésus devant le Sanhédrin  (Actes 5,34) et ne rejetait pas l'éventualité que la prédication judéo-chrétienne soit d’origine divine (Actes 5,39). Pour reprendre les commentaires forts pertinents de Hyam Maccoby, « Gamaliel était indubitablement un sympatisant des suiveurs de Jésus, comme le montre le présent passage, dans le sens qu’il ne voyait pas en mal et pensait qu’ils pouvaient possiblement s’avérer qu’ils viennent « de Dieu » ; cependant, il n’aurait jamais eu une telle sympathie s’ils maintenaient les points de vue qui leurs sont attribués à eux et à Jésus par la croyance chrétienne tardive » (The Mythmaker, p. 54). En outre, lorsque les Sadducéens accusèrent Jacques d'avoir violé la loi et l'exécutèrent illégalement en l'an 63,les pharisiens protestèrent comme le relate Flavius Josèphe (Antiquités judaïques 20:9:1). Cet épisode montre que les Pharisiens ne considéraient pas Jacques comme un hérétique et n'estimaient pas qu'il méritait la peine que lui infligèrent les Sadducéens. Les Apôtres gardaient donc en plus de la loi écrite la tradition pharisienne.
Les Actes des Apôtres eux-mêmes nous donnent une idée du sort qui attendait ceux qui osaient prêcher que la loi ou les coutumes n’ étaient plus à suivre. Etienne , qui a été accusé devant le Sanhédrin d’ avoir prêché contre la loi et les coutumes , est mort lapidé ( Actes 6,11-13 ; 7,54-0).  Suite à cet évènement , les Hellénistes  (Actes 6,1), c’ est à dire les judéo-chrétiens d’ expression grecque dont Etienne était à la tête , furent persécutés et chassés de Jérusalem (Actes 8,1) . Les Hébreux  (Actes 6,1), c'est-à-dire les croyants d’ expression sémitique représentés par les douze Apôtres , n’ ont cependant pas été touchés par les persécutions et sont restés à Jérusalem (ibid. , Actes 21,20) . Le fait que les Hébreux , parmi lesquels figuraient de nombreux sacrificateurs et des pharisiens (Actes 6,7 ; 15,5), n’ aient pas été touchés par les persécutions donne à comprendre qu’ ils n’ étaient pas concernés par les accusations portées contre les Hellénistes et donc qu’ il n’ y avait rien à redire sur leur observance exemplaire de la Torah écrite et orale qui leur a valu d’ être admirés et appréciés par tout le peuple . En somme , cet épisode confirme ce que l’ on a vu plus haut : les membres de la faction des Hébreux étaient tous zélés pour la loi  (Actes 21,20)  
Il faut donner raison à Hyam Maccoby lorsqu’il dit à propos des Apôtres qu’ « ils étaient des Juifs orthodoxes dans toute leur manière de vivre, y compris la pratique de la circoncision et l’observance des lois diététiques, le Sabbat, les solennités, et le culte du Temple. La seule chose qui les différenciait des Juifs pharisiens ordinaires était leur croyance en Jésus comme le Messie, et puisque cela n’impliquait pas la croyance que Jésus était une figure divine, cette doctrine était dans le seuil de la tolérance par les autres Juifs, beaucoup desquels avaient des croyances messianiques semblables concernant d’autres figures comme Judas le Galiléen ou Theudas »  (The Mythmaker p. 55)
Paul et la loi
Si les judéo-chrétiens de Jérusalem sont restés attachés à la Torah, il n'en est pas de même de Paul qui proclame que « Christ est la fin de la Torah, pour la justification de tous ceux qui croient » (Rm 10,4). Lorsque Paul reconnaît que « Dieu envoya son Fils né sous la loi », c’est pour mieux dire par la suite qu’il n’en fut ainsi  qu’ « afin de racheter ceux qui sont sous la loi » et certainement pas pour que ceux qui sont sous la loi demeurent sous l'esclavage de la loi. Pour Paul, en effet, la loi n’était qu’ « un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi » (Gal 3,24). Mais « La foi étant venue, nous ne sommes plus » dit-il  « sous ce pédagogue » (ibid.) Reformulé autrement, ceux qui exercent la foi dans le Christ ressuscité ne sont plus sous le pédagogue qu’est la Torah. Ailleurs, Paul déclare que «  tout ce que dit la loi, elle le dit à ceux qui sont sous la loi » (Rm 3,19). Mais étant lui-même « sous la grâce et non sous la loi »  (Rm 6,14), la Torah ne le concerne donc pas, ayant lui-même été affranchi de cette dernière par la mise en croix du Fils de Dieu. Dans la théologie paulinienne, « la loi a été donnée ensuite à cause des transgressions, jusqu'à ce que vînt la postérité à qui la promesse avait été faite » (Gal 3,19),  c'est-à-dire Jésus (Gal 3,16). Ce qui veut dire que la date de péremption de la législation mosaïque étant la mort de Jésus, la Torah n’ est plus valide et n’ avait plus , après l’ acte salvateur de Jésus  qui y a mis fin lorsqu’ il s’ est offert lui-même sur la croix , vocation à être suivie pieusement et minutieusement dans ses rituels comme le savent faire les Hébreux et leurs prosélytes.
L’abolition de la Torah dans les écrits de Paul peut également se démontrer d’une autre matière. D’une part , Paul dit :
« Il n'y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Rm 8,1)
Ceux qui suivent Jésus ou plus exactement, qui adhèrent à l’Evangile de Paul, ne sont et ne peuvent donc plus être condamnés par la loi.
D’ autre part , il dit :
« Cependant sachant que l'homme est justifié,  non par les oeuvres de la Loi, mais par la foi dans le Christ Jésus, nous aussi nous avons cru au Christ Jésus, afin d'être justifiés par la foi en lui et non par les oeuvres de la Loi ;  car nul homme ne sera justifié par les oeuvres de la Loi . Je ne rejette pas la grâce de Dieu ;  car si la justice s'obtient par la Loi,  le Christ est donc mort pour rien. » (Gal 2 ,16 et 21)
« Car nous tenons pour certain que l'homme est justifié par la foi,  à l'exclusion des oeuvres de la Loi » (Rm 3,28)
Personne n’est « justifié » par l’observance de la loi. Personne n’ est donc ni déclaré  juste  ni ne plait à Dieu par le suivi de la Torah .
L'on voit ainsi que selon Paul , les croyants , depuis la crucifixion , sont dans un nouveau système des choses où celui qui transgresse la Torah , d’une part , n’ encourra rien et où l’ observance pieuse de la Torah , d’ autre part, n’ augmente la justice de personne et ne permet donc pas d’ être récompensé . Il n’y a donc plus d’ après Paul ni récompense ni punition en rapport à la Torah. Que l’on observe la Torah ou qu’on la viole, cela n’a à l’ en croire aucune espèce d’ importance pour celui qui bénéficie du salut qu’ a offert le Christ crucifié. La Torah cesse ainsi tout bonnement et simplement de faire office de « loi » pour « ceux qui sont en Jésus-Christ » , lesquels ne sont plus jugés par rapport à elle , d’ où : « le Christ est la fin de la loi pour la justification de celui qui croit » (Rm 10,4).
Malgré les termes très clairs et plus qu’explicites dont Paul fait usage dans ses écrits , certains , en particulier les messianiques , prétendent que Paul est en réalité resté fidèle à la Torah . Ils fondent leur argument sur certains passages tels que Rm 7,12 : « la loi est sainte , juste et bonne » ou Rm 7 ,14 : « la loi est est pirituelle » . Mais c’ est clairement oublier ce que Paul dit ailleurs à propos de la Torah qu’ il qualifie de « ministère de la mort, gravé avec des lettres sur des pierres » (2 Cor 3 ,7) et de « ministère de la condamnation » ( 2 Cor 3 ,9) , « la lettre qui tue » (2 Cor 3,6). La loi, selon Paul, produit l’aveuglement spirituel : « Car jusqu'à ce jour le même voile demeure quand, ils font la lecture de l'Ancien Testament, et il ne se lève pas, parce que c'est en Christ qu'il disparaît. Jusqu'à ce jour, quand on lit Moïse, un voile est jeté sur leurs coeurs; mais lorsque les coeurs se convertissent au Seigneur, le voile est ôté » (1 Cor 3,14-16). Le voile qu’est l’Ancien Testament , à en croire Paul , est « aboli par Christ »  (2 Cor  3,14). Nous n’ allons évidemment pas alourdir l’ étude en citant tous les passages où Paul proclame la fin de la loi et enseigne que son observance est néfaste pour les chrétiens. En effet , Paul en parle longuement dans ses lettres et il suffit de les lires aux  tels qu’ elles sont , sans essayer d’ en déformer le sens  clair et explicite pour s’ en rendre compte . Nous nous contenterons simplement d’ éclaircir , selon le contexte , les passages avancés par les messianiques pour appuyer l’ idée que Paul n’a jamais enseigné l’ abrogation de la loi .
Lorsque Paul déclare en Romains chapitre 7 que la loi est bonne ou qu’ il « prend plaisir à la loi selon l’ homme intérieur » (Rm 7,14-25), le contexte nous montre qu’ il se réfère à son état d’ esprit avant de s’ être converti à Jésus  .  Auparavant , dit-il , il y avait en lui cette lutte interne entre l’ esprit et la chair , la Torah et le péché , mais le péché (la chair) était bien trop fort (Rm 7,17-23) si bien qu’ il lui semblait qu’ il n’ y avait aucune issue , d’ où le cri de désespoir : « Malheureux que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? » (Rm 7,24). Une chrétien pour lequel la réponse « Jésus-Christ qui a donné sa vie pour moi » va de soi n’aurait de toute évidence jamais dit pareille chose , ce qui prouve bien que Paul, en Rm 7,14-25, ne fait pas état de sa situation en tant que chrétien mais nous fait part de ses sentiments avant de l’être. Mais « maintenant », poursuit Paul dans le chapitre 8, « il n'y a aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » car « ce qui était impossible à la Loi parce qu'elle était sans force à cause de la chair, Dieu l'a fait : en envoyant, pour le péché, son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché, et il a condamné le péché dans la chair » . Le péché, en tant que transgression de la loi, étant définie par rapport à la loi , ne peut exister sans la loi : « sans la Loi, le péché est mort » (Rm 7,8). Ainsi doit-on comprendre que pour Paul , c’est en mettant une bonne fois pour toutes fin à la loi que Jésus a définitivement aboli le péché dans sa chair . En effet , lorsque la loi a disparue, le péché, la transgression de la loi, a logiquement disparu avec elle étant donné qu’ il n’ y a plus de loi à transgresser et donc plus de transgression de la loi :
« Mais maintenant,  sans la loi, a été manifestée une justice de Dieu à la quelle rendent témoignage la Loi et les Prophètes, justice de Dieu par la foi en Jésus-Christ pour tous ceux et à tous ceux qui croient ; il n'y a point de distinction, car tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ; et ils sont justifiés gratuitement par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus- Christ. C'est lui que Dieu a donné comme victime propitiatoire par son sang moyennant la foi, afin de manifester sa justice, ayant, au temps de sa patience, laissé impunis les péchés précédents, afin, dis-je, de manifester sa justice dans le temps présent, de manière à être reconnu juste et justifiant celui qui croit [en Jésus-Christ] » (Rm 3,21-26)
« Ignorez-vous, mes frères — car je parle à des hommes qui connaissent la Loi, — que l'homme est sous l'empire de la loi aussi longtemps qu'il vit ? Ainsi une femme mariée est liée par la loi à son mari tant qu'il est vivant ; mais si le mari meurt, elle est dégagée de la loi qui la liait à son mari. Si donc, du vivant de son mari, elle épouse un autre homme, elle sera appelée adultère ; mais si son mari meurt, elle est affranchie de la loi, en sorte qu'elle n'est plus adultère en devenant la femme d'un autre mari. Ainsi, mes frères, vous aussi vous êtes morts à la Loi, par le corps de Jésus-Christ, pour que vous soyez à un autre, à celui qui est ressuscité des morts, afin que nous portions des fruits pour Dieu. Car, lorsque nous étions dans la chair, les passions qui engendrent les péchés, excitées par la Loi, agissaient dans nos membres, de manière à produire des fruits pour la mort. Mais maintenant nous avons été dégagés de la Loi, étant morts à la Loi, sous l'autorité de laquelle nous étions tenus, de sorte que nous servons Dieu dans un esprit nouveau, et non selon la lettre qui a vieilli » (Rm 7,1-6)
« Or nous avons une telle confiance en Dieu par Christ. Non que nous soyons capables de nous-mêmes de penser quelque chose, comme de nous-mêmes, mais notre capacité vient de Dieu; Qui nous a aussi rendus capables d'être les ministres du Nouveau Testament, non de la lettre, mais de l'esprit; car la lettre tue, mais l'Esprit vivifie » (2 Cor 3,4-6)
Paul évoque également le contraste entre son état d’ esprit avant et après sa conversion à Christ dans son épître aux Philippiens :
« Moi aussi, cependant, j'aurais sujet de mettre ma confiance en la chair. Si quelque autre croit pouvoir se confier en la chair, je le puis bien davantage, moi, circoncis le huitième jour, de la race d'Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu né d'Hébreux; quant à la loi, pharisien; quant au zèle, persécuteur de l'Eglise; irréprochable, à l'égard de la justice de la loi.Mais ces choses qui étaient pour moi des gains, je les ai regardées comme une perte, à cause de Christ. Et même je regarde toutes choses comme une perte, à cause de l'excellence de la connaissance de Jésus-Christ mon Seigneur, pour lequel j'ai renoncé à tout, et je les regarde comme de la boue,  afin de gagner Christ » (Philippiens 3 :4-8)
Le terme grec traduit par « boue » est « skoubala » qui veut aussi dire « déchet » , «  excrément » , « fumier ».  Pour Paul , la circoncision , l’ appartenance au peuple juif et le zèle pour la Torah et les traditions , en un mot « la justice de la loi » , n’est que chose immonde. Il va sans dire que Paul , depuis sa conversion , avait horreur de la Torah et du culte judaïque qui ne sont à l’en croire que fiente et ordures .
De même , lorsque Paul dit en Rm 2,13 que ce sont ceux qui écoutent la loi qui seront justifiés , l'on ne peut pas croire que Paul considérait la loi comme étant encore valide pour les croyants en Jésus. La clé pour comprendre ce verset sont les propos de Paul en Romains 10,4 : « Christ est la fin de la loi, pour la justification de tous ceux qui croient ». Autrement dit, pour Paul, la fin de la Torah est uniquement pour les croyants, qui sont convaincus qu’ elle est abolie, et non pour les juifs incroyants ou ceux qui croient faussement en la pérennité de la Torah, tels que les Nazaréens de Jérusalem et les convertis qui se sont joints à eux, qui sont encore tenus d’ observer les préceptes de la loi : « Voici, moi Paul, je vous dis que, si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira de rien. Et je proteste encore une fois à tout homme qui se fait circoncire, qu'il est tenu de pratiquer la loi tout entière. Vous êtes séparés de Christ, vous tous qui cherchez la justification dans la loi; vous êtes déchus de la grâce » (Gal 5,2-4) ; « Or, nous savons que tout ce que dit la loi, elle le dit à ceux qui sont sous la loi, afin que toute bouche soit fermée, et que tout le monde soit reconnu coupable devant Dieu » (Rm 3,19). Chacun, en effet, sera jugé selon sa propre conscience : « Tous ceux qui ont péché sans la loi périront aussi sans la loi, et tous ceux qui ont péché avec la loi seront jugés par la loi » (Romains 2 :12). C’est pour cela que , par la suite , Paul dit, non pas aux croyants, mais à ceux qui encore sont « sous la loi » qu’il vient juste d'évoquer que « ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi, qui sont justes devant Dieu; mais ce sont ceux qui observent la loi, qui seront justifiés » (Romains 2 :13). Mais il n’ y a hélas aucun espoir pour eux d’ être justifiés étant donné qu’ il est impossible que la loi justifie quiconque. Le seul salut possible, selon Paul, est la foi en l’oeuvre salvateur de Jésus sur la croix, de croire qu’il a mis fin à la Torah. 
Il est difficile de ne pas voir cependant que même après s’ être converti à Jésus et proclamé la fin de la loi , Paul , d’une manière très paradoxale , se proclame encore Pharisien . En Actes 23 :6 , Paul dit «  je suis Pharisien » en faisant usage du temps présent. D’après Actes 16 :1-3 , Paul circoncit-il Timothée. Selon Actes 18:21 et 20:6 Paul est même allé spécialement à Jérusalem pour célébrer une fête religieuse juive. L’on sait toutefois que si Paul a agit ainsi , ce n’ était certainement pas parce qu’ il croyait que la loi était encore valide ou qu’ il y avait une quelconque récompense dans l’ observation de la loi .  Lorsque Paul circoncit Timothée , les Actes nous disent que c’ était «  à cause des Juifs ».  Le sens est explicité dans la première épîtres aux Corinthiens : « Avec les Juifs, j'ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi quoique je ne sois pas moi-même sous la loi, afin de gagner ceux qui sont sous la loi. A ceux qui sont sans Loi, comme si j'étais sans Loi (quoique je ne sois point sans Loi quant à Dieu, mais je suis sous la Loi de Christ) afin de gagner ceux qui sont sans Loi. Je me suis fait comme faible aux faibles, afin de gagner les faibles; je me suis fait toutes choses à tous, afin qu'absolument j'en sauve quelques-uns » (1 Cor 9 :20).  L’ on comprend que si Paul a continué à être « quant à la loi , un pharisien » , c'est-à-dire pharisien d’ observance ,  c’ était à des fins évangéliques .  Les Juifs, en effet, n'accueilleraient de toute évidence pas un hérétique dans leurs synagogues. Paul préfère donc se fondre parmi les Juifs afin de se voir accorder le privilège d'être invité dans les synagogues et profiter de l'occasion pour pouvoir leur prêcher Jésus et les amener petit à petit à la conclusion que la loi est abolie.
En somme ,  Paul  prêchait que la Torah était abolie . Les Apôtres et l’ Eglise de Jérusalem , à l’ opposé , observaient la loi avec zèle et ne croyaient pas que Jésus y a mis fin.  Cette divergence d'idées allait rendre inévitable le conflit entre Paul et les judéo-chrétiens de Jérusalem.
 Le conflit entre Paul et l’église de Jérusalem
La plupart des théologiens chrétiens s'accordent pour dire que les judéo-chrétiens auxquels Paul s’attaqua n’étaient qu’une secte marginale à laquelle les autres Apôtres s’opposèrent également. Une lecture attentive des épîtres de Paul et des Actes révèlent toutefois que l’isolé fut Paul et non les judéo-chrétiens.
Paul lui-même n’était pas en bon termes avec les chefs de la communauté judéo-chrétienne de Jérusalem. En insistant dès le début de l’épître aux Galates, qu’il est «  apôtre, non de la part des hommes, ni par un homme, mais par Jésus-Christ et Dieu le Père » (Gal 1,1), Paul exprime son indépendance par rapport à l'autorité des Apôtres. Non seulement cela, mais il expose aussi ses sentiments négatifs envers eux. Paul, en effet, dit qu’ « ils étaient considérés comme quelque chose », mais « quels qu'ils aient pu être, cela ne m'importe en rien, Dieu n'ayant point d'égard à l'apparence extérieure de l'homme » (Gal 2,2-6). Paul sous entend par là que les hommes qui dirigent la communauté de Jérusalem ne sont que des hypocrites dont la justice n’est qu’extérieure. En Galates 2:9, il précise qu’il s'agit de « Jacques, et Képhas, et Jean, qui étaient  considérés comme étant des colonnes » (Gal 2,9). Cela donne à comprendre que pour Paul, ils n’étaient pas vraiment des « colonnes » mais étaient seulement « considérés » comme tels. Paul ne reconnait clairement pas leur autorité. 
Paul proclame que l’ évangile qu’il prêche ne provient pas des disciples de Jésus :
« Je vous déclare, frères, que l'Evangile qui a été annoncé par moi n'est pas de l'homme; car je ne l'ai ni reçu ni appris d'un homme, mais par une révélation de Jésus-Christ » (Gal 1,11)
Ailleurs, Paul dit que lors de sa rencontre avec les Apôtres de l’église de Jérusalem, des individus qu’il nomme faux-frères « s'étaient furtivement introduits et glissés parmi nous, pour épier la liberté que nous avons en Jésus-Christ, avec l'intention de nous asservir » (Gal 2,4). Cependant, « Tite » , qui était avec lui et qui était Grec , « ne ne fut pas même contraint de se faire circoncire » (Gal 2,3). L’on comprend que ceux qu’ il nomme « faux-frères » étaient des partisans de l’ observance de la Torah qui prescrit la circoncision (Genèse 17,9-13 ; Exode 12,43-49). Cela ne devrait pas nous étonner quand on sait que la faction des « Hébreux », c'est à dire les judéo-chrétiens de culture et de langue sémitique vivant à Jérusalem, étaient  « tous sont zélés pour la loi » (Actes 21,:20).  Le livre des Actes évoque également leur présence lors du concile de Jérusalem en ces termes : « Et quelques-uns de la secte des pharisiens, qui avaient cru, s'eleverent disant qu'il faut les circoncire et leur enjoindre de garder la loi de Moise » (Actes 15,5). Bien que Paul dise que « Jacques, Céphas et Jean » qui sont « les plus considérés » reconnurent « la grâce » qui lui avait été accordée et lui donnèrent « la main d'association » afin qu'ils allassent, lui et Barnabé vers les incirconcis et eux vers les circoncis (Gal 2,6-9), il semble qu’ ils aient très vite changé d’ avis :
« Mais lorsque Céphas [Pierre] vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il était répréhensible. En effet, avant l'arrivée de quelques personnes envoyées par Jacques, il mangeait avec les gentils; et, quand elles furent venues, il s'esquiva et se tint à l'écart, par crainte des circoncis. Avec lui les autres Juifs usèrent aussi de dissimulation, en sorte que Barnabas même fut entraîné par leur hypocrisie. Voyant qu'ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l'Evangile, je dis à Céphas, en présence de tous : Si toi qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non à la manière des Juifs, pourquoi forces-tu les païens à judaïser ? » (Gal 2,11-14)
Il apparaît dans ce passage qu’après avoir reçu les instructions d’émissaires envoyés par Jacques, Pierre ainsi que tous les Juifs croyants présents à Antioche se séparèrent des Gentils, conformément à la Torah, et ont « forcé les païens à judaïser ». A en croire l’ épître aux Galates, Paul adressa par la suite à l’Apôtre Pierre une réprimande dans laquelle il tente de démontrer en quoi « nul homme ne sera justifié par les oeuvres de la Loi » (Gal 2,15-21). Cela n'a de sens que si Pierre, contrairement à Paul , était d’ avis que l’ homme est justifié par les œuvres de la loi en plus de la foi .
A la fin de l'épître aux Galates, Paul déclare :
« Tous ceux qui cherchent à se rendre agréables dans ce qui regarde la chair, sont ceux qui vous contraignent d'être circoncis; afin seulement qu'ils ne souffrent point de persécution pour la croix de Christ. Car ceux-là même qui sont circoncis ne gardent point la Loi; mais ils veulent que vous soyez circoncis, afin de se glorifier en votre chair » (Gal 6,12-14)
La mention  « ceux-là même qui sont circoncis ne gardent point la Loi; mais ils veulent que vous soyez circoncis »  est clairement une allusion à l’incident d’Antioche où Paul, selon ses dires , aurait déclaré ouvertement à Pierre : « Si toi qui es Juif, vis comme les Gentils, et non pas comme les Juifs, pourquoi contrains-tu les Gentils à Judaïser? » (Gal 2,14). D’après Paul, ses adversaires qu’il dit avoir annoncé « un autre évangile » et un « autre Jésus » aux Galates prêchaient la Torah , dont l’Alliance se scelle par le rituel de la circoncision (Exode 12,43-49) , « afin seulement qu'ils ne souffrent point de persécution pour la croix de Christ ». Il n’est pas difficile de deviner à qui Paul se réfère présentement lorsqu’ on sait que contrairement à Etienne et les Hellénistes , qui furent persécutés parce qu’ils étaient accusés d’apostasie à la Torah,  les Apôtres, qui représentaient la faction des « Hébreux », ont pu prospérer dans la Jérusalem pharisienne d’ avant 70  parce qu’ ils étaient « tous zélés pour la loi » (Actes 8,1 et 21,21). 
Dans les épîtres aux Corinthiens, Paul mentionne également l’existence d’individus qui prêchaient « un autre Jésus » et « un autre Evangile » (2 Cor 11,4-6).  Paul les nommait sarcastiquement « Apôtres par excellence » , ce qui donne à comprendre qu’ ils se proclamaient Apôtres . Pour Paul , cependant , ils n’étaient que de « faux apôtres, des ouvriers trompeurs, déguisés en apôtres de Christ » (2 Cor 11,13). Paul les compare à « Satan qui se déguise en Ange de lumière » (2 Cor 11,14). Paul nous apprend qu’ ils étaient des « Hébreux » , des  « Israélites » , « de la postérité d’ Abraham » et se présentaient comme des « ministres du Christ » (2 Cor 11,22-23). Ils disaient de Paul qu’ il n’ était pas un Apôtre (1 Cor 9,2).  Les accusations portées contre Paul devaient être sérieuses . Paul , en effet , prend à témoins Dieu et le Christ qu’ il ne ment pas (2 Cor 11 ,21) . Il menace même les Corinthiens en déclarant que la prochaine fois qu’ il viendra , il n’ hésitera pas à recourir à la violence pour asseoir son autorité  (2 Cor 10,2 ; 13,1-4 ). Les adversaires de Paul avaient des lettres de recommandation alors que Paul n’ en avait visiblement pas (2 Cor 3,1-6). Ceci montre que l’ Apostolat de Paul n’ était pas reconnu à Jérusalem et  que son enseignement n’ était pas considéré comme légitime par les judéo-chrétiens car si tel était le cas, Paul aurait eu un lettre de recommandation de la part de l’ église de Jérusalem. Paul ne dit pas explicitement quelle était la source de ces lettres. Nous les retrouvons cependant mentionnées dans les Reconnaissances pseudo-clémentines, qui attribuent ces mots à Pierre :
« Ne faites confiance en aucun enseignant à moins qu’il amène de Jérusalem le témoignage de Jacques, le frère du Seigneur , ou de celui qui viendra après lui. Car à moins que quelqu’un n’y est monté et y a été reconnu en tant qu’enseignant digne et fidèle pour prêcher la parole du Messie, à moins, dis-je, qu’il n’amène un témoignage, il ne doit en aucun cas être reçu » (Reconnaissances 4,35)
La  possession de telles lettres par les ennemis de Paul montre qu’ils étaient des enseignants reconnus par l'église de Jérusalem.
La congrégation Corinthienne était elle-même divisée en plusieurs factions. En effet, quelques uns se réclamaient de Paul , d’ autres de Pierre et  certains d’ Appolos (1 Cor 1,12 ; 3,21-22).  Ailleurs dans l’épître, Paul mentionne une nouvelle fois la division des Corinthiens en s’associant pleinement à Apollos, mais pas avec Pierre (1 Cor 3,5-10). Cela ne peut vouloir dire que Pierre était l'un de ceux avec lesquels Paul était en conflit. Rappelons que Pierre était « Apôtre » (2 Cor 11,4-6 ; 11,13 ) , « Hébreu » (2 Cor 11,22-23), de « la race d’ Abraham » (ibid) et « ministre du Christ »  (ibid). L’on sait d’ailleurs que contrairement à Paul, Pierre , qui est resté fidèle aux pratiques juives ,  était du même avis que les judéo-chrétiens que Paul nomme « faux-frères », raison pour laquelle Paul « lui résista en face , car il était », selon Paul, « à blâmer » (Gal 2,11). Lorsque Paul affirme que « personne ne peut poser un autre fondement que celui qui a été posé, savoir Jésus-Christ », il faut y voir une polémique contre la tradition judéo-chrétienne selon laquelle Jésus s’adressa à Pierre en ces termes « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Assemblée » (Matthieu 16:18).
Mais le décret de Jacques en Actes 15 ne constitue t-il pas la rejet officiel de la doctrine des judéo-chrétiens qui pensent que nul n’ est sauvé s’ il ne se circoncit pas et n’ observe pas la loi de Moïse  ( Actes 15 ,1 ; 15) ?  Il ne semble pas qu’ il soit en ainsi. Jacques , en Actes 15 :28 dit : « Il a paru bon au Saint-Esprit et à nous de ne vous imposer d'autre charge que ce qui est nécessaire ». Le terme grec traduit par « imposer » est « epanankes » qui signifie « forcer ». Jacques est donc d’avis qu’il ne faut pas forcer les Gentils croyants à accepter la Torah. C'est à cela que Paul se réfère lorsqu'il dit dans sa version du concile de Jérusalem que Tite « ne ne fut pas même contraint de se faire circoncire » (Gal 2,3). Jacques n'interdit cependant pas aux Gentils de le faire. En effet , Jacques déclare par la suite que les Gentils devenus croyants pourront entendre la Torah qui leur sera prêchée dans les Synagogues le Shabbat (Actes 15,21) conformément à la proposition de « de la secte des pharisiens qui avaient cru » (Actes 15,5) en lesquels nous reconnaissons le parti de Jacques. L’on comprend ainsi que l’intention de Jacques n’était pas de dire que l’observance de la Torah n’était pas indispensable au salut, mais qu’ il ne fallait obliger personne et  laisser aux Gentils le choix d’adhérer ou non à la doctrine judéo-chrétienne -  les conversions forcées étant contraires à la morale et à la loi rabbinique - . Jacques donne toutefois aux Gentils quatre lois : - S’abstenir de la fornication , des choses sacrifiés aux idoles , du sang et de la viande de bêtes étouffées .  Pour la plupart des commentateurs chrétiens , la raison en est que les Juifs trouvaient ces choses offensantes et non que le salut des Gentils  qui s’ obtient par la foi seule dépendait de l’ observance de ces lois . En d’ autres termes ,  Jacques a prescrit ces lois afin de permettre aux judéo-chrétiens , qui avaient tendance à éviter ceux qui étaient souillés d'idolâtrie et qui agissaient d’une manière immorale , de s’ associer pleinement aux Gentils qui crurent.
Comme le montre son épître, Jacques ,  qui n’ était pas paulinien , ne croyait évidemment pas en la doctrine de la Sola Fide . L’ on peut au moins retenir de l'explication des théologiens chrétiens le fait que Jacques n’ avait pas le salut de quiconque à l’ esprit lorsqu’il promulgua ces quatre lois . L’on sait en effet que pour les judéo-chrétiens  et Jacques , le salut des gentils ne s’ obtenait pas par l’ observance de ces quatre lois uniquement mais dépendait de la fidélité à toute la Torah . Pour reformuler plus clairement , Jacques a prescrit ces lois afin de permettre aux judéo-chrétiens de s’ associer avec les Gentils et non que les Gentils soient sauvés par l’observance de ces quatre lois uniquement. Lorsqu’il dit qu’ il n’ est pas nécessaire de prescrire plus aux Gentils , il ne veut pas dire qu’ il ne faut pas prescrire davantage pour que les Gentils soient sauvés , mais qu’ il ne faut leur en imposer plus comme condition préalable avant de s’ associer avec eux.  Que les Judéo-chrétiens aient observé les lois de séparation d'avec les idolâtres et les infidèles est confirmé par la tradition pétrinienne conservée dans la littérature pseudo-clémentine :
« Pierre commença alors à lui parler de la piété véritable en lui disant : « Je veux que tu saches, ô femme,  la manière de vivre que nous impose notre Religion. Nous adorons un seul Dieu, lequel créa le monde que tu vois , et nous gardons sa Loi, qui nous enjoint premièrement de l’adorer lui seul et de sanctifier son Nom , d’ honorer nos parents , d’ être chaste et de vivre pieusement. En plus de ceci , nous ne vivons pas avec tout le monde sans distinction , et nous ne mangeons pas à la même table que les gentils , parce que nous ne pouvons même pas manger avec eux à cause de l’impureté de leur vie. Mais quand nous les avons convaincus de penser et d’agir selon la vérité, et que nous les avons baptisés avec une invocation trois fois bénie, alors nous mangeons avec eux. Même s’il s’agit d’un père, d’une mère, d’une épouse, d’un enfant, d’un frère ou de toute autre personne nous montrant naturellement de la tendresse , nous  n’osons pas manger avec car c’est avant tout notre culte qui nous fait agir ainsi. » (Homélies 13 : 4 : 3-5)
Paul, quoi qu' il en dise, s' est-il sans doute rétracté officiellement de sa position radicalement antinomiste lors de la dispute de Jérusalem en obtempérant à la décision des Apôtres. Paul lui-même , dans ses lettres , prescrit à ses disciples de « faire accueil à celui qui est faible dans la foi » et de « ne pas discuter sur les opinions » (Rom 14,1)  ainsi que, bien qu'ils soient libres, de se conformer aux règles diététiques de la Torah en présence des « faibles » afin de ne pas scandaliser ces derniers (1 Cor 8,13 ; Rom 14,20-21).  En  l’ absence de ceux que Paul nomme « faibles », les pauliniens sont libres de tout manger , même les viandes sacrifiées aux idoles, ce qui en fait des gens souillés de paganisme et avec lesquels il n'est pas permis au Juif de s'associer (1 Cor 8 ; Rom 14). Lorsque Juda et Silas , les émissaires de Jacques, chargés de s' assurer de l’orthodoxie de Paul, vinrent à Antioche ( Ac 15:27, Gal 2:12 ) , une dispute éclata et Paul exposa sa vraie doctrine . Pierre cessa alors de s’associer avec Paul et ses disciples et leur demanda de faire un choix. Paul , qui vient juste de dire dans sa version des faits qu’ il exposa son évangile aux Apôtres et qu’ ils reconnurent son apostolat, ne pouvait évidemment pas dire toute la vérité sur cet incident. Au lieu de reconnaître qu’ il a menti aux Apôtres et que Pierre s’associa avec ses convertis parce qu’ il a été  dupé, Paul préfère dire que  Pierre, qu' il accuse d' hypocrisie, a fait ripaille en connaissance de cause avec les pauliniens mais se sépara par la suite par crainte de Jacques que Paul accuse d'avoir rompu les termes de l'accord (Gal 2:10-13).
Les nouvelles de l’ apostasie de Paul à la Torah allaient cependant très vite se répandre parmi les Judéo-chrétiens de Jérusalem restés attachés à la Torah . Jacques et les Anciens dirent en effet à Paul lors de sa dernière visite à Jérusalem  : 
« Tu vois, frère, combien de milliers de Juifs ont cru, et tous sont zélés pour la loi. Or, ils ont appris que tu enseignes à tous les Juifs qui sont parmi les païens à renoncer à Moïse, leur disant de ne pas circoncire les enfants et de ne pas se conformer aux coutumes » (Actes 21 :20-21)
Le théologien Chrétien Harry Ironside dit à propos de ceci que «  l’ Apôtre Paul a écrit les épîtres aux Galates et aux Romains longtemps avant ceci , et il dit aux croyants qu’ ils ne sont pas sous la loi mais sous la grâce . Aux croyants Juifs il dit : « la loi était le pédagogue pour nous conduire à Christ » (Gal 3,24-25) … Mais ces judéo-chrétiens n’ont jamais appris cela. Ils accomplissaient encore les différents commandements donnés en relation avec les rituels de l’Ancien Testament ». Ironside nous dit que les judéo-chrétiens n’ont jamais appris le concept paulinien de l’ abolition de la Torah par Jésus. Mais si , justement , les judéo-chrétiens ne l’ont « jamais appris » , c'est bien que les Apôtres n’ont jamais enseigné ou prêché la doctrine paulinienne parmi les Juifs. Notons que ce ne sont pas quelques judéo-chrétiens qui sont zélés pour la loi et qui n'apprécient pas l'enseignement de Paul, mais la totalité des judéo-chrétiens de Jérusalem. Le codex Bezae est explicite quant au fait que l’ apostasie paulinienne vis-à-vis de la Torah n' était pas une simple rumeur qui circulait, mais les propos mêmes des myriades de judéo-chrétiens zélés pour la Torah  :
« Or, ils ont raconté à ton sujet que tu enseignes à ceux parmi des nations qui sont juifs l' apostasie vis à vis de Moïse : ne pas circoncire les enfants ni marcher selon les coutumes » (Ac 21:21 codex Bezae)
Le désaccord était loin d’être amical. En effet , les Anciens disent à Paul : « Que faire donc? Sans aucun doute la multitude se rassemblera, car on saura que tu es venu » ( Actes 21,23). Cela implique que la venue de Paul pouvait provoquer une émeute parmi les judéo-chrétiens; une émeute que les Anciens de l’Eglise ne pouvaient pas contenir ou empêcher en rassurant simplement les judéo-chrétiens que tout ceci n’est qu’un malentendu et que Paul est réellement resté fidèle à la Torah . Le problème ne pouvait non plus se régler par une simple déclaration de la part de Paul . Il est clair que les judéo-chrétiens de Jérusalem considéraient Paul comme un menteur , raison pour laquelle quoi qu’ il dise , ils n’ allaient pas le croire .  La seule solution qu’ ont trouvé les anciens était de dire à Paul : « Il y a parmi nous quatre hommes qui ont fait un voeu; prends-les avec toi, purifie-toi avec eux, et pourvois à leur dépense, afin qu'ils se rasent la tête. Et ainsi tous sauront que ce qu'ils ont entendu dire sur ton compte est faux, mais que toi aussi tu te conduis en observateur de la loi » ( Actes 21,23-24).  Mais si les judéo-chrétiens , lesquels n’ étaient pas naïfs , suspectaient Paul de mentir verbalement , ce n’ était certainement pas des agissements de sa part qui allaient arranger les choses . Les judéo-chrétiens n’ avaient clairement que faire de ce que Paul croyait ou pensait.  Ils voulaient juste que Paul , par cette démonstration publique , répudie aux yeux de tous son Evangile de l’ abrogation de la Torah .  En d’autres termes , il ne s’ agissait pas d’ une démonstration de loyauté à la Torah , mais une répudiation publique du christianisme paulinien . Mais pourquoi les Anciens choisirent-ils , parmi les 613 commandements de la loi , un rituel de purification au Temple ? Pourquoi n’avoir pas dit à Paul de garder le Shabbath ou mettre des téfilines ? Il est évident que seul un rituel au Temple allait satisfaire les judéo-chrétiens. Mais pourquoi ? La réponse est évidente lorsqu’ on sait que le rituel du rasage de la tête par les hommes venus au terme de leur vœu de Naziréat impliquait d’ offrir un sacrifice pour le péché . Or , le fondement même de l’Evangile de Paul est l’ idée que Jésus était le sacrifice ultime qui a mis fin à la Torah et à l'Alliance du Sinaï. Harry Ironside , dans son commentaire , déclare que «  cela aurait annulé en grande partie le témoignage de l’ Apôtre Paul dans les années qui allaient venir . Imaginez le en train de monter avec eux sur l’ autel et offrir des sacrifices d’ animaux – un reniement virtuel de l’unique sacrifice de notre Seigneur Jésus-christ » . Les Apôtres eux-mêmes, il faut le rappeler, exprimaient leur piété exemplaire en participant au culte du Temple de Jérusalem (Luc 24,43 ; Actes 2,46 ; 3,1 ; 5,42)
Paul, qui tenait plus à sa vie qu’à la « vérité de l’Evangile » (Gal 2,13), a manifestement nié les accusations d’apostasie à la loi en bloc et a évidemment accepté la proposition des Anciens. Curieusement c’est ce qui a conduit à son arrestation. En effet, la purification terminée, des « Juifs d’Asie ayant vu Paul dans le temple, soulevèrent toute la foule, et mirent la main sur lui, en criant: Hommes Israélites, au secours! Voici l'homme qui prêche partout et à tout le monde contre le peuple, contre la loi et contre ce lieu; il a même introduit des Grecs dans le temple, et a profané ce saint lieu » (Actes 21:27-28). En entendant cela, les juifs présents à Jérusalem ,  enragés , se mirent à lever la main sur Paul qui était visiblement sans défense (Actes 21:30-32). Ce ne sont pas les membres de l’Assemblée de Jérusalem qui vinrent sauver Paul mais des soldats Romains (Actes 21:33-36). Le lendemain, Paul est emmené devant le Sanhédrin afin d' être jugé (Actes 22:30-2 :6). Même si Actes 21,20 mentionne l’existence de milliers de juifs appartenant à l' Eglise de Jérusalem , aucun n’est venu secourir Paul lorsque la foule s’en est prise à lui au Temple. De même, aucun des dirigeants de la communauté de Jérusalem n’est venu à son aide ou se présenter le lendemain devant le Sanhedrin pour témoigner en sa faveur. Jacques, étant à la tête des quelques milliers de fidèles et étant lui-même un personnage respecté même par les Pharisiens, était le mieux placé pour intervenir en la faveur de Paul. Mais ni lui ni aucun membre de sa communauté n’ont rien fait pour aider Paul, et il semble que la communauté de Jacques était satisfaite de voir un autre fauteur de trouble saisi ainsi par les autorités. Les relations entre Paul et les fidèles de Jérusalem ne devaient donc pas être très bonnes. Pareillement, dans la narration du complot pour éliminer Paul (Actes 23:12-22), le seul qui ait fait quelque chose pour lui fut  son neveu (Actes 23:16). Il en découle que l' Eglise de Jérusalem ne se souciait guère de Paul et le laissa en proie à la foule en colère. On est même en droit de se demander si les membres de la communauté de Jérusalem ne furent pas parmi ceux qui, n’appréciant pas les invectives que Paul prononce contre eux en diaspora ainsi que sa prédication  contraire à la Torah , complotèrent pour le tuer et l'attaquèrent au Temple , pensant , sans doute , agir ainsi conformément à la Torah.  Les rumeurs concernant Paul étaient fondées comme en témoignent ses épîtres, et  les Anciens n’étaient certainement pas dupes.  Compte tenu des rumeurs courant à Jérusalem (Actes 21:20-21), dire à Paul d’aller au Temple , le lieu de culte par excellence fréquenté à cette époque par les juifs pieux, dont ceux qui appartenaient à des groupes des plus radicaux voir fanatiques tels que les  sicaires , aurait été très dangereux pour lui comme le confirma la suite des évènements (Actes 21:27-32). De plus, le fait qu’aucun membre de l’Eglise de Jérusalem ne soit venu l’aider suggère que tout ceci était complot pour éliminer Paul.  Notons que les Anciens , eux , n’ ont pas affronté Paul directement , raison pour laquelle il pouvait tout nier en bloc devant eux et prétendre qu’ il est encore resté fidèle à la loi. Le plan n’ aurait évidemment pas marché si c’ était Pierre ou d’ autres qui ont eu l’ occasion d’ entendre de la bouche de Paul l’ Evangile de la fin de la loi qui s’ étaient adressé à lui.
Que la rumeur de l’apostasie de Paul ait eu un tel effet parmi les Judéo-chrétiens de Jérusalem au point que Paul avait à craindre pour sa vie et que les Anciens furent obligés d’intervenir indique que cette rumeur, qui était vraie, ne provenait certainement pas de quelques dissidents insignifiants mais d’individus assez importants au sein de l’Eglise de Jérusalem pour que « tous » les Juifs qui curent accordent du crédit à ce qu’ils disent. L’on sait d'autre part que Paul se disputa avec les émissaires de Jacques et Pierre, qui étaient estimés au sein de l’Eglise de Jérusalem, sur la question de la Torah. Cela nous donne un indice clair concernant l'identité de ceux qui ont propagé la rumeur qui a presque coûté la vie à Paul.
Bien que la plupart des ouvrages judéo-chrétiens ne nous soient pas parvenus, la réponse judéo-chrétienne à la prédication de Paul a été conservée en certains endroits du peu qu'il nous reste. A l’affirmation de Paul selon laquelle l’homme est justifié par la foi uniquement sans les œuvres et qu'il en fut ainsi d'Abraham (Romains 3:20-27, 4:1-5, Ephésiens 2:8-9), l’épître de Jacques , que Luther rejeta et rabaissa comme un «  épître de paille » , répond :
« Celui qui aura plongé les regards dans la loi parfaite, la loi de la liberté, et qui aura persévéré, n'étant pas un auditeur oublieux, mais se mettant à l'oeuvre, celui-là sera heureux dans son activité …Que sert-il à quelqu'un de dire qu'il a la foi, s'il n'a pas les oeuvres? La foi peut-elle le sauver? Si un frère ou une soeur sont nus et manquent de nourriture de chaque jour, et que l'un d'entre vous leur dise: Allez en paix, chauffez-vous et vous rassasiez! Et que vous ne leur donniez pas ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert-il? Il en est ainsi de la foi: si elle n'a pas les oeuvres, elle est morte en elle-même. Mais quelqu'un dira: Toi, tu as la foi; et moi, j'ai les oeuvres. Montre-moi ta foi sans les oeuvres, et moi, je te montrerai la foi par mes oeuvres Tu crois qu'il y a un seul Dieu, tu fais bien; les démons le croient aussi, et Ils tremblent. Veux-tu savoir, ô homme vain, que la foi sans les oeuvres est inutile? Abraham, notre père, ne fut-il pas justifié par les oeuvres, lorsqu'il offrit son fils Isaac sur l'autel? Tu vois que la foi agissait avec ses oeuvres, et que par les oeuvres la foi fut rendue parfaite. Ainsi s'accomplit ce que dit l'Ecriture: Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice; et il fut appelé ami de Dieu. Vous voyez que l'homme est justifié par les oeuvres, et non par la foi seulement. Raab la prostituée ne fut-elle pas également justifiée par les oeuvres, lorsqu'elle reçut les messagers et qu'elle les fit partir par un autre chemin? Comme le corps sans âme est mort, de même la foi sans les oeuvres est morte » (Jacques 1:25, 2:14-26)
Alors que Paul se plaint de ce que « tous ceux qui sont en Asie m'ont abandonné, entre autres Phygelle et Hermogène » (2 Tim 1:15), le livre de la Révélation, un Apocalypse judéo-chrétien, en félicite les églises d’Asie Mineure, dont Ephèse était la capitale, et traite Paul de faux Apôtre : 
« Ecris à l’ange de l’Assemblée d'Ephèse : celui qui tient les sept étoiles en sa main droite, et qui marche au milieu des sept chandeliers d'or, dit ces choses : Je connais tes oeuvres, ton travail et ta patience, et je sais que tu ne peux souffrir les méchants, et que tu as éprouvé ceux qui se disent être apôtres, et ne le sont point, et que tu les as trouvés menteurs » (Révélation 2:2)
L’on comprend mieux pourquoi Paul dit aux Corinthiens : « Si pour d'autres je ne suis pas apôtre, je le suis au moins pour vous »  (1 Cor 9,2). Dans le livre de la Révélation, les « saints » sont définis comme « ceux qui gardent les commandements de Dieu et la foi de Jésus » (Rev 14,12 et 12,17). La doctrine paulinienne, appelée « profondeur de Dieu » en 1 Cor 2,10 est traitée de « profondeur de Satan » en Rev 2,24.  Les disciples de Paul , lesquels rejetaient la Torah et la marque de la circoncision, se vantaient d'être les « vrais Juifs », « qui ne le sont pas au dehors », et dont « la circoncision, n'est pas celle qui paraît dans la chair .... mais ... celle du coeur, dans l'esprit, et non dans la lettre » (Rm 2,28- 29 ), « c’est nous qui sommes les vrais circoncis, nous qui rendons notre culte par l’Esprit de Dieu, nous qui mettons notre fierté dans le Christ Jésus et qui ne plaçons pas notre confiance dans ce qui est charnel » (Phil. 3,3). Le livre de la Révélation riposte en déclarant que le Pauliniens sont en réalité « la synagogue de Satan, qui se disent Juifs et ne le sont pas, mais qui mentent » ( Rev  3,9).
L’ épître de Pierre à Jacques se réfère à Paul comme l’ « homme ennemi » qui s’ oppose à la prédication « conforme à la Torah » de l’Apôtre Pierre :
« Car certains parmi les nations ont rejeté la prédication conforme à la Loi qui était la mienne,  pour adopter un enseignement contraire à la Loi, les sornettes de l’homme ennemi. Et cela, de mon vivant : certains ont entrepris de travestir mes paroles par des interprétations artificieuses pour abolir la Loi, en prétendant que moi-même, je pensais ainsi, même si je ne le proclamais pas ouvertement.  Loin de moi pareille attitude !  Car cela serait agir contre la Loi de Dieu qui a été dite à travers Moïse, et dont Notre Seigneur a attesté l’éternelle validité . Car il a dit  « le ciel et la terre passeront ; mais pas un iota ni un signe de la Loi ne passera ». Et cela dit-il pour que tout soit accompli. Mais ces hommes, déclarant connaître, je ne sais comment, mes pensées, entreprennent d'expliquer mes paroles qu'ils entendirent de moi plus intelligemment que moi qui les a dites, racontant à leurs catéchumènes que ceci est ce que j'ai voulu dire, que je n'ai moi-même en effet jamais pensée.  Mais si, alors que je suis encore en vie, ils osent me dénaturer ainsi, combien plus ceux qui viendront après moi!  » (Pierre à Jacques  chapitre 2)
Ceci est clairement une réponse à Paul qui accuse Pierre de « vivre comme les Gentils, et non pas comme les Juifs » et de «  contraindre les Gentils à Judaïser »  (Gal 2,14)
Paul dit aux Galates qui adhérèrent à l'authentique évangile de Torah :
« Je m'étonne que vous vous détourniez si promptement de celui qui vous a appelés par la grâce de Christ, pour passer à un autre Evangile. Non pas qu'il y ait un autre Evangile, mais il y a des gens qui vous troublent, et qui veulent renverser l'Evangile de Christ. Mais, quand nous-mêmes, quand un ange du ciel annoncerait un autre Evangile que celui que nous vous avons prêché, qu'il soit anathème! Nous l'avons dit précédemment, et je le répète à cette heure: si quelqu'un vous annonce un autre Evangile que celui que vous avez reçu, qu'il soit anathème! » ( Galates 1,6-9)
La tradition judéo-chrétienne que reprend la Didaché répond  :
« Veille à ce que nul ne te détourne de ce chemin de la Doctrine, car celui-là t'enseigne en dehors de Dieu. Si tu peux porter tout entier le joug du Seigneur, tu seras parfait; sinon, fais du moins ce qui est en ton pouvoir. Quant aux aliments, prends sur toi ce que tu pour ras ; mais abstiens-toi complètement des viandes offertes aux idoles, car c'est là un culte rendu à des dieux morts » (Didaché 6)
L'identification de la Torah au joug de Dieu est un thème récurent dans la littérature juive (Ben Sira 51,26 ; Mishnah Avot 3,5 ; Bérakhot 2,2). D’après la prédication de Pierre conforme à la Torah et à laquelle s'opposa l'homme ennemi (Paul) (Pierre à Jacques chapitre 2), ceux qui observent toute la Torah , le joug du Seigneur , sont parfaits. Ce qui suggère que ceux qui n’observent pas toute la Torah sont imparfaits. Les Gentils sont ainsi encouragés à observer toute la Torah ou du moins , à l’ observer autant qu’ ils le peuvent et tendre à la perfection . Ici, l’ interdiction des viandes sacrifiées aux idoles, l’une des règles décrétées par Jacques , est considérée comme l’obligation minimale en matière de lois diététiques qu’ un non-Juif ne devait jamais transgresser .
Encore au IIè siècle, l'anti-paulinisme a été la norme parmi les judéo-chrétiens restés attachés à la pratique pieuse de la Torah comme en atteste Irénée : 
« Ceux qui sont appelés Ebionites reconnaissent que le monde a été fait par Dieu; mais leurs opinions concernant le Seigneur ne sont pas similaires à celles des Cérinthiens et des Carpocrates. Ils utilisent l’Evangile de Matthieu seulement et ils rejettent l’Apôtre Paul, en disant qu’il était un Apostat vis-à-vis de la loi. En ce qui concerne les écrits prophétiques, ils tentent de les expliquer soigneusement. Ils pratiquent la circoncision, et persévèrent dans les coutumes qui sont en conformité avec la loi, mènent un mode de vie judaïque, et révèrent Jérusalem comme la maison de Dieu. » (Adversus hæreses I,26)
Par « Ebionite », les auteurs patristiques entendaient généralement tous les judéo-chrétiens sans distinction. Ce terme, qui provient de l' hébreu « ébionim » qui signifie « pauvre », était utilisé péjorativement par les chrétiens gentils en référence à ce qu'ils considéraient comme la pauvreté d'intelligence des judéo-chrétiens. Selon Origène, « les Juifs qui croient en Jésus n’ont pas abandonné la loi de leurs pères, et qu’ils l’observent toujours; ce qui leur a fait donner un nom pris de la pauvreté du sens littéral de la loi. Car Ebion, en hébreu, signifie pauvre , et ceux des Juifs qui reçoivent Jésus pour le Christ sont nommés Ebionites » (Contre Celse 2,1). Epiphane, au 4ème siècle, fut premier père de l’Eglise à utiliser le terme « Ebionite » en référence à une secte spécifique au sein du judéo-christianisme.
Les seuls textes qui semblent contredire l’ idée d’ un schisme entre Paul et l’Eglise de Jérusalem et qui semblent faire des Apôtres des adeptes du paulinisme sont 2 Pierre 3 :15-16 et les déclarations de Jacques et de Pierre en Actes 15. 
Pour ce qui est de 2 Pierre 3:15-16 , il existe de bonnes raison de croire que le passage a été interpolé. En effet, après une digression, une parenthèse ou une interpolation, les auteurs ou les interpolateurs antiques répétaient parfois les derniers mots, avec ou sans variation stylistique, qui précèdent la digression ou l'interpolation pour essayer de donner une suite logique au texte: c’est le phénomène de la reprise. Ici, la reprise se retrouve en 2Pierre 3:14 et 3:17, ce qui suggère que tout le passage entre le verset 14 et 17 , c'est à dire la partie allant de « et regardez » jusqu' à « perdition » est une interpolation tardive dans le texte :
« C'est pourquoi, (mes) bien-aimés, en attendant ces choses, étudiez-vous à être trouvés de lui sans tache et sans reproche, en paix. Et regardez la patience du Seigneur comme une preuve qu'il veut votre salut; comme Paul, notre frère bien-aimé, vous en a écrit selon la sagesse qui lui a été donnée; Ainsi que dans toutes ses Lettres, il parle de ces points, dans lesquels il y a des choses difficiles à entendre, que les ignorants et les mal-assurés tordent, comme [ils tordent] aussi les autres Ecritures, à leur propre perdition.  Vous donc mes bien-aimés, puisque vous en êtes déjà avertis, prenez garde qu'étant emportés avec les autres par la séduction des abominables, vous ne veniez à déchoir de votre fermeté »
Il faut reconnaître toutefois que la reprise ne signifie pas toujours  qu'il y ait eu une interpolation dans le texte. En effet, elle peut aussi indiquer que le texte entre les deux contextes répétés est simplement un passage parenthétique rédigé par le même auteur. Disons juste que l'existence de la reprise rend fort probable le fait que le texte a été interpolé. La probabilité que 2 Pierre 3,15-16  soit une interpolation est ainsi très élevée.  En tous les cas , la recherche moderne a démontré que la deuxième épître portant le nom de Pierre est un faux attribué à Pierre. Eusèbe , un auteur patristique , au 4ème siècle le confirme  :
« Une seule épître de Pierre, celle qu'on appelle la première, est incontestée. Les anciens presbytres s'en sont servis dans leurs écrits comme d'un document indiscuté. Quand à celle qu'on présente comme la seconde, nous avons appris qu'elle n'était pas testamentaire; mais parce qu'elle a paru utile à beaucoup, on l'a traitée avec respect ainsi que les autres écritures » (Histoires Ecclésiastiques III,3)
Etant donné, donc, que 2Pierre 3,15-16 est un ajout probable à un épître dont on sait avec certitude qu' il n'est pas authentique, le passage ne prouve rien.
Il est également clair que le discours que le livres des Actes (15,7-11) place dans la bouche de Pierre lors du concile de Jérusalem a été lourdement trafiqué ou tout simplement inventé et n’est donc pas historique. Nous reprenons ci-après le passage :
« Hommes frères, vous savez que dès longtemps Dieu a fait un choix parmi vous, afin que, par ma bouche, les païens entendissent la parole de l'Évangile et qu'ils crussent. Et Dieu, qui connaît les cœurs, leur a rendu témoignage, en leur donnant le Saint-Esprit comme à nous ; il n'a fait aucune différence entre nous et eux, ayant purifié leurs cœurs par la foi. Maintenant donc, pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n'avons pu porter? Mais c'est par la grâce du Seigneur Jésus que nous croyons être sauvés, de la même manière qu'eux » (Actes 15:7-11)
Paul, cependant, relate une dispute à Antioche, juste après le concile de Jérusalem, entre lui et ceux décrits dans les Actes comme l’ayant défendu :
« Mais lorsque Képhas vint à Antioche, je lui résistai en face, parce qu'il était répréhensible. En effet, avant l'arrivée de quelques personnes envoyées par Jacques, il mangeait avec les païens; et, quand elles furent venues, il s'esquiva et se tint à l'écart, par crainte des circoncis. Avec lui les autres Juifs usèrent aussi de dissimulation, en sorte que Barnabé même fut entraîné par leur hypocrisie. Voyant qu'ils ne marchaient pas droit selon la vérité de l'Evangile, je dis à Képhas, en présence de tous: Si toi qui es Juif, tu vis à la manière des païens et non à la manière des Juifs, pourquoi forces-tu les païens à judaïser? »  (Galates 2:11-14)
Dans le livre des Actes, Pierre dit des judéo-chrétiens pharisiens qu'ils « tentent Dieu » en voulant « imposer » le « joug » de la loi aux gentils qui curent. En Galates, c’est exactement ce que Paul  reproche à Pierre (Gal 2,14).  De plus, la réprimande adressée à Pierre en Galates 2:14-21, où Paul réfute l’idée que l’on est sauvé par l’observance de la Torah, donne à comprendre que Pierre n’adhérait pas à la Sola Fide. Or, en Actes, Pierre proclame ouvertement que c’est par la grâce et non par la loi que les Juifs sont sauvés, de la même manière que les Gentils.  En Gal 2,7, Paul se prétend l' unique « Apôtre des gentils » et déclare que Pierre et les autres ne sont que les « Apôtres des circoncis ».  En Actes 15,7, par contre, c' est Pierre qui affirme que « Dieu fit un choix » parmi les Apôtres , « afin que », par sa bouche, « les nations entendissent la parole de l' évangile et qu'ils crussent ». Les Actes auraient-ils repris et attribués à Pierre un discours paulinien ?  Les Actes n’évoquent par ailleurs jamais le fait que Pierre ait été présent à Antioche ou qu’il fut impliqué contre Paul dans la dispute qui opposa ce dernier aux judéo-chrétiens. Les deux récits, qui se contredisent, ne peuvent à l'évidence pas être tous deux vrais.
Même si l'on devait penser que Pierre changea d'avis, cela ne résout pas la contradiction. En effet, dans les Actes, Pierre professe courageusement et ouvertement, devant Jacques et les judéo-chrétiens, ses convictions pauliniennes lors du concile. En Galates, Paul nous dit que même après le concile, Pierre n'avait pas le courage de dire franchement aux yeux de tous ce qu'il pensait réellement et fit hypocritement semblant d'être un pratiquant de la loi par crainte de Jacques. Ainsi, soit c'est Paul qui ment soit c'est l'auteur des Actes (ou l'interpolateur). Il se peut aussi, comme nous le pensons, qu'aucun ne dise la vérité.
Les Actes et Paul se contredisent également sur le lien de Jacques avec les opposants de Paul. Paul dit que les judéo-chrétiens qui se disputèrent avec lui étaient des «  hommes de la part de Jacques ». Paul nous dit que Pierre les craignait.  Vu le statut et l’influence que Pierre avait dans l’assemblée (Galates 2,9), il n’aurait certainement pas craint de simples fidèles. Ces propos de Paul n’ont de sens que si les « hommes de la part de Jacques » agissaient au nom d’une autorité supérieure crainte par Pierre et qui ne pouvait être, comme l’indique Paul, que Jacques le frère biologique de Jésus et le président de l’Eglise de Jérusalem. Les Actes, cependant, font dire à Jacques et aux Anciens que les enseignants judéo-chrétiens à qui Paul a eu à faire étaient de simples fidèles qui ont agi sans leur permission (Actes 15,23-24). A moins peut-être que la version du codex Sinaïticus soit authentique et que Jacques ne critique pas les judéo-chrétiens , les « hommes parmi nous » ,  mais les « hommes parmi vous » , c'est à dire Paul et ses compagnons. 
Il est à remarquer que le texte des Actes des Apôtres n'est pas dépourvu de remaniements de ce genre. D' après Ac 21,20 du codex Bezae, les Anciens ne louèrent pas Dieu en apprenant tout ce qu' il fit parmi les nations à travers le ministère de Paul. A contrario, c'est dans le zèle des nazaréens de Jérusalem pour la Torah que réside, pour les Anciens, la « gloire du Seigneur » :
  « Quand ils l'eurent entendu, ils glorifièrent le Seigneur en disant: Tu vois, frère, combien de myriades de croyants sont en Judée,  et tous ceux là sont zélés pour la Loi! » (Ac 21,20 codex Bezae)
Le texte, selon cette variante, présente l'avantage de ne pas induire le lecteur en erreur à propos des sentiments des Anciens envers Paul. L'on peut même être certain que la censure de ce texte dans les autres manuscrits a pour raison la mention positive par les Anciens de l'observance de la  loi, considérée comme abolie dans la doctrine paulinienne dont a hérité le christianisme devenu officiel.
Au lieu de s'attarder, au verset 16, à parler de tout le soutien dont Paul bénéficiait de la part des « disciples césaréens » et d'un certain chypriote du nom de « Mnason », la version bézaenne ne mentionne qu'en deux mots le passage de Paul à Césarée pour reprendre immédiatement le récit au verset 18.  Le verset 17, une interpolation qui prétend relater l' accueil chaleureux de Paul par les Judéo-chrétiens de Jérusalem, n'est pas intégré au texte du codex Bezae.
L’on constate que le récit des Actes des Apôtres, rédigée au cours des années 80-90, soit plusieurs décennies après les faits relatés, non seulement a été falsifié mais a aussi tendance à gommer les différences doctrinales et les conflits entre Paul et l’Eglise de Jérusalem probablement afin de réhabiliter Paul dans l’esprit de ceux qui le regardaient avec suspicion. Il va de soi que cette illusion d’une entente et d’un accord entre Paul et les Apôtres ne revêt aucun caractère d’authenticité.
Paul aurait-il alors enseigné en toute conscience des doctrines contraires à celles que professaient Jésus qu’il proclame Seigneur ? Si l’on entend par Jésus , le Jésus de l’histoire, c’est effectivement le cas et Paul reconnaît la chose :
« Si nous avons connu Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus de cette manière » (1 Cor 15,16)
Pour Paul, celui qui se révéla à lui était le Christ ressuscité devenu esprit vivifiant (1 Cor 15,45) et Fils de Dieu (Rm 1,4). Il ne s’agissait pas du Jésus historique qu’ ont connu les Apôtres , le Christ selon la chair . Peu  importait à Paul ce qu’a enseigné Jésus durant son ministère terrestre.  Que le Jésus selon la chair ait enseigné la Torah ou qu’ il s’ est choisi des Apôtres qui ont transmis fidèlement ses enseignements , cela a peu d’ importance aux yeux de Paul qui dit que «  nous ne connaissons plus Christ selon la chair » et qui déclare ailleurs à propos des Apôtres que « quels qu'ils aient pu être, cela ne m'importe en rien, Dieu n'ayant point d'égard à l'apparence extérieure de l'homme » (Gal 2,2-6). Ce qui compte aux yeux de Paul, c’est la révélation du Christ spirituel qui a accès aux mystères célestes (2 Cor 12,1-5). 
Les lettres de Paul confirment ainsi que la doctrine de l'abolition de la loi ne provient pas de Jésus et fut rejetée dès le début par les Apôtres qui , à l’instar de leur Maître, ont continué à observer les commandements de la Torah.

2 commentaires:

  1. Très beau article.
    Souvent je me pose la question de savoir, pourquoi Paul à il exposé autant sa vie.
    De juif qu'il était pourquoi s'est il acharné à dénigrer tant la Torah....
    Cherchais il une occasion pour se défaire du judaïsme en utilisant le martyre de Yeshoua sur le poteau ou à t'il réellement reçu une révélation.??

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