Yéshoua , le Kashrout et les « traditions d’hommes »
Jésus ayant purifié tous les aliments, les lois
diététiques que Dieu a prescrites dans l’Ancien Testament sont aujourd’hui
obsolètes. Ces propos ne sont pas les nôtres, mais celles des chrétiens qui
pensent que l’on peut aujourd’hui manger du porc ou quelque autre animal
considéré impur sous le régime de la loi mosaïque sans s’ « sans
s’enquérir de rien par motif de conscience ». Marc 7 :19 ,
disent-ils, est explicite :
« Ne comprenez-vous pas que rien [de ce qui
vient] de l’extérieur, [et] qui pénètre dans l’homme, ne peut le
souiller, puisque cela pénètre, non pas dans [son] cœur, mais dans
[ses] intestins, puis s’en va dans la fosse d’aisance ? Ainsi il déclarait purs
tous les aliments »
(Marc 7 :18-19 , Traduction des Témoins de
Jéhovah)
Mais il n’en est rien. Pour le comprendre, il
serait tout d’ abord nécessaire de signaler que les mots « il déclarait »
ne figurent pas dans les textes sources. Les autres traductions de l’évangile
de Marc disent plutôt :
« Car cela n'entre pas dans son coeur,
mais dans son ventre, puis s'en va dans les lieux secrets, qui
purifient tous les aliments » (LSG voir aussi Darby et Martin)
Notons que l’on parle ici d’
« aliments ». De même que dans la société moderne, personne ne
qualifiera le plastique d’ « aliment », pour les juifs de l’époque,
seuls les choses que la Torah permettait à la consommation, ce qui n’est pas le
cas du porc, étaient des « aliments ». D’ autant plus que le
contexte du passage étant le lavement rituel des mains avant de manger
(Matthieu 15:1-5, Marc 7:1-2), il serait tout à fait inadéquat d’y voir une
allusion à l’abolition des prescriptions diététiques de la Torah. Le chapitre
15 de l’évangile de Matthieu qui rapporte le même récit est d’autant plus
précis:
« N'entendez-vous pas encore que tout ce qui
entre dans la bouche va dans le ventre, et passe ensuite dans le lieu secret?
Mais les choses qui sortent de la bouche viennent du coeur, et ces choses-là
souillent l'homme. Car du coeur viennent les mauvaises pensées, les meurtres,
les adultères, les fornications, les vols, les faux témoignages, les injures:
ce sont ces choses qui souillent l'homme; mais de manger avec des mains non
lavées ne souille pas l'homme » (Matthieu 15:15-20)
Yéshoua n’a donc fait que répondre aux pharisiens
que manger des « aliments », autrement dit de la nourriture kasher ,
avec des mains non lavées ne souille personne et non que les règles diététiques
de la Torah sont obsolètes .
Mais que voulait-il dire par : « rien [de
ce qui vient] de l’extérieur, [et] qui pénètre dans l’homme, ne peut le
souiller » ? Voici comment Rashi explique la distinction entre les
animaux purs et impurs exposée dans Lévitique chapitre 11 :
« Et ceci est pour vous ce qui est
impur : Toutes les affirmations ne concernent pas l’interdiction de
manger, mais sont des impuretés véritables, qui rendent impur « par contact »
empêchent ainsi de consommer la terouma et les offrandes, et d’entrer dans le
sanctuaire »
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וזה לכם הטמא: כל טומאות הללו אינן לאיסור אכילה אלא לטומאה ממש, להיות טמא במגען ונאסר לאכול תרומה וקדשים
וליכנס במקדש
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(Rashi sur le lévitique 11 :29)
En d’autres mots, une personne ne contracte
l’impureté rituelle qu’en touchant la carcasse d’un animal impur et pas en la
mangeant. Le fait d’en manger, même si c’est interdit, ne rend personne
rituellement impur. Certes, quand on mange, on touche, mais l’impureté, dans ce
cas, est dû au fait d’avoir touché l’animal impur et non à l’absorption de sa
chair. Apparemment, le contact de la matière impure avec le système digestif,
contrairement aux parties externes du corps, ne peut rendre une personne
rituellement impure. De ce fait, si par exemple, du porc a été inséré dans la
bouche d’une personne sans qu’elle l’ait touché, cette personne n’est pas
considérée impure par la loi rabbinique. C’est ce qu’explique Rashi dans un
autre endroit :
Et celui qui mange de sa charogne J’aurais pu
penser qu’en manger rend impur. Mais lorsqu’il est écrit à propos du cadavre
d’un oiseau pur : « Une charogne ou un animal déchiré, il ne les mangera pas
pour s’en rendre impur » (infra 22, 8), c’est donc celle-ci qui rend les
vêtements impurs par la consommation, mais la charogne d’un animal ne rend
pas les vêtements impurs par la consommation sans qu’il y ait « transport »,
comme par exemple lorsqu’on en fait avaler une à quelqu’un en l’enfonçant
dans la gorge. Dans ce cas, que veut dire : « et celui qui mange » ? Cela
sert à fixer la mesure pour celui qui « transporte » ou qui « touche », qui
est celle de la consommation, à savoir le volume d’une olive (Nidda 42b).
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והאכל מנבלתה: יכול תטמאנו אכילתו, כשהוא אומר בנבלת עוף טהור נבלה וטרפה לא יאכל לטמאה בה, אותה מטמאה בגדים
באכילתה, ואין נבלת בהמה מטמאה בגדים
באכילתה בלא משא, כגון אם תחבה לו חבירו
בבית הבליעה, אם כן מה תלמוד לומר האוכל,
ליתן שיעור לנושא ולנוגע כדי אכילה והוא כזית:
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(Rashi sur le lévitique 11 :40)
Yéshoua n’a donc pas enseigné quelque chose que les
pharisiens ne savaient pas déjà lorsqu’ il dit que « rien [de ce qui
vient] de l’extérieur, [et] qui pénètre dans l’homme, ne peut le
souiller ». Il est vrai que la loi rabbinique dit aussi qu’une personne
peut contracter une impureté spirituelle en mangeant des animaux impurs.
Cependant, ce n’est pas littérallement la matière « impure » qui
souille spirituellement la personne, mais la rebelion contre Dieu et le rejet
de son autorité par la transgression consciente et volontaire du commandement
divin qui prescrit de s’en abstenir. C’est ce qu’exprime en ces termes le
Rabban Yohannan ben Zakkay qui était grand sage pharisien et un contemporain de
Yéshoua :
« Ce n'est pas le mort qui souille et ce
n'est pas l'eau qui purifie, mais la parole du Saint Béni Soit-Il qui a dit :
Des ordonnances j'ai ordonné et des décrets j'ai décrété »
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לא המת מטמא ולא המים מטהרים ,אלא אמר הקדוש ברוך הוא: חוקה חקקתי גזירה גזרתי
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(Bamidbar Rabbah 19)
Lorsque, par la suite, Yéshoua dit en référence à
la pureté du cœur que « les choses qui sortent de la bouche viennent du
cœur, et ces choses-là souillent l'homme. Car du coeur viennent les mauvaises
pensées, les meurtres, les adultères, les fornications, les vols, les faux
témoignages, les injures: ce sont ces choses qui souillent l'homme », cela est
également conforme avec la philosophie rabbinique. Le Rambam, dans le même
esprit, enseigne:
« La propreté des habits, le nettoyage du
corps et le débarrassage de la saleté constituent également un des buts de la
Torah, mais seulement après la purification des actes, et la purification du
coeur des principes impurs et des attributs impurs. Il serait extrêmement mal
pour quelqu'un de s'efforcer de laver son apparence extérieure en se lavant
et en nettoyant ses vêtements tout en étant voluptueux et sans retenue dans
les aliments et la luxure. Ceux là sont décrits par Isaïe comme (Isaïe
66:17): « Ceux qui se sanctifient et se purifient au milieu des jardins,
l'un après l'autre, qui mangent de la chair de pourceau » ... Ils
paraissent propres à l'extérieur mais leurs coeurs se soumettent à leurs
désirs et à la jouissance corporelle, et ceci n’est pas le but de la Torah.
Car le but principal [de la Torah] est de diminuer la luxure de l’homme, et
de laver son apparence extérieure après qu'il ait purifié son intérieur. Ceux
qui lavent leurs corps et nettoient leurs vêtements alors qu'ils restent
impurs de leurs mauvaises actions et [de leurs mauvais] attributs, sont
décrits par Salomon comme (Proverbes 30:11-12): La génération qui se prétend
pure et qui ne s'est pas lavée de ses souillures! La génération aux yeux
démesurément hautains et au regard altier! »
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אשר לניקיון הבגדים ורחיצת הגוף וסילוק הלכלוכים, גם זה ממטרות התורה הזו, אבל לאחר טיהור המעשים וטיהור הלב מן
ההשקפות המטמאות והמידות המטמאות אבל
ההסתפקות בניקיון החיצוני, ברחיצה וטהרת הבגדים עם התאוותנות בתענוגות וההפקרות במאכלים ובתשמיש, יש בו תכלית התיעוב
אמר ישעיה בכך המתקדשים והמטהרים אל הגנות
אחר אחת בתוך אוכלי בשר החזיר וגו ... כי חיצוניותם נקיה מפורסמת הנקיות והטהרה, אבל פנימיותם הרי הם עם תאוותיהם
ותענוגי גופותיהם. ואין זו מטרת התורה. אלא
המטרה הראשונית צמצום התאוות, וניקיון החיצוניות אחר ניקיון הפנימיות. וכבר העיר שלמה על מי שעושה העיקר רחיצת הגוף
וטהרת הבגדים, בעוד המעשים מטונפים
והמידות רעות, ואמר, דור טהור בעיניו ומצאתו לא רחץ, דור מה רמו ועפעפיו יינשאו
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(Guide des Perplexes 3 :33)
Beaucoup voient également dans cet épisode le rejet
de la tradition rabbinique par Yéshoua. La question que les pharisiens lui
posèrent – « Pourquoi tes Disciples transgressent-ils la tradition des
Anciens? Car ils ne lavent point leurs mains quand ils prennent leur
repas » (Matthieu 15:2) – laisse entrevoir cependant que
contrairement à ses disciples, Yéshoua s'est conformé à la tradition des
Anciens puisque ses agissement ne font l'objet d'aucune critique. Marc est plus
précis en rapportant que seulement « quelques-uns de ses disciples prirent
leurs repas avec des mains impures, c'est-à-dire, non lavées » (Marc
7 :2). Il est à rappeler qu’à l’époque de Yéshoua, cette pratique n’a pas
encore été rendue obligatoire pour tout le peuple :
« L’ablution avant de manger est
facultative, l'ablution après le repas est obligatoire »
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מים ראשונים רשות אחרונים
חובה
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(Tossefta Bérakhoth 7 :14)
Selon le Tamud, il aura fallu attendre la deuxième
moitié du premier siècle pour que la tradition du lavage des mains avant de
manger soit acceptée universellement dans le judaïsme rabbinique (Talmud de
Babylone Shabbath 14b - 15a). Même si elle n’était pas observée par tous
les juifs du commun du peuple, le lavage rituel des mains avant de manger
semble avoir été la norme parmi les rabbins et leurs disciples, qui, comme en
atteste la Tossefta, prenaient leurs repas dans un état de pureté rituelle שיהא אוכל חולין בטהרה (Tossefta Démai 2 :2). Selon Rabbi
Ovadia de Bartenoura dans son commentaire sur la Mishnah Hagigah ii.7, «
les perushim (pharisiens) sont ceux qui mangent leur nourriture ordinaire
dans un état de pureté rituelle » פרושים - לאוכלי חוליהם
בטהרת חולין. C’est également
ce que dit le Rambam : « les perushim sont ceux qui mangent de la
nourriture ordinaire dans un état de pureté rituelle » פרושים הם אוכלי חולין בטהרה (commentaire sur la Mishnah Hagigah ii. 7).
Comme en atteste l’évangile de Marc, Yéshoua et la plupart de ses disciples
étaient de ceux qui observaient cette tradition pharisienne qui, d’ailleurs,
est mentionnée dans l’épître de Jacques :
« Approchez-vous de Dieu, et il s'approchera
de vous; pécheurs, nettoyez vos mains; et vous qui êtes doubles de cœur,
purifiez vos cœurs » (Jacques 4 :8)
Ce verset résume bien le message de Yéshoua en
Matthieu 15 : 1-15 et Marc 7 :1-7 qui enseigne que la pureté rituelle
doit s’accompagner de la pureté du cœur. Les Esséniens, qui étaient plus
strictes, ne prenaient aucun repas sans s’être lavé tout le corps
(Flavius Josèphe, Antiquités Juives II : 8 :5). C’est ce que
confirment en ces termes les manuscrits de la mer morte :
« Ils (les gens extérieurs à la communauté)
n’iront pas dans les eaux pour partager les aliments purs des hommes de
sainteté, car nul n’est purifié que s’il se repent de sa méchanceté, car tous
ceux qui transgressent sa parole sont impurs »
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אל יבוא במים לגעת בטהרת
אנשי הקודש כיא לוא יטהרו כי אם שבו מרעתם כיא טמא בכול עוברי דברו
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(Règle de la communauté 5 :13-14)
Contrairement aux Esséniens, Yéshoua ne se lavait
cependant que les mains, conformément à la « tradition des Anciens ».
A ce stade, il serait nécessaire d’éclaircir le
sens de Luc 11, 37-38 :
« Pendant que Jésus parlait, un pharisien le
pria de dîner chez lui. Il entra, et se mit à table. Le pharisien vit avec
étonnement qu'il ne s'était pas lavé avant le repas »
Pour certains, ceci est la preuve du rejet de la
tradition pharisienne du lavement des mains par Yéshoua. Cependant, nous lisons
dans la suite :
« Mais le Seigneur lui dit: Vous, pharisiens,
vous nettoyez le dehors de la coupe et du plat, et à l'intérieur vous êtes
pleins de rapine et de méchanceté. Insensés! celui qui a fait le dehors
n'a-t-il pas fait aussi le dedans ? » (Luc 11 :39-40 )
Pourquoi parler du lavage de la coupe alors qu’il
est question du lavage des mains ? Le Talmud nous apprend que les
pharisiens eux-mêmes étaient divisés quant à la question de quoi laver en
premier. Pour Shammai, qui était d’avis qu’une coupe dont l’extérieur était
sale rendait impure le liquide qu’elle contenait, c’était l’extérieur qu’il
fallait nettoyer premièrement tandis que pour Hillel, qui pensait que l’état
extérieur de la coupe n’était d’aucune conséquence sur la pureté du liquide qui
s’y trouve, c’était l’intérieur qu’il fallait laver en premier (Talmud de
Babylone, Bérakhot 52a-b). Ce désaccord avait des conséquences pratiques. La
Mishnah (Bérakhot 8 :2) nous apprend les pharisiens de Shammai étaient
d’avis que pour ne pas rendre le vin impur, il fallait nettoyer ses
mains avant de toucher la coupe et verser le vin. Pour les pharisiens d’
Hillel, qui pensaient que la saleté externe de la coupe ne souillait pas le vin
qui s’y trouvait, il fallait d’ abord verser le vin avant de se laver les
mains.
L’on comprend ainsi que Yéshoua, qui s’est conformé
à la pratique d’ Hillel, s’est bien lavé les mains, mais seulement durant le
repas, après que le vin a été servi. Son hôte, qui était de ceux qui se
lavaient les mains avant de servir le vin, donc « avant le repas »,
suivait l’interprétation Shammaienne. La controverse ne portant pas sur la
validité de la tradition du lavage des mains, mais sur le débat qui opposait
Hillel et Shammai , l’on comprend mieux pourquoi il est fait mention par la
suite du lavage de la coupe qui, à première vue, semblait totalement être
étrangère au contexte. Notons que dans le parralèle thomacien de cet
épisode, Yéshoua parle avec un ton moins aggressif et ne prononce pas la
formule « vous, pharisiens » qui semble avoir été rajoutée
tardivement à la tradition évangélique :
« Pourquoi lavez-vous le dehors de la coupe et
ne pensez-vous pas que celui qui a fait l'intérieur, c'est lui aussi qui a fait
l'extérieur ? » (Thomas, logion 89)
Lorsque Yéshoua condamne dans le reste du chapitre
7 de Marc et du chapitre 15 de Matthieu les « traditions d’hommes »,
il ne s’agit pas, comme on l’entend dans les milieux chrétiens, de la Torah
orale ou de la tradition rabbinique. Pour savoir de quoi il est question,
il faut revenir à ce que dit le texte :
« Jésus leur répondit : Hypocrites, Esaïe
a bien prophétisé sur vous, ainsi qu'il est écrit: Ce peuple m'honore des
lèvres, Mais son coeur est éloigné de moi. C'est en vain qu'ils m'honorent, En
donnant des préceptes qui sont des commandements d'hommes. Vous abandonnez le
commandement de Dieu, et vous observez la tradition des hommes. Il leur dit
encore: Vous anéantissez fort bien le commandement de Dieu, pour garder votre
tradition. Car Moïse a dit: Honore ton père et ta mère; et: Celui qui maudira
son père ou sa mère sera puni de mort. Mais vous, vous dites: Si un homme dit à
son père ou à sa mère: Ce dont j'aurais pu t'assister est corban, c'est-à-dire,
une offrande à Dieu, vous ne le laissez plus rien faire pour son père ou pour
sa mère, annulant ainsi la parole de Dieu par votre tradition, que vous avez
établie. Et vous faites beaucoup d'autres choses semblables » (Marc
7 :6-9 , LSG = Matthieu 15 :3-9)
Nous lisons cependant dans l’une des versions
Araméennes de Marc :
« Et Yéshoua leur dit: Esaïe a bien
prophétisé sur vous, comme c’est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres,
mais son cœur est éloigné de moi. Et c’est en vain qu’ils me craignent,
en enseignant des commandements d’hommes. Vous abandonnez bien le
commandement d’Eloha (Dieu) pour établir vos propres commandements. Car Moïse
a dit : Honore ton père et ta mère et : celui qui maudira son père
ou sa mère mourra. Et vous vous dites que si (quelqu’un) dit à son père ou sa
mère : Ce dont j’aurais put t’assister est qorban, vous ne le laissez
pas honorez son père ou sa mère, et vous rejettez la parole de Dieu pour
votre commandement. Et vous faites d’autres choses semblables. »
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אמר להון ישוע שפיר אתנבי עליכון אשעיא נביא איכנא דכתיב דאמר הוא דעמא הנא בספותה מיקר לי בלבה דין רחיק מני
סריקאית דין דחלין לי דמלפין יולפנא דפּוקדנא דבני אנשא
שפּיר עבדין אנתון דשבקין אנתון פוקדנא דאלהא דתקימון פּוקדניכון
מושא גיר אמר דיקר אבוך ואמך ומן דמשחא לאבוהי ולאמה ממת נמות
אנתון דין אמרין אנתון דאן נאמר לאבוהי ולאמה קורבן דתתהנא מני
ולא שבקין אנתון לה דניקר לאבוהי או לאמה
ומסלין אנתון מלתא דאלהא מטל פוקדניכון וסגיאתא איך הלין עבדין אנתון
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(Marc 7 :6-9 , syriaque sinaïtique)
Contrairement à ce que l’on peut lire dans le texte
grec, dans cette version, Yéshoua ne traite personne d’ « hypocrite ». De plus,
il n’est pas précisé ici, comme dans certains textes grecs, que les «
traditions d’hommes » qui annulent la parole de Dieu sont les ablutions
qu’effectuent les Juifs. Le texte syriaque ne parle même pas de « tradition »,
mais plutôt de « commandements ». Il en est de même dans les versions syriaques
(curétonien et sinaïtique) du parralèle matthéen où Yéshoua ne dit pas « vos
traditions », mais « vos commandements » פוקדניכון.
Un manuscrit hébreu de Matthieu (Dutillet) contient également, au lieu de «
tradition », le terme « décret » גזרה.
Quoi qu’il en soit, les textes disent que ce que
Yéshoua condamne ne sont pas les prescriptions rabbiniques comme le lavement
des mains, qu’il a lui-même observé, mais le fait de prétendre ne plus pouvoir
intervenir après qu’un homme ait fait le vœu de consacrer la totalité de ses
biens à Dieu afin d’éviter d’honorer ses parents, c'est-à-dire de les assister
materiellement (Marc 7:10-13, Matthieu 15:4-9). Le Talmud de Jérusalem enseigne
cependant en harmonie avec les évangiles :
« Qu'en est-il si un fils [prête serment] en
ces mots : « toute assistance financière venant de moi est interdite à
mon père », Rabbi Ya'aqov bar Aḥa
et Rabbi Shmouel bar Nahman dirent au nom de Rabbi Yonatan: nous obligeons le
fils à assister le père »
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מה אנן קיימין אם באומ' הנייתי על אבא הדא היא דמר רבי
יעקב בר אחא רבי שמואל בר נחמן בשם ר' יונתן
כופין את הבן שיזון את האב
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(Talmud de Jérusalem Nédarim 29b)
Pour reprendre l’explication fournie par
l’encyclopédie juive : « Le terme qorban était fréquemment utilisé
dans les vœux. En disant, « que ma propriété soit qorban » –
c'est-à-dire un don consacré à Dieu – un homme pouvait empêcher un autre
de tirer bénéfice de ce qu’il possédait (Néd. i.4). Ceci, bien entendu, à
conduit à d’importants abus comme à vrai dire tout vœu inconsidéré et,
ainsi, les sages y étaient fermement opposés (voir Ecc. v.1-5). Jésus
s’est référé à ce genre de vœu lorsqu’il dit : « Si un homme dit à
son père ou à sa mère: Ce dont j'aurais pu t'assister est corban, c'est-à-dire,
une offrande à Dieu, vous ne le laissez plus rien faire pour son père ou pour
sa mère, annulant ainsi la parole de Dieu par votre tradition » (Grec).
Mais la charge de l’hypocrisie et du service des lèvres, dirigés à ce sujet
contre les Pharisiens est entièrement infondée ; puisque la tradition
pharisienne a en réalité fourni un remède contre les vœux inconsidérés en
habilitant tout sage consulté de dissoudre le vœu dans le cas où il est
démontré que le vœu n’a pas été fait en prenant pleinement toutes ses
conséquences en considération ; le pouvoir même de « lier et
délier » étant déclaré être le privilège des Rabbins , [pouvoir] dérivé de
l’esprit de la loi tout en étant apparemment contraire à la lettre
(« hetter nedarim » ; Hag. i.8). Il est déclaré
expressément par Rabbi Eliezer que si un vœu contrevient à l’honneur dû
au père ou à la mère, la bonne procédure est de convaincre celui qui a fait le
vœu qu’il n’a pas suffisamment considéré les conséquences, et ensuite de
dissoudre le vœu ; d’autres, cependant, s’y opposaient en soutenant que
l’honneur de Dieu doit être considéré en premier (Ned. ix.1). Contre cela,
Rabbi Méïr déclare (Ned. ix.4) qu’ à chaque fois qu’un vœu enfreint les lois de
l’humanité, le vœu doit être dissolu par le sage. Ainsi, le code mishnique
montre que le cas cité par le Nouveau Testament est, au lieu d’un reproche à
l’encontre du pharisianisme, comme le prétend Oort dans le "Theol.
Tijdschrift," xxxviii. , la défense de l’esprit compatissant prévalant
parmi les rabbins ; Jésus ayant probablement eu seulement la classe
rigoureuse des enseignants à l’esprit tandis qu’il partageait avec d’autres ses
points de vue compatissants » (« Korban » Jewish
encyclopedia)
Yéshoua, en condamnant les pratiques qui annulent
la parole de Dieu, n’a ainsi pas critiqué tout le rabbinisme, puisqu’il
était d’accord avec les rabbins modérés, mais seulement les interprétations de
certains groupes de l’époque. Notons que l’expression « vous annulez la
parole de Dieu par votre tradition, que vous avez établie », ou
plutôt « vous abandonnez le commandement de Dieu pour établir vos
propres commandements » (version syriaque) se retrouve dans
le Talmud de Babylone qui enseigne que Jérusalem n’a été détruite que
« parce qu’ils ont établis leurs propres lois au dessus des lois de
la Torah » העמידו דינהם על דין תורה (Baba métsia 30b).
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