Partie 1 :
Objections sur les miracles et la prophétie
Objection:
« Le
Mashiah ne fera pas de miracles »
Réponse :
L’idée se
retrouve effectivement dans la Mishneh Torah de Maïmonide, qui s’exprime en ces
termes :
אל יעלה על דעתך
שהמלך המשיח, צריך לעשות אותות ומופתים, ומחדש דברים בעולם, או מחייה מתים, וכיוצא
בדברים אלו שהטיפשים אומרים … אל יעלה על הלב
שבימות המשיח, ייבטל דבר ממנהגו של עולם, או יהיה שם חידוש במעשה בראשית; אלא עולם
כמנהגו הולך … וכן כל כיוצא באלו הדברים
הכתובין בעניין המשיח, משלים הם; ... אמרו
חכמים, אין בין העולם הזה לימות המשיח, אלא שיעבוד מלכייות בלבד
« Ne
penses pas que le Messie Roi doit accomplir des signes ou des miracles, causer
de nouveaux phénomènes dans le monde, ressusciter les morts ou accomplir des
tâches de la sorte, comme le disent les gens stupides. Cela n’est pas vrai ! …
On ne doit pas penser qu’à l’époque messianique, la nature du monde sera
annulée ou qu’il y aura une nouveauté dans l’œuvre du Commencement, mais le
monde suivra son cours … Toutes les paroles évoquant des miracles qui ont été
écrites au sujet du Messie Roi ne sont que des allégories … comme le dirent les
Sages : La seule
différence entre l’époque actuelle et l’ère messianique est qu’Israël ne sera
plus soumis aux royaumes étrangers » (Lois sur les rois 11:3, 12:1-2)
Le Raavad,
cependant, remarqua dans sa glose critique sur la Mishneh Torah :
והלא בן כוזיבא היה אומר אנא הוא מלכא משיחא ושלחו חכמים לבדקו אי מורח ודאין או לא
« Ben
Koziva (bar Kokhva) n’a-t-il pas dit : «
Je suis le Messie Roi » et les sages n’ont-ils pas envoyé des
émissaires pour vérifier s’il sentait et
jugeait ? »
Le Raavad
se réfère ici à l’épisode qui figure dans le traité Sanhédrin 93b du Talmud de
Babylone, où il est relaté que les Sages rejetèrent la messianité de Bar Kokhva
et ce, avant même que celui-ci n’ait accompli quoi que ce soit, pour la simple raison qu’il était incapable
de juger et de sonder les pensées uniquement
par son flair (Yésha`yahou 11:3 ). L’on peut aussi lire dans les écrits
d’Abravanel :
מצאנו במקומות רבות מהתלמוד שנזכר מאמר שמואל אין בין העוה"ז לימות המשיח אלא שיעבוד מלכיות בלבד שנאמר כי לא יחדל אביון מקרב הארץ והחזיק הרב הגדול המיימוני במאמר הזה בסוף חבורו הגדול משנה תורה ובמקומות אחרים ופירש עליו שבימות המשיח לא ישתנה דבר ממנהג הטבעי אשר אנחנו בו היום אלא בלבד שיוסר עול שיעבוד המלכיות מעל ישראל ושדברי הנבואות שיראה מהם סותר לזה באו על צד המשל ואין הדברים כפשוטן וכדי להגדיל הרב עוד בדעת הזה לא זכרו בשם שמואל פן יאמרו שהם דברי יחיך אבל אמרו בשם חכמים כאלו כל חכמי ישראל הסכימו
« Nous retrouvons en plusieurs
endroits du Talmud l’affirmation de Shmouel, d’après lequel « la seule
différence entre l’époque actuelle et l’ère messianique est qu’Israël ne sera plus
soumis aux royaumes étrangers ». Le grand maître, Maïmonide, vers la fin
de son grand ouvrage, la Mishneh Torah, et en d’autres endroits, s’accrocha à
cette affirmation et l’expliqua comme voulant dire que rien ne changera dans
l’ordre naturel des choses, tel qu’il est actuellement, et que la seule
différence résidera en ce que le joug de la domination des nations étrangères
sera enlevée d’Israël. Il dit aussi que toutes les prophéties qui contredisent cette
idée ne sont qu’allégoriques et qu’il ne faut pas les interpréter
littéralement. Et afin de valoriser cette opinion, il s’est retenu de la
rapporter au nom de Shmouel de peur que l’on dise qu’il ne s’agit que d’une
opinion personnelle, mais il affirma qu’il s’agissait de l’opinion des
Sages pour faire accroire que tous les Sages d’Israël étaient d’accord avec
celle-ci » (Yéshou`oth méshiho p. 57-58)
Abravanel ajoute :
היה דעת שמואל שאותם הנבואות שלא נאמרו על ימות המשיה יהיו עתידות להתקיים בעולם התחייה אחר ימות המשיח תראה ז
« L’opinion
de Shmouel était que ces prophéties ne concernent pas l’ère messianique, mais
l’ère de la résurrection après l’ère messianique » (ibid.)
Il peut
en effet être lu dans le Talmud :
רבי חייא בר
אבא א"ר יוחנן כל הנביאים כולן לא נתנבאו אלא לימות המשיח אבל לעולם הבא
(ישעיהו סד) עין לא ראתה אלהים זולתך יעשה למחכה לו ופליגא דשמואל דאמר שמואל אין
בין העולם הזה לימות המשיח אלא שעבוד מלכיות בלבד
« Rabbi Hiyya bar Abba
dit au nom de Rabbi Yohanan : Tous les prophètes n’ont prophétisé
qu’au sujet de l’ère messianique. Quant au monde à venir, il est dit : « L’œil
n’a jamais vu, ô Dieu, sinon toi, ce qui sera fait à ceux qui l’attendent »
(Yésha`yahou 64,3). Il diffère de Shmouel qui a dit que la seule différence entre l’époque actuelle et
l’ère messianique est qu’Israël ne sera plus soumis aux royaumes
étrangers » (Talmud de Babylone, Sanhédrin 99a)
רב חסדא רמי כתיב (ישעיהו כד) וחפרה הלבנה ובושה החמה כי
מלך ה' צבאות וכתיב (ישעיהו ל) והיה אור הלבנה כאור החמה ואור החמה יהיה שבעתים
כאור שבעת הימים לא קשיא כאן לימות המשיח כאן לעוה"ב ולשמואל דאמר אין בין
העוה"ז לימות המשיח אלא שיעבוד מלכיות בלבד לא קשיא כאן במחנה צדיקים כאן
במחנה שכינה
« Rav
Hisda opposa deux versets : « Alors la lune sera honteuse et le
soleil confus ; car l’Éternel des armées règne sur la montagne de Sion et
à Jérusalem » (Yésha`yahou 24,23) Et : « Et la lumière de la
lune sera comme l’éclat du soleil, et l’éclat du soleil sera sept fois plus
grand, comme l’éclat de sept jours » (Yésha`yahou 30,26). Il n’y a aucune
difficulté : Le premier verset se
réfère à l’ère messianique et le deuxième au monde à venir. Et selon Shmouel,
d’après lequel la seule
différence entre l’époque actuelle et l’ère messianique est qu’Israël ne sera
plus soumis aux royaumes étrangers, il n’y aucune difficulté puisque le premier
se réfère au camp des justes et le deuxième au camp de la Présence Divine »
(Talmud de Babylone, Sanhédrin 91b)
Cela montre
que non seulement l’affirmation de Shmouel ne faisait pas l’unanimité parmi les
Sages du Talmud, mais Maïmonide, dont le rationalisme radical a été qualifié
d’hérésie par les plus grands talmudistes de son temps (cf. Igqéroth Qénaoth),
en a dénaturé le sens. Shmouel, en
effet, n’a jamais dit qu’il fallait prendre ces prophéties allégoriquement. Il
les interpréta juste comme se référant à l’ère qui suivra le jugement dernier. Quoi
qu’il en soit, c’est l’interprétation opposée qui était normative et la plus répandue à l’époque du deuxième
Temple, puisqu’on la retrouve même dans les Ecrits Esséniens de la mer morte :
כי השמים והארץ ישמעו למשיחו וכל אשר בם לוא יסוג ממצות קדושים התאמצו מבקשי אדני בעבדתו הלוא בזאת תמצאו את אדני כל המיחלים בלבם כי אדני חסידים יבקר וצדיקים בשם יקרא ועל ענוים רוחו תרחף ואמונים יחליף בכחו כי יכבד את חסידים על כסא מלכות עד מתיר אסורים פוקח עורים זוקף כ[פופים ...] ול[ע]לם אדבק [במי]חלים ובחסדו
.[...] ופר[י...]יש לוא יתאחר ונכבדות שלוא היו יעשה אדני כאשר ד[בר] [כי] ירפא חללים ומתים יחיה ענוים יבשר
«
Le ciel et la terre écouteront Son Messie et tous ceux qui s’y trouvent ne
s’écarteront pas des préceptes de ses saints … Car le Seigneur accomplira des œuvres
prodigieuses, telles qu’il n’y en a jamais eu, ainsi qu’il est dit : Il
guérira les malades, les morts revivront et il proclamera la bonne nouvelle aux
pauvres » (4Q521)
Le Rav Hay Gaôn, pareillement, affirma que le Mashiah
accomplira de nombreux miracles, dont la résurrection des morts (Otsar
ha-géonim, Soukkah, p. 72-75). L’on remarque la proximité avec ce que disent les Evangiles :
« Jean,
dans sa prison, ayant entendu parler des œuvres du Christ, envoya deux de ses
disciples lui dire : " Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en
attendre un autre ? " Jésus leur répondit : " Allez, rapportez à Jean
ce que vous entendez et ce que vous voyez : Les aveugles voient, les boiteux
marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts
ressuscitent, les pauvres sont évangélisés. Heureux celui pour qui je ne serai
pas une occasion de chute » (Matthieu 11 :1-6, Luc 7:18-23)
« Tels
sont les douze que Jésus envoya, après leur avoir donné ses instructions :
" N'allez point, leur dit-il, vers les Gentils, et n'entrez point dans les
villes des Samaritains ; allez plutôt aux brebis perdues de la maison d'Israël.
Partout, sur votre chemin, annoncez que le royaume des cieux est proche.
Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les
démons : vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » (Matthieu 10:5-8)
Nous
ferons remarquer que même les Sages de Yavné n’ont pu nier les miracles que
faisaient les Nazaréens ainsi qu’en atteste, entre autres, cet extrait du
Talmud de Jérusalem :
בר בריה דר' יהושע בן לוי הוה ליה בלע, אתא חד בר נש ולחש ליה מן שמיה דישו פנדירא ואינשם, כד נפיק אמר ליה מאן לחשת ליה, אמר ליה מילת פלן. אמר ליה נוח הוה ליה אלו הוה מאית. והות ליה כן
« Le petit fils de Rabbi Yéhoshou`a ben
Lévi s’est étouffé. Un homme vint et lui murmura quelque chose au nom de Yéshou
Pandira et il respira de nouveau. Lorsqu’il sortit, Yéhoshou`a ben Lévi lui
demanda : « Qu’as-tu murmuré ? » Et l’homme lui dit quelque
chose. Yéhoshou`a ben Lévi dit à l’homme : « Il aurait été préférable
qu’il meure ». Et il en fut ainsi » (Talmud de Jérusalem, Shabbath
14:4)
Le
fait que ce soient des Sages qui ne croyaient pas en Yéshou`a et qui étaient même
hostiles à ses disciples qui le disent est le garanti de l’objectivité du
témoignage et de la réalité des miracles réalisés « au nom de
Yéshou`a ».
Objection :
« Les
apôtres ont consciemment dénaturé le
sens des Ecritures qu’ils ont sortis hors contexte. La plupart des
prophéties du Tana"kh que les auteurs du NT appliquent à Yéshou ne
concernent en effet pas le Mashiah et encore moins Yéshou. Avec une
telle méthode, on peut faire dire n’importe quoi à la Bible »
Réponse :
Prétendre
que ce fait indéniable est une objection à la messianité de Yéshou`a et à la
bonne foi des apôtres serait faire fi de la tradition rabbinique. La vaste littérature
talmudique et midrashique reprend en
effet souvent des passages de l’Ecriture sans souci du contexte d’origine au
point que les non initiés pourraient douter du bon sens des Sages. Illustrons
nos propos par cet extrait du Talmud :
אתא רב דימי אמר שמונה עשרה קללות קילל ישעיה את ישראל ולא
נתקררה דעתו עד שאמר להם המקרא הזה (ישעיהו ג) ירהבו הנער בזקן והנקלה בנכבד שמונה
עשרה קללות מאי נינהו דכתיב (ישעיהו ג) כי הנה האדון ה' צבאות מסיר מירושלם
ומיהודה משען ומשענה כל משען לחם וכל משען מים גבור ואיש מלחמה שופט ונביא וקוסם וזקן
שר חמשים ונשוא פנים ויועץ וחכם חרשים ונבון לחש ונתתי נערים שריהם ותעלולים ימשלו
בם וגו' משען אלו בעלי מקרא משענה אלו בעלי משנה כגון ר"י בן תימא וחביריו
פליגו בה רב פפא ורבנן חד אמר שש מאות סדרי משנה וחד אמר שבע מאות סדרי משנה כל
משען לחם אלו בעלי תלמוד שנאמר (משלי ט) לכו לחמו בלחמי ושתו ביין מסכתי וכל משען
מים אלו בעלי אגדה שמושכין לבו של אדם כמים באגדה גבור זה בעל שמועות ואיש מלחמה
זה שיודע לישא וליתן במלחמתה של תורה שופט זה דיין שדן דין אמת לאמיתו נביא כמשמעו
קוסם זה מלך שנאמר (משלי טז) קסם על שפתי מלך זקן זה שראוי לישיבה שר חמשים אל
תקרי שר חמשים אלא שר חומשין זה שיודע לישא וליתן בחמשה חומשי תורה דבר אחר שר
חמשים כדרבי אבהו דאמר רבי אבהו מכאן שאין מעמידין מתורגמן על הצבור פחות מחמשים
שנה ונשוא פנים זה שנושאין פנים לדורו בעבורו למעלה כגון רבי חנינא בן דוסא למטה
כגון רבי אבהו בי קיסר יועץ שיודע לעבר שנים ולקבוע חדשים וחכם זה תלמיד המחכים את
רבותיו חרשים בשעה שפותח בדברי תורה הכל נעשין כחרשין ונבון זה המבין דבר מתוך דבר
לחש זה שראוי למסור לו דברי תורה שניתנה בלחש
«
Lorsque Rav Dimmi est venu, il dit : Yésha`yahou prononça dix huit
malédictions sur Israël […] Quelles sont ces dix huit malédictions ? Il
est écrit : « Car voici, le Seigneur, l’Éternel des armées, va ôter
de Jérusalem et de Juda tout appui et toute ressource, toute ressource de pain
et toute ressource d’eau, le héros et le guerrier, le juge et le prophète, et le
divinateur et l’Ancien, le chef de cinquante, le notable et le conseiller, le sage, le
charmeur, l’habile, et l’enchanteur » (Yirméyahou 3,1-3). Appui – Ce sont les maîtres de la
Bible ; ressource – Ce sont les
maîtres de la Mishnah, comme Yéhoudah ben Téma et ses collègues ; Toute
ressource de pain – Ce sont les maîtres
du Talmud, comme il est dit : « Venez, mangez de mon pain, et buvez du vin que j’ai mêlé » (Proverbes 9,5). Toute ressource d’eau –
Ce sont les maîtres de la aggadah, qui puisent le cœur des hommes comme de
l’eau au moyen de la aggadah ; le héros – C’est le maître de la
Tradition ; le guerrier – C’est
celui qui s’est fait maître dans les controverses relatives à la Loi ; le
juge – C’est celui qui émet un jugement en accord stricte avec la vérité ;
le prophète – selon le sens littéral ; le divinateur – C’est le roi ,
comme il est dit : « Les lèvres du roi prononcent des oracles »
(Proverbes 16,10) ; l’ancien – c’est celui qui est apte à siéger dans un
concile ; le chef de cinquante – ne lis pas chef des cinquante (hamishim)
, mais maître du Pentateuque (houmashim). Une autre opinion :
Il s’agit du chef des cinquante, comme l’enseigna Rabbi Abbahou. Rabbi Abbahou,
en effet, dit que nous apprenons de là que le métourguémân (celui qui récite le
Targoum, la version araméenne de la Torah) de moins de cinquante ans ne peut
pas être désigné pour la congrégation. Le notable – c’est celui pour le mérite
duquel de la faveur est faite pour toute sa génération, comme Haninah
ben Dosa, en haut, ou comme Rabbi Abbahou dans le tribunal de Césarée, en bas.
Le conseiller – c’est celui qui sait déterminer l’intercalation des années et
la fixation du mois. Le sage – c’est le disciple qui rend son maître sage. Le
charmeur – C’est celui qui, dès qu’il commence à enseigner la Torah rend tout
le monde muet. L’habile – c’est celui qui comprend une chose d’une autre.
L’enchanteur (littéralement, celui qui murmure) – c’est celui auquel les secrets
de la Torah sont transmis à voix basse »
(Talmud de Babylone, Hagigah 14a)
Pourtant,
Yirméyahou, dans sa prophétie, n’a jamais parlé d’experts de la Mishnah et du Talmud, des ouvrages qui n’ont même pas
encore été composés à son époque, ni du métourguemân, la récitation du Targoum
n’ayant été instituée qu’au retour d’Exil,
mais bien des habitants de Jérusalem qui allaient être exilés à Babylone
comme châtiment de leur rébellion envers l’Eternel. L’interprétation forcée, ou
plutôt ce qui semble l’être pour le non initié,
atteint son comble lorsque le Talmud dit de lire non pas « hamishim »
(cinquante), comme le dit le texte d’origine, mais « houmashim »
(les cinq livres de la Torah). Poursuivons avec un deuxième exemple :
הבן יקיר לי אפרים אם ילד שעשועים כי מדי דברי בו זכור אזכרנו עוד על כן המו מעי לו רחם ארחמנו נאם ה׳ . למה רחם ארחמנו שני פעמים רחמים. אלא רחם בשעה שהיה חבוש בבית האסורים. שבכל יום ויום היו אומות העולם מחרקין שיניהם ומרמזים בעיניהם ומנענעים בראשיהם ומפטירים בשפתותיהם שנא׳ כל רואי ילעיגו לי בשפה יניעו ראש , יבש כחרס כחי ולשוני מודבק מלקוחי ולעפר מות תשפתני , ושואגים עליו כאריות שנאמר פצו עלי פיהם אריה טורף ושואג כמים נשפכתי התפרדו , כל עצמותי היה לבי כדונג נמס בתוך מעי , ונוהמים עליו כאריות ומבקשים לבלעו שנאמר פצו עלינו פיהם כל אויבינו פחת ופחד היה לנו השאת והשבר. ארחמנו בשעה שהיה יוצא מבית האסורים. שלא מלכות אחד ולא ב׳ מלכיות ולא שלשה מלכיות באים עליו אלא מאה וארבעים מלכיות מקיפות ואומר לו הקדוש ברוך הוא אפרים משיח צדקי אל תירא מהם כי כל אילו ברוח שפתיך ימותו שנאמר וברוח שפתיו ימות רשע
« Ephraïm
est-il donc pour moi un fils chéri, Un enfant qui fait mes délices? Car plus je
parle de lui, plus encore son souvenir est en moi; Aussi mes entrailles sont
émues en sa faveur: De pitié j'aurai pitié de lui (rahem érahaménou),
dit l'Eternel (Yirméyahou 31,20),
Pourquoi le mot pitié est-il répété deux fois? La première mention du mot pitié
se réfère au moment où il a été jeté en prison. Car de jour en jour, les nations
du monde furent enragées, le regardèrent avec dérision, hochèrent la tête avec
mépris, et s'esclaffèrent de rire, comme il est dit : Tous ceux qui me voient
se moquent de moi, Ils ouvrent la bouche, secouent la tête (Psaumes 22,7). Ma
force se dessèche comme l'argile, Et ma langue s'attache à mon palais; Tu me
réduis à la poussière de la mort. (Psaumes 22,15). Et ils rugiront sur lui
comme des lions, comme il est dit : Ils ouvrent contre moi leur gueule,
Semblables au lion qui déchire et rugit. Je suis comme de l'eau qui s'écoule,
Et tous mes os se séparent; Mon cœur est comme de la cire, Il se fond dans mes
entrailles (Psaumes 22,13-14). La mention " j'aurai pitié" se réfère
au moment où il quitte la prison. Car ce ne sera ni un seul royaume, ni deux
royaumes, ni trois royaumes qui s'élèveront contre lui, mais cent quarante. Et
le Saint Béni Soit-il lui dira: Ephraïm, Mashiah, ma justice, n'aie pas
peur, car tous ceux là seront exécuté par le souffle de ta bouche, comme il est
dit : " Et du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant " (Yésha`yahou
11,4) » (Pesiqta Rabbati 153)
Or, Yirméyahou
31,20 concerne en réalité les dix tribus
perdues désignées sous l'appellation d' « Ephraïm », et non le Mashiah
ben Yossef. Reprenons un dernier exemple
:
מדבר במלך המשיח גשי הלום קרובי למלכות ואכלת מן הלחם זה לחמה של מלכות
וטבלת פתך בחומץ אלו היסורין שנאמר (ישעיה נ"ג) והוא מחולל מפשעינו
« Il
(Boaz) lui parla (à Ruth) du Messie Roi : « Approche », approche du
Royaume, « et mange de notre pain », c’est le pain du Royaume,
« et trempes ton pain dans le vinaigre » ce sont les souffrances du Messie
Roi comme il est dit (Yésha`yahou 53:5): « Et c’est pour nos péchés qu’il
a été meurtri » » (Ruth
Rabbah 5,6)
L’interprétation
du verset de Ruth 2,14 comme une prophétie messianique semble totalement
arbitraire et sans fondement d’autant
plus que le texte qui est repris parle littéralement de pain et de vinaigre,
sans aucune allusion apparente à autre chose. Doit-on en alors déduire que les rabbins, à
l’instar des apôtres, ont, eux aussi, détourné malhonnêtement les versets de
l’Ecriture pour les appliquer au Mashiah ? Ou bien y a t-il un élément que les
anti-missionnaires ont omis de considérer ? Nahmanide explique :
ואם ישיב אדם עלי בסמכני על חשבון האותיות שקורין אותה גמטריא וידמה בעיניו כי הוא חבל וריק בעבור שיוכל אדם להוציא כמה פסוקים לעינין רע וזר בחשבון הזה , אנחנו משיבים ומודיעים לשואל הענין הזה באשר הוא אמת כי אין אדם רשאי לדון בחשבון גמטריאות ולוציא מהן ענין עלה בדעתו אבל קבלה ביד רבותינו חכמי התלמוד הקדושים ז"ל כי נמסרו למשה בסיני גימטריאות ידועות להיות זכר ואות לענין הנאמר על פה עם שאר התורה שבעל פה בענין אגדה ומהן אסור והתר כמו שמארו סתם נזירות שלשים יום והענין הזה כענין גזרה שוה שהרבה גופי התורה תלויין בה והוא ענין שכיכול אדם אדם להוציא ממנו דברים רעים וסותרים עיקרי התורה אלא שאמרו בה אין אדם דן גזרה שוה מעצמו והנה היא לקיים ולא לסתור והנה היה סוד הגלות הנרמוז בתיבת ונושנתם אצלנו מסורה וקבלה שבאותה פרשה נרמזת גימטריא בחשבון הגלות
« Et si
quelqu’un me rétorque au sujet de mon utilisation du calcul de la valeur
numérique des lettres, que l’on appelle guématria, et qu’il lui semble que cela
n’a aucun fondement dès lors que tout homme peut, avec cette méthode, dénaturer
le sens des versets de l’Ecriture, nous répondrons et ferons savoir à celui qui
pose une telle question que personne ne peut utiliser la guématria pour lui
faire dire tout ce qui lui passe par la tête. En effet, il est une tradition
qu’ont reçus nos rabbins, les Saints Sages du Talmud, que leur mémoire soit
bénie, qu’il a été transmis à Moshéh, au mont Sinaï, avec le reste de la Loi
Orale, les guématrioth connues, lesquelles sont une allusion et un signe à ce
qui a été dit oralement, aussi bien aux sujets en rapports aux récits qu’à ce
qui est interdit et permis. C’est le cas, par exemple, lorsqu’ils dirent :
« un simple vœu de naziréat dure trente jours, comme il est écrit :
Et il sera (yiyheh) – Nombres 5,6 – ». Cela est analogique à la guézérah
shavah, par laquelle un homme peut dériver des choses mauvaises et contraires
aux fondements de la Loi ; raison pour laquelle les Sages dirent qu’un
homme ne peut pas faire une déduction
par guézérah shavah de lui-même (Talmud de Babylone, Péssahim 66a).
Ce n’est, en effet, que pour confirmer et non pour contredire. Il est fait
allusion au secret de la rédemption dans le mot « venoshatem ». Il
est une tradition que nous avons reçue que ce texte contient une allusion à la
guématria du décompte de l’Exil » (Séfer ha-Guéoulah)
Ceci nous
apprend, d’une part, que lorsque les
Sages se servirent de l’Ecriture comme ils l’ont fait, ils se référaient non
pas au sens propre du texte, mais à l’allusion qu’il renferme et, d’autre part,
que ces méthodes atypiques « ne visent pas à contredire, mais à
confirmer ». Pour dire les choses autrement, les Sages ne croyaient pas en
ce qui, d’après eux, est fait allusion dans le texte à cause de
l’interprétation qu’ils en faisaient mais, au contraire, interprétaient le texte
comme ils le faisaient parce qu’ils croyaient déjà, soit en raison de la Tradition,
soit en raison des faits, en le sujet
dont ils cherchaient l’allusion ou l’appui dans l’Ecriture. Un usage semblable
des textes bibliques est déjà attesté à l’époque du deuxième Temple dans les Ecrits
de Qoumrân où le sens obvie des versets, qui sont interprétés comme se référant
à des évènements contemporains en rapport avec la « communauté des
saints », est ignoré. C’est par
exemple le cas dans cet extrait du commentaire sur Habaqouq où le verset
d’Habacuc 1:5, qui prophétise l’invasion de Jérusalem par les Chaldéens à
l’époque du premier Temple (verset 6), est réinterprété comme une allusion à ce
qu’a traversé la communauté essénienne à l’époque du deuxième Temple :
פשר הדבר על הבוגדים לאחרית הימים המה עריצי הברית אשר לוא יאמינו בשומעם את כול הבאות על הדור האחרון מפי הכוהן אשר נתן אל בתוך העדה לפשור את כול דברי עבדיו הנביאים אשר בידם ספר אל את כול הבאות על עמו ישראל
« L’interprétation de cette parole
concerne les traitres de la fin des temps ; ce sont ceux qui sont hostiles à
l'Alliance, qui ne croiront pas lorsqu'ils entendront tout ce qui arrivera à la
dernière génération, de la bouche du Prêtre que Dieu a placé au milieu de la
congrégation pour expliquer toutes les paroles de ses serviteurs les prophètes,
à travers lesquels Dieu a raconté toutes les choses qui arriveront à Israël »
(1QpHab 2:5-10)
Il est clair, en regard de tout cela,
que lorsque les apôtres ont affirmé que tel ou évènement dans la vie de
Yéshou`a s’est produit « pour accomplir ce qui a été dit », ils ne
faisaient, dans la plupart des cas, pas référence sens littéral qu’ils n’ont
jamais cherché à contredire ou à dénaturer, mais à l’allusion que contient le
texte. Tandis que les Pharisiens considéraient certaines
de leurs interprétations allusives, et les fondements de ces interprétations,
comme héritées de la Tradition Orale héritée de Moshéh et des prophètes et que
les Esséniens tenaient les leurs pour le fruit de révélations directes, d’après
les Evangiles, c’était Yéshou`a, lequel était habité par le même esprit divin
qui a inspiré les autres prophètes (1Pierre 1 :11), qui dévoila à ses apôtres
la dimension messianique des versets de l’Ecriture qui font allusion au Mashiah,
outre ce qui a déjà été reçu de la Tradition des Sages (Luc 24 :44-47). L’application
des versets bibliques à Yéshou`a dans les Ecrits nazaréens relève ainsi de la Massorah
(tradition) messianique dont les apôtres étaient les dépositaires.
Objection :
« Yéshou est un faux prophète car il
n’est pas revenu au moment qu’il a annoncé
»
Réponse :
« Dès lors Jésus commença à prêcher,
en disant : " Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche.
" » (Matthieu 4,14)
Nous pouvons comprendre qu’à la lecture de
ce passage, certains aient raisonnés que puisque Yéshou`a, à son époque, a dit que le
« royaume des cieux » était « proche » et que rien ne s’est encore produit depuis deux mille ans, c’est que sa prophétie ne s’est pas
réalisée. Mais la version de Marc prouve
qu’il n’en est rien :
« [Jésus] disait : " Le moment est
arrivé, et le royaume de Dieu est proche ; repentez-vous et croyez en la bonne
nouvelle » (Marc 1,15)
Il est constant que lorsque Yéshou`a
proclama que le « royaume de Dieu est proche », il ne parlait pas d’une
proximité liée au temps, puisque le « moment est déjà venu », mais s’exprimait
en termes d’accessibilité, le terme קרוב
« qarov » (proche), dans
le langage biblique, pouvant se référer à ce qui est accessible ou à portée de
main :
כי-קרוב
אליך הדבר, מאד: בפיך ובלבבך, לעשתו
« La
Parole est tout près (qarov) de toi, dans ta bouche et dans ton cœur pour que
tu l’accomplisses » (Deut 30,14)
אך קרוב ליראיו
ישעו; לשכן כבוד בארצנו
« Oui,
son salut est près (qarov) de ceux qui le craignent, pour faire habiter la Gloire sur notre terre » (Psaume 85,10)
קרוב יהוה,
לכל-קראיו-- לכל אשר יקראהו באמת
« L’Éternel
est près (qarov) de tous ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent
avec sincérité. » (Psaume 145,18)
En
clair, le message de Yéshou`a était que le
royaume de Dieu est dors et déjà accessible, puisque le moment propice à son
avènement est arrivé. Le peuple doit néanmoins se repentir pour en provoquer
l’avènement car la réalisation des promesses dépend de la repentance. Il ne
s’agit pas là de notre interprétation, mais de celle apôtres qui perpétuèrent l’enseignement
de Yéshou`a et qui étaient parfaitement en position de connaître ses
intentions, l’ayant côtoyé lorsqu’il était sur terre :
« Repentez-vous
donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés, afin que des
temps de rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu'il envoie le
Christ qui vous a été destiné, Jésus, que le ciel doit recevoir jusqu'aux jours
du rétablissement de toutes choses, jours dont Dieu a parlé anciennement par la
bouche de ses saints prophète » (Actes 3,19-21)
Les
Sages n’en disconviennent pas :
ר' יהושע בן לוי אשכח לאליהו דהוי קיימי אפיתחא דמערתא דרבי שמעון בן יוחאי ...
אמר ליה אימת אתי משיח אמר ליה זיל שייליה לדידיה ... א"ל לאימת אתי מר
א"ל היום אתא לגבי אליהו ... א"ל שקורי קא שקר בי דאמר לי היום אתינא
ולא אתא א"ל הכי אמר לך (תהילים צה) היום אם בקולו תשמעו
« Rabbi
Yéhoshou`a ben Lévi trouva Eliahou se tenant à l’entrée de la tombe de Rabbi
Shime`on ben Yohay […] Il lui dit : « Quand le Mashiah viendra
t-il ? ». Il lui dit : « Va, et demande lui » […]
Yéhoshou`a ben Lévi dit au Mashiah : « Quand mon Seigneur viendra
t-il ? ». Celui-ci lui répondit : « Aujourd’hui ».
Yéhoshou`a ben Lévi partit vers Eliahou […] et lui dit : « Il m’a
menti ! Il m’a dit qu’il allait venir aujourd’hui, et il n’est pas
venu ! ». Eliahou lui dit : « Il t’a cité le verset en
Psaumes : « Aujourd’hui, si vous écoutez sa voix » »
(Talmud de Babylone, Sanhédrin 98a)
Remarquons que
bien qu’il fut aussi prophétisé que le Mashiah allait mourir à cause des
transgressions des gens de sa génération et qu’ il a été prédit que le Temple
allait être détruit, il est un principe communément admis dans le judaïsme
qu’une prophétie négative n’est pas obligée de s’accomplir et peut être annulée
par la repentance ou la prière. Voilà pourquoi Yéshou`a et ses disciples
enseignèrent que le royaume pouvait venir immédiatement, sans que les malheurs
qui ont été annoncés surviennent d’abord. C’est aussi la raison pour laquelle
Yéshou`a pria pour qu’il ne meure pas (Matthieu 26:39-44, Marc 14 :35-39,
Luc 22 :39-44); la tradition rabbinique enseignant qu’il est possible que la
prophétie de la mort du Mashiah ben Yossef soit annulée.
L’on doit néanmoins
reconnaître
que Yéshou`a a bien prophétisé en d’autres endroits des évangiles son retour pour
sa génération même :
« Car le Fils de l'homme doit venir
dans la gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon
ses œuvres. Je vous le dis en vérité, plusieurs de ceux qui sont ici présents
ne goûteront point la mort, qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme venant dans
son règne. » (Matthieu 16,27-28 ; Marc 8,38-39 ; Luc 9,26-27)
« Alors ils lui demandèrent : "
Maître, quand ces choses arriveront-elles, et à quel signe connaîtra-ton
qu'elles sont près de s'accomplir ? "
Jésus répondit : […] lorsque vous verrez des armées investir Jérusalem,
sachez alors que sa désolation est proche. Alors que ceux qui seront dans la
Judée s'enfuient dans les montagnes, que ceux qui seront dans la ville en
sortent, et que ceux qui seront dans les campagnes n'entrent pas dans la ville.
Car ce seront des jours de châtiment, pour l'accomplissement de tout ce qui est
écrit. Malheur aux femmes qui seront enceintes ou qui allaiteront en ces
jours-là, car la détresse sera grande sur la terre, grande la colère contre ce
peuple. Ils tomberont sous le tranchant du glaive ; ils seront emmenés captifs
parmi toutes les nations, et Jérusalem sera foulée aux pieds par les Gentils,
jusqu'à ce que les temps des Gentils soient accomplis. Et il y aura des signes
dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles, et, sur la terre, les nations
seront dans l'angoisse et la consternation, au bruit de la mer et des flots ;
les hommes séchant de frayeur dans l'attente de ce qui doit arriver à la terre
entière ; car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors on verra le Fils
de l'homme venant dans une nuée avec une grande puissance et une grande gloire
[…] Je vous le dis, en vérité, cette génération ne passera point, que tout ne
soit accompli » (Luc 21, Marc 13, Matthieu 24)
Plusieurs explications ont été avancées par
les chrétiens pour contourner la difficulté.
Le sens obvie, cependant, indique que Yéshou`a a bien prophétisé son
retour pour sa génération. Pour autant, cela ne fait pas de lui un faux
prophète. Accordons-nous encore une fois, pour le comprendre, un détour par la
Tradition des Sages. Il est enseigné dans le Talmud :
דר' יעקב בר אידי רמי כתיב (בראשית כח) והנה אנכי עמך
ושמרתיך בכל אשר תלך וכתיב (בראשית לב) ויירא יעקב מאד אמר שמא יגרום החטא כדתניא
(שמות טו) עד יעבור עמך ה' עד יעבור עם זו קנית עד יעבור עמך ה' זו ביאה ראשונה עד
יעבור עם זו קנית זו ביאה שנייה מכאן אמרו חכמים ראוים היו ישראל ליעשות להם נס
בימי עזרא כדרך שנעשה להם בימי יהושע בן נון אלא שגרם החטא
« Rabbi Ya`aqov bar Iddi opposa deux
versets : Il est écrit : « Je suis avec toi pour te garder
partout où tu iras, et te ramener dans ce pays ; car je ne te quitterai point
que je n’aie exécuté ce que je t’ai promis. » (Genèse 28,15). Il est aussi
écrit : « Alors Ya`aqov craignit fort et fut dans la détresse »
(Genèse 32,8). Ya`aqov craignit que le péché ait causé l’annulation de la
prophétie, comme il est enseigné : « Jusqu’à ce que ton peuple soit
passé, Éternel, jusqu’à ce que soit passé le peuple que tu t’es acquis »
(Exode 15,16). «Jusqu’à ce que ton peuple soit passé, Éternel » - cela
concerne la première entrée (en terre sainte) ; « jusqu’à ce que soit
passé le peuple que tu t’es acquis » - cela concerne la deuxième entrée.
De là, les Sages dirent que les Israélites auraient mérité qu’un miracle soit
fait pour eux aux jours de `Ezra, comme aux jours de Yéhoshou`a, le fils de
Noun, mais le péché a causé l’abrogation de la prophétie » (Talmud de
Babylone, Bérakhoth 4a)
Maïmonide, cependant, déclare :
דברי הפורענות
שהנביא אומר, כגון שיאמר פלוני ימות או שנה פלונית שנת רעב או מלחמה וכיוצא בדברים
אלו--אם לא עמדו דבריו, אין בזה הכחשה לנבואתו; ואין אומרין הנה דבר דיברת ולא
בא: שהקדוש ברוך הוא "ארך אפיים ורב חסד, וניחם על הרעה" (יואל
ב,יג; יונה ד,ב); ואפשר שעשו תשובה ונסלח להם כאנשי נינווה, או שתלה להם כחזקייה. אבל אם הבטיח על
טובה ואמר שיהיה כך וכך, ולא באה הטובה שאמר--בידוע שהוא נביא שקר: שכל דבר
טובה שיגזור האל, אפילו על תנאי--אינו חוזר. הא למדת, שבדברי הטובה בלבד
ייבחן הנביא.
« Si un prophète annonce des calamités, en
affirmant, par exemple, que tel ou tel mourra ou que telle ou telle année sera
une année de famine ou de guerre, et des choses de la sortes – si ses paroles
ne s’accomplissent pas, cela ne contredit en rien sa prophétie, et on ne doit
pas lui dire : « Eh ! Tu as dit telle chose, et cela ne s’est
pas accompli ! ». Le Saint Béni Soit-il, en effet, est plein de
longanimité et de miséricorde et regrettant de punir (Yoel 2,13 ;
Yonah 4,2), et il se peut qu’ils firent repentance, comme les habitants de
Ninive ou que le décret a été levé, comme ce fut le cas avec Yéhizqiahou.
Par contre, si un
prophète a promis une bonne chose et déclara qu’il y aura telle ou telle chose,
et que le bon qu’il a prophétisé n’est pas venu, on sait que c’est un faux
prophète, car lorsque le Saint Béni Soit Il décrète une bonne chose, même sous
condition, Il ne revient pas sur sa parole. De là, tu apprends qu’un prophète
n’est testé que par le bien qu’il annonce » (Lois sur les fondements de la
Torah, chapitre 10)
Maïmonide se réfère ici au passage qui se trouve
dans le traité Bérakhoth 7a, en lequel nous pouvons effectivement lire :
וא"ר יוחנן משום ר' יוסי כל דבור ודבור שיצא מפי
הקב"ה לטובה אפי' על תנאי לא חזר בו מנא לן ממשה רבינו שנא' (דברים ט) הרף
ממני ואשמידם וגו' ואעשה אותך לגוי עצום אע"ג דבעא משה רחמי עלה דמלתא ובטלה
אפ"ה אוקמה בזרעיה שנא' (דברי הימים א כג) בני משה גרשום ואליעזר ויהיו
בני אליעזר רחביה הראש וגו' ובני רחביה רבו למעלה וגו'
« R.
Yohanan dit au nom de R. Yossé : Lorsque le Saint Béni Soit Il
décrète une bonne chose, même sous condition, Il ne revient pas sur sa parole.
D’où le sait-on ? De Moshéh notre maître, puisqu’il est dit :
« Ne m’arrête pas ! Je veux les anéantir et effacer leur nom de dessous
les Cieux, et faire de toi un peuple plus fort et plus grand que lui »
(Deut. 9). Même si Moshéh supplia pour la Miséricorde et que le décret a été
abrogé, la parole concernant ses fils s’est quand même réalisée, comme il est
dit : « Fils de Moshéh : Gershom et Eli`ézer etc. Et les fils
d’Eli`ézer furent : Rehaviah, le chef ; et Eli`ézer n’eut pas d’autre
fils ; mais les fils de Rehaviah furent
fort nombreux » (1 Chroniques 23) »
L’apparente
contradiction entre les deux affirmations du Talmud est expliquée comme suit
par Maïmonide :
מה שפחד יעקב אחרי שהבטיחו הּ בטוב באמרו לו והנה אנכי עמך וכוּ, ומצאנו שפחד פן יספה שנּ ויירא יעקב מאד וכוּ, ואמרו חכמים בזה שפחד מחטא חמור שיתחייב עליו השמדה, והוא אמרם קסבר שמא יגרום החטא, משמע מזה שאפשר שיבטיח הּ טובה ויכריעו העונות ולא יתקיים אותו הטוב. דע שאין זאת אלא במה שבין הּ לנביא, אבל חלילה שיאמר הּ לנביא להבטיח לבני אדם טובה בסתם ולא תתקיים אותה הבטחה, לא יתכן דבר זה, לפי שלא היה נשאר לנו במה לאמת את הנבואה
« De quoi Ya`aqov a-t-il eu
peur après que l’Eternel lui ait promis de bonnes choses en lui disant :
« Je suis avec toi » (Genèse 28,15) ? Il craignit de se
faire tuer, comme il est dit « Alors Ya`aqov craignit fort et fut dans la détresse etc.
» (Genèse 32 ,8). Le Sages dirent ainsi à ce propos que Ya`aqov craignit
qu’un péché grave l’ai rendu passible de destruction, et affirmèrent qu’il
craignit qu’un péché ait causé l’abrogation de la promesse. Cela suggère qu’il
est possible que l’Eternel promette une bonne chose, mais que les fautes font
que la bonne chose qui a été promise ne s’accomplisse pas. Sache que cela ne
concerne que l’Eternel et le prophète, mais à Dieu ne plaise que l’Eternel dise
à un prophète de promettre une bonne chose aux hommes et que la promesse ne
s’accomplisse pas. Une telle chose est impossible, car il ne nous resterait
alors plus rien pour juger de la véracité d’une prophétie » (Commentaire de Maïmonide sur la
Mishnah, introduction)
Cette
explication n’est nullement satisfaisante. Le deuxième exemple de prophétie
abrogée cité dans le traité Bérakhoth 4b n’était pas une prophétie « entre
l’Eternel et le prophète », mais
concernait tout Israël, qui d’après ce que l’on sait de par la Tradition Orale
– le texte cité n’est qu’une allusion – aurait dû être témoin des mêmes miracles
que ceux effectués aux temps de Yéhoshou`a bin Noun lors du retour de l’Exil à
Babylone. Voici comment le Léhem Mishneh
justifie l’opinion de Maïmonide :
דודאי היכא דאיכא גרם החטא יחזור בו האל יתברך ומאי דאמר בפ״ק דברכות על תנאי אינו חוזר היינו כל זמן שלא גרם החטא ודוקא היכא דליכא הכזבת נביא אבל היכא דאיכא הכזבת נביא לא, ובתירוץ שתירץ הרב ז״ל מעד יעבור עמך ה׳ עד יעבור עם זו קנית אע״ג דזה היה דבר שאמר ה׳ למשה דכל דבר שאמר משה מפי הגבורה אמרו מ״מ אינו כתוב בתורה בשם ה׳ אלא בשם משה. ומה שאז״ל לא יצאת אמירה מפי הקב״ה כלומר שאמר הקב״ה בתורה מפי עצמו שהוא מדבר או הנביא בשם ה׳ אמרן אבל אלו הם דברי משה אע״פ שמפי הגבורה אמרן מ״מ כיון שאינו בלשון האל יתברך יפול בהם נחמה שינחם האל יתברך
« Il
est évident que lorsque le péché cause l’abrogation de la promesse, le Dieu
Béni Soit-il peut revenir sur sa promesse (...) cela ne
s’applique qu’au cas où le péché n’en a pas causé l’abrogation et seulement lorsqu’il
n’y a pas de risque que la véracité du
prophète soit remise en cause. Mais lorsque, cependant, le risque existe que la
véracité du prophétie soit remise en cause, la prophétie ne peut plus être abrogée […]
Lorsqu’il a été dit : « Jusqu’à ce que ton peuple soit passé ,
jusqu’ à ce peuple que tu as acquis soit passé » , même si l’Eternel l’a
dit à Moshéh – toute parole, en effet, qu’a dite Moshéh provenait de Dieu – ,
malgré tout, cela n’a pas été écrit dans la Torah au nom de l’Eternel, mais au
nom de Moshéh. Il ne s’agissait pas d’une Parole qui était issue du Saint Béni
Soit-il, en d’autres termes, que l’Eternel lui-même a dite ou que le prophète a
dit au nom de l’Eternel, mais il s’agissait des paroles de Moshéh, même s’il
s’agissait de paroles venant de Dieu. En tout cas, puisque cela n’a pas été dit
au nom de l’Eternel, Dieu pouvait revenir sur ce qui a été dit » (Léhem
Mishneh sur les Lois sur les fondements de la Torah, chapitre 10)
L’on
relève toutefois dans le traité Yébamoth :
זכה משלימין לו לא זכה פוחתין לו דברי ר' עקיבא וחכמים
אומרים זכה מוסיפים לו לא זכה פוחתין לו אמרו לו לרבי עקיבא הרי הוא אומר והוספתי
על ימיך חמש עשרה שנה אמר להם משלו הוסיפו לו תדע שהרי נביא עומד ומתנבא
(מלכים א יג) הנה בן נולד לבית דוד יאשיהו שמו ועדיין לא נולד מנשה ורבנן מי
כתיב מחזקיה לבית דוד כתיב אי מחזקיה נולד אי מאינש אחרינא
« Si
une personne est méritante, elle complète les années de sa vie. Si elle ne
l’est pas, sa durée de vie est écourtée – parole de Rabbi `Aqivah. Mais les
Sages disent : Si une personne est méritante, sa durée de vie est
prolongée. Si elle n’est pas, sa durée de vie est écourtée. Ils dirent à Rabbi `Aqivah :
La preuve en est que l’Ecriture dit : « Et j’ajouterai quinze ans à
tes jours » (2Rois 20,6). Rabbi `Aqivah répondit : On lui a ajouté de ce
qui a, originellement, a été sien, mais lui a été enlevé. On le sait, parce que
le prophète dit : « Voici, il naîtra un fils à la maison de David, Yoshiahou
sera son nom » (1 Rois 13,2), alors que Ménasheh n’était pas encore né.
Les Sages dirent : Il n’est pas écrit « de Yehizqiahou »,
mais « de la maison de David ».
Il aurait pu naître de Yehizqiahou ou d’un autre » (Talmud
de Babylone, Yébamoth 50a)
Pour
reformuler plus clairement le problème posé, on sait d’une part que Ménashéh,
le fils de Yehizqiahou, naquit trois ans après le rétablissement de son
père, qui, s’il ne s’était pas repenti de ses fautes, serait mort des suites de
sa maladie et n’aurait pas engendré Ménasheh (2Rois 20,6 et 21,1). Et, d’autre part, que Yoshiahou était le fils
de Ménashéh et le petit fils de Yéhizqiahou. Or, la venue au monde de Yoshiahou a été prophétisée avant même la naissance de
Yéhizqiahou, son grand père (1Rois 13,2). D’où la question : Etant
donné que Yéhizqiahou n’a pu continuer à vivre que parce qu’il s’est
repenti (2Rois chapitre 20), comment la prophétie de la naissance de Yoshiahou aurait-elle
pu se réaliser si Yéhizqiahou n’avait pas confessé ses péchés devant
l’Eternel ? Les Ba`alei ha-Tossafoth répondent :
והלא אם לא התפלל חזקיהו על עצמו היה מת והיתה נבואה בטלה אלא ע"כ אין הנביא מתנבא אלא מה שראוי להיות אם לא היה חוטא א"כ היכי מוכח מכאן דמשלו הוסיפו לו
« Si Yehizqiahou n’avait pas
prié pour lui-même, ne serait-t-il pas mort et la prophétie n’aurait-elle pas
été abrogée ? Tu es obligé d’admettre qu’un prophète ne prédit que ce qui peut
se produire si le destinataire de la prophétie ne pèche pas.» (Tossafoth sur Yébamoth 50a)
Voici
comment la prophétie fut énoncée :
כה אמר
יהוה: הנה-בן נולד לבית-דוד, יאשיהו שמו
« Ainsi
parle l’Éternel : Voici, il naîtra un fils à la maison de David, Yoshiahou sera son nom » (1Rois 13 :2)
Dès
lors que la prophétie qui a failli être abrogée fut introduite par la formule
« ainsi parle l’Eternel », c’est le raisonnement peu naturel du Léhem
Mishneh et toute tentative d’harmoniser la position de Maïmonide avec le Talmud
qui tombe à l’eau. Certes, l’on peut ne pas être d’accord avec l’interprétation
de Rabbi `Aqivah. Il n’empêche toutefois que ce passage montre clairement que
l’idée selon laquelle toute prophétie, annonçant ou un bien ou un malheur,
concernant ou le prophète lui-même ou d’autres, qu’elle ait été ou non
introduite par la formule « ainsi parle l’Eternel », et même si
aucune condition n’a été stipulée, peut être annulée, était un principe admis par les Sages du
Talmud. Rabbi `Aqivah n’y aurait sinon pas fait appel.
Les
Ecritures nous offrent un autre exemple dans la prophétie de l’entrée des
Israélites en terre sainte. Moshéh, en
effet, a prédit que Dieu amènerait par son entremise les Israélites en terre
promise (Exode 6,6). Pourtant, cette promesse a failli ne jamais s'accomplir,
puisqu'à plusieurs reprises, et si Moshéh n’avait pas intercédé, l’Eternel a failli
exterminer la génération de l’Exode (Exode 32,7-14, Nombre 14,19). Finalement, il a été décrété que ce seront leurs enfants qui prendront possession de la terre
de Canaan. Pas même Moshéh n'a été autorisé à y entrer (Deutéronome 1,34-40), alors
qu’il a été stipulé initialement :
יהוה אלהינו
דבר אלינו, בחרב לאמר: רב-לכם שבת, בהר הזה. פנו וסעו לכם, ובאו הר האמרי
ואל-כל-שכניו, בערבה בהר ובשפלה ובנגב, ובחוף היּם--ארץ הכנעני והלבנון, עד-הנהר הגדל
נהר-פרת ראה נתתי לפניכם, את-הארץ; באו, ורשו את-הארץ, אשר נשבע יהוה לאבתיכם
לאברהם ליצחק וליעקב לתת להם, ולזרעם אחריהם
« En
Horev, l’Eternel notre Dieu nous a dit : Vous avez assez séjourné
dans cette montagne. Faisant volte-face mettez-vous en marche et gagnez les
régions montagneuses des Amoréens et toutes les régions voisines, la `Arava, la
montagne, la Shéféla, le Néguev et le littoral, le pays des Cananéens et le
Liban jusqu’au Grand-Fleuve, le fleuve Euphrate. Voici, je vous livre ce pays,
marchez à la conquête du pays que l’Éternel a juré à vos pères, à Avraham, à Yitshaq
et à Ya`aqov de leur donner et à leur descendance après eux » (Deutéronome
1,6-8)
Nous
retrouvons aussi dans le Livre de Yirméyahou :
רגע אדבר,
על-גוי ועל-ממלכה, לנתוש ולנתוץ, ולהאביד
ושב, הגוי ההוא, מרעתו, אשר דברתי עליו--ונחמתי, על-הרעה,
אשר חשבתי, לעשות לו. ורגע אדבר, על-גוי ועל-ממלכה, לבנות, ולנטועַ ועשה הרעה (הרע) בעיני,
לבלתי שמע בקולי--ונחמתי, על-הטובה, אשר אמרתי, להיטיב אותו
«
Mais que ce peuple, touchant lequel
j’avais parlé, revienne de sa méchanceté, je me repens du mal que j’avais pensé
à lui faire. Et une autre fois je parle, touchant un peuple et un royaume,
d’édifier et de planter. Mais qu’il fasse ce qui est mal à mes yeux, n’obéissant
pas à ma voix, je me repens du bien que j’avais dit vouloir lui faire » (Yirméyahou 18,8-10)
Ce qui nous ramène à la question initiale : Comment réconcilier cela avec le principe en Bérakhoth 4a ? Yitshaq `Aramah rapporte et développe l'explication selon laquelle le principe de non abrogation ne concerne que le cas où la condition en question est externe et n' est pas liée au bénéficiaire lui-même ( `Aqédath Yitshaq 96 ). Dans le cas de Moshéh , la condition était, non pas sa propre justice, mais la destruction des israélites qui n'a pas eu lieu. Ce qui n'empêche pas que lorsque le bénéficiaire lui-même pèche , la promesse qui lui a été faite puisse être abrogée. En clair, dès lors que toute prophétie est dépendante des mérites de ses destinataires, trois possibilités se présentent :
Si le prophète annonce un malheur , mais que sa
parole ne s’est pas réalisée , il se pourrait alors simplement que l’Eternel , qui
est « clément et miséricordieux, plein de longanimité et de miséricorde et
regrettant de punir » (Jonas 4 :2), a abrogé la prophétie , soit
parce que ceux auxquels la prophétie s’est adressée se sont repentis, comme ce
fut le cas des habitants de Ninive, soit , parce que Dieu a tenu compte de la
repentance et des mérites ne serais-ce
que d’une minorité (Genèse 18 :32), soit, encore, parce qu’un homme intègre
intercéda en faveur des fauteurs (Genèse 18 :23, Exode 32 :11-14) .
A l’inverse, si le prophète a annoncé un bien à
venir, mais que rien ne s’est produit alors que les destinataires de la
prophétie n’ont pas fauté entre temps, c’est un faux prophète.
Par contre, si les destinataires fautèrent, on ne
peut rien déduire de la non réalisation de la prophétie, puisqu’il se pourrait,
comme le dit le Talmud de Babylone, que « le péché a causé l’abrogation de
la prophétie » גרם החטא (Bérakhoth 4a). Similairement, et quand bien même
aucune condition n’a été émise, un bien prédit après un malheur dépend de la
repentance des destinataires du message prophétique après le châtiment annoncé.
C’est ce que nous apprend le livre de Daniel au chapitre 9 :
« La première année de Darius, fils d’Assuérus,
un descendant des Mèdes qui avait été fait du royaume des Chaldéens, la première
année de son règne, moi Daniel, j’ai discerné à partir des livres, d’après ce
que l’Eternel avait dit au prophète Yirméyahou, le nombre d’années pendant
lesquelles Jérusalem resterait dévastée, [savoir] soixante-dix ans. Et je tournai mes regards vers l’Eternel Dieu,
afin de chercher la prière et l’oraison dans le jeûne, dans le cilice et la
cendre. J’ai prié l’Eternel mon Dieu et j’ai fait cette confession : O Eternel
Dieu, qui es le Dieu grand et redoutable, qui garde l’alliance et la miséricorde
pour ceux qui l’aiment et gardent ses commandements ! Nous avons été pécheurs
et pervers, et nous avons été transgresseurs et rebelles, et nous nous sommes
écartés de tes commandements et de tes lois. Et nous n’avons point écouté tes serviteurs, les
prophètes, qui parlèrent en ton nom à nos rois, à nos princes et à nos pères et
à tout le peuple du pays […] Seigneur, écoute! Seigneur, pardonne! Seigneur,
aie égard et agis! Ne tarde pas, au nom de toi-même, O mon Dieu! »
Le Malbim nous éclaire sur le sens de ce
passage :
מפני שבירמיה [סי' כ"ה] אמר שיעבדו את מלך בבל שבעים שנה ואח"כ אפקד על מלך בבל, ויעוד זה נתקיים אז, ועוד אמר [שם כ"ט], כי לפי מלאות לבבל שבעים שנה אפקד אתכם, להשיב אתכם אל המקום ההוא, ויעוד זה לא נתקיים
… חשב שחזר ה' מיעוד הטוב שיעד על ידי ירמיה, ע"י רשעת העם
ופשעיהם, כמ"ש וצבא תנתן על התמיד בפשע, ולכן התפלל ויתודה להשיב חמה ולהחזיר
את הגזירה ... ונגד הרצון ושמירת ההבטחה אמר ידעתי כי אתה שומר
הברית והחסד ולא תשנה הבטחתך, אבל זה רק לאהביו ולשמרי מצותיו, רק להם ישמור בריתו
וחסדו, לא כן אנחנו אשר. חטאנו, ויוכל להיות שהחטאים יגרמו שלא יבואו יעודיו הטובים
ונגד החטאים במצות שבין אדם למקום אמר חטאנו ועוינו … ולא שמענו אל עבדיך
הנביאים, וזה מרידה אחר שהנביאים דברו בשמך, ודבריהם באו לכללות העם, בין למלכינו ושרינו,
בין לאבותינו בדורות הקודמים, ובין לכל עם הארץ, בענין שהיו שלוחים בכל הדורות ולכל
פנות העם לגדולים ולקטנים, ואחר שהיו שלוחים דוברים בשמך ולא שמענו ה"ז כמורד
במלך בפניו, כי שלוחו כמותו
« Il est en effet dit dans (la prophétie
de) Yirméyahou qu’ils (les membres du royaume de Juda)
serviront le roi de Babylone pendant soixante-dix ans et qu’après cela
« je punirai le roi de Babylone » (Yirméyahou 25 :11-12). Cette promesse a été
accomplie. Il y est aussi dit :
« Dès que soixante-dix ans seront révolus pour Babylone, je vous visiterai
et j’accomplirai sur vous mes excellentes promesses, en vous ramenant dans ce
lieu » (Yirméyahou 29 :10). Et
cette promesse n’a pas encore été accomplie etc. Daniel a cru qu’à cause de la
méchanceté et des péchés du peuple,
l’Eternel s’est rétracté des bonnes choses qu’il avait promises par
l’entremise de Yirméyahou. Daniel pria ainsi pour que l’Eternel renonce à sa
colère décrète de nouveau (ce qu’il avait initialement promis) etc. C’est par
rapport à la Volonté de l’Eternel et sa fidélité aux promesses qu’il
dit : « [O Eternel Dieu, qui es le Dieu grand et redoutable],
qui garde l’alliance et la miséricorde », et « tu ne change pas tes
promesses » (Daniel 9,4). Mais cela
ne s’applique qu’à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements. C’est
seulement à l’égard de ceux là qu’il garde l’alliance et la miséricorde, ce qui
n’est pas notre cas, car nous avons péché. Et il se peut que ce soient nos
péchés qui aient causé le non accomplissement des bonnes promesses. C’est
vis-à-vis des commandements qui concernent la relation entre l’homme et Dieu
que Daniel dit « nous avons été pécheurs et pervers » (Daniel 9,5)
etc. « Et nous n’avons point écouté tes serviteurs les prophètes »,
et il s’agit d’une autre rébellion puisque les prophètes parlèrent en ton Nom,
et leurs paroles concernaient l’ensemble du peuple etc. dès lors qu’ils ont été
des envoyés qui parlaient en ton Nom et que nous n’avons pas écouté , c’est
comme si nous nous sommes rebellés contre le Roi lui-même, car son émissaire
est comme Lui-même » (Commentaires du Malbim sur Daniel chapitre 9)
Le Talmud rapporte l’opinion de Rava d’après lequel
Daniel, qui a compté les 70 ans depuis l’année de l’Exil alors qu’il aurait du
compter depuis l’année de la destruction du Temple, s’est trompé (Talmud de
Babylone, Méguilah 12a). Si l’on en croit Rava, c’est la raison pour laquelle
Daniel pensa que la prophétie de Yirméyahou a été annulée et qu’il intercéda auprès de
l’Eternel pour que celui-ci accomplisse malgré tout ce qui fut annoncé, même si
la date initialement prévue était alors déjà passée. En tous les cas, Daniel, n’a
jamais pensé que Yirméyahou était un
faux prophète, mais adhéra au principe selon lequel la réalisation d’une
prophétie annonçant un bien après un malheur dépend de la repentance des
destinataires de la prophétie après la punition prédite. Citons comme appui la Barayta suivante :
ר' אליעזר אומר אם ישראל עושין תשובה נגאלין ואם לאו אין
נגאלין אמר ליה רבי יהושע אם אין עושין תשובה אין נגאלין אלא הקב"ה מעמיד להן
מלך שגזרותיו קשות כהמן וישראל עושין תשובה ומחזירן למוטב
« Rabbi Eli`ezer dit : Si les Israélites
se repentent, ils seront délivrés, sinon, ils ne seront pas délivrés. Rabbi
Yéhoshou`a dit : S’ils ne se repentent pas, ils ne seront effectivement
pas délivrés. Cependant, le Saint Béni Soit-il désignera sur eux un roi, comme
Hamân, qui émettra des décrets sévères et alors, les Israélites se repentiront,
et ce roi les fera revenir sur le droit chemin » (Talmud de Babylone,
Sanhédrin 97b)
Peut-on alors encore dire, en regard de tout cela,
que Yéshou`a était un faux prophète ? Même si la prédiction selon
laquelle « cette génération ne passera pas » avant que ne vienne le
Fils de l’homme, a été annulée, parce que la plupart des gens de « cette
génération », qui auraient dû se repentir après les catastrophes qui se
sont abattues sur eux, persistèrent dans leur refus d’accepter Yéshou`a, lequel,
en tant que le représentant et l’émissaire de l’Eternel, est « comme Lui-même »,
et de lui obéir, Yéshou`a a aussi prédit une tribulation qui culminerait par la
destruction du Temple. Comme nous l’apprend l’histoire et comme l’ont déjà
amplement démontré les savants chrétiens prétéristes (voir par exemple cet article ), desquels nous divergeons néanmoins
quand ils font de l’avènement du Fils de l’homme une simple métaphore, la prophétie
de Yéshou`a en rapport à la tribulation s’est réalisée jusque dans ses moindres
détails dans les quarante années qui suivirent sa crucifixion. Yéshou`a était par
conséquent un prophète véridique auquel on doit soumission et obéissance (Deutéronome
18 :18-19). C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi, dans les décennies
qui suivirent la destruction du Temple, le nombre de Juifs ayant rejoint la
mouvance des disciples de Yéshou`a s’accrut considérablement à tel point que
les Sages de l’académie de Yavné y virent une menace et exclurent, au moyen de la Birkath ha-minim et toutes
sortes de mesures d’ostracisme émises à leur encontre, les Nazaréens de la
communauté rabbinique afin de circonscrire leur influence et de mettre un terme
à leur expansion parmi les juifs.
Si notre raisonnement talmudique était notre seul
appui, il aurait été légitime que d’aucuns en doutent et rétorquent que notre
explication est tirée par les cheveux. On retrouve cependant l’idée expressément
énoncée dans les Evangiles et ce, juste avant que ne soit rapportée la
prophétie de la tribulation et de l’avènement du Fils de l’homme dans la Gloire
:
« Jérusalem, Jérusalem, qui tue les prophètes
et lapides ceux qui lui sont envoyés ! Que de fois j'ai voulu rassembler tes
enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne
l'avez pas voulu ! Voici que votre maison vous est laissée solitaire. Car,
je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais jusqu'à ce que vous disiez :
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » (Matthieu 23:37-39)
Le retour de Yéshou`a n’allait ainsi se produire
qu’à condition que le peuple le proclame comme « celui qui vient au Nom du
Seigneur » et répond à son appel à la repentance. La deuxième épître de Pierre porte
le même enseignement :
« Sachez avant tout que, dans les derniers
temps, il viendra des moqueurs pleins de raillerie, vivant au gré de leurs
convoitises, et disant : " Où est la promesse de son avènement ? Car
depuis que nos pères sont morts, tout continue à subsister comme depuis le
commencement de la création ". Ils veulent ignorer que, dès l'origine, des
cieux existaient, ainsi qu'une terre que la parole de Dieu avait fait surgir du
sein de l'eau, au moyen de l'eau, et que par là même monde d'alors périt
submergé. Quant aux cieux et à la terre d'à présent, la même parole de Dieu les
tient en réserve et les garde pour le feu, au jour du jugement et de la ruine
des hommes impies. Mais il est une chose, bien-aimés, que vous ne devez pas
ignorer, c'est que, pour le Seigneur, un jour est comme mille ans, " et
mille ans sont comme un jour ". Non, le Seigneur ne retarde pas
l'accomplissement de sa promesse, comme quelques-uns se l'imaginent ; mais il
use de patience envers vous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais que tous viennent
à la pénitence. Cependant le jour du Seigneur viendra comme un voleur ; en ce
jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et
la terre sera consumée avec les ouvrages qu'elle renferme. » (2 Pierre
3:3-10)
Il est de grand intérêt de noter que même les Sages
Talmud, qui ne croyaient pour autant pas en
Yéshou`a, reconnurent que « toutes les dates sont passées, et que tout
dépend de la repentance et des bonnes œuvres » כלו כל הקיצין ואין הדבר תלוי אלא בתשובה ומעשים טובים (Talmud de
Babylone, Sanhédrin 97b). Il est déclaré dans la même page que « si
les Israélites se repentent, ils seront délivrés, sinon, ils ne seront pas
délivrés אם ישראל עושין תשובה נגאלין ואם לאו אין נגאלין. La Barayta apparaissant dans
le traité Bérakhoth 4a, selon laquelle une prophétie annonçant le bien peut
être annulée si les destinataires ne sont pas méritants, est également reprise
dans le folio 98b du traité Sanhédrin. Sachant que « dans tout le Talmud,
rien n’est jamais avancé à moins qu’il y ait un rapport avec ce qui a été dit
précédemment » בכל התלמוד אין אומרים מנין אלא כשהקדימו אותו הדבר (Rabénou Hananel
sur Bérakhoth 7a), l’on doit comprendre que toutes les prophéties sur la date de l’avènement du Mashiah ont été annulées et le
terme de l’Exil a été repoussé à cause des péchés du peuple. C’est ce que déclare
explicitement l’une des traditions rapportées au nom du prophète Eliahou :
תנא דבי אליהו ששת אלפים שנה הוי העולם שני אלפים תוהו שני
אלפים תורה שני אלפים ימות המשיח בעונותינו שרבו יצאו מהן מה שיצאו מהן
« Il
a été enseigné dans l’école d’Eliahou que le monde existerait pendant six mille
ans : Deux mille ans de chaos, deux mille ans de Torah, deux mille ans de
jours du Mashiah. Mais à cause de nos péchés, cependant, une partie de
ces années est déjà passée » (Sanhédrin 97a-b)
Le Talmud
de Jérusalem, dans le traité Bérakhoth 2:14b, rapporte également l’opinion
selon laquelle le Mashiah naquit au moment même où le Temple fut détruit
mais que des esprits l’ont emporté. L’idée
se fonde sur l’oracle de Yésha`yahou où l’annonce de la destruction du Temple,
appelé « Lévanôn », dans la littérature talmudique (Talmud de
Babylone, Yoma 39b), est immédiatement suivie de la prophétie sur l’avènement
du Mashiah et l’ère messianique :
והלבנון באדיר יפול ויצא חטר מגזע ישי
ונצר משרשיו יפרה
«
Le Lévanôn, par le puissant tombera. Et il sort un rameau de la souche de
Yishay, et un rejeton fleurit de ses racines etc. » (Yésha`yahou
10 :34-11:1)
Que l’on
interprète le Talmud de Jérusalem comme se référant à une naissance réelle ou
comme une métaphore signifiant que l’Eternel aurait pu envoyer le rédempteur mais
que nos iniquités, allégoriquement dépeints comme des démons qui ont emporté
le Mashiah, nous ont fait manquer l’opportunité, cela atteste clairement
que parmi les prédictions sur les « dates » קיצין
passées (le Talmud emploie le pluriel) où le Mashiah, si nous
l’avions mérité, se serait dévoilé, l’une prévoyait la délivrance finale pour
peu de temps, si ce n’est immédiatement, après la destruction du second Temple,
exactement comme l’a affirmé Yéshou`a.
Somme
toutes, considérer, d’une part, comme des envoyés authentiques de Dieu les
prophètes qui ont annoncé l’avènement du Mashiah et, d’autre part, accuser
Yéshou`a de prophétie mensongère en prétextant qu’il n’est pas revenu au moment
qu’il a annoncé relève de l’incohérence la plus absolue en regard de ce
qu’enseigne la Tradition talmudique.
Amis, vous essaiyer de tordre la Torah avec votre Messie présumés Yéshu'. Il été utile seulement pour ça générations et la communauté des Notzrim, a disparus depuis le 5eme siecles, preuve que cele viens pas de Hash Shem, comme le disent les Actes qui utilisent Rabban Gamaliel. Vous essaie de faire revivre avec des spéculations une communauté disparus... Et vendre de l'inutilité. A la limite vous pouvez croire ce que vous voulez tant que vous respecté la HalaKha. Mais vous pouvez pas reprocheer ou precher ces idées, car elle n'ont aucun réalisations concret, mais seulement un Crédo sans sens.
RépondreSupprimerVous est presque comme d'autres mouvement Messianique, tel que celui de Tsabataï Tsevi, certains groupe de Rabbi Loubavitch etc.
Vous trahissez Am Israel avec vos proclamations au nom de Yéshu' qui a amené que misère et désastre en son nom sur Am Israel.
Les deux Mashia'h présume ont plus de valeur que Yéshu', avec sont histoire horrible sur notre peuple.
Ci il été vraiment le Mashia'h promis, Hash Shem aurais pas laissé corompre son nom a ce point là.
Mais il est tout simplement une mise a l'épreuve en tant que Mashia'h présumé et qu'il ne faut pas le prendre au sérieux et faire tout une histoire et secte comme vous faite.
En tout cas le RaMBaM à eux raison d'évoquer ce passage de Daniel.
"et les fils dévoyés de ton peuple s'enorgueilliront d'établir la vision et ils échoueront." Daniel 11:14. Le talmud parle du Mashia'h ben Yossef seulement comme un mahsia'h présumé, qui est juste envoyé pour éprouvé le peuple.
Avez vous des objections concrètes à ce qui a été avancé, auquel cas je me ferais un plaisir d'en tenir compte et d'y répondre dans les prochaines parties , ou êtes vous venus ici simplement pour faire de l'argumentum ad personam ?
SupprimerPas de soucis. Ci l'article suivent doit avoir un argument de ce que j'ai écrit, je lirais et j'en ferais ma conclusion.
SupprimerNon absolument pas, je essaie juste de voire pourquoi vouloir rebbatire ce qui est perdus, tel la communauté Nazaréen ou Ebionnite.
La Torah ShébeKhtav et Shebeal Pé est le seul héritage dans lesquelle nous nous devons fortifier et faire des recherche, le reste n'a pas grand valeur. Encore moins les évangiles.
Et la messianité de Jésus, Juifs Messie présume tant parmis les autres dans notre Histoires.
J'attend la suite.
Texte de Menahem l'Ebonite admirable dans ses commentaires de science et de méditation. On ne peut prétendre faire de controverse légitime sans se mettre à son niveau. Le rejeter sur un principe dogmatique reste dogmatique. La position nazaréenne obsolète ? Mais on pourrait avancer à rebours que du fait de la destruction du Temple, de la disparition des prêtres et du Grand-Prêtre, et de la rédaction du Talmud qui s'en est suivi, la position intolérante est une innovation.
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