mardi 15 janvier 2019

Réponse aux missionnaires :

 L'éternité de la Torah dans la littérature rabbinique
Nous avons constaté que ce n’est pas seulement pour prouver l’incarnation et la Trinité que certains missionnaires chrétiens citent la littérature rabbinique, mais également pour démontrer l’idée de l’abrogation de la Torah. L’un des passages sur lesquels ils se basent se trouve dans le traité Niddah, folio 61a, du Talmoud Bavli :
«  Nos rabbins ont enseigné : " Un habit dans lequel du kilayim fut perdu ( autrement dit : contenant un mélange de fils prohibé )  ne peut pas être vendu à un gentil,  ou utilisé comme une selle pour un âne , mas doit être utilisé comme un linceul pour un mort". R.  Yossef déclara : " Cela signifie que les commandements cesseront dans le futur ".  Abayé, ou R. Dimmi selon d'autres, lui dit : " Mais R. Manni n’a-t-il pas dit au nom de R. Yannay que ceci s’applique seulement à la lamentation mais pas à l’enterrement " ?  R. Yossef dit : " Non, cela n'a pas été dit à ce sujet ".  R. Yo’hanan dit : Même pour l’enterrement ." Et R. Yo’hanan enseigna conformément à son explication puisqu'il dit : " Que veut dire :' Libre parmi les morts' ( Psaume 858 :5) ? (Cela veut dire) que lorsqu’ un homme meurt, il est libéré des commandements " » 
ת"ר בגד שאבד בו כלאים הרי זה לא ימכרנו לעובד כוכבים ולא יעשנו מרדעת לחמור אבל עושה ממנו תכריכין למת אמר רב יוסף זאת אומרת מצות בטלות לעתיד לבא א"ל אביי ואי תימא רב דימי והא א"ר מני א"ר ינאי לא שנו אלא לספדו אבל לקוברו אסור א"ל לאו איתמר עלה א"ר יוחנן אפילו לקוברו ור' יוחנן לטעמיה דא"ר יוחנן מאי דכתיב (תהלים פח, ו) במתים חפשי כיון שמת אדם נעשה חפשי מן המצות
D'après le Ra"n, qui reprend l'opinion du Rashba, ceci n’a rien à voir avec une quelconque autorisation de manger de tout ce qui se trouve au marché  
« Cela veut dire que les commandements cesseront dans le futur – Selon l’explication du Rashba de mémoire bénie, l’expression « dans le futur » (`atid lavo) ne se réfère pas à la période après la résurrection mais à la période de la mort. Comme il est dit : « Pour que cela ne soit pas une pierre d’achoppement dans le futur (`atid lavo) » ( Yoma 77b), en référence à un futur proche [ c'est-à-dire les jours de Kippour des années qui allaient suivre ] [ ce qui montre que le terme « futur » ne se réfère pas nécessairement au monde à venir ]. Et c’est ce qui est signifié par : «  Libre parmi les morts - Psaume 88:5 - car lorsqu'un homme meurt, il est libre de l’observance des commandements »
זאת אומרת מצוות בטלת לעתיד לבא. פירוש הרשב״א ז״ל דלאו לאחר התחייה קאמר אלא זמן מיתה קרי לעתיד לבא וכדאמרינן שלא תהא מכשילין לעתיד לבא שהוא אחר זמן מועט והיינו דאמרינן במתים חפשי כיון שמת נעשה חפשי מן מצוות
                           ( Hidoushéi HaRa"n sur Niddah 61a ) 
Abravanel, dans son ouvrage intitulé  « Yéshou`ot Méshi'ho », chapitre 14, fut du même avis.  Bien que le Ritva, il faut l'admettre, ait interprété autrement les paroles de R. Yossef, cela, d'après lui, ne justifie pas pour autant le christianisme. Voici ce qu'il a écrit : 
« Si l’un des hérétiques parmi les disciples de Jésus murmure en te disant que puisque les commandements cesseront dans le futur,  cela veut dire que la Torah n’a été donnée que temporairement et que, par conséquent, Jésus pouvait ajouter ou retrancher des choses dans la Torah, dis-lui que seul un individu à la conscience troublée peut dire cela. Car la Torah n’a pas été donnée temporairement mais aussi longtemps que ce monde-ci existera, tant qu’il existera des mérites et des punitions, et l’on ne doit ni y ajouter ni y retrancher.  Mais dans le monde futur, où il n’existera ni mérites ni punitions, elle cessera ipso facto, comme le dit l’écriture : « Pour l’observer aujourd’hui » ( Deut 17 :11 ) – aujourd’hui et pas demain –. Tout comme elle cessera dans le futur, elle cesse aussi pour les morts dans la tombe, puisque les morts sont libérés de l'observance des commandements »
ואם לחשך מין מתלמידי יש"ו לומר כיוון שהמצות בטלות לעתיד לבא נמצא שלא ניתנה תורה אלא לזמן, ולפיכך היה רשות ליש"ו להוסיף ולגרוע ממנה, אף אתה אמור לו: מי שלבו נוקפו אומר כן, שהתורה לא ניתנה לזמן, כל זמן שיהא העולם הזה קיים שיש בו זכות או חובה, וממנה אין לגרוע ועליה אין להוסיף, אבל לעולם הבא שאין בו לא זכות ולא חובה נמצאת בטלה מאיליה, וכן אמר הכתוב 'היום לעשותם ולמחר לקבל שכרם', וכשם שבטלה מן המתים בקבר לפי שהם חפשים מן המצוות
                         ( Hidoushéi HaRitva sur Niddah 61b )
Il semble cependant que ce soit l’interprétation du Rashba qui est exacte. En effet, il est rapporté ailleurs au nom de R. Yo’hanan qui, d’après le texte en Niddah 61b, fut du même avis que R. Yossef :
«  D’où sait-on que la résurrection est dans la Torah ? Il est dit : « Et vous donnerez au sacrificateur Aaron l'offrande que vous en aurez prélevée pour l'Eternel » (Nombres 18 :28). Aaron vit t-il éternellement ? Il n’est même pas entré en terre d’Israël ? Comment donc peut-on lui offrir la téroumah (qui n’est dérivée que des produits de la terre d’Israël) ? Cela nous enseigne que dans le futur, Aaron ressuscitera et les Israélites lui offriront la téroumah »
אמר ר' יוחנן מניין לתחיית המתים מן התורה שנאמר במדבר יח, כח ונתתם ממנו את תרומת ה' לאהרן הכהן וכי אהרן לעולם קיים והלא לא נכנס לארץ ישראל שנותנין לו תרומה אלא מלמד שעתיד לחיות וישראל נותנין לו תרומה
                              ( Talmoud Bavli , Sanhédrin 90b )
La Torah sera donc encore observée après la résurrection. Ceci montre que l'enseignement selon lequel « les commandements cesseront dans le futur » ne signifie pas qu'il viendra un temps où les commandements seront annulés, mais simplement, comme le montre le contexte, que la Loi ne s'applique pas aux morts, lesquels seront de nouveau astreints à l’observance des mitsvot lorsqu'ils revivront. Il va sans dire que bien que les commandements, à la résurrection, ne seront plus appliqués en vue d'acquérir des mérites ou un salaire ( Talmoud Bavli `Avodah Zarah 3a ); le monde futur étant la récompense ultime, il n'en demeure pas moins que la Torah, qui est  l'expression de volonté éternelle de Dieu, continuera d'être observée par les ressuscités par gratitude et en tant que seconde nature, suivant ce qui est écrit : « Et je mettrais ma Torah au dedans d'eux » ( Jer 31:33 ) .  
Il est cependant clair , et cela est indiqué en certains endroits de la littérature rabbinique, que pas tous les commandements ne continueront à être appliqués après la résurrection des morts.
Prenons comme exemple la loi du lévirat. D’après la Torah, il est une  obligation pour le frère du défunt d’épouser la veuve de celui-ci  (Deut 25,25). Il va de soi  que lorsque la mort « sera anéantie pour toujours » et que « le Seigneur l'Eternel essuiera les larmes de dessus tout visage »  ( Is 25,8 ) ; cette loi cessera faute de veuves et de frère défunts.
De la même manière, puisque de péchés, il n’en existera plus,  tous les rituels d’ expiation cesseront ipso facto , comme l'enseigne le Midrash  :
 « Dans le futur, tous les sacrifices cesseront, mais les sacrifices de reconnaissance ne cesseront jamais; toutes les prières cesseront, mais les remerciements ne cesseront jamais   »
לעתיד לבוא כל הקרבנות בטלין וקרבן תודה אינו בטל, כל התפלות בטלות, ההודאה אינה בטלה
                                    ( Vayiqra Rabbah 8:7 )
Signalons également que d'après un avis rapporté dans le Midrash Tehilim sur le Psaume 146:5, puisque les prescriptions, tels que les interdits alimentaires, qui semblent n'avoir aucune raison rationnelle n’ont été prescrites par Dieu  que pour voir qui parmi les hommes acceptera sa parole, autrement dit, pour distinguer les justes qui lui obéissent des méchants, ces préceptes qui n'avaient été donnés que pour tester l'obéissance des hommes n’auront plus lieu d’être lorsque , dans le monde à venir, les impies seront définitivement retranchés et que le mauvais penchant aura été supprimé. Cette opinion est toutefois rejetée par le Midrash Tehilim qui la réfute en indiquant que le texte vient simplement enseigner que les captifs de la mort seront délivrés ( matir assourim ), et non que les interdits seront levés ( matir issourim ). Notons que les niqoudot ( points voyelles ) du Psaume 146:5 dans le texte massorétique donnent le même sens au texte :  « Adonaï matir assourim » ( L'Eternel délivre les captifs ).  
L'on comprend mieux pourquoi Rabbénou affirma d'une part que la Torah restera encore en vigueur après la destruction de ce monde-ci  ( Lc 16,17 cf Isaïe 40,8 ), mais que, d'autre part, il existe des commandements dans la Loi qui ne seront appliqués que « tant que le ciel et la terre ne passeront point »  ( Mt 5,18 ) 
En somme, la Torah conservera éternellement sa validité et ce ne sera que son application qui changera dans le monde futur. Et quand bien même l'observance de certains commandements cessera ( batel à la résurrection, c'est n'est pas parce que le Messie ou un autre viendra les faire cesser ( mevatel ), autrement dit les abroger, mais parce qu'il n'existera plus de raisons de les appliquer en ce que les changements qui se produiront dans le monde rendra leur suivi dénué de sens. En outre, malgré que certaines lois se rapportant au péché ou à la mort cesseront d'être appliquées lorsqu'il n'y aura plus ni fauteurs ni mortels et que, par conséquent, il n'existera plus de raisons de les accomplir, leur principe restera éternel en ce qu'elles devront de nouveau être observées dans le cas purement théorique où le péché et la mort referont apparition. A aucun moment,  cela ne changera car jamais Dieu n'annulera ou remplacera les commandements qu'il a donnés dans la Torah de Moise : 
« Je crois d’une foi parfaite que cette Torah ne sera pas échangée et que le Créateur, que son Nom soit béni, ne donnera pas d’autre Loi » 
אני מאמין באמונה שלמה, שזאת התורה לא תהא מחלפת ולא תהא תורה אחרת מאת הבורא יתברך שמו
 (  Le neuvième principe de foi du Judaïsme )
« R. Yo’hanan dit : Les livres prophétiques et les hagiographes seront annulés dans le futur, mais les cinq livres de la Torah ne seront jamais annulés  »
ר' יוחנן ורבי שמעון בן לקיש. רבי יוחנן אמר: הנביאים והכתובים עתידין ליבטל וחמשת ספרי תורה אינן עתידין ליבטל 

                           ( Talmoud Yéroushalmi, Méguilah 1,5 )
La « nouvelle Torah » mentionnée en certains endroits de la littérature des sages et qui, d'après la tradition rabbinique, sera révélée par le Messie, en ce sens, n'est autre que la Loi de Moïse comprise en profondeur et  telle qu’elle s’applique dans le contexte du monde futur, comme l'explique le Midrash Talpiyot qui mentionne comme suit tout ce que nous avons développé jusqu'ici 
«  Le Saint Béni Soit-il s’assoit et enseigne la nouvelle Torah qu’il donnera, dans le futur, à travers le Messie. La «  nouvelle Torah » désigne les secrets de la Torah et ses mystères qui sont restés cachés. Il ne s’agit pas d’une autre Torah, à Dieu ne plaise. La Torah qu’il nous donna à travers Moïse notre Maître, que la paix soit sur lui, est en effet  une Torah éternelle.  Ce qui est appelé « nouvelle Torah » n’est que la révélation des secrets de la Torah ou sa formulation primordiale (qui fut) d’une autre manière. La Torah, en effet, fut devant le Saint Béni Soit-il avec six mille lettres non arrangées.  Lorsque le premier homme fauta, Dieu arrangea les lettres suivant les choses que provoqua le péché, comme  « lorsqu'un homme mourra dans une tente » (Nombres 19 :14), la section en rapport à l’héritage,  la section en rapport au lévirat et d’autres choses semblables.  Si le premier homme n’avait pas fauté, ces lettres auraient été arrangées d’une autre manière.  De ce fait, lorsque, dans le monde à venir, la faute du premier homme aura été pardonnée et que ces lettres mêmes reviendront à leur état primordial, la Torah même de Moïse notre maître, que la paix soit sur lui, contiendra le nombre de ses lettres, ni plus ni moins,  réarrangées autrement comme elles l’auraient été si le premier homme n’avait pas fauté.   Et c’est la nouvelle Torah, qui n’est autre que la Torah même de Moïse,  que la paix soit sur lui, que le Saint Béni Soit-il enseignera aux justes.  Il se peut aussi que l’ordre des lettres comme elles sont aujourd’hui, tel que « Lorsqu'un homme mourra dans une tente » et le reste, sera préservée mais que le Saint Béni Soit-il révèlera  leur sens (caché) bien qu’ il n’y aura à lors plus ni mort, ni héritage, ni lévirat, ni lèpre dans la chair, sur la peau  ou dans les vêtements.  Il les expliquera d’une autre manière. Et c’est la nouvelle Torah qui est en réalité une chose cachée et très profonde qui sera une nouveauté pour ceux qui  vont l’entendre  »
הקב״ה יושב ודורש תורה חדשה שעתיד ליתן על ידי משיח ר״ל תורה חדשה סודי התורה ורזיה אשר היו נעלמים עד עתה ואין הכוונה תורה אחרת חלילה שהרי התורה שנתן לנו ע״י משה רע״ה היא תורה  נצחיית לעולם ועד אלא גילוי סודותיה הנעלמים  לא גילוי סודותיה הנעלמים נקרא תורה  חדשה או תורה חדשה היא בהקדמה הזכרתיה בענפים אחרים שהתורה היתה לפני הקב"ה באותיות ס' רבוא אותיות בלתי מסודרות מתיבות וכיון שחטא אדם הראשון סידר האותיות בדברים שגרם החטא כמו אדם כי ימות באוהל ופרשת נחלות ופרשת יבמין וכדומה וכאלה רבות שאם לא היה חוטא אדם הראשון היו אלו האותיות עצמן מסודרות בתיבות אחרים ע"ך והנה לעתיד לבא שעון אדם הראשון כבר נמחל וחוזרים הדברים לקדמותם תהיה התורה עצמה של משה רע"ה כמספר אותיותיה אין חסר אין יתר מסודרה מתיבות אחרות כמו שהיתה ראויה להיותה מסודרת אם לא היה חוטא אדם הראשון וזהו התורה חדשה שהקב"ה דורשה לצדיקים והיינו התורה עצמה של משה רבינו ע״ה או אפשר דסידור התיבות שמסודרים עתה אדם כי ימות וכדומה ודורשם להם הקב״ה בגילוי כוותם אף על פי שאז אין מיתה ואין נחלות אין יבמין ואין צרעת בבשר בעור ובבגד מפרשה על אופן אחר וזהוא תורה חדשה באמת דבר נעלם ועמוק עמוק שהוא חידוש לשמיעהם
( Midrash Talpiyot 58b )
Signalons que le terme « Torah » désigne aussi, dans la littérature rabbinique, l’enseignement de la Torah ou l’interprétation particulière qu’en fait un Maître , comme on peut le voir dans le traité Hagigah, où il est dit au sujet d’Elisha ben Avouya : 
זכור לתורתו ואל תזכור מעשיו וכו׳ נמשלו ת"ח לאגוז לומר לך מה אגוז זה אע"ף שמלוכלך בטיט ובצואה אין מה שבתוכו נמאס אף ת"ח אע"ף שסרח אין תורתו נמאסת


« Souviens-toi de sa Torah et non de ses œuvres […] Les érudits sont comparés à des noix pour te dire que comme les noix qui sont salies par la boue et la saleté mais dont le contenu n’est pas sale, il en est de même d’un érudit : même s’il pèche, sa Torah n’est pas salie  »
( Talmoud Bavli, Hagigah 15b )
Par Torah d’Elisha ben Avouya, le Talmoud veut clairement dire l’enseignement de la Torah par Elisha ben Avouya. De la même manière et suivant l'explication du Midrash Talpiyot, la « nouvelle Torah » n’est pas une autre Torah, mais la Loi de Moïse telle qu’interprétée et expliquée par le Messie, c'est à dire le nouvel enseignement de la Torah qu'il dispensera. 

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