samedi 8 mai 2021

Défense de l'Evangile de la circoncision, partie 5

Les sources extra-talmudiques et les témoignages historiques 

Les apocryphes 

D'après le livre de Baruch,  si la Sagesse, qui n'est autre que la  Torah, n'a pas trouvé demeure parmi les autres nations, c'est parce qu'elles ont rejeté et délaissé ses sentiers  :

« Écoute, Israël, les commandements de vie, prête l'oreille pour acquérir la connaissance. Pourquoi donc, Israël, pourquoi es-tu exilé chez tes ennemis, vieillissant sur une terre étrangère, souillé par le contact des cadavres, inscrit parmi les habitants du séjour des morts ? Parce que tu as abandonné la Source de la Sagesse ! Si tu avais suivi les chemins de Dieu, tu vivrais dans la paix pour toujours. Apprends où se trouvent et la connaissance, et la force, et l'intelligence ; pour savoir en même temps où se trouvent de longues années de vie, la lumière des yeux et la paix. Mais qui donc a découvert la demeure de la Sagesse, qui a pénétré jusqu'à ses trésors ? Où sont-ils, les chefs des nations, ceux qui domptent les bêtes de la terre, qui se jouent des oiseaux du ciel, et qui entassent l'argent et l'or, – ces biens auxquels les hommes accordent leur confiance – mais dont les possessions n'ont pas de fin ? Où sont-ils, ceux qui travaillent avec soin, mais dont les œuvres ne laissent pas de traces ? Ils ont disparu, ils sont descendus dans le séjour des morts, et d'autres se sont levés à leur place. De plus jeunes ont vu le jour, se sont installés sur la terre, mais le chemin du savoir, ils ne l'ont pas connu, ils n'ont pas compris les sentiers, ils ne l'ont pas saisi. Même leurs fils sont restés loin de son chemin. De la Sagesse, on n'a rien entendu en Canaan ; en Témane, nul ne l'a vue. Ni les fils d'Agar, recherchant l'intelligence sur la terre, ni les marchands de Merrane et de Témane, ni les conteurs de fables, ni les chercheurs d'intelligence n'ont connu le chemin de la Sagesse. Ils n'ont pas gardé mémoire de ses sentiers. C'est lui qui est notre Dieu : aucun autre ne lui est comparable. Il a découvert les chemins du savoir, et il les a confiés à Jacob, son serviteur, à Israël, son bien-aimé. Ainsi, la Sagesse est apparue sur la terre, elle a vécu parmi les hommes. Elle est le livre des préceptes de Dieu, la Loi qui demeure éternellement : tous ceux qui l'observent vivront, ceux qui l'abandonnent mourront.  Reviens, Jacob, saisis-la de nouveau ; à sa lumière, marche vers la splendeur : ne laisse pas ta gloire à un autre, tes privilèges à un peuple étranger.  Heureux sommes-nous, Israël ! Car ce qui plaît à Dieu, nous le connaissons. » (Baruch 3:9-38, 4:1) 

Les mots selon lesquels « tous ceux qui l'observent vivront, ceux qui l'abandonnent mourront » signifient  que les gentils n' hériteront pas de la vie. Le texte les nomme d'ailleurs  « habitants du séjour des morts » pour cette raison.   Le Siracide le dit également  :

« La sagesse se loue elle-même, et se glorifie au milieu de son peuple. Elle ouvre la bouche dans l'assemblée du Très-Haut, et se glorifie en présence de sa Majesté : Je suis sortie de la bouche du Très-Haut, et,comme une nuée, je couvris la terre. J'habitais dans les hauteurs, et mon trône était sur une colonne de nuée. Seule, j'ai parcouru le cercle du ciel, et je me suis promenée dans les profondeurs de l'abîme. Dans les flots de la mer et sur toute la terre, dans tout peuple et toute nation j'ai exercé l'empire. Parmi eux tous,  j'ai cherché un lieu de repos, et dans quel domaine je devais habiter. Alors le Créateur de toutes choses me donna ses ordres, et celui qui m'a créé fit reposer ma tente; et il me dit : « Habite en Jacob, aie ton héritage en Israël.  (...) Venez à moi, vous tous qui me désirez, et rassasiez-vous de mes fruits. Car mon souvenir est plus doux que le miel, et ma possession plus douce que le rayon de miel.  Ceux qui me mangent auront encore faim,et ceux qui me boivent auront encore soif. Celui qui m'écoute n'aura jamais de confusion, et ceux qui agissent par moi ne pécheront point. Tout cela, c'est le livre de l'alliance du Dieu très haut, c'est la Loi que Moïse a donnée, pour être l'héritage des assemblées de Jacob. Cette Loi fait déborder la Sagesse, comme le Phison, et comme le Tigre au temps des fruits nouveaux. Elle répand à flots l'intelligence, comme l'Euphrate, comme le Jourdain au temps de la moisson. Elle fait jaillir la science, comme le Fleuve, comme le Géhon au temps de la vendange » (Siracide 24)

Tout cela rejoint et confirme l'antiquité de la tradition tannaïtique quant à la raison pour laquelle la Torah n'a pas été donnée aux autres peuples et la condamnation de ceux qui ne s'y convertissent pas ; tradition superbement résumée par Nissim Gaôn dans le Séfer hamaftéah dont nous avons repris la synthèse dans la deuxième partie. Selon  le Testament de Lévi, être la Lumière des gentils, c'est leur apporter la Loi   :

«  Mais si vous êtes obscurcis par les transgressions, que feront par conséquent tous les gentils qui vivent dans l'obscurité ?  Oui, vous apporterez la malédiction sur notre race car la Lumière de la Loi qui a été donnée pour éclairer tous les hommes, c'est elle que vous voulez détruire » (Testament de Lévi 14:4)

Le Livre de la Sagesse déclare dans la même optique :

« Les Égyptiens méritaient d'être privés de lumière et d'être emprisonnés dans les ténèbres, pour avoir retenus enfermés Tes enfants, par qui la lumière inaltérable de Ta Loi devait être répandue dans le siècle. » ( Sagesse de Salomon 18:4 )

La littérature essénienne

Certains, sur la base du  livre des Jubilés (2è siècle avant l’ère chrétienne),  font remonter la théologie Noahide à l’époque du deuxième Temple.  Il peut être lu dans le passage en question :

« Et dans le 28e jubilé Noé commença d’enjoindre les fils de ses fils aux ordonnances et commandements et à tous les jugements qu’il connaissait et il recommanda à ses fils d’observer la justice et de couvrir la honte de leur chair et de bénir leur créateur et d’honorer père et mère et d’aimer leur prochain et garder leurs âmes contre la fornication et l’impureté et toute iniquité » (Jubilés 7,20)

Non seulement, cependant, la liste des lois noahides que donne le Livre des Jubilés n’est pas la même que celle qui est aujourd’hui communément admise, mais l’ouvrage précise ailleurs que croire en Dieu est un privilège que les Israélites ne partagent pas avec les Gentils :

« Il y a beaucoup de nations et beaucoup de peuples, et ils sont à lui et sur tous il plaça des esprits autorisés de les écarter de lui. Mais sur Israël il n’appointa aucun ange ou esprit, car lui seul est leur directeur et il les préservera, et les requerra de la main de ses anges et de ses esprits et de la main de tous ses pouvoirs afin qu’il puisse les préserver et les bénir et qu’ils puissent être à lui et qu’il puisse être à eux à partir de maintenant et à toujours »  (Jubilés 15 :30-32 )

Cette doctrine selon laquelle Dieu « plaça des esprits autorisés de les écarter [les Gentils] de Lui » suppose l’abrogation de l’alliance noahide.  Le livre des Jubilés, d’ailleurs,  ne connait que deux catégories d’hommes : « Les enfants de l’Alliance que l’Eternel a conclu avec Abraham », qui portent en leur chair la marque de la circoncision, et « les enfants de la destruction » qui seront « anéantis et éliminés » car n’ayant pas sur eux le « signe qu’ils appartiennent  à Dieu »  (Jubilés 15,26).  Le 4Q458, découvert parmi les manuscrits de Qoumrân, déclare dans  la même veine : ותבלע את כל הערלים « Toi (l’Eternel), tu consumeras tous les incirconcis ». Les Hymnes classent pareillement les incirconcis dans la catégorie des infidèles : בדרך קו[דשכה אשר ילכו] בה וערל וטמא ופריץ בל יעוברנה « Marchant dans ta sainte voie, en laquelle l’incirconcis, l’impur et le vicieux ne marchent pas » (Hymnes 14 :20-21)

En un mot, les Esséniens ne croyaient pas que le Salut est accessible en dehors de leur Communauté et ce, en dépit du fait qu' ils  ne faisaient pas de missionnariat. Pour eux,  c'est  Dieu  Lui-même qui égare les gentils. Ils prennent ainsi le contrepied de la tradition pharisienne selon laquelle Dieu a simplement exempté des commandements ceux qui font le choix, conscient ou inconscient, de Le  rejeter.  

Philon d'Alexandrie

Pour Philon, la traduction du Pentateuque en Grec au 3ème siècle avant l’ère commune était motivée par le désir de judaïser le monde Hellénistique. Philon pensait en effet que la rédaction de la Septante allait permettre à « chaque nation d’abandonner ses manières et de rejeter ses coutumes ancestrales pour honorer nos lois uniquement » (Vie de Moïse 2:43-44). Philon admettait certes l'existence de non juifs vertueux, mais, à l'en croire, cette vertu implique de reconnaître la vérité en la Révélation mosaïque, lorsque l'opportunité d'y adhérer est donnée, et de s'intégrer dans la nation juive :

« Et tous les hommes animés des  mêmes dispositions, qu'ils les aient d'emblée, de naissance, ou qu'ils se soient élevés en accédant par la conversion à un meilleur rang, il les accueille avec faveur, les uns pour n'avoir pas dérogé à la noblesse de leur race, les autres pour avoir pris la résolution de se transporter du côté de la piété — il appelle ceux-ci des « prosélytes » (c'est-à-dire des nouveaux-venus), parce qu'ils sont venus s'intégrer à une nouvelle République, chérie de Dieu —, eux qui dédaignent les fictions légendaires et s'attachent à la pure Vérité.  C’est pourquoi, ayant accordé à tous les nouveaux arrivés un statut d’égalité et autant de faveurs qu’aux citoyens de naissance, il exhorte les membres des anciennes familles à les honorer, non seulement par des égards extérieurs, mais aussi par une amitié toute spéciale et une bienveillance particulière.  Et c'est parfaitement justifié; « car ces gens», rappelle-t-il, « ont quitté leur patrie, leurs amis, leurs parents, par amour de la vertu et de la foi ; il ne faut pas qu'ils soient privés d'autres cités, d'autres parents, d'autres amis ; il faut apprêter des refuges pour accueillir ces volontaires de la piété » ( Lois Spéciales 51-53 )

Philon croyait que  tous les gentils qui rejettent la Torah en connaissance de cause seront châtiés  :

« Et il y a certains d'entre les Gentils, qui, parce qu'ils délaissent le culte de l'Unique, pour cet abandon des rangs les plus importants, ceux de la piété et de la foi, méritent d'être frappés des plus sévères châtiments, car ils préfèrent l'obscurité à la plus éclatante lumière » ( Lois Spéciales 54 )

A noter que nul part dans ses écrits Philon ne fait mention d'un ensemble de lois positives  s'appliquant spécialement aux gentils. 

Flavius Josèphe

Flavius Josèphe relate en ces termes le récit de la conversion d'Izatès, le Roi du royaume d'Adiabène  :

« Au temps où Izatès vivait au Camp de Spasinès, un commerçant juif, nommé Ananias, qui avait accès dans le gynécée royal, apprit aux femmes à adorer Dieu selon la coutume nationale des Juifs. Grâce à elles il se fit connaître d'Izatès et le persuada aussi. Lorsque celui-ci fut rappelé par son père en Adiabène, Ananias l'accompagna, obéissant à ses pressantes sollicitations. Or, il était arrivé qu'Hélène, instruite de la même façon par un autre Juif, s'était convertie également à leurs lois. Quand Izatès eut pris la royauté et qu'arrivant en Adiabène il vit ses frères et ses autres parents enchaînés, il fut mécontent de ce qui était arrivé. Regardant comme impie de les tuer ou de les garder enchaînés, mais jugeant dangereux de les laisser libres auprès de lui alors qu'ils se souviendraient des offenses reçues, il envoya les uns comme otages à Rome près de l'empereur Claude avec leurs enfants et il expédia les autres sous un prétexte analogue chez Atabane le Parthe. Ayant appris que sa mère était fort satisfaite des coutumes juives, il s'empressa de s'y rallier également, et croyant qu'il ne serait définitivement juif qu'une fois circoncis, il était prêt à se faire circoncire. Mais sa mère, l'apprenant, tenta de l'empêcher en lui disant que cela le mettrait en danger: en effet, il était roi et il s'aliénerait beaucoup ses sujets s'ils apprenaient qu'il désirait adopter des mœurs étrangères et opposées aux leurs, car ils ne supporteraient pas d'avoir un roi juif. Voilà ce qu'elle disait, s'opposant de toutes ses forces à son dessein, et Izatès rapporta ses paroles à Ananias. Mais ce dernier approuva la mère du roi; il le menaça de le quitter s'il ne lui obéissait pas et de l'abandonner. En effet, il craignait, disait-il, si l'affaire était connue de tous, de risquer de se voir châtié comme responsable de tout cela et comme ayant incité le roi à des actes indignes de lui; d'ailleurs, le roi pouvait adorer Dieu, même sans être circoncis, s'il avait décidé d'observer complètement les lois ancestrales des Juifs, ce qui importait plus que la circoncision. Il lui dit aussi que Dieu lui-même lui pardonnerait d'avoir renoncé à ce vite, contraint à cela par la nécessité et la crainte qu'il avait de ses sujets. Le roi se laissa alors persuader par ses paroles. Mais ensuite, comme il n'avait pas renoncé absolument à son dessein, un second Juif venu de Galilée et nommé Eléazar, qui passait pour très versé dans la loi de ses pères, l'exhorta à accomplir cet acte. En effet, étant entré chez lui pour le saluer et l'avant surpris en train de lire la loi de Moïse: «Tu ignores, dit-il, que tu fais la plus grande offense aux lois et par suite à Dieu: il ne suffit pas de les lire, il faut avant tant faire ce qu'elles ordonnent. Jusques à quand resteras-tu incirconcis ? Si tu n'as pas encore lu la loi sur la circoncision, lis la sur le champ pour savoir quelle est ton impiété.» Après avoir entendu ces paroles, le roi ne différa plus l'opération: se retirant dans une autre chambre et ayant mandé un médecin, il exécuta ce qu'on lui avait prescrit » (Antiquités Juives 20 :2 : 3-4)

Comme le montre ce passage, Ele`azar croyait que le refus de se circoncire,  en d’autres termes, de devenir juif, est une « impiété » et une « offense aux lois et par suite à Dieu ».  Ananias, lui, était d’avis que « Dieu lui-même lui pardonnerait (au roi) d'avoir renoncé » à la circoncision, « contraint à cela par la nécessité et la crainte qu'il avait de ses sujets ». Ces propos d’Ananias n’ont de sens que si la notion que les Gentils peuvent plaire à Dieu sans se convertir était étrangère au Judaïsme de l’époque du deuxième Temple et que même pour  le libéral Ananias, l’incirconcis encoure en principe le châtiment divin. Si tel n'était pas le cas, l’on ne verrait pas comment Dieu « pardonnerait » ce qui n’est pas une faute. L’on notera d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt  qu’Ananias n’a pas prescrit à Izatès de devenir « noahide » mais d’observer « complètement les lois ancestrales des Juifs » à défaut de pouvoir se faire Prosélyte.  Ce passage nous permet aussi de constater que le  missionariat auprès des Gentils était  monnaie courante à l’époque. Il ne faut donc pas s'étonner de voir Flavius Josèphe écrire en un autre endroit  :

« La multitude aussi est depuis longtemps prise d'un grand zèle pour nos pratiques pieuses, et il n'est pas une cité grecque ni un seul peuple barbare, où ne se soit répandue notre coutume du repos hebdomadaire, et où les jeûnes, l'allumage des lampes, et beaucoup de nos lois relatives à la nourriture ne soient observés.  Ils s'efforcent aussi d'imiter et notre concorde et notre libéralité et notre ardeur au travail dans les métiers et notre constance dans les tortures subies pour les lois. Car ce qui est le plus étonnant, c'est que, sans le charme ni l'attrait au plaisir, la loi a trouvé sa force en elle-même, et, de même que Dieu s'est répandu dans le monde entier, de même la loi a cheminé parmi tous les hommes. Que chacun examine lui-même sa patrie et sa famille, il ne mettra point en doute mes paroles. » ( Contre Apion 282-283 )

Considérons encore cet extrait des Antiquités judaïques :

« Hyrcan prit aussi les villes d'Idumée, Adora et Marissa, soumit tous les Iduméens et leur permit de rester dans le pays à la condition de se soumettre à la circoncision et aux lois des Juifs. Par attachement au sol natal, ils acceptèrent de se circoncire et de conformer leur genre de vie à celui des Juifs. C'est à partir de cette époque qu'ils ont été des Juifs véritables … Hyrcan changea la forme du gouvernement des Iduméens pour leur donner les coutumes et les lois des Juifs » (Antiquités judaïques 8:9, 15:9)

Josèphe dit similairement concernant Aristobule, le fils et successeur d’Hyrcan :

« On l'appelait Philhellène, et il avait rendu de grands services à sa patrie : il avait fait la guerre aux Ituréens, et annexé une partie considérable de leur territoire à la Judée, forçant les habitants, s'ils voulaient demeurer dans le pays, à se circoncire et à vivre suivant les lois des Juifs. Il était d'un naturel équitable et très modeste, comme en témoigne Strabon, d'après Timagène : « C'était un homme équitable, et qui fut d'une grande utilité aux Juifs ; il agrandit, en effet, leur territoire, et leur annexa une partie du peuple des Ituréens, qu'il leur unit par le lien de la circoncision » (Antiquités 13 :11 :3 )

Josèphe relate que sous le règne d’Alexandre Jannée, fils d’Aristobule :

 « Les Juifs possédaient les villes suivantes de Syrie, d'Idumée et de Phénicie. Sur la mer, la Tour de Straton, Apollonia, Jopé, Iamnée, Azotos, Gaza, Anthédon, Raphia, Rhinocoroura. Dans l'intérieur : en Idumée, Adora et Marisa, l’Idumée entière ; Samarie, le mont Carmel, le mont Itabyrion, Scythopolis, Gadara ; en Gaulanitide, Séleucie et Gamala ; en Moabitide, Hesbon, Médaba, Lemba, Oronas, Telithon, Zara, le val des Ciliciens. Pella, qui fut détruite parce que les habitants refusaient d'adopter les coutumes nationales des Juifs ; nombre d'autres villes parmi les plus importantes de Syrie leur furent soumises »  (Antiquités 13 :15 :3-6)

Il est manifeste que le noahisme était étranger à la théologie des hasmonéens. Dans le cas contraire, l’on ne verrait pas pourquoi Hyrcan et ses successeurs auraient contraint les populations avoisinantes à se convertir au lieu de simplement leur imposer les sept lois de Noé.

Le Nouveau Testament

Il peut être lu en Galates 5:11 :

« Si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore persécuté ? Le scandale de la croix a donc été levé ! »

« Prêcher la circoncision », dans le contexte de l’épître aux Galates,  voulant dire annoncer le salut par la  soumission à toute la Torah (Galates 5 :1), l’on comprend qu’avant de devenir Chrétien, Paul,  en tant que Pharisien,  prêcha aux païens le salut par la conversion au judaïsme. Cela confirme Matthieu 23 :15 où l’on peut lire au sujet des Pharisiens du premier siècle qu’ils « parcouraient la mer et la terre pour faire un seul prosélyte » et le livre des Actes qui rapporte que « la secte des Pharisiens qui crurent » ont enjoint aux disciples issus du paganisme  de se circoncire et d’observer la Loi mosaïque s’ils voulaient être sauvés (Actes 15:1,5).  Dans l'épître aux Romains, Paul explique comme suit l'absence de tout précepte s'adressant aux Gentils :

 « Puisque ayant connu Dieu, ils ne l'ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces; mais ils se sont égarés dans leurs pensées, et leur coeur sans intelligence a été plongé dans les ténèbres. Se vantant d'être sages, ils sont devenus fous; et ils ont changé la gloire du Dieu incorruptible en images représentant l'homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes, et des reptiles. C'est pourquoi Dieu les a livrés à l'impureté, selon les convoitises de leurs coeurs ; en sorte qu'ils déshonorent eux-mêmes leurs propres corps; eux qui ont changé la vérité de Dieu en mensonge, et qui ont adoré et servi la créature au lieu du Créateur, qui est béni éternellement. Amen! C'est pourquoi Dieu les a livrés à des passions infâmes: car leurs femmes ont changé l'usage naturel en celui qui est contre nature » ( Romains 1:21-26)

Ce passage, qui confirme les observations du Pné Yéhoshou`a, témoigne de l'antiquité de la tradition selon laquelle Dieu exempta des préceptes noahides les nations  qui n'ont pas voulu Lui obéir et accepter  la totalité de sa Loi lorsqu' elle leur a été proposée. Paul est sans équivoque :

« Oui, il est notre paix, celui qui des deux a fait un, ayant aboli le mur mitoyen de la séparation, la haine, dans sa propre chair; annulant la tora des misvot en ses ordonnances, pour que des deux soit créé en lui un seul homme nouveau par lui artisan de paix, et qu’il réconcilie les deux en un seul corps pour Elohîms, à travers la croix, tuant la haine en lui » (Ephésiens  2 :14-16, Chouraqui)

Ce qui veut dire qu’ avant la crucifixion,  les Gentils n’étaient pas sauvés ou, pour reprendre les mots employés par Paul, « privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans espérance et sans Dieu dans le monde »  (Eph 2 :11-12).  Ici, Paul reprend à son compte la tradition reprise dans le Talmud de Babylone, traité Shabbath 89a :

 [הר סיני, הר שירדה שנאה לאומות העולם עליו [רש"י : שלא קבלו בו תורה

 « Pourquoi la montagne est t-elle appelée Sinaï ? Car c'est la montagne sur laquelle la haine (sin'ah) pour les Nations du monde descendit [Commentaire de Rashi: Car elles n'y ont pas accepté la Torah] »  (Talmud de Babylone, Shabbath 89a)

Les sources patristiques et gréco-romaines 

Dans ses satires, Horace, né en 65 avant l'ère commune et mort en l'an 8, témoigne du fait que  le prosélytisme juif , dont il se moque , était à son époque courant dans le monde romain  :

« De nombreux poètes viendront à mon aide, car nous sommes beaucoup plus nombreux et nous te forcerons comme le font les juifs à te joindre à notre foule  (ac veluti te Iudaei cogemus in hanc concedere turbam) »  (Satires 1:4) 

Le judaïsme rencontrait d’ailleurs un tel succès que Sénèque, au premier siècle, s’en agaça et déclara que « les coutumes de cette nation scélérate (les juifs) ont si bien prévalu, qu’elles sont déjà reçues dans tout l’univers. Les vaincus ont imposé leurs lois aux vainqueurs » (Cité de Dieu 4,11).  Considérons également cet extrait du Dialogue de Justin avec Tryphon  qui  nous fait mieux  connaître  la position du judaïsme au deuxième siècle de l'ère chrétienne :

« Oui, reprit Tryphon, ce que vous venez de dire en dernier lieu est la seule chose qui nous étonne ; pour les discours de la multitude, ils ne méritent pas d'être répétés et répugnent trop à la nature. Je trouve, au contraire, dans le livre que vous appelez Évangile de très beaux préceptes de morale, mais si élevés et si sublimes, que je les crois impraticables; car j'ai eu la curiosité de lire ce livre.  Mais n'est-il pas étonnant que des hommes qui se piquent de piété, qui prétendent par là se distinguer des autres, n'en diffèrent en aucune manière et ne vivent pas mieux que les gentils? En effet, vous n'observez ni les fêtes, ni le sabbat, ni la circoncision; vous placez votre espérance dans un crucifié, vous ne suivez aucun des préceptes du Seigneur, et vous osez attendre de lui des récompenses ! Ne lisez-vous pas, dans le Testament qu'il nous a donné, que tout homme qui n'aura pas été circoncis le huitième jour périra d'entre son peuple? La loi comprend jusqu'aux étrangers qui vivent parmi nous, jusqu'aux esclaves que l'on achète.  Vous ne tenez compte ni du Testament, ni de ses conséquences! Comment donc nous persuaderez-vous que vous connaisses Dieu, lorsque vous ne faites rien de ce qu'on voit faire à tous ceux qui le craignent? Montrez-nous, si vous le pouvez, sur quoi se fonde votre espoir quand vous transgressez la loi; donnez-nous une raison qui nous satisfasse: alors nous vous écouterons très volontiers, et c'est avec le même plaisir que nous discuterons tout le reste avec vous » (Dialogue avec Tryphon 10:2)

L'on voit que Tryphon reproche aux Chrétiens non-juifs, non pas leur désobéissance aux lois de Noé, mais leur refus d'observer les préceptes rituels de la Torah dont les fêtes, le Shabbath et la circoncision. D'après Tryphon, les Chrétiens, parce qu'ils ne soumettent pas à la Loi mosaïque, ne doivent espérer aucune récompense de la part de Dieu.  Nous lisons  également dans l'ouvrage :

« Mais, dit Tryphon, si quelqu'un, persuadé de cette vérité, voulait encore garder les observances légales, bien qu'il reconnût Jésus-Christ pour le Christ, qu'il crût en lui et obéit à sa parole, sera-t-il sauvé ? — A mon avis, il le sera, lui répondis-je, pourvu toutefois qu'il ne cherche point à persuader aux autres, c'est-à-dire aux gentils affranchis de l'erreur par Jésus-Christ, qu'ils doivent comme lui pratiquer ces observances, et qu'il ne soutienne pas que sans elles on ne peut obtenir le salut, comme vous le prétendiez vous-même, Tryphon, au commencement de cette discussion : car vous m'avez dit formellement que je ne serais pas sauvé, si je n'observais pas la loi.»  ( Dialogue avec Tryphon 47:1 )

Justin se réfère au propos de Tryphon rapportés au chapitre 8, où l'on peut effectivement lire :

« Quand vous abandonnez Dieu pour croire à la parole d'un homme, quel espoir de salut peut vous rester? Si vous voulez m'en croire, car je vous regarde déjà comme un ami, faites-vous d'abord circoncire, puis observez le sabbat, les fêtes, les nouvelles lunes comme la loi le prescrit; en un mot, faites tout ce qu'elle commande, peut-être alors trouverez-vous grâce devant le Seigneur. Si le Christ est né et demeure quelque part, il est inconnu, il ne se connaît pas lui-même et n'a aucun moyen de se faire connaître. Il faut d'abord que le prophète Elle vienne lui donner l'onction sainte et le révèle à la terre. Sur de vains bruits, vous avez rêvé un Christ qui n'est que dans votre imagination, et dupe de vous-même, vous courez aveuglément à votre perte. »

L'extrait suivant laisse voir que pour les juifs de l'époque, « apporter le salut jusqu' aux extrémités de la terre  » et  être la lumière des nations (Isaïe 49:9)  consiste à en faire prosélytes à la Torah d'Israël    :

« Par lui il nous a été donné d'entendre et de comprendre et d'obtenir le salut, et de connaître tout ce que Dieu le père a voulu nous révéler; aussi Dieu le père adresse t-il au Christ ces paroles : « II vous est glorieux d'être appelé mon serviteur, pour réparer les restes de Jacob et convertir les tribus d'Israël; je vous ai établi la lumière des nations et la salut des extrémités de la terre. » Vous croyez que ces paroles s'entendent des étrangers ou de vos prosélytes. Elles n'ont de sens véritable qu'autant qu'elles s'appliquent à nous autres gentils, amenés à la lumière par Jésus : s'il en était autrement, il vous aurait rendu témoignage; mais qu'a-t-il dit à l'égard de vous? Que vous étiez doublement enfants de colère. Ainsi donc ces paroles des prophètes s'entendent, non de vos prosélytes, mais de nous autres, dont l'Ecriture parle en ces termes : « Je conduirai les aveugles dans une voie qu'ils ne connaissent pas, et je les ferai marcher dans des sentiers qu'ils ignorent C'est moi qui l'atteste, dit le Seigneur, et avec moi le serviteur que j'ai choisi. » A qui le Christ rend-il témoignage ? N'est-ce pas à ceux qui croient en lui? Non-seulement vos prosélytes n'y croient pas, mais ils enchérissent encore sur vous dans leurs blasphèmes contre le nom de Jésus, et nous autres qui croyons, nous avons tout à souffrir de leur part: ils ne cherchent qu'à nous faire mourir ; enfin ils se montrent en toutes choses vos dignes émules.  Ailleurs, le Seigneur dit encore : « Moi le souverain maître, je t'ai appelé dans les décrets de ma justice ; je te prendrai par la main, je te donnerai pour signe d'alliance à mon peuple, et pour lumière aux nations ; tu ouvriras les yeux aux aveugles, tu brisera les fers des captifs. » Quand vous voyez si clairement que chaque parole se rapporte au Christ et aux nations qu'il a éclairées, direz-vous encore que c'est la loi, que ce sont vos prosélytes que le Seigneur avait en vue?  Alors quelques-uns de ceux qui étaient venus la veille se mirent à crier, comme s'ils étaient au théâtre :— Quoi donc est-ce que tous ces passages ne s'entendent pas de la loi et de tous ceux qu'elle éclaire, c'est-à-dire des prosélytes que nous pouvons faire? — Point du tout, répondis-je en regardant Tryphon; car si la loi suffit pour éclairer et les gentils et ceux qui vivent sous la loi, qu'était-il besoin d'un testament nouveau ? Mais puisque Dieu a dit qu'il établirait un commandement, un testament nouveau, une loi éternelle, nous voyons bien qu'il ne s'agit plus de l'ancienne loi, ni de ses prosélytes, mais du Christ et des prosélytes du Christ, c'est-à-dire de nous autres gentils qu'il a éclairés, comme il le dit ailleurs (...) Reconnaissez donc que tout, en effet, s'entend du Christ et ne peut s'expliquer autrement. Vos prosélytes n'ont pas besoin de testament nouveau, puisque tous les circoncis sont compris sous une seule et même loi; et l'Ecriture a dit, en parlant de ces derniers : « Les étrangers se joindront à eux ; ils s'uniront à la maison de Jacob. » Le prosélyte a besoin d'être circoncis pour s'unir au peuple et faire, aux yeux de tous, partie de la nation.  » (Dialogue 122-123)

Comme en atteste la suite du passage, le point de vue selon lequel les gentils n' ont pas à adopter la Torah en vue du salut  était à l'époque une croyance non pas juive mais chrétienne  :

« Eh bien ! nous qu’on appelle le peuple choisi, nous jugés dignes de prendre ce titre, nous sommes la nation sainte, par là même que nous ne sommes pas circoncis. N’est-il pas ridicule de croire que les yeux de vos prosélytes sont ouverts à la lumière, tandis que les vôtres restent fermés ; qu’ils entendent et qu’ils voient, tandis que vous êtes sourds et aveugles ? Mais ne tombez-vous pas dans un plus grand ridicule, si vous dites que la loi fut donnée aux gentils, et que cette même loi vous ne l’avez pas connue : assurément si vous l’aviez connue vous auriez redouté la colère de Dieu ; vous ne seriez pas des enfants d’iniquité, flottant çà et là au gré de l’erreur ; vous vous seriez épargné ces reproches que vous adresse si souvent le Seigneur  »  (Ibid.)

Origène, en 248 de l’ère commune, rapporte encore :  

« Je me souviens qu'en une dispute que j’eus un jour avec ceux qui portent le nom de sages parmi les Juifs, je me servis de ces prophéties. Le Juif me disait que ces prédications se référaient à la nation toute entière, qui est vue comme un seul individu, et comme les Juifs ont été dispersés parmi diverses nations païennes, il prétendait que le peuple avait été ainsi répandu et frappé afin de faire des prosélytes. C'est de la sorte qu'il expliquait ces paroles : Ta beauté sera en mépris parmi les hommes ; et celles-ci : Ceux à qui on ne l'avait point découvert le verront; et celles-ci encore : C’est un homme tout noirci de coups » (Contre celse 1:55)

L'expansion du judaïsme, dont Rome a compris qu' il ne s'agissait pas que d'une religion mais également d'une identité nationale, était apparemment perçue comme une menace. Au deuxième siècle, l'empereur Adrien a  interdit la pratique de la circoncision dans les confins de l'Empire (Histoire Auguste, Vie d'Adrien 14:2).  Toujours selon l'Histoire Auguste, l'empereur Sévère (146-211) « établit de graves châtiments contre quiconque embrasserait la religion des juifs ou des chrétiens » (Vie de Septime Sévère 17:1).  Le Code de Théodose rapporte similairement au nom de Gratien ( 359-389 )  : 

«  Les actes disgracieux de ceux qui ont méprisé la dignité de la Religion Chrétienne et son nom et qui se sont pollués avec la contagion juive seront également punis » (Codex de Théodose 16:7:3) 

Et de  Constantin ( 272-337 ) : 

« Nous voulons que les juifs, leurs anciens et leurs patriarches soient informés qu' après la promulgation de cette loi […]  si un individu du peuple rejoint  leur secte infâme et se joint à leur assemblée, il subira avec eux les châtiments mérités » (Codex de Théodose 16:8:1)  

C'est dans ce contexte que le judaïsme s'est replié sur lui-même. Le traité Guérim y fait d'ailleurs allusion en ces termes : 

הרוצה להתגייר אין מקבלין אותו מיד אומרים לו מה לך להתגייר והלא אתה רואה את האומה הזאת נמוכה וכפופה ושפילה מכל האומות וחולאים ויסורים באים עליהן וקוברין בנים ובני בנים ונהרגין על המילה ועל הטבילה ועל שאר כל המצות ואינם נוהגים בפרהסיא כשאר כל האומות וכו׳ קבל עליו הורידהו לבית הטבילה וכו׳ טבל ועלה אומרים לו דברים טובים ונכונים במי נדבקת אשריך במי שאמר והיה העולם שלא נברא העולם אלא בשביל ישראל ולא נקראו בנים למקום אלא ישראל ואין חביבין לפני המקום אלא ישראל כל אותם דברים שדברנו לך לא אמרנו לך אלא להרבות שכרך 

«  L'on n'accepte pas immédiatement celui qui vient se convertir , mais on lui dit : Pourquoi est-tu venu te convertir ? Ne sais-tu pas que cette nation est rabaissée, soumise et plus dégradée que n' importe quelle nation et que des maladies et des souffrances viennent sur eux ( les israélites ), qu' ils enterrent enfants et petits enfants, et qu' ils sont tués à cause de l'immersion et de la circoncision , et le reste des commandements et qu' ils n'agissent pas en public comme le reste des nations ? [...] S'il accepte, on l'emmène dans la maison d'immersion [ ... ] Lorsqu’il remonte de l’immersion, on lui dit des paroles bonnes et exactes : Heureux es-tu, car tu t’es attaché à Celui qui qui fit le monde par Sa Parole. En effet, le monde n’a été créé que pour Israël, et nul n’est appelé enfants de Dieu en dehors des Israélites, et personne n’est aimé par Dieu en dehors des Israélites . Et tout ce que nous t'avons dit , nous ne l'avons dit qu'afin d'augmenter ton salaire »  (Traité Guérim chap. 1)

Le Coran

Le Coran rapporte  :

« Ni les Juifs, ni les Chrétiens ne seront jamais satisfaits de toi, jusqu'à ce que tu suives leur religion » (Coran 2:120)

« Ils ont dit :  Soyez Juifs ou Chrétiens, vous serez donc sur la bonne voie. »  (Coran 2 :135)

 « Et ils ont dit:  Nul n'entrera au Paradis que Juifs ou Chrétiens. »   (Coran 2 :111)

Au 7e siècle, les Juifs prêchaient ainsi aux arabes que le Salut n'est accessible qu'aux juifs. Notons qu' avant l'islamisation de l'Arabie,  des tribus  entières étaient  juives, dont,  entre autres, les Banou Qourayzah, les Banou Qaynouqa et les Banou Nadir, à Yathrib et aux alentours, et les Himyarites au  sud-ouest  de la Péninsule arabique. Siméon de Bêth Arsham, un ecclésiastique syrien du 5e siècle, dit dans sa Lettre sur les martyres de Najrân, que  des prédicateurs juifs étaient envoyés  « année après année et saison après saison » jusqu'au Yémen  depuis Tibériade, qui  était  le siège du patriarcat de la terre d'Israël et un centre important du judaïsme talmudique qui rivalisait avec les yéshivot de Babylone. Ceci atteste que le prosélytisme juif s'est poursuivi en dehors des frontières de l'empire romain. 

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