Les sources extra rabbiniques
Pour (re)lire : Défense de l'Evangile de la circoncision, partie I
Les témoignages extra rabbiniques révèlent également à notre lecture
que le judaïsme de toute la période antique ne savait rien du noahisme.
La Littérature Essénienne
Certains, sur la base du livre
des Jubilés (IIè siècle avant l’ère chrétienne), font remonter la théologie Noa'hide à l’époque
du deuxième Temple. Il peut être lu dans
le passage en question :
« Et dans le 28e jubilé Noé commença d’enjoindre les fils de ses fils
aux ordonnances et commandements et à tous les jugements qu’il connaissait et
il recommanda à ses fils d’observer la justice et de couvrir la honte de leur
chair et de bénir leur créateur et d’honorer père et mère et d’aimer leur
prochain et garder leurs âmes contre la fornication et l’impureté et toute
iniquité » (Jubilés 7,20)
Non seulement, cependant, la liste des lois noa’hides que donne le
Livre des Jubilés n’est pas la même que celle qui est aujourd’hui communément
admise, mais l’ouvrage précise ailleurs que croire en Dieu est un privilège que
les Israélites ne partagent pas avec les Gentils :
« Il y a beaucoup de nations et beaucoup de peuples, et ils sont à lui
et sur tous il plaça des esprits autorisés de les écarter de lui. Mais sur
Israël il n’appointa aucun ange ou esprit, car lui seul est leur directeur et
il les préservera, et les requerra de la main de ses anges et de ses esprits et
de la main de tous ses pouvoirs afin qu’il puisse les préserver et les bénir et
qu’ils puissent être à lui et qu’il puisse être à eux à partir de maintenant et
à toujours » (Jubilés 15 :30-32 )
L’idée que Dieu « plaça des esprits autorisés de les écarter [les
Gentils] de Lui » suppose l’abrogation de l’alliance noahide.
Le livre des Jubilés,
d’ailleurs, ne connait que deux
catégories d’hommes : « les enfants de l’Alliance que l’Eternel a conclu avec
Abraham », qui portent en leur chair la marque de la circoncision, et « les
enfants de la destruction » qui seront « anéantis et éliminés » car n’ayant pas
sur eux le « signe qu’ils appartiennent
à Dieu » (Jubilés 15,26). Le
4Q458, découvert parmi les manuscrits de la mer morte, déclare dans la même veine :
« Toi (l’Eternel), tu consumeras tous les incirconcis » ותבלע את כל הערלים
Les Hodayot classent les incirconcis dans la catégorie des infidèles :
« Marchant dans ta sainte voie, en laquelle l’incirconcis, l’impur et le vicieux ne marchent pas » בדרך קו[דשכה אשר ילכו] בה וערל וטמא ופריץ בל יעוברנה (Hodayot 14 :20-21)
Les Hodayot classent les incirconcis dans la catégorie des infidèles :
« Marchant dans ta sainte voie, en laquelle l’incirconcis, l’impur et le vicieux ne marchent pas » בדרך קו[דשכה אשר ילכו] בה וערל וטמא ופריץ בל יעוברנה (Hodayot 14 :20-21)
La
tradition essénienne atteste clairement de l’antiquité de l'idée de l’abrogation de
l’alliance noa'hide et de l’impossibilité d’être sauvé ou de plaire à Dieu en
dehors de l’alliance de la Loi.
Flavius Josèphe
Flavius Josèphe relate en ces termes le récit de la conversion
d'Izatès, le Roi du royaume d'Adiabène, au premier siècle :
« Au temps où Izatès vivait au Camp de Spasinès, un commerçant juif,
nommé Ananias, qui avait accès dans le gynécée royal, apprit aux femmes à
adorer Dieu selon la coutume nationale des Juifs. Grâce à elles il se fit
connaître d'Izatès et le persuada aussi. Lorsque celui-ci fut rappelé par son
père en Adiabène, Ananias l'accompagna, obéissant à ses pressantes
sollicitations. Or, il était arrivé qu'Hélène, instruite de la même façon par
un autre Juif, s'était convertie également à leurs lois. Quand Izatès eut pris
la royauté et qu'arrivant en Adiabène il vit ses frères et ses autres parents
enchaînés, il fut mécontent de ce qui était arrivé. Regardant comme impie de
les tuer ou de les garder enchaînés, mais jugeant dangereux de les laisser
libres auprès de lui alors qu'ils se souviendraient des offenses reçues, il
envoya les uns comme otages à Rome près de l'empereur Claude avec leurs enfants
et il expédia les autres sous un prétexte analogue chez Atabane le Parthe.
Ayant appris que sa mère était fort satisfaite des coutumes juives, il
s'empressa de s'y rallier également, et croyant qu'il ne serait définitivement
juif qu'une fois circoncis, il était prêt à se faire circoncire. Mais sa mère,
l'apprenant, tenta de l'empêcher en lui disant que cela le mettrait en danger:
en effet, il était roi et il s'aliénerait beaucoup ses sujets s'ils apprenaient
qu'il désirait adopter des mœurs étrangères et opposées aux leurs, car ils ne
supporteraient pas d'avoir un roi juif. Voilà ce qu'elle disait, s'opposant de
toutes ses forces à son dessein, et Izatès rapporta ses paroles à Ananias. Mais
ce dernier approuva la mère du roi; il le menaça de le quitter s'il ne lui
obéissait pas et de l'abandonner. En effet, il craignait, disait-il, si
l'affaire était connue de tous, de risquer de se voir châtié comme responsable
de tout cela et comme ayant incité le roi à des actes indignes de lui;
d'ailleurs, le roi pouvait adorer Dieu, même sans être circoncis, s'il avait
décidé d'observer complètement les lois ancestrales des Juifs, ce qui importait
plus que la circoncision. Il lui dit aussi que Dieu lui-même lui pardonnerait
d'avoir renoncé à ce vite, contraint à cela par la nécessité et la crainte
qu'il avait de ses sujets. Le roi se laissa alors persuader par ses paroles.
Mais ensuite, comme il n'avait pas renoncé absolument à son dessein, un second
Juif venu de Galilée et nommé Eléazar, qui passait pour très versé dans la loi
de ses pères, l'exhorta à accomplir cet acte. En effet, étant entré chez lui
pour le saluer et l'avant surpris en train de lire la loi de Moïse: «Tu
ignores, dit-il, que tu fais la plus grande offense aux lois et par suite à
Dieu: il ne suffit pas de les lire, il faut avant tant faire ce qu'elles
ordonnent. Jusques à quand resteras-tu incirconcis ? Si tu n'as pas encore lu
la loi sur la circoncision, lis la sur le champ pour savoir quelle est ton
impiété.» Après avoir entendu ces paroles, le roi ne différa plus l'opération:
se retirant dans une autre chambre et ayant mandé un médecin, il exécuta ce
qu'on lui avait prescrit » (Antiquités Juives 20 :2 : 3-4)
Comme le montre ce passage, Ele`azar croyait que le refus de se
circoncire, en d’autres termes, de
devenir juif, est une « impiété » et une « offense aux lois et par suite à Dieu
». Ananias, lui, était d’avis que « Dieu
lui-même lui pardonnerait (au roi) d'avoir renoncé » à la circoncision, «
contraint à cela par la nécessité et la crainte qu'il avait de ses sujets ».
Ces propos d’Ananias n’ont de sens que si la notion que les Gentils peuvent
plaire à Dieu sans se convertir était étrangère au Judaïsme de l’époque du
deuxième Temple et que même pour le
libéral Ananias, l’incirconcis encoure en principe le châtiment divin. Si tel
n'était pas le cas, l’on ne verrait pas comment Dieu « pardonnerait » ce qui
n’est pas une faute. L’on notera d’ailleurs avec beaucoup d’intérêt qu’Ananias n’a pas prescrit à Izatès de
devenir « noahide » mais d’observer « complètement les lois ancestrales des
Juifs » à défaut de pouvoir se faire Prosélyte.
Ce passage nous permet aussi de constater que le missionnariat auprès des Gentils était monnaie courante à l’époque. Considérons
encore cet extrait des Antiquités judaïques :
« Hyrcan prit aussi les villes d'Idumée, Adora et Marissa, soumit tous
les Iduméens et leur permit de rester dans le pays à la condition de se
soumettre à la circoncision et aux lois des Juifs. Par attachement au sol
natal, ils acceptèrent de se circoncire et de conformer leur genre de vie à
celui des Juifs. C'est à partir de cette époque qu'ils ont été des Juifs
véritables … Hyrcan changea la forme du gouvernement des Iduméens pour leur
donner les coutumes et les lois des Juifs » (Antiquités judaïques 8:9, 15:9)
Josèphe dit similairement concernant Aristobule, le fils et successeur
d’Hyrcan :
« On l'appelait Philhellène, et il avait rendu de grands services à sa
patrie : il avait fait la guerre aux Ituréens, et annexé une partie
considérable de leur territoire à la Judée, forçant les habitants, s'ils
voulaient demeurer dans le pays, à se circoncire et à vivre suivant les lois
des Juifs. Il était d'un naturel équitable et très modeste, comme en témoigne
Strabon, d'après Timagène : « C'était un homme équitable, et qui fut d'une
grande utilité aux Juifs ; il agrandit, en effet, leur territoire, et leur
annexa une partie du peuple des Ituréens, qu'il leur unit par le lien de la
circoncision » (Antiquités 13 :11 :3 )
Josèphe relate que sous le règne d’Alexandre Jannée, fils d’Aristobule,
« les Juifs possédaient les villes suivantes de Syrie, d'Idumée et de Phénicie.
Sur la mer, la Tour de Straton, Apollonia, Jopé, Iamnée, Azotos, Gaza,
Anthédon, Raphia, Rhinocoroura. Dans l'intérieur : en Idumée, Adora et Marisa,
l’Idumée entière ; Samarie, le mont Carmel, le mont Itabyrion, Scythopolis,
Gadara ; en Gaulanitide, Séleucie et Gamala ; en Moabitide, Hesbon, Médaba,
Lemba, Oronas, Telithon, Zara, le val des Ciliciens. Pella, qui fut détruite
parce que les habitants refusaient d'adopter les coutumes nationales des Juifs
; nombre d'autres villes parmi les plus importantes de Syrie leur furent
soumises » (Antiquités 13 :15 :3-6)
Il est manifeste que le noahisme était étranger à la théologie des
hasmonéens. Dans le cas contraire, l’on ne verrait pas pourquoi Hyrcan et ses
successeurs auraient contraint les populations avoisinantes à se convertir au
lieu de simplement leur imposer les sept lois de Noé. Il est intéressant de
noter que Flavius Josèphe, qui était lui-même un pharisien, voyait dans les
campagnes de conversions forcées menées par les souverains hasmonéens un
service rendu à la nation juive. Même si
le judaïsme rabbinique aura (plus tard) rejeté la pratique des conversions
forcées, la Loi talmudique stipule qu'une conversion de force est après coup
valide et ne peut être révoquée ( Talmud
de Babylone, Yévamot 24b ; Yérouchalmi Qidoushin 4:1 )
Philon d'Alexandrie
Pour Philon, la traduction du Pentateuque en Grec au IIIème siècle
avant l’ère commune était motivée par le désir de judaïser le monde
Hellénistique. Philon pensait en effet que la rédaction de la Septante allait
permettre à « chaque nation d’abandonner ses manières et de rejeter ses
coutumes ancestrales pour honorer nos lois uniquement » (vie de Moïse 2:43-44).
Philon admettait certes l'existence de non juifs vertueux, mais, à l'en croire,
cette vertu implique de reconnaître la vérité en la Révélation mosaïque,
lorsque l'opportunité d'y adhérer est donnée, et de s'intégrer dans la nation
juive :
« Et tous les hommes animés des
mêmes dispositions, qu'ils les aient d'emblée, de naissance, ou qu'ils
se soient élevés en accédant par la conversion à un meilleur rang, il les
accueille avec faveur, les uns pour n'avoir pas dérogé à la noblesse de leur
race, les autres pour avoir pris la résolution de se transporter du côté de la
piété — il appelle ceux-ci des « prosélytes » (c'est-à-dire des
nouveaux-venus), parce qu'ils sont venus s'intégrer à une nouvelle République,
chérie de Dieu —, eux qui dédaignent les fictions légendaires et s'attachent à
la pure Vérité. C’est pourquoi, ayant
accordé à tous les nouveaux arrivés un statut d’égalité et autant de faveurs
qu’aux citoyens de naissance, il exhorte les membres des anciennes familles à
les honorer, non seulement par des égards extérieurs, mais aussi par une amitié
toute spéciale et une bienveillance particulière. Et c'est parfaitement justifié; « car ces
gens», rappelle-t-il, « ont quitté leur patrie, leurs amis, leurs parents, par
amour de la vertu et de la foi ; il ne faut pas qu'ils soient privés d'autres
cités, d'autres parents, d'autres amis ; il faut apprêter des refuges pour
accueillir ces volontaires de la piété » ( Lois Spéciales 51-53 )
Philon croyait qu'à l'opposé des prosélytes, tous les gentils qui
rejettent la Torah en connaissance de cause seront châtiés :
« Et il y a certains d'entre les Gentils, qui, parce qu'ils délaissent
le culte de l'Unique, pour cet abandon des rangs les plus importants, ceux de
la piété et de la foi, méritent d'être frappés des plus sévères châtiments, car
ils préfèrent l'obscurité à la plus éclatante lumière » ( Lois Spéciales 54 )
A noter que nul part dans ses écrits Philon ne fait mention d'un ensemble
de lois s'appliquant spécialement aux non-juifs croyants.
Le Nouveau Testament
Il peut être lu en Galates 5:11 :
« Si je prêche encore la circoncision, pourquoi suis-je encore
persécuté ? Le scandale de la croix a donc été levé ! »
« Prêcher circoncision », dans le contexte de l’épître aux
Galates, voulant dire annoncer le salut
par soumission à toute la Torah (Galates 5 :1), l’on comprend qu’avant de
devenir Chrétien, Paul, en tant que
Pharisien, prêcha aux païens le salut
par la conversion au judaïsme. Cela confirme Matthieu 23 :15 où l’on peut lire
au sujet des Pharisiens du premier siècle qu’ils « parcouraient la mer et la
terre pour faire un seul prosélyte » et le livre des Actes qui rapporte que «
la secte des Pharisiens qui crurent » enjoignirent aux non-Juifs de se
circoncire et d’observer la Loi mosaïque s’ils voulaient être sauvés (Actes
15:1,5). Faisons le rapprochement avec l’enseignement du Sifri:
ואהבת את ה' אלהיך - אהבהו על כל הבריות כאברהם אביך כענין שנא' (בראשית יב) "ואת הנפש אשר עשו בחרן", והלא אם מתכנסים כל באי העולם לבראות יתוש אחד ולהכניס בו נשמה - אינן יכולים לבראותו, ומה ת"ל "ואת הנפש אשר עשו בחרן"? אלא מלמד שהיה אברהם אבינו מגיירם ומכניסן תחת כנפי השכינה
« Tu aimeras l'Eternel ton Dieu - tu feras en sortes qu'il soit aimé
par toute créature, comme le fit Abraham ton père, comme il est dit « et les
âmes qu'ils ont faites à Haran » (Gn 12,5). Comment cela se fait-il vu que
quand bien même tous les hommes se rassembleraient pour faire un moustique et y
introduire le souffle de vie, ils n'y arriveraient pas ? Abraham les
convertissait et les amenait sous les ailes la Présence de Dieu. » (Sifri sur le Deut 6 :5)
D’ailleurs, le récit de la rencontre entre Pierre et Corneille ne se
comprend que dans l'optique que l’idée qu’aucun Gentil ne peut plaire à Dieu en
étant Gentil fut l’opinion normative du judaïsme du premier siècle et qu'elle
fut initialement partagée par les judéo-chrétiens de Jérusalem. Les Actes, en
effet, relatent que Pierre refusa d'entrer dans la maison de Corneille, lequel
était pourtant un « craignant Dieu », « parce que c'est une chose illicite pour
un Juif que de se lier avec un étranger » ( Ac 10:28 ) et qu'il lui a fallu une
révélation explicite pour apprendre « à ne regarder aucun homme comme souillé
et impur » ( Ac 10:2 ) et savoir qu' « en toute nation celui qui craint [ Dieu
] et qui pratique la justice Lui est agréable » ( Ac 10:35 ). Cela rejoint ce
que le traité Guerim stipule au sujet du guer toshav :
רוקו ומושבו ומשכבו ומי רגליו טמאין
« Sa salive, son habitation,
son lit et son urine sont impurs » (Traité Guérim chapitre 3)
Certes, Paul, dans ses épîtres, enseigne que passer par le rituel de
conversion au judaïsme n’est pas nécessaire pour qu’un non-Juif soit sauvé et
intègre l’Israël de Dieu, que Paul distingue de l’Israël « selon la chair »
(légal) (Galates 6:16, Romains 9:6-8, Colossiens 2 :11-12). Il faut garder à
l’Esprit, cependant, que selon l’Epître aux Ephésiens, le salut des Gentils résulte de la mort
sacrificielle de Jésus (Eph 2 :14), auquel la plupart des noa’hides et leurs
enseignants ne croient pas et de laquelle le noahisme est entièrement
indépendant. Paul est sans équivoque
:
« Oui, il est notre paix, celui qui des deux a fait un, ayant aboli le
mur mitoyen de la séparation, la haine, dans sa propre chair; annulant la tora
des misvot en ses ordonnances, pour que des deux soit créé en lui un seul homme
nouveau par lui artisan de paix, et qu’il réconcilie les deux en un seul corps
pour Elohîms, à travers la croix, tuant la haine en lui » (Ephésiens 2 :14-16, Chouraqui)
Ce qui veut dire qu’ avant la crucifixion, les Gentils, à moins qu’ils ne deviennent
Juifs, n’étaient pas sauvés ou, pour reprendre les mots employés par Paul, «
privés du droit de cité en Israël, étrangers aux alliances de la promesse, sans
espérance et sans Dieu dans le monde » comme l’enseigne la Tradition (Eph 2
:11-12). Il est à noter que c'est la
Torah elle-même qui stipule que les mitsvoth visent à distinguer Israël des
gentils qui ont rejeté la Torah (Exode 19:2 et Lev 20:26) et que lorsque Paul
associe « la Torah des mitsvot » à la « haine », il ne fait que reprendre à son
compte la tradition reprise dans le Talmud de Babylone, traité Shabbath 89a :
[הר סיני, הר שירדה שנאה לאומות העולם
עליו [רש"י : שלא קבלו בו תורה
« Pourquoi la montagne est
t-elle appelée Sinaï ? Car c'est la montagne sur laquelle la haine (sin'ah)
pour les Nations du monde descendit [Commentaire de Rashi: Car elles n'y ont
pas accepté la Torah] » (Talmud de
Babylone, Shabbath 89a)
En clair, ce que Paul dit c'est qu'il n'est plus aucune différence
entre Juifs et non-Juifs depuis que ce qui constituait les Juifs comme une
peuple à part et la cause de la haine vis à vis des nations, la « Torah des
mitsvot », a été abrogée au moment de l’inauguration de la nouvelle alliance
sur la croix ; chose que ne peuvent à l’évidence admettre les « noa’hides »,
lesquels maintiennent que même si les « pieux d’entre les nations » peuvent
être sauvés sans se convertir et pratiquer
la Loi entière, il incombe aux Juifs d’observer pieusement les commandements
mosaïques. Considérons aussi ce qu’affirme Paul au troisième chapitre de la
lettre aux Ephésiens :
« Comment, par révélation, le mystère m'a été donne à connaitre (ainsi
que je l'ai déjà écrit en peu de mots; d'après quoi, en le lisant, vous pouvez
comprendre quelle est mon intelligence dans le mystère du Christ), lequel, en
d'autres générations, n'a pas été donne à connaitre aux fils des hommes, comme
il a été maintenant révèle à ses saints apôtres et prophètes par l'Esprit:
savoir que les nations seraient cohéritières et d'un même corps et
coparticipantes de sa promesse dans le Christ Jésus, par l'évangile; duquel je
suis devenu serviteur, selon le don de la grâce de Dieu qui m'a été donne selon
l'opération de sa puissance. A moi, qui suis moins que le moindre de tous les
saints, cette grâce a été donnée d'annoncer parmi les nations les richesses
insondables du Christ, et de mettre en lumière devant tous quelle est
l'administration du mystère cache dès les siècles en Dieu qui a créé toutes
choses » (Ephésiens 3:3-8)
Paul dit ici que le salut des Gentils est un « mystère » qu'il a connu par « révélation ». Ce mystère,
précise-t-il, était inconnu auparavant.
Il ne s'agit donc pas du noahisme qui, soi-disant, serait une tradition
millénaire remontant à la révélation du Sinaï ou même au patriarche Noé et qui,
de toute manière, était inconnue de Paul.
Somme toutes, Paul enseigne que même si les choses changèrent après
l’inauguration de l’alliance nouvelle sur la croix, sous l’ancienne alliance,
les Gentils qui ne se convertissaient pas au judaïsme et ne s’intégraient pas
dans le peuple élu ne pouvaient pas prétendre au salut. Sachant cela, l’on ne
s’étonne pas de ce que Paul considère le fait de « prêcher la circoncision »
après le « scandale de la croix » comme contraire à l’œuvre que Jésus a
accomplie par sa mort (Galates 5 :11).
Sources patristiques et romaines
Les sources patristiques attestent aussi que le judaïsme antique
considérait la Torah telle qu'elle s'applique aux juifs comme la seule voie
agrée par Dieu et faisait, à l'instar du christianisme, du prosélytisme.
Considérons cet extrait du Dialogue de Justin de Naplouse avec Tryphon (IIè
siècle ) :
« Oui, reprit Tryphon, ce que vous venez de dire en dernier lieu est la
seule chose qui nous étonne ; pour les discours de la multitude, ils ne
méritent pas d'être répétés et répugnent trop à la nature. Je trouve, au
contraire, dans le livre que vous appelez Évangile de très beaux préceptes de,
morale, mais si élevés et si sublimes, que je les crois impraticables; car j'ai
eu la curiosité de lire ce livre. Mais
n'est-il pas étonnant que des hommes qui se piquent de piété, qui prétendent
par là se distinguer des autres, n'en diffèrent en aucune manière et ne vivent
pas mieux que les gentils? En effet, vous n'observez ni les fêtes, ni le
sabbat, ni la circoncision; vous placez votre espérance dans un crucifié, vous
ne suivez aucun des préceptes du Seigneur, et vous osez attendre de lui des
récompenses ! Ne lisez-vous pas, dans le Testament qu'il nous a donné, que tout
homme qui n'aura pas été circoncis le huitième jour périra d'entre son peuple?
La loi comprend jusqu'aux étrangers qui vivent parmi nous, jusqu'aux esclaves
que l'on achète. Vous ne tenez compte ni
du Testament, ni de ses conséquences! Comment donc nous persuaderez-vous que
vous connaisses Dieu, lorsque vous ne faites rien de ce qu'on voit faire à tous
ceux qui le craignent? Montrez-nous, si vous le pouvez, sur quoi se fonde votre
espoir quand vous transgressez la loi; donnez-nous une raison qui nous
satisfasse: alors nous vous écouterons très volontiers, et c'est avec le même
plaisir que nous discuterons tout le reste avec vous » (Dialogue avec Tryphon
10:2)
L'on voit que Tryphon reproche aux Chrétiens non-juifs, non pas leur
désobéissance aux lois de Noé, mais leur refus d'observer les préceptes rituels
de la Torah dont les fêtes, le Shabbath et la circoncision. D'après Tryphon,
les Chrétiens, parce qu'ils ne soumettent pas à la Loi mosaïque, ne doivent
espérer aucune récompense de la part de Dieu.
Nous lisons également dans
l'ouvrage :
« Mais, dit Tryphon, si quelqu'un, persuadé de cette vérité, voulait
encore garder les observances légales, bien qu'il reconnût Jésus-Christ pour le
Christ, qu'il crût en lui et obéit à sa parole, sera-t-il sauvé ? — A mon avis,
il le sera, lui répondis-je, pourvu toutefois qu'il ne cherche point à persuader
aux autres, c'est-à-dire aux gentils affranchis de l'erreur par Jésus-Christ,
qu'ils doivent comme lui pratiquer ces observances, et qu'il ne soutienne pas
que sans elles on ne peut obtenir le salut, comme vous le prétendiez vous-même,
Tryphon, au commencement de cette discussion : car vous m'avez dit formellement
que je ne serais pas sauvé, si je n'observais pas la loi.» ( Dialogue avec Tryphon 47:1 )
Justin se réfère au propos de Tryphon rapportés au chapitre 8, où l'on
peut effectivement lire :
« Quand vous abandonnez Dieu pour croire à la parole d'un homme, quel
espoir de salut peut vous rester? Si vous voulez m'en croire, car je vous
regarde déjà comme un ami, faites-vous d'abord circoncire, puis observez le
sabbat, les fêtes, les nouvelles lunes comme la loi le prescrit; en un mot,
faites tout ce qu'elle commande, peut-être alors trouverez-vous grâce devant le
Seigneur. Si le Christ est né et demeure quelque part, il est inconnu, il ne se
connaît pas lui-même et n'a aucun moyen de se faire connaître. Il faut d'abord
que le prophète Elle vienne lui donner l'onction sainte et le révèle à la
terre. Sur de vains bruits, vous avez rêvé un Christ qui n'est que dans votre
imagination, et dupe de vous-même, vous courez aveuglément à votre perte.»
Origène, en 248 de l’ère commune, rapporte encore :
« Je me souviens qu'en une dispute que j’eue un jour avec ceux qui
portent le nom de sages parmi les Juifs, je me servis de ces prophéties. Le
Juif me disait que ces prédications se référaient à la nation toute entière,
qui est vue comme un seul individu, et comme les Juifs ont été dispersés parmi
diverses nations païennes, il prétendait que le peuple avait été ainsi répandu
et frappé afin de faire des prosélytes. C'est de la sorte qu'il expliquait ces
paroles : Ta beauté sera en mépris parmi les hommes ; et celles-ci : Ceux à qui
on ne l'avait point découvert le verront; et celles-ci encore : C’est un homme
tout noirci de coups » (Contre celse 1:55)
Le Talmud, de même, enseigne :
אמר ר"א לא הגלה הקדוש ברוך הוא את ישראל לבין האומות אלא כדי שיתוספו עליהם גרים שנאמר (הושע ב) וזרעתיה לי בארץ כלום אדם זורע סאה אלא להכניס כמה כורין ור' יוחנן אמר מהכא (הושע ב) ורחמתי את לא רוחמה
« Rabbi Elé`azar dit: "Le Saint Béni Soit-il n’exila les
Israélites parmi les nations qu’afin d’ajouter à eux des convertis, comme il
est dit : Je la sèmerai pour moi dans la terre’
(Osée 2,25). Est-ce qu’un homme ne sème pas une mesure de blé pour en
récolter dix ? Rabbi Yo’hannan dit que l'on peut dériver cette idée de ce
verset : Et je ferai miséricorde à Lo-rouhama
» (Talmud de Babylone Péssa’him
87b)
Insistons sur le fait que la suite du verset cité – « et je dirai à ce
qui n’est pas mon peuple, tu es mon peuple; et il me dira, mon Dieu » –ainsi
que la glose de Rashi indiquent qu’il ne s’agit pas de faire des « noa’hides »
mais d’intégrer des individus au peuple d’Israël :
רבי יוחנן אמר מהכא ורחמתי וגו' ואמרתי ללא עמי עמי אתה - אותם שלא היו מעמי ידבקו בהם ויהיו לי לעם
« Rabbi Yo’hannan dit que l'on peut dériver cette idée de ce verset :
Et je ferai miséricorde à Lo-rouhama. Et je dirai à ce qui n’est pas mon
peuple, tu es mon peuple; et il me dira, mon Dieu - Ceux qui ne faisaient pas partis de mon
peuple s’y attacheront à eux et seront mon peuple » (Rashi sur Pessa’him 87b)
Le Talmud de Babylone est très clair quant
aux conditions d’entrée dans la nation juive :
לעולם אינו גר עד שימול ויטבול וכמה דלא טבל נכרי הוא
« Un individu n’est un Prosélyte que jusqu’à ce qu’il s’est
circoncis et immergé ; tant qu’il n’est pas immergé, c’est un étranger (nokhri)
» (Bérakhoth 47b)
לעולם אינו גר עד שימול ויטבול וכיון
דלא טביל גוי הוא
« Un individu n’est un Prosélyte que jusqu’à ce qu’il s’est
circoncis et immergé ; tant qu’il n’est pas immergé, c’est un gentil (goy) »
(`Avodah Zarah 59a)
Le judaïsme rencontrait d’ailleurs un tel succès que Sénèque, au
premier siècle, s’en agaça et déclara que « les coutumes de cette nation
scélérate (les juifs) ont si bien prévalu, qu’elles sont déjà reçues dans tout
l’univers. Les vaincus ont imposé leurs lois aux vainqueurs » (Cité de Dieu
4,11). Au IIIè siècle, l’empereur Sévère promulgua un décret interdisant aux
païens de se circoncire afin de mettre un terme à l’expansion du judaïsme dans
l’Empire Romain.
Le Coran
Le Coran fait état en ces termes
de l'enseignement des rabbins de Médine au 7è siècle de l’ère chrétienne :
« Ni les Juifs, ni les Chrétiens
ne seront jamais satisfaits de toi, jusqu'à ce que tu suives leur religion
» وَلَنْ تَرْضَىٰ عَنْكَ الْيَهُودُ وَلَا
النَّصَارَىٰ حَتَّىٰ تَتَّبِعَ مِلَّتَهُمْ
(Coran 2 :120)
« Ils ont dit : Soyez Juifs ou
Chrétiens, vous serez donc sur la bonne voie. »
كُونُوا هُودًا أَوْ نَصَارَىٰ تَهْتَدُوا (Coran 2 :135)
« Et ils ont dit: Nul n'entrera au Paradis que Juifs ou
Chrétiens. » لَن يَدْخُلَ الْجَنَّةَ إِلَّا مَن كَانَ هُودًا أَوْ نَصَارَىٰ. (Coran 2 :111)
Pour lire la suite : Défense de l'Evangile de la circoncision, partie
III
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