mercredi 27 mai 2020

Réponses aux objections rabbiniques à la messianité de Yéshou`a

Partie 1 :

Objections sur les miracles et la prophétie

 

Objection:

 « Le Mashiah ne fera pas de miracles »

 

Réponse :

L’idée se retrouve effectivement dans la Mishneh Torah de Maïmonide, qui s’exprime en ces termes :

 

אל יעלה על דעתך שהמלך המשיח, צריך לעשות אותות ומופתים, ומחדש דברים בעולם, או מחייה מתים, וכיוצא בדברים אלו שהטיפשים אומריםאל יעלה על הלב שבימות המשיח, ייבטל דבר ממנהגו של עולם, או יהיה שם חידוש במעשה בראשית; אלא עולם כמנהגו הולךוכן כל כיוצא באלו הדברים הכתובין בעניין המשיח, משלים הם; ...  אמרו חכמים, אין בין העולם הזה לימות המשיח, אלא שיעבוד מלכייות בלבד

 

« Ne penses pas que le Messie Roi doit accomplir des signes ou des miracles, causer de nouveaux phénomènes dans le monde, ressusciter les morts ou accomplir des tâches de la sorte, comme le disent les gens stupides. Cela n’est pas vrai ! … On ne doit pas penser qu’à l’époque messianique, la nature du monde sera annulée ou qu’il y aura une nouveauté dans l’œuvre du Commencement, mais le monde suivra son cours … Toutes les paroles évoquant des miracles qui ont été écrites au sujet du Messie Roi ne sont que des allégories … comme le dirent les Sages : La seule différence entre l’époque actuelle et l’ère messianique est qu’Israël ne sera plus soumis aux royaumes étrangers  » (Lois sur les rois 11:3, 12:1-2)

 

Le Raavad, cependant, remarqua dans sa glose critique sur la Mishneh Torah :

 

והלא בן כוזיבא היה אומר אנא הוא מלכא משיחא ושלחו חכמים לבדקו אי מורח ודאין או לא

 

« Ben Koziva (bar Kokhva) n’a-t-il pas dit : «  Je suis le Messie Roi  »  et les sages n’ont-ils pas envoyé des émissaires pour vérifier s’il sentait et  jugeait ? »

 

Le Raavad se réfère ici à l’épisode qui figure dans le traité Sanhédrin 93b du Talmud de Babylone, où il est relaté que les Sages rejetèrent la messianité de Bar Kokhva et ce, avant même que celui-ci n’ait accompli quoi que ce soit,  pour la simple raison qu’il était incapable de juger et de sonder les pensées  uniquement par son flair (Yésha`yahou 11:3 ). L’on peut aussi lire dans les écrits d’Abravanel :

 

 מצאנו במקומות רבות מהתלמוד שנזכר מאמר שמואל אין בין העוה"ז לימות המשיח אלא שיעבוד מלכיות בלבד שנאמר כי לא יחדל אביון מקרב הארץ והחזיק הרב הגדול המיימוני במאמר הזה בסוף חבורו הגדול משנה תורה ובמקומות אחרים ופירש עליו שבימות המשיח לא ישתנה דבר ממנהג הטבעי אשר אנחנו בו היום אלא בלבד שיוסר עול שיעבוד המלכיות מעל ישראל ושדברי הנבואות שיראה מהם סותר לזה באו על צד המשל ואין הדברים כפשוטן וכדי להגדיל הרב עוד בדעת הזה לא זכרו בשם שמואל פן יאמרו שהם דברי יחיך אבל אמרו בשם חכמים כאלו כל חכמי ישראל הסכימו


« Nous retrouvons en plusieurs endroits du Talmud l’affirmation de Shmouel, d’après lequel « la seule différence entre l’époque actuelle et l’ère messianique est qu’Israël ne sera plus soumis aux royaumes étrangers ». Le grand maître, Maïmonide, vers la fin de son grand ouvrage, la Mishneh Torah, et en d’autres endroits, s’accrocha à cette affirmation et l’expliqua comme voulant dire que rien ne changera dans l’ordre naturel des choses, tel qu’il est actuellement, et que la seule différence résidera en ce que le joug de la domination des nations étrangères sera enlevée d’Israël. Il dit aussi que toutes les prophéties qui contredisent cette idée ne sont qu’allégoriques et qu’il ne faut pas les interpréter littéralement. Et afin de valoriser cette opinion, il s’est retenu de la rapporter au nom de Shmouel de peur que l’on dise qu’il ne s’agit que d’une opinion personnelle, mais il affirma qu’il s’agissait de l’opinion des Sages  pour faire accroire que tous  les Sages d’Israël étaient d’accord avec celle-ci » (Yéshou`oth méshiho p. 57-58)

 

Abravanel ajoute :

 

היה דעת שמואל שאותם הנבואות שלא נאמרו על ימות המשיה יהיו עתידות להתקיים בעולם התחייה אחר ימות המשיח תראה ז

 

« L’opinion de Shmouel était que ces prophéties ne concernent pas l’ère messianique, mais l’ère de la résurrection après l’ère messianique » (ibid.)

 

Il peut en effet être lu dans le Talmud :

 

רבי חייא בר אבא א"ר יוחנן כל הנביאים כולן לא נתנבאו אלא לימות המשיח אבל לעולם הבא (ישעיהו סד) עין לא ראתה אלהים זולתך יעשה למחכה לו ופליגא דשמואל דאמר שמואל אין בין העולם הזה לימות המשיח אלא שעבוד מלכיות בלבד

 

«  Rabbi Hiyya bar Abba dit au nom de Rabbi Yohanan : Tous les prophètes n’ont prophétisé qu’au sujet de l’ère messianique. Quant au monde à venir, il est dit : « L’œil n’a jamais vu, ô Dieu, sinon toi, ce qui sera fait à ceux qui l’attendent » (Yésha`yahou 64,3). Il diffère de Shmouel qui a dit que  la seule différence entre l’époque actuelle et l’ère messianique est qu’Israël ne sera plus soumis aux royaumes étrangers » (Talmud de Babylone, Sanhédrin 99a)

 

רב חסדא רמי כתיב (ישעיהו כד) וחפרה הלבנה ובושה החמה כי מלך ה' צבאות וכתיב (ישעיהו ל) והיה אור הלבנה כאור החמה ואור החמה יהיה שבעתים כאור שבעת הימים לא קשיא כאן לימות המשיח כאן לעוה"ב ולשמואל דאמר אין בין העוה"ז לימות המשיח אלא שיעבוד מלכיות בלבד לא קשיא כאן במחנה צדיקים כאן במחנה שכינה

 

« Rav Hisda opposa deux versets : « Alors la lune sera honteuse et le soleil confus ; car l’Éternel des armées règne sur la montagne de Sion et à Jérusalem » (Yésha`yahou 24,23) Et : « Et la lumière de la lune sera comme l’éclat du soleil, et l’éclat du soleil sera sept fois plus grand, comme l’éclat de sept jours » (Yésha`yahou 30,26). Il n’y a aucune difficulté : Le premier verset  se réfère à l’ère messianique et le deuxième au monde à venir. Et selon Shmouel, d’après lequel la seule différence entre l’époque actuelle et l’ère messianique est qu’Israël ne sera plus soumis aux royaumes étrangers, il n’y aucune difficulté puisque le premier se réfère au camp des justes et le deuxième au camp de la Présence Divine » (Talmud de Babylone, Sanhédrin 91b)

 

Cela montre que non seulement l’affirmation de Shmouel ne faisait pas l’unanimité parmi les Sages du Talmud, mais Maïmonide, dont le rationalisme radical a été qualifié d’hérésie par les plus grands talmudistes de son temps (cf. Igqéroth Qénaoth), en a dénaturé le sens.  Shmouel, en effet, n’a jamais dit qu’il fallait prendre ces prophéties allégoriquement. Il les interpréta juste comme se référant à l’ère qui suivra le jugement dernier. Quoi qu’il en soit, c’est l’interprétation opposée qui était normative et  la plus répandue à l’époque du deuxième Temple, puisqu’on la retrouve même dans les Ecrits Esséniens de la mer morte :

 

כי השמים והארץ ישמעו למשיחו  וכל אשר בם לוא יסוג ממצות קדושים  התאמצו מבקשי אדני בעבדתו  הלוא בזאת תמצאו את אדני כל המיחלים בלבם  כי אדני חסידים יבקר וצדיקים בשם יקרא  ועל ענוים רוחו תרחף ואמונים יחליף בכחו כי יכבד את חסידים על כסא מלכות עד  מתיר אסורים פוקח עורים זוקף כ[פופים ...]  ול[ע]לם אדבק [במי]חלים ובחסדו .[...]  ופר[י...]יש לוא יתאחר ונכבדות שלוא היו יעשה אדני כאשר ד[בר] [כי] ירפא חללים ומתים יחיה ענוים יבשר

 

« Le ciel et la terre écouteront Son Messie et tous ceux qui s’y trouvent ne s’écarteront pas des préceptes de ses saints … Car le Seigneur accomplira des œuvres prodigieuses, telles qu’il n’y en a jamais eu, ainsi qu’il est dit : Il guérira les malades, les morts revivront et il proclamera la bonne nouvelle aux pauvres  » (4Q521)

 

Le Rav Hay Gaôn, pareillement, affirma que le Mashiah accomplira de nombreux miracles, dont la résurrection des morts (Otsar ha-géonim, Soukkah, p. 72-75). L’on remarque la proximité avec ce que disent les Evangiles :

 

« Jean, dans sa prison, ayant entendu parler des œuvres du Christ, envoya deux de ses disciples lui dire : " Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? " Jésus leur répondit : " Allez, rapportez à Jean ce que vous entendez et ce que vous voyez : Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les pauvres sont évangélisés. Heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute » (Matthieu 11 :1-6, Luc 7:18-23)

 

« Tels sont les douze que Jésus envoya, après leur avoir donné ses instructions : " N'allez point, leur dit-il, vers les Gentils, et n'entrez point dans les villes des Samaritains ; allez plutôt aux brebis perdues de la maison d'Israël. Partout, sur votre chemin, annoncez que le royaume des cieux est proche. Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons : vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement. » (Matthieu 10:5-8)

 

Nous ferons remarquer que même les Sages de Yavné n’ont pu nier les miracles que faisaient les Nazaréens ainsi qu’en atteste, entre autres, cet extrait du Talmud de Jérusalem :

 

בר בריה דר' יהושע בן לוי הוה ליה בלע, אתא חד בר נש ולחש ליה מן שמיה דישו פנדירא ואינשם, כד נפיק אמר ליה מאן לחשת ליה, אמר ליה מילת פלן. אמר ליה נוח הוה ליה אלו הוה מאית. והות ליה כן

 

« Le petit fils de Rabbi Yéhoshou`a ben Lévi s’est étouffé. Un homme vint et lui murmura quelque chose au nom de Yéshou Pandira et il respira de nouveau. Lorsqu’il sortit, Yéhoshou`a ben Lévi lui demanda : « Qu’as-tu murmuré ? » Et l’homme lui  dit quelque chose. Yéhoshou`a ben Lévi dit à l’homme : « Il aurait été préférable qu’il meure ». Et il en fut ainsi » (Talmud de Jérusalem, Shabbath 14:4)

 

Le fait que ce soient des Sages qui ne croyaient pas en Yéshou`a et qui étaient même hostiles à ses disciples qui le disent est le garanti de l’objectivité du témoignage et de la réalité des miracles réalisés « au nom de Yéshou`a ».

 

Objection :

« Les apôtres  ont consciemment dénaturé le sens des Ecritures qu’ils ont sortis hors contexte. La plupart des prophéties du Tana"kh que les auteurs du NT appliquent à Yéshou ne concernent en effet pas le Mashiah et encore moins Yéshou. Avec une telle méthode, on peut faire dire n’importe quoi à la Bible  »

 

Réponse :

Prétendre que ce fait indéniable est une objection à la messianité de Yéshou`a et à la bonne foi des apôtres serait faire fi de la tradition rabbinique. La vaste littérature talmudique et midrashique reprend  en effet souvent des passages de l’Ecriture sans souci du contexte d’origine au point que les non initiés pourraient douter du bon sens des Sages. Illustrons nos propos par cet extrait du Talmud :

         

אתא רב דימי אמר שמונה עשרה קללות קילל ישעיה את ישראל ולא נתקררה דעתו עד שאמר להם המקרא הזה (ישעיהו ג) ירהבו הנער בזקן והנקלה בנכבד שמונה עשרה קללות מאי נינהו דכתיב (ישעיהו ג) כי הנה האדון ה' צבאות מסיר מירושלם ומיהודה משען ומשענה כל משען לחם וכל משען מים גבור ואיש מלחמה שופט ונביא וקוסם וזקן שר חמשים ונשוא פנים ויועץ וחכם חרשים ונבון לחש ונתתי נערים שריהם ותעלולים ימשלו בם וגו' משען אלו בעלי מקרא משענה אלו בעלי משנה כגון ר"י בן תימא וחביריו פליגו בה רב פפא ורבנן חד אמר שש מאות סדרי משנה וחד אמר שבע מאות סדרי משנה כל משען לחם אלו בעלי תלמוד שנאמר (משלי ט) לכו לחמו בלחמי ושתו ביין מסכתי וכל משען מים אלו בעלי אגדה שמושכין לבו של אדם כמים באגדה גבור זה בעל שמועות ואיש מלחמה זה שיודע לישא וליתן במלחמתה של תורה שופט זה דיין שדן דין אמת לאמיתו נביא כמשמעו קוסם זה מלך שנאמר (משלי טז) קסם על שפתי מלך זקן זה שראוי לישיבה שר חמשים אל תקרי שר חמשים אלא שר חומשין זה שיודע לישא וליתן בחמשה חומשי תורה דבר אחר שר חמשים כדרבי אבהו דאמר רבי אבהו מכאן שאין מעמידין מתורגמן על הצבור פחות מחמשים שנה ונשוא פנים זה שנושאין פנים לדורו בעבורו למעלה כגון רבי חנינא בן דוסא למטה כגון רבי אבהו בי קיסר יועץ שיודע לעבר שנים ולקבוע חדשים וחכם זה תלמיד המחכים את רבותיו חרשים בשעה שפותח בדברי תורה הכל נעשין כחרשין ונבון זה המבין דבר מתוך דבר לחש זה שראוי למסור לו דברי תורה שניתנה בלחש

 

«  Lorsque Rav Dimmi est venu, il dit : Yésha`yahou prononça dix huit malédictions sur Israël […] Quelles sont ces dix huit malédictions ? Il est écrit : « Car voici, le Seigneur, l’Éternel des armées, va ôter de Jérusalem et de Juda tout appui et toute ressource, toute ressource de pain et toute ressource d’eau, le héros et le guerrier, le juge et le prophète, et le divinateur et l’Ancien, le chef de cinquante, le notable et le conseiller, le sage, le charmeur, l’habile, et l’enchanteur » (Yirméyahou  3,1-3). Appui – Ce sont les maîtres de la Bible ;  ressource – Ce sont les maîtres de la Mishnah, comme Yéhoudah ben Téma et ses collègues ; Toute ressource de pain  – Ce sont les maîtres du Talmud, comme il est dit : « Venez, mangez de mon pain, et buvez du vin que j’ai mêlé » (Proverbes 9,5). Toute ressource d’eau – Ce sont les maîtres de la aggadah, qui puisent le cœur des hommes comme de l’eau au moyen de la aggadah ; le héros – C’est le maître de la Tradition ; le guerrier –  C’est celui qui s’est fait maître dans les controverses relatives à la Loi ; le juge – C’est celui qui émet un jugement en accord stricte avec la vérité ; le prophète – selon le sens littéral ; le divinateur – C’est le roi , comme il est dit : « Les lèvres du roi prononcent des oracles » (Proverbes 16,10) ; l’ancien – c’est celui qui est apte à siéger dans un concile ; le chef de cinquante – ne lis pas chef des cinquante  (hamishim) , mais  maître du Pentateuque (houmashim). Une autre opinion : Il s’agit du chef des cinquante, comme l’enseigna Rabbi Abbahou. Rabbi Abbahou, en effet, dit que nous apprenons de là que le métourguémân (celui qui récite le Targoum, la version araméenne de la Torah) de moins de cinquante ans ne peut pas être désigné pour la congrégation. Le notable – c’est celui pour le mérite duquel de la faveur est faite pour toute sa génération, comme Haninah ben Dosa, en haut, ou comme Rabbi Abbahou dans le tribunal de Césarée, en bas. Le conseiller – c’est celui qui sait déterminer l’intercalation des années et la fixation du mois. Le sage – c’est le disciple qui rend son maître sage. Le charmeur – C’est celui qui, dès qu’il commence à enseigner la Torah rend tout le monde muet. L’habile – c’est celui qui comprend une chose d’une autre. L’enchanteur (littéralement, celui qui murmure) – c’est celui auquel les secrets de la Torah sont transmis à voix basse »  (Talmud de Babylone, Hagigah 14a)

 

Pourtant, Yirméyahou, dans sa prophétie, n’a jamais parlé d’experts de la Mishnah et  du Talmud, des ouvrages qui n’ont même pas encore été composés à son époque, ni du métourguemân, la récitation du Targoum n’ayant été instituée qu’au retour d’Exil,  mais bien des habitants de Jérusalem qui allaient être exilés à Babylone comme châtiment de leur rébellion envers l’Eternel. L’interprétation forcée, ou plutôt ce qui semble l’être pour le non initié,  atteint son comble lorsque le Talmud dit de lire non pas « hamishim » (cinquante), comme le dit le texte d’origine, mais « houmashim » (les cinq livres de la Torah). Poursuivons avec un deuxième exemple :

 

 הבן יקיר לי אפרים אם ילד שעשועים כי מדי דברי בו זכור אזכרנו עוד על כן המו מעי לו רחם ארחמנו נאם ה׳ . למה רחם ארחמנו שני פעמים רחמים. אלא רחם בשעה שהיה חבוש בבית האסורים. שבכל יום ויום היו אומות העולם מחרקין שיניהם ומרמזים בעיניהם ומנענעים בראשיהם ומפטירים בשפתותיהם שנא׳ כל רואי ילעיגו לי בשפה יניעו ראש  , יבש כחרס כחי ולשוני מודבק מלקוחי ולעפר מות תשפתני  , ושואגים עליו כאריות שנאמר פצו עלי פיהם אריה טורף ושואג כמים נשפכתי התפרדו , כל עצמותי היה לבי כדונג נמס בתוך מעי , ונוהמים עליו כאריות ומבקשים לבלעו שנאמר פצו עלינו פיהם כל אויבינו פחת ופחד היה לנו השאת והשבר. ארחמנו בשעה שהיה יוצא מבית האסורים. שלא מלכות אחד ולא ב׳ מלכיות ולא שלשה מלכיות באים עליו אלא מאה וארבעים מלכיות מקיפות ואומר לו הקדוש ברוך הוא אפרים משיח צדקי אל תירא מהם כי כל אילו ברוח שפתיך ימותו שנאמר וברוח שפתיו ימות רשע


« Ephraïm est-il donc pour moi un fils chéri, Un enfant qui fait mes délices? Car plus je parle de lui, plus encore son souvenir est en moi; Aussi mes entrailles sont émues en sa faveur: De pitié j'aurai pitié de lui (rahem érahaménou), dit l'Eternel (Yirméyahou  31,20), Pourquoi le mot pitié est-il répété deux fois? La première mention du mot pitié se réfère au moment où il a été jeté en prison. Car de jour en jour, les nations du monde furent enragées, le regardèrent avec dérision, hochèrent la tête avec mépris, et s'esclaffèrent de rire, comme il est dit : Tous ceux qui me voient se moquent de moi, Ils ouvrent la bouche, secouent la tête (Psaumes 22,7). Ma force se dessèche comme l'argile, Et ma langue s'attache à mon palais; Tu me réduis à la poussière de la mort. (Psaumes 22,15). Et ils rugiront sur lui comme des lions, comme il est dit : Ils ouvrent contre moi leur gueule, Semblables au lion qui déchire et rugit. Je suis comme de l'eau qui s'écoule, Et tous mes os se séparent; Mon cœur est comme de la cire, Il se fond dans mes entrailles (Psaumes 22,13-14). La mention " j'aurai pitié" se réfère au moment où il quitte la prison. Car ce ne sera ni un seul royaume, ni deux royaumes, ni trois royaumes qui s'élèveront contre lui, mais cent quarante. Et le Saint Béni Soit-il lui dira: Ephraïm, Mashiah, ma justice, n'aie pas peur, car tous ceux là seront exécuté par le souffle de ta bouche, comme il est dit : " Et du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant " (Yésha`yahou 11,4) » (Pesiqta Rabbati 153)

 

Or, Yirméyahou  31,20 concerne en réalité les dix tribus perdues désignées sous l'appellation d' « Ephraïm », et non le Mashiah ben Yossef.  Reprenons un dernier exemple :

 

מדבר במלך המשיח גשי הלום קרובי למלכות ואכלת מן הלחם זה לחמה של מלכות וטבלת פתך בחומץ אלו היסורין שנאמר (ישעיה נ"ג) והוא מחולל מפשעינו

 

« Il (Boaz) lui parla (à Ruth) du Messie Roi : « Approche », approche du Royaume, « et mange de notre pain », c’est le pain du Royaume, « et trempes ton pain dans le vinaigre » ce sont les souffrances du Messie Roi comme il est dit (Yésha`yahou 53:5): « Et c’est pour nos péchés qu’il a été meurtri »  »  (Ruth Rabbah 5,6)

 

L’interprétation du verset de Ruth 2,14 comme une prophétie messianique semble totalement arbitraire et sans fondement  d’autant plus que le texte qui est repris parle littéralement de pain et de vinaigre, sans aucune allusion apparente à autre chose.  Doit-on en alors déduire que les rabbins, à l’instar des apôtres, ont, eux aussi, détourné malhonnêtement les versets de l’Ecriture pour les appliquer au Mashiah ? Ou  bien y a t-il un élément que les anti-missionnaires ont omis de considérer ?  Nahmanide explique :

 

 ואם ישיב אדם עלי בסמכני על חשבון האותיות שקורין אותה גמטריא וידמה בעיניו כי הוא חבל וריק בעבור שיוכל אדם להוציא כמה פסוקים לעינין רע וזר בחשבון הזה , אנחנו משיבים ומודיעים לשואל הענין הזה  באשר הוא אמת כי אין אדם רשאי לדון בחשבון גמטריאות ולוציא מהן ענין עלה בדעתו אבל קבלה ביד רבותינו חכמי התלמוד הקדושים ז"ל כי נמסרו למשה בסיני גימטריאות ידועות להיות זכר ואות לענין הנאמר על פה עם שאר התורה שבעל פה בענין אגדה ומהן אסור והתר כמו שמארו סתם נזירות שלשים יום והענין הזה כענין גזרה שוה שהרבה גופי התורה תלויין בה והוא ענין שכיכול אדם אדם להוציא ממנו דברים רעים וסותרים עיקרי התורה אלא שאמרו בה אין אדם דן גזרה שוה מעצמו והנה היא לקיים ולא לסתור והנה היה סוד הגלות הנרמוז בתיבת ונושנתם אצלנו מסורה וקבלה שבאותה פרשה נרמזת גימטריא בחשבון הגלות


« Et si quelqu’un me rétorque au sujet de mon utilisation du calcul de la valeur numérique des lettres, que l’on appelle guématria, et qu’il lui semble que cela n’a aucun fondement dès lors que tout homme peut, avec cette méthode, dénaturer le sens des versets de l’Ecriture, nous répondrons et ferons savoir à celui qui pose une telle question que personne ne peut utiliser la guématria pour lui faire dire tout ce qui lui passe par la tête. En effet, il est une tradition qu’ont reçus nos rabbins, les Saints Sages du Talmud, que leur mémoire soit bénie, qu’il a été transmis à Moshéh, au mont Sinaï, avec le reste de la Loi Orale, les guématrioth connues, lesquelles sont une allusion et un signe à ce qui a été dit oralement, aussi bien aux sujets en rapports aux récits qu’à ce qui est interdit et permis. C’est le cas, par exemple, lorsqu’ils dirent : « un simple vœu de naziréat dure trente jours, comme il est écrit : Et il sera (yiyheh) – Nombres 5,6 –  ». Cela est analogique à la guézérah shavah, par laquelle un homme peut dériver des choses mauvaises et contraires aux fondements de la Loi ; raison pour laquelle les Sages dirent qu’un homme ne peut pas faire une déduction  par guézérah shavah de lui-même (Talmud de Babylone, Péssahim 66a). Ce n’est, en effet, que pour confirmer et non pour contredire. Il est fait allusion au secret de la rédemption dans le mot « venoshatem ». Il est une tradition que nous avons reçue que ce texte contient une allusion à la guématria du décompte de l’Exil » (Séfer ha-Guéoulah)

 

Ceci nous apprend, d’une part,  que lorsque les Sages se servirent de l’Ecriture comme ils l’ont fait, ils se référaient non pas au sens propre du texte, mais à l’allusion qu’il renferme et, d’autre part, que ces méthodes atypiques « ne visent pas à contredire, mais à confirmer ». Pour dire les choses autrement, les Sages ne croyaient pas en ce qui, d’après eux, est fait allusion dans le texte à cause de l’interprétation qu’ils en faisaient mais, au contraire, interprétaient le texte comme ils le faisaient parce qu’ils croyaient déjà, soit en raison de la Tradition, soit en raison des faits,  en le sujet dont ils cherchaient l’allusion ou l’appui dans l’Ecriture. Un usage semblable des textes bibliques est déjà attesté à l’époque du deuxième Temple dans les Ecrits de Qoumrân où le sens obvie des versets, qui sont interprétés comme se référant à des évènements contemporains en rapport avec la « communauté des saints »,  est ignoré. C’est par exemple le cas dans cet extrait du commentaire sur Habaqouq où le verset d’Habacuc 1:5, qui prophétise l’invasion de Jérusalem par les Chaldéens à l’époque du premier Temple (verset 6), est réinterprété comme une allusion à ce qu’a traversé la communauté essénienne à l’époque du deuxième Temple :

 

 פשר הדבר על הבוגדים לאחרית  הימים המה עריצי הברית אשר לוא יאמינו בשומעם את כול הבאות על הדור האחרון מפי הכוהן אשר נתן אל בתוך העדה לפשור את כול  דברי עבדיו הנביאים אשר בידם ספר אל את כול הבאות על עמו ישראל


 « L’interprétation de cette parole concerne les traitres de la fin des temps ; ce sont ceux qui sont hostiles à l'Alliance, qui ne croiront pas lorsqu'ils entendront tout ce qui arrivera à la dernière génération, de la bouche du Prêtre que Dieu a placé au milieu de la congrégation pour expliquer toutes les paroles de ses serviteurs les prophètes, à travers lesquels Dieu a raconté toutes les choses qui arriveront à Israël » (1QpHab 2:5-10)

 

Il est clair, en regard de tout cela, que lorsque les apôtres ont affirmé que tel ou évènement dans la vie de Yéshou`a s’est produit «  pour accomplir ce qui a été dit », ils ne faisaient, dans la plupart des cas, pas référence sens littéral qu’ils n’ont jamais cherché à contredire ou à dénaturer, mais à l’allusion que contient le texte. Tandis que les Pharisiens considéraient certaines de leurs interprétations allusives, et les fondements de ces interprétations, comme héritées de la Tradition Orale héritée de Moshéh et des prophètes et que les Esséniens tenaient les leurs pour le fruit de révélations directes, d’après les Evangiles, c’était Yéshou`a, lequel était habité par le même esprit divin qui a inspiré les autres prophètes (1Pierre 1 :11), qui dévoila à ses apôtres la dimension messianique des versets de l’Ecriture qui font allusion au Mashiah, outre ce qui a déjà été reçu de la Tradition des Sages (Luc 24 :44-47). L’application des versets bibliques à Yéshou`a dans les Ecrits nazaréens relève ainsi de la Massorah (tradition) messianique dont les apôtres étaient les dépositaires.

 

Objection :

« Yéshou est un faux prophète car il n’est pas revenu au moment qu’il a annoncé  »

 

Réponse :

« Dès lors Jésus commença à prêcher, en disant : " Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. " » (Matthieu 4,14)

 

Nous pouvons comprendre qu’à la lecture de ce passage, certains aient raisonnés que puisque  Yéshou`a, à son époque, a dit que le « royaume des cieux » était « proche » et que rien  ne s’est encore produit depuis deux mille ans,  c’est que sa prophétie ne s’est pas réalisée.  Mais la version de Marc prouve qu’il n’en est rien :

 

« [Jésus] disait : " Le moment est arrivé, et le royaume de Dieu est proche ; repentez-vous et croyez en la bonne nouvelle » (Marc 1,15)

 

Il est constant que lorsque Yéshou`a proclama que le « royaume de Dieu est proche », il ne parlait pas d’une proximité liée au temps, puisque le « moment est déjà venu », mais s’exprimait en termes d’accessibilité, le terme קרוב   « qarov » (proche), dans le langage biblique, pouvant se référer à ce qui est accessible ou à portée de main :

 

כי-קרוב אליך הדבר, מאד:  בפיך ובלבבך, לעשתו

 

« La Parole est tout près (qarov) de toi, dans ta bouche et dans ton cœur pour que tu l’accomplisses » (Deut 30,14)

 

אך קרוב ליראיו ישעו;  לשכן כבוד בארצנו

 

« Oui, son salut est près (qarov) de ceux qui le craignent,  pour faire habiter la Gloire sur notre terre »  (Psaume 85,10)

 

קרוב יהוה, לכל-קראיו--   לכל אשר יקראהו באמת

 

« L’Éternel est près (qarov) de tous ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent avec sincérité. »  (Psaume 145,18)

 

En clair,  le message de Yéshou`a était que le royaume de Dieu est dors et déjà accessible, puisque le moment propice à son avènement est arrivé. Le peuple doit néanmoins se repentir pour en provoquer l’avènement car la réalisation des promesses dépend de la repentance. Il ne s’agit pas là de notre interprétation, mais de celle apôtres qui perpétuèrent l’enseignement de Yéshou`a et qui étaient parfaitement en position de connaître ses intentions, l’ayant côtoyé lorsqu’il était sur terre :

 

« Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés, afin que des temps de rafraîchissement viennent de la part du Seigneur, et qu'il envoie le Christ qui vous a été destiné, Jésus, que le ciel doit recevoir jusqu'aux jours du rétablissement de toutes choses, jours dont Dieu a parlé anciennement par la bouche de ses saints prophète » (Actes 3,19-21)

 

Les Sages n’en disconviennent pas :

 

ר' יהושע בן לוי אשכח לאליהו דהוי קיימי אפיתחא דמערתא דרבי שמעון בן יוחאי ... אמר ליה אימת אתי משיח אמר ליה זיל שייליה לדידיה ... א"ל לאימת אתי מר א"ל היום אתא לגבי אליהו ... א"ל שקורי קא שקר בי דאמר לי היום אתינא ולא אתא א"ל הכי אמר לך (תהילים צה) היום אם בקולו תשמעו

 

«  Rabbi Yéhoshou`a ben Lévi trouva Eliahou se tenant à l’entrée de la tombe de Rabbi Shime`on ben Yohay […] Il lui dit : « Quand le Mashiah viendra t-il ? ». Il lui dit : « Va, et demande lui » […] Yéhoshou`a ben Lévi dit au Mashiah : «  Quand mon Seigneur viendra t-il ? ». Celui-ci lui répondit : « Aujourd’hui ». Yéhoshou`a ben Lévi partit vers Eliahou […] et lui dit : « Il m’a menti ! Il m’a dit qu’il allait venir aujourd’hui, et il n’est pas venu ! ». Eliahou lui dit : « Il t’a cité le verset en Psaumes : « Aujourd’hui, si vous écoutez sa voix » » (Talmud de Babylone, Sanhédrin 98a) 

 

Remarquons que bien qu’il fut aussi prophétisé que le Mashiah allait mourir à cause des transgressions des gens de sa génération et qu’ il a été prédit que le Temple allait être détruit, il est un principe communément admis dans le judaïsme qu’une prophétie négative n’est pas obligée de s’accomplir et peut être annulée par la repentance ou la prière. Voilà pourquoi Yéshou`a et ses disciples enseignèrent que le royaume pouvait venir immédiatement, sans que les malheurs qui ont été annoncés surviennent d’abord. C’est aussi la raison pour laquelle Yéshou`a pria pour qu’il ne meure pas (Matthieu 26:39-44, Marc 14 :35-39, Luc 22 :39-44); la tradition rabbinique enseignant qu’il est possible que la prophétie de la mort du Mashiah ben Yossef soit annulée.

 

L’on doit néanmoins reconnaître que Yéshou`a  a bien prophétisé  en d’autres endroits des évangiles son retour pour sa génération même :

 

« Car le Fils de l'homme doit venir dans la gloire de son Père avec ses anges, et alors il rendra à chacun selon ses œuvres. Je vous le dis en vérité, plusieurs de ceux qui sont ici présents ne goûteront point la mort, qu'ils n'aient vu le Fils de l'homme venant dans son règne. » (Matthieu 16,27-28 ; Marc 8,38-39 ; Luc 9,26-27)

 

«  Alors ils lui demandèrent : " Maître, quand ces choses arriveront-elles, et à quel signe connaîtra-ton qu'elles sont près de s'accomplir ? "  Jésus répondit : […] lorsque vous verrez des armées investir Jérusalem, sachez alors que sa désolation est proche. Alors que ceux qui seront dans la Judée s'enfuient dans les montagnes, que ceux qui seront dans la ville en sortent, et que ceux qui seront dans les campagnes n'entrent pas dans la ville. Car ce seront des jours de châtiment, pour l'accomplissement de tout ce qui est écrit. Malheur aux femmes qui seront enceintes ou qui allaiteront en ces jours-là, car la détresse sera grande sur la terre, grande la colère contre ce peuple. Ils tomberont sous le tranchant du glaive ; ils seront emmenés captifs parmi toutes les nations, et Jérusalem sera foulée aux pieds par les Gentils, jusqu'à ce que les temps des Gentils soient accomplis. Et il y aura des signes dans le soleil, dans la lune et dans les étoiles, et, sur la terre, les nations seront dans l'angoisse et la consternation, au bruit de la mer et des flots ; les hommes séchant de frayeur dans l'attente de ce qui doit arriver à la terre entière ; car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors on verra le Fils de l'homme venant dans une nuée avec une grande puissance et une grande gloire […] Je vous le dis, en vérité, cette génération ne passera point, que tout ne soit accompli » (Luc 21, Marc 13, Matthieu 24)

 

Plusieurs explications ont été avancées par les chrétiens pour contourner la difficulté.  Le sens obvie, cependant, indique que Yéshou`a a bien prophétisé son retour pour sa génération. Pour autant, cela ne fait pas de lui un faux prophète. Accordons-nous encore une fois, pour le comprendre, un détour par la Tradition des Sages. Il est enseigné dans le Talmud :

 

דר' יעקב בר אידי רמי כתיב (בראשית כח) והנה אנכי עמך ושמרתיך בכל אשר תלך וכתיב (בראשית לב) ויירא יעקב מאד אמר שמא יגרום החטא כדתניא (שמות טו) עד יעבור עמך ה' עד יעבור עם זו קנית עד יעבור עמך ה' זו ביאה ראשונה עד יעבור עם זו קנית זו ביאה שנייה מכאן אמרו חכמים ראוים היו ישראל ליעשות להם נס בימי עזרא כדרך שנעשה להם בימי יהושע בן נון אלא שגרם החטא

 

« Rabbi Ya`aqov bar Iddi opposa deux versets : Il est écrit : « Je suis avec toi pour te garder partout où tu iras, et te ramener dans ce pays ; car je ne te quitterai point que je n’aie exécuté ce que je t’ai promis. » (Genèse 28,15). Il est aussi écrit : « Alors Ya`aqov craignit fort et fut dans la détresse » (Genèse 32,8). Ya`aqov craignit que le péché ait causé l’annulation de la prophétie, comme il est enseigné : « Jusqu’à ce que ton peuple soit passé, Éternel, jusqu’à ce que soit passé le peuple que tu t’es acquis » (Exode 15,16). «Jusqu’à ce que ton peuple soit passé, Éternel » - cela concerne la première entrée (en terre sainte) ; « jusqu’à ce que soit passé le peuple que tu t’es acquis » - cela concerne la deuxième entrée. De là, les Sages dirent que les Israélites auraient mérité qu’un miracle soit fait pour eux aux jours de `Ezra, comme aux jours de Yéhoshou`a, le fils de Noun, mais le péché a causé l’abrogation de la prophétie » (Talmud de Babylone, Bérakhoth 4a)

 

Maïmonide, cependant, déclare :

 

דברי הפורענות שהנביא אומר, כגון שיאמר פלוני ימות או שנה פלונית שנת רעב או מלחמה וכיוצא בדברים אלו--אם לא עמדו דבריו, אין בזה הכחשה לנבואתו; ואין אומרין הנה דבר דיברת ולא בא:  שהקדוש ברוך הוא "ארך אפיים ורב חסד, וניחם על הרעה" (יואל ב,יג; יונה ד,ב); ואפשר שעשו תשובה ונסלח להם כאנשי נינווה, או שתלה להם כחזקייה. אבל אם הבטיח על טובה ואמר שיהיה כך וכך, ולא באה הטובה שאמר--בידוע שהוא נביא שקר:  שכל דבר טובה שיגזור האל, אפילו על תנאי--אינו חוזר.  הא למדת, שבדברי הטובה בלבד ייבחן הנביא.

 

« Si un prophète annonce des calamités, en affirmant, par exemple, que tel ou tel mourra ou que telle ou telle année sera une année de famine ou de guerre, et des choses de la sortes – si ses paroles ne s’accomplissent pas, cela ne contredit en rien sa prophétie, et on ne doit pas lui dire : « Eh ! Tu as dit telle chose, et cela ne s’est pas accompli ! ». Le Saint Béni Soit-il, en effet, est plein de longanimité et de miséricorde et regrettant de punir (Yoel 2,13 ; Yonah 4,2), et il se peut qu’ils firent repentance, comme les habitants de Ninive ou que le décret a été levé, comme ce fut le cas avec Yéhizqiahou.  Par contre, si un prophète a promis une bonne chose et déclara qu’il y aura telle ou telle chose, et que le bon qu’il a prophétisé n’est pas venu, on sait que c’est un faux prophète, car lorsque le Saint Béni Soit Il décrète une bonne chose, même sous condition, Il ne revient pas sur sa parole. De là, tu apprends qu’un prophète n’est testé que par le bien qu’il annonce » (Lois sur les fondements de la Torah, chapitre 10)

 

Maïmonide se réfère ici au passage qui se trouve dans le traité Bérakhoth 7a, en lequel nous pouvons effectivement lire :

 

וא"ר יוחנן משום ר' יוסי כל דבור ודבור שיצא מפי הקב"ה לטובה אפי' על תנאי לא חזר בו מנא לן ממשה רבינו שנא' (דברים ט) הרף ממני ואשמידם וגו' ואעשה אותך לגוי עצום אע"ג דבעא משה רחמי עלה דמלתא ובטלה אפ"ה אוקמה בזרעיה שנא' (דברי הימים א כג) בני משה גרשום ואליעזר ויהיו בני אליעזר רחביה הראש וגו' ובני רחביה רבו למעלה וגו'

 

« R. Yohanan dit au nom de R. Yossé : Lorsque le Saint Béni Soit Il décrète une bonne chose, même sous condition, Il ne revient pas sur sa parole. D’où le sait-on ? De Moshéh notre maître, puisqu’il est dit : « Ne m’arrête pas ! Je veux les anéantir et effacer leur nom de dessous les Cieux, et faire de toi un peuple plus fort et plus grand que lui » (Deut. 9). Même si Moshéh supplia pour la Miséricorde et que le décret a été abrogé, la parole concernant ses fils s’est quand même réalisée, comme il est dit : « Fils de Moshéh : Gershom et Eli`ézer etc. Et les fils d’Eli`ézer furent : Rehaviah, le chef ; et Eli`ézer n’eut pas d’autre fils ; mais les fils de  Rehaviah furent fort nombreux » (1 Chroniques 23) »

 

L’apparente contradiction entre les deux affirmations du Talmud est expliquée comme suit par Maïmonide :

 

מה שפחד יעקב אחרי שהבטיחו הּ בטוב באמרו לו והנה אנכי עמך וכוּ, ומצאנו שפחד פן יספה שנּ ויירא יעקב מאד וכוּ, ואמרו חכמים בזה שפחד מחטא חמור שיתחייב עליו השמדה, והוא אמרם קסבר שמא יגרום החטא, משמע מזה שאפשר שיבטיח הּ טובה ויכריעו העונות ולא יתקיים אותו הטוב. דע שאין זאת אלא במה שבין הּ לנביא, אבל חלילה שיאמר הּ לנביא להבטיח לבני אדם טובה בסתם ולא תתקיים אותה הבטחה, לא יתכן דבר זה, לפי שלא היה נשאר לנו במה לאמת את הנבואה

 

« De quoi Ya`aqov a-t-il eu peur après que l’Eternel lui ait promis de bonnes choses en lui disant : «  Je suis avec toi » (Genèse 28,15) ? Il craignit de se faire tuer, comme il est dit « Alors Ya`aqov craignit fort et fut dans la détresse etc. » (Genèse 32 ,8). Le Sages dirent ainsi à ce propos que Ya`aqov craignit qu’un péché grave l’ai rendu passible de destruction, et affirmèrent qu’il craignit qu’un péché ait causé l’abrogation de la promesse. Cela suggère qu’il est possible que l’Eternel promette une bonne chose, mais que les fautes font que la bonne chose qui a été promise ne s’accomplisse pas. Sache que cela ne concerne que l’Eternel et le prophète, mais à Dieu ne plaise que l’Eternel dise à un prophète de promettre une bonne chose aux hommes et que la promesse ne s’accomplisse pas. Une telle chose est impossible, car il ne nous resterait alors plus rien pour juger de la véracité d’une prophétie » (Commentaire de Maïmonide sur la Mishnah, introduction)

 

Cette explication n’est nullement satisfaisante. Le deuxième exemple de prophétie abrogée cité dans le traité Bérakhoth 4b n’était pas une prophétie « entre  l’Eternel et le prophète », mais concernait tout Israël, qui d’après ce que l’on sait de par la Tradition Orale – le texte cité n’est qu’une allusion – aurait dû être témoin des mêmes miracles que ceux effectués aux temps de Yéhoshou`a bin Noun lors du retour de l’Exil à Babylone.  Voici comment le Léhem Mishneh justifie l’opinion de Maïmonide :

 

 דודאי היכא דאיכא גרם החטא יחזור בו האל יתברך ומאי דאמר בפ״ק דברכות על תנאי אינו חוזר היינו כל זמן שלא גרם החטא ודוקא היכא דליכא הכזבת נביא אבל היכא דאיכא הכזבת נביא לא, ובתירוץ שתירץ הרב ז״ל מעד יעבור עמך ה׳ עד יעבור עם זו קנית אע״ג דזה היה דבר שאמר ה׳ למשה דכל דבר שאמר משה מפי הגבורה אמרו מ״מ אינו כתוב בתורה בשם ה׳ אלא בשם משה. ומה שאז״ל לא יצאת אמירה מפי הקב״ה כלומר שאמר הקב״ה בתורה מפי עצמו שהוא מדבר או הנביא בשם ה׳ אמרן אבל אלו הם דברי משה אע״פ שמפי הגבורה אמרן מ״מ כיון שאינו בלשון האל יתברך יפול בהם נחמה שינחם האל יתברך


« Il est évident que lorsque le péché cause l’abrogation de la promesse, le Dieu Béni Soit-il peut revenir sur sa promesse (...) cela ne s’applique qu’au cas où le péché n’en a pas causé l’abrogation et seulement lorsqu’il n’y a pas de  risque que la véracité du prophète soit remise en cause. Mais lorsque, cependant, le risque existe que la véracité du prophétie soit remise en cause,  la prophétie ne peut plus être abrogée […] Lorsqu’il a été dit : «  Jusqu’à ce que ton peuple soit passé , jusqu’ à ce peuple que tu as acquis soit passé » , même si l’Eternel l’a dit à Moshéh – toute parole, en effet, qu’a dite Moshéh provenait de Dieu – , malgré tout, cela n’a pas été écrit dans la Torah au nom de l’Eternel, mais au nom de Moshéh. Il ne s’agissait pas d’une Parole qui était issue du Saint Béni Soit-il, en d’autres termes, que l’Eternel lui-même a dite ou que le prophète a dit au nom de l’Eternel, mais il s’agissait des paroles de Moshéh, même s’il s’agissait de paroles venant de Dieu. En tout cas, puisque cela n’a pas été dit au nom de l’Eternel, Dieu pouvait revenir sur ce qui a été dit » (Léhem Mishneh sur les Lois sur les fondements de la Torah, chapitre 10)

 

L’on relève toutefois dans le traité Yébamoth :

 

זכה משלימין לו לא זכה פוחתין לו דברי ר' עקיבא וחכמים אומרים זכה מוסיפים לו לא זכה פוחתין לו אמרו לו לרבי עקיבא הרי הוא אומר והוספתי על ימיך חמש עשרה שנה אמר להם משלו הוסיפו לו תדע שהרי נביא עומד ומתנבא (מלכים א יג) הנה בן נולד לבית דוד יאשיהו שמו ועדיין לא נולד מנשה ורבנן מי כתיב מחזקיה לבית דוד כתיב אי מחזקיה נולד אי מאינש אחרינא

 

« Si une personne est méritante, elle complète les années de sa vie. Si elle ne l’est pas, sa durée de vie est écourtée – parole de Rabbi `Aqivah. Mais les Sages disent : Si une personne est méritante, sa durée de vie est prolongée. Si elle n’est pas, sa durée de vie est écourtée. Ils dirent à Rabbi `Aqivah : La preuve en est que l’Ecriture dit : «  Et j’ajouterai quinze ans à tes jours » (2Rois 20,6). Rabbi `Aqivah répondit : On lui a ajouté de ce qui a, originellement, a été sien, mais lui a été enlevé. On le sait, parce que le prophète dit : « Voici, il naîtra un fils à la maison de David, Yoshiahou sera son nom » (1 Rois 13,2), alors que Ménasheh n’était pas encore né. Les Sages dirent : Il n’est pas écrit «  de Yehizqiahou », mais «  de la maison de David ».  Il aurait pu naître de Yehizqiahou ou d’un autre » (Talmud de Babylone, Yébamoth 50a)

 

Pour reformuler plus clairement le problème posé, on sait d’une part que Ménashéh, le fils de Yehizqiahou, naquit trois ans après le rétablissement de son père, qui, s’il ne s’était pas repenti de ses fautes, serait mort des suites de sa maladie et n’aurait pas engendré Ménasheh (2Rois 20,6 et 21,1).  Et, d’autre part, que Yoshiahou était le fils de Ménashéh et le petit fils de Yéhizqiahou. Or, la venue au monde de Yoshiahou  a été prophétisée avant même la naissance de Yéhizqiahou, son grand père (1Rois 13,2). D’où la question : Etant donné que Yéhizqiahou n’a pu continuer à vivre que parce qu’il s’est repenti (2Rois chapitre 20), comment la prophétie de la naissance de Yoshiahou aurait-elle pu se réaliser si Yéhizqiahou n’avait pas confessé ses péchés devant l’Eternel ? Les Ba`alei ha-Tossafoth répondent :

 

והלא אם לא התפלל חזקיהו על עצמו היה מת והיתה נבואה בטלה אלא ע"כ אין הנביא מתנבא אלא מה שראוי להיות אם לא היה חוטא א"כ היכי מוכח מכאן דמשלו הוסיפו לו

 

«  Si Yehizqiahou n’avait pas prié pour lui-même, ne serait-t-il pas mort et la prophétie n’aurait-elle pas été abrogée ? Tu es obligé d’admettre qu’un prophète ne prédit que ce qui peut se produire si le destinataire de la prophétie ne pèche pas.»  (Tossafoth sur Yébamoth 50a)

 

Voici comment la prophétie fut énoncée :

 

כה אמר יהוה:  הנה-בן נולד לבית-דוד, יאשיהו שמו

 

« Ainsi parle l’Éternel : Voici, il naîtra un fils à la maison de David,  Yoshiahou sera son nom  »  (1Rois 13 :2)

 

Dès lors que la prophétie qui a failli être abrogée fut introduite par la formule « ainsi parle l’Eternel », c’est le raisonnement peu naturel du Léhem Mishneh et toute tentative d’harmoniser la position de Maïmonide avec le Talmud qui tombe à l’eau. Certes, l’on peut ne pas être d’accord avec l’interprétation de Rabbi `Aqivah. Il n’empêche toutefois que ce passage montre clairement que l’idée selon laquelle toute prophétie, annonçant ou un bien ou un malheur, concernant ou le prophète lui-même ou d’autres, qu’elle ait été ou non introduite par la formule « ainsi parle l’Eternel », et même si aucune condition n’a été stipulée, peut être annulée,  était un principe admis par les Sages du Talmud. Rabbi `Aqivah n’y aurait sinon pas fait appel.

 

Les Ecritures nous offrent un autre exemple dans la prophétie de l’entrée des Israélites en terre sainte.  Moshéh, en effet, a prédit que Dieu amènerait par son entremise les Israélites en terre promise (Exode 6,6). Pourtant, cette promesse a failli ne jamais s'accomplir, puisqu'à plusieurs reprises, et si Moshéh n’avait pas intercédé, l’Eternel a failli exterminer la génération de l’Exode (Exode 32,7-14, Nombre 14,19). Finalement, il a été décrété que ce seront leurs enfants qui prendront possession de la terre de Canaan. Pas même Moshéh n'a été autorisé à y entrer (Deutéronome 1,34-40), alors qu’il a été stipulé initialement :

 

 יהוה אלהינו דבר אלינו, בחרב לאמר:  רב-לכם שבת, בהר הזה. פנו וסעו לכם, ובאו הר האמרי ואל-כל-שכניו, בערבה בהר ובשפלה ובנגב, ובחוף היּם--ארץ הכנעני והלבנון, עד-הנהר הגדל נהר-פרת ראה נתתי לפניכם, את-הארץ; באו, ורשו את-הארץ, אשר נשבע יהוה לאבתיכם לאברהם ליצחק וליעקב לתת להם, ולזרעם אחריהם

 

« En Horev, l’Eternel notre Dieu nous a dit : Vous avez assez séjourné dans cette montagne. Faisant volte-face mettez-vous en marche et gagnez les régions montagneuses des Amoréens et toutes les régions voisines, la `Arava, la montagne, la Shéféla, le Néguev et le littoral, le pays des Cananéens et le Liban jusqu’au Grand-Fleuve, le fleuve Euphrate. Voici, je vous livre ce pays, marchez à la conquête du pays que l’Éternel a juré à vos pères, à Avraham, à Yitshaq et à Ya`aqov de leur donner et à leur descendance après eux » (Deutéronome 1,6-8)

 

Nous retrouvons aussi dans le Livre de Yirméyahou :

 

רגע אדבר, על-גוי ועל-ממלכה, לנתוש ולנתוץ, ולהאביד

 ושב, הגוי ההוא, מרעתו, אשר דברתי עליו--ונחמתי, על-הרעה, אשר חשבתי, לעשות לו. ורגע אדבר, על-גוי ועל-ממלכה, לבנות, ולנטועַ ועשה הרעה (הרע) בעיני, לבלתי שמע בקולי--ונחמתי, על-הטובה, אשר אמרתי, להיטיב אותו

 

«  Mais que ce peuple, touchant lequel
j’avais parlé, revienne de sa méchanceté, je me repens du mal que j’avais pensé à lui faire. Et une autre fois je parle, touchant un peuple et un royaume, d’édifier et de planter. Mais qu’il fasse ce qui est mal à mes yeux, n’obéissant pas à ma voix, je me repens du bien que j’avais dit vouloir lui faire »  (Yirméyahou  18,8-10)

 

Ce qui nous ramène à la question initiale : Comment réconcilier cela avec le principe en Bérakhoth 4a ? Yitshaq `Aramah rapporte et développe l'explication selon laquelle le principe de non abrogation ne concerne que le cas où la condition en question est externe et  n' est pas liée au bénéficiaire lui-même  ( `Aqédath Yitshaq 96 ). Dans le cas de Moshéh , la condition était, non pas sa propre justice, mais la destruction des israélites qui n'a pas eu lieu. Ce qui n'empêche pas que lorsque le bénéficiaire lui-même pèche , la promesse qui lui a été faite puisse être abrogéeEn clair, dès lors que toute prophétie est dépendante des mérites de ses destinataires, trois possibilités se présentent :

 

Si le prophète annonce un malheur , mais que sa parole ne s’est pas réalisée , il se pourrait alors simplement que l’Eternel , qui est «  clément et miséricordieux, plein de longanimité et de miséricorde et regrettant de punir » (Jonas 4 :2), a abrogé la prophétie , soit parce que ceux auxquels la prophétie s’est adressée se sont repentis, comme ce fut le cas des habitants de Ninive, soit , parce que Dieu a tenu compte de la repentance et des mérites  ne serais-ce que d’une minorité (Genèse 18 :32), soit, encore, parce qu’un homme intègre intercéda en faveur des fauteurs (Genèse 18 :23, Exode 32 :11-14) .

 

A l’inverse, si le prophète a annoncé un bien à venir, mais que rien ne s’est produit alors que les destinataires de la prophétie n’ont pas fauté entre temps, c’est un faux prophète.

 

Par contre, si les destinataires fautèrent, on ne peut rien déduire de la non réalisation de la prophétie, puisqu’il se pourrait, comme le dit le Talmud de Babylone, que « le péché a causé l’abrogation de la prophétie »  גרם החטא (Bérakhoth 4a). Similairement, et quand bien même aucune condition n’a été émise, un bien prédit après un malheur dépend de la repentance des destinataires du message prophétique après le châtiment annoncé. C’est ce que nous apprend le livre de Daniel au chapitre 9 :

 

« La première année de Darius, fils d’Assuérus, un descendant des Mèdes qui avait été fait du royaume des Chaldéens, la première année de son règne, moi Daniel, j’ai discerné à partir des livres, d’après ce que l’Eternel avait dit au prophète Yirméyahou, le nombre d’années pendant lesquelles Jérusalem resterait dévastée, [savoir] soixante-dix ans.  Et je tournai mes regards vers l’Eternel Dieu, afin de chercher la prière et l’oraison dans le jeûne, dans le cilice et la cendre. J’ai prié l’Eternel mon Dieu et j’ai fait cette confession : O Eternel Dieu, qui es le Dieu grand et redoutable, qui garde l’alliance et la miséricorde pour ceux qui l’aiment et gardent ses commandements ! Nous avons été pécheurs et pervers, et nous avons été transgresseurs et rebelles, et nous nous sommes écartés de tes commandements et de tes lois. Et nous n’avons point écouté tes serviteurs, les prophètes, qui parlèrent en ton nom à nos rois, à nos princes et à nos pères et à tout le peuple du pays […] Seigneur, écoute! Seigneur, pardonne! Seigneur, aie égard et agis! Ne tarde pas, au nom de toi-même, O mon Dieu! »

 

Le Malbim nous éclaire sur le sens de ce passage :

 

 מפני שבירמיה [סי' כ"ה] אמר שיעבדו את מלך בבל שבעים שנה ואח"כ אפקד על מלך בבל, ויעוד זה נתקיים אז, ועוד אמר [שם כ"ט], כי לפי מלאות לבבל שבעים שנה אפקד אתכם, להשיב אתכם אל המקום ההוא, ויעוד זה לא נתקיים … חשב שחזר ה' מיעוד הטוב שיעד על ידי ירמיה, ע"י רשעת העם ופשעיהם, כמ"ש וצבא תנתן על התמיד בפשע, ולכן התפלל ויתודה להשיב חמה ולהחזיר את הגזירה ... ונגד הרצון ושמירת ההבטחה אמר ידעתי כי אתה שומר הברית והחסד ולא תשנה הבטחתך, אבל זה רק לאהביו ולשמרי מצותיו, רק להם ישמור בריתו וחסדו, לא כן אנחנו אשר. חטאנו, ויוכל להיות שהחטאים יגרמו שלא יבואו יעודיו הטובים ונגד החטאים במצות שבין אדם למקום אמר חטאנו ועוינו … ולא שמענו אל עבדיך הנביאים, וזה מרידה אחר שהנביאים דברו בשמך, ודבריהם באו לכללות העם, בין למלכינו ושרינו, בין לאבותינו בדורות הקודמים, ובין לכל עם הארץ, בענין שהיו שלוחים בכל הדורות ולכל פנות העם לגדולים ולקטנים, ואחר שהיו שלוחים דוברים בשמך ולא שמענו ה"ז כמורד במלך בפניו, כי שלוחו כמותו

 

« Il est en effet dit dans (la prophétie de)  Yirméyahou  qu’ils (les membres du royaume de Juda) serviront le roi de Babylone pendant soixante-dix ans et qu’après cela « je punirai le roi de Babylone » (Yirméyahou  25 :11-12). Cette promesse a été accomplie.  Il y est aussi dit : « Dès que soixante-dix ans seront révolus pour Babylone, je vous visiterai et j’accomplirai sur vous mes excellentes promesses, en vous ramenant dans ce lieu » (Yirméyahou  29 :10). Et cette promesse n’a pas encore été accomplie etc. Daniel a cru qu’à cause de la méchanceté et des péchés du peuple,  l’Eternel s’est rétracté des bonnes choses qu’il avait promises par l’entremise de Yirméyahou. Daniel pria ainsi pour que l’Eternel renonce à sa colère décrète de nouveau (ce qu’il avait initialement promis) etc. C’est par rapport à la Volonté de l’Eternel et sa fidélité aux promesses qu’il dit : « [O Eternel Dieu, qui es le Dieu grand et redoutable], qui garde l’alliance et la miséricorde », et « tu ne change pas tes promesses » (Daniel 9,4).  Mais cela ne s’applique qu’à ceux qui l’aiment et gardent ses commandements. C’est seulement à l’égard de ceux là qu’il garde l’alliance et la miséricorde, ce qui n’est pas notre cas, car nous avons péché. Et il se peut que ce soient nos péchés qui aient causé le non accomplissement des bonnes promesses. C’est vis-à-vis des commandements qui concernent la relation entre l’homme et Dieu que Daniel dit «  nous avons été pécheurs et pervers » (Daniel 9,5) etc. «  Et nous n’avons point écouté tes serviteurs les prophètes », et il s’agit d’une autre rébellion puisque les prophètes parlèrent en ton Nom, et leurs paroles concernaient l’ensemble du peuple etc. dès lors qu’ils ont été des envoyés qui parlaient en ton Nom et que nous n’avons pas écouté , c’est comme si nous nous sommes rebellés contre le Roi lui-même, car son émissaire est comme Lui-même » (Commentaires du Malbim sur Daniel chapitre 9)

 

Le Talmud rapporte l’opinion de Rava d’après lequel Daniel, qui a compté les 70 ans depuis l’année de l’Exil alors qu’il aurait du compter depuis l’année de la destruction du Temple, s’est trompé (Talmud de Babylone, Méguilah 12a). Si l’on en croit Rava, c’est la raison pour laquelle Daniel pensa que la prophétie de Yirméyahou  a été annulée et qu’il intercéda auprès de l’Eternel pour que celui-ci accomplisse malgré tout ce qui fut annoncé, même si la date initialement prévue était alors déjà passée. En tous les cas, Daniel, n’a jamais pensé que Yirméyahou  était un faux prophète, mais adhéra au principe selon lequel la réalisation d’une prophétie annonçant un bien après un malheur dépend de la repentance des destinataires de la prophétie après la punition prédite.  Citons comme appui la Barayta suivante :

 

ר' אליעזר אומר אם ישראל עושין תשובה נגאלין ואם לאו אין נגאלין אמר ליה רבי יהושע אם אין עושין תשובה אין נגאלין אלא הקב"ה מעמיד להן מלך שגזרותיו קשות כהמן וישראל עושין תשובה ומחזירן למוטב

 

« Rabbi Eli`ezer dit : Si les Israélites se repentent, ils seront délivrés, sinon, ils ne seront pas délivrés. Rabbi Yéhoshou`a dit : S’ils ne se repentent pas, ils ne seront effectivement pas délivrés. Cependant, le Saint Béni Soit-il désignera sur eux un roi, comme Hamân, qui émettra des décrets sévères et alors, les Israélites se repentiront, et ce roi les fera revenir sur le droit chemin » (Talmud de Babylone, Sanhédrin 97b)

 

Peut-on alors encore dire, en regard de tout cela, que Yéshou`a était un faux prophète ? Même si la prédiction selon laquelle  «  cette génération ne passera pas » avant que ne vienne le Fils de l’homme, a été annulée, parce que la plupart des gens de « cette génération », qui auraient dû se repentir après les catastrophes qui se sont abattues sur eux, persistèrent dans leur refus d’accepter Yéshou`a, lequel, en tant que le représentant et l’émissaire de l’Eternel, est « comme Lui-même », et de lui obéir, Yéshou`a a aussi prédit une tribulation qui culminerait par la destruction du Temple. Comme nous l’apprend l’histoire et comme l’ont déjà amplement démontré les savants chrétiens prétéristes (voir par exemple cet article ), desquels nous divergeons néanmoins quand ils font de l’avènement du Fils de l’homme une simple métaphore, la prophétie de Yéshou`a en rapport à la tribulation s’est réalisée jusque dans ses moindres détails dans les quarante années qui suivirent sa crucifixion. Yéshou`a était par conséquent un prophète véridique auquel on doit soumission et obéissance (Deutéronome 18 :18-19). C’est d’ailleurs ce qui explique pourquoi, dans les décennies qui suivirent la destruction du Temple, le nombre de Juifs ayant rejoint la mouvance des disciples de Yéshou`a s’accrut considérablement à tel point que les Sages de l’académie de Yavné y virent une menace et exclurent,  au moyen de la Birkath ha-minim et toutes sortes de mesures d’ostracisme émises à leur encontre, les Nazaréens de la communauté rabbinique afin de circonscrire leur influence et de mettre un terme à leur expansion parmi les juifs.

         

Si notre raisonnement talmudique était notre seul appui, il aurait été légitime que d’aucuns en doutent et rétorquent que notre explication est tirée par les cheveux. On retrouve cependant l’idée expressément énoncée dans les Evangiles et ce, juste avant que ne soit rapportée la prophétie de la tribulation et de l’avènement du Fils de l’homme dans la Gloire :

 

« Jérusalem, Jérusalem, qui tue les prophètes et lapides ceux qui lui sont envoyés ! Que de fois j'ai voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu ! Voici que votre maison vous est laissée solitaire. Car, je vous le dis, vous ne me verrez plus désormais jusqu'à ce que vous disiez : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » (Matthieu 23:37-39)

 

Le retour de Yéshou`a n’allait ainsi se produire qu’à condition que le peuple le proclame comme « celui qui vient au Nom du Seigneur » et répond à son appel à la repentance. La deuxième épître de Pierre porte le même enseignement :

 

« Sachez avant tout que, dans les derniers temps, il viendra des moqueurs pleins de raillerie, vivant au gré de leurs convoitises, et disant : " Où est la promesse de son avènement ? Car depuis que nos pères sont morts, tout continue à subsister comme depuis le commencement de la création ". Ils veulent ignorer que, dès l'origine, des cieux existaient, ainsi qu'une terre que la parole de Dieu avait fait surgir du sein de l'eau, au moyen de l'eau, et que par là même monde d'alors périt submergé. Quant aux cieux et à la terre d'à présent, la même parole de Dieu les tient en réserve et les garde pour le feu, au jour du jugement et de la ruine des hommes impies. Mais il est une chose, bien-aimés, que vous ne devez pas ignorer, c'est que, pour le Seigneur, un jour est comme mille ans, " et mille ans sont comme un jour ". Non, le Seigneur ne retarde pas l'accomplissement de sa promesse, comme quelques-uns se l'imaginent ; mais il use de patience envers vous, ne voulant pas qu'aucun périsse, mais que tous viennent à la pénitence. Cependant le jour du Seigneur viendra comme un voleur ; en ce jour, les cieux passeront avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, et la terre sera consumée avec les ouvrages qu'elle renferme. » (2 Pierre 3:3-10)

 

Il est de grand intérêt de noter que même les Sages Talmud, qui ne croyaient pour autant pas en Yéshou`a, reconnurent que « toutes les dates sont passées, et que tout dépend de la repentance et des bonnes œuvres » כלו כל הקיצין ואין הדבר תלוי אלא בתשובה ומעשים טובים  (Talmud de Babylone, Sanhédrin 97b). Il est déclaré dans la même page que « si les Israélites se repentent, ils seront délivrés, sinon, ils ne seront pas délivrés  אם ישראל עושין תשובה נגאלין ואם לאו אין נגאלין. La Barayta apparaissant dans le traité Bérakhoth 4a, selon laquelle une prophétie annonçant le bien peut être annulée si les destinataires ne sont pas méritants, est également reprise dans le folio 98b du traité Sanhédrin. Sachant que « dans tout le Talmud, rien n’est jamais avancé à moins qu’il y ait un rapport avec ce qui a été dit précédemment » בכל התלמוד אין אומרים מנין אלא כשהקדימו אותו הדבר (Rabénou Hananel sur Bérakhoth 7a), l’on doit comprendre que  toutes les prophéties sur la date de l’avènement du Mashiah ont été annulées et le terme de l’Exil a été repoussé à cause des péchés du peuple. C’est ce que déclare explicitement l’une des traditions rapportées au nom du prophète Eliahou :

 

תנא דבי אליהו ששת אלפים שנה הוי העולם שני אלפים תוהו שני אלפים תורה שני אלפים ימות המשיח בעונותינו שרבו יצאו מהן מה שיצאו מהן

 

« Il a été enseigné dans l’école d’Eliahou que le monde existerait pendant six mille ans : Deux mille ans de chaos, deux mille ans de Torah, deux mille ans de jours du Mashiah. Mais à cause de nos péchés, cependant, une partie de ces années est déjà passée » (Sanhédrin 97a-b)

 

Le Talmud de Jérusalem, dans le traité Bérakhoth 2:14b, rapporte également l’opinion selon laquelle le Mashiah naquit au moment même où le Temple fut détruit mais que des esprits l’ont emporté.  L’idée se fonde sur l’oracle de Yésha`yahou où l’annonce de la destruction du Temple, appelé « Lévanôn », dans la littérature talmudique (Talmud de Babylone, Yoma 39b), est immédiatement suivie de la prophétie sur l’avènement du Mashiah et l’ère messianique :

 

והלבנון באדיר יפול ויצא חטר מגזע ישי ונצר משרשיו יפרה

 

«  Le Lévanôn, par le puissant tombera. Et il sort un rameau de la souche de Yishay, et un rejeton fleurit de ses racines etc.  » (Yésha`yahou 10 :34-11:1)

 

Que l’on interprète le Talmud de Jérusalem comme se référant à une naissance réelle ou comme une métaphore signifiant que l’Eternel aurait pu envoyer le rédempteur mais que nos iniquités, allégoriquement dépeints comme des démons qui ont emporté le Mashiah, nous ont fait manquer l’opportunité, cela atteste clairement que parmi les prédictions sur les « dates » קיצין passées  (le Talmud emploie le pluriel) où le Mashiah, si nous l’avions mérité, se serait dévoilé, l’une prévoyait la délivrance finale pour peu de temps, si ce n’est immédiatement, après la destruction du second Temple, exactement comme l’a affirmé Yéshou`a.

 

Somme toutes,  considérer, d’une part,  comme des envoyés authentiques de Dieu les prophètes qui ont annoncé l’avènement du Mashiah et, d’autre part, accuser Yéshou`a de prophétie mensongère en prétextant qu’il n’est pas revenu au moment qu’il a annoncé relève de l’incohérence la plus absolue en regard de ce qu’enseigne la Tradition talmudique. 

 

4 commentaires:

  1. Amis, vous essaiyer de tordre la Torah avec votre Messie présumés Yéshu'. Il été utile seulement pour ça générations et la communauté des Notzrim, a disparus depuis le 5eme siecles, preuve que cele viens pas de Hash Shem, comme le disent les Actes qui utilisent Rabban Gamaliel. Vous essaie de faire revivre avec des spéculations une communauté disparus... Et vendre de l'inutilité. A la limite vous pouvez croire ce que vous voulez tant que vous respecté la HalaKha. Mais vous pouvez pas reprocheer ou precher ces idées, car elle n'ont aucun réalisations concret, mais seulement un Crédo sans sens.
    Vous est presque comme d'autres mouvement Messianique, tel que celui de Tsabataï Tsevi, certains groupe de Rabbi Loubavitch etc.

    Vous trahissez Am Israel avec vos proclamations au nom de Yéshu' qui a amené que misère et désastre en son nom sur Am Israel.
    Les deux Mashia'h présume ont plus de valeur que Yéshu', avec sont histoire horrible sur notre peuple.
    Ci il été vraiment le Mashia'h promis, Hash Shem aurais pas laissé corompre son nom a ce point là.
    Mais il est tout simplement une mise a l'épreuve en tant que Mashia'h présumé et qu'il ne faut pas le prendre au sérieux et faire tout une histoire et secte comme vous faite.
    En tout cas le RaMBaM à eux raison d'évoquer ce passage de Daniel.
    "et les fils dévoyés de ton peuple s'enorgueilliront d'établir la vision et ils échoueront." Daniel 11:14. Le talmud parle du Mashia'h ben Yossef seulement comme un mahsia'h présumé, qui est juste envoyé pour éprouvé le peuple.

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    1. Avez vous des objections concrètes à ce qui a été avancé, auquel cas je me ferais un plaisir d'en tenir compte et d'y répondre dans les prochaines parties , ou êtes vous venus ici simplement pour faire de l'argumentum ad personam ?

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    2. Pas de soucis. Ci l'article suivent doit avoir un argument de ce que j'ai écrit, je lirais et j'en ferais ma conclusion.
      Non absolument pas, je essaie juste de voire pourquoi vouloir rebbatire ce qui est perdus, tel la communauté Nazaréen ou Ebionnite.
      La Torah ShébeKhtav et Shebeal Pé est le seul héritage dans lesquelle nous nous devons fortifier et faire des recherche, le reste n'a pas grand valeur. Encore moins les évangiles.
      Et la messianité de Jésus, Juifs Messie présume tant parmis les autres dans notre Histoires.

      J'attend la suite.

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  2. Texte de Menahem l'Ebonite admirable dans ses commentaires de science et de méditation. On ne peut prétendre faire de controverse légitime sans se mettre à son niveau. Le rejeter sur un principe dogmatique reste dogmatique. La position nazaréenne obsolète ? Mais on pourrait avancer à rebours que du fait de la destruction du Temple, de la disparition des prêtres et du Grand-Prêtre, et de la rédaction du Talmud qui s'en est suivi, la position intolérante est une innovation.

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