dimanche 5 septembre 2021

Commentaire sur les évangiles

Marc 1:1-6 , Matthieu 3:1-4 , Luc 3:1-6

« Commencement de l'Evangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu. Selon ce qui est écrit dans Esaïe, le prophète: Voici, j'envoie devant toi mon messager, Qui préparera ton chemin; C'est la voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers. Jean parut, baptisant dans le désert, et prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés. Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui; et, confessant leurs péchés, ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain. Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.» (Marc 1:1-6)

« En ce temps-là parut Jean Baptiste, prêchant dans le désert de Judée. Il disait: Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche. Jean est celui qui avait été annoncé par Esaïe, le prophète, lorsqu'il dit: C'est ici la voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers. Jean avait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins. Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.  » (Matthieu 3:1-4)

« La quinzième année du règne de Tibère César, -lorsque Ponce Pilate était gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de la Galilée, son frère Philippe tétrarque de l'Iturée et du territoire de la Trachonite, Lysanias tétrarque de l'Abilène, et du temps des souverains sacrificateurs Anne et Caïphe, -la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, dans le désert. Et il alla dans tout le pays des environs du Jourdain, prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés, selon ce qui est écrit dans le livre des paroles d'Esaïe, le prophète: C'est la voix de celui qui crie dans le désert: Préparez le chemin du Seigneur, Aplanissez ses sentiers. Toute vallée sera comblée, Toute montagne et toute colline seront abaissées; Ce qui est tortueux sera redressé, Et les chemins raboteux seront aplanis. Et toute chair verra le salut de Dieu.  » ( Luc 3 :1-6 )

 

COMMENCEMENT DE L'EVANGILE DE JESUS-CHRIST (Marc 1:1)

Ainsi, pour Marc, la bonne nouvelle (évangélion) débute, non pas à  la conception de Yéshou`a, mais à son immersion par Yohanan (Jean), au moment duquel il fut proclamé l’Elu et a été oint d’Esprit Saint. Si Yéshou`a naquit réellement d’une vierge et qu’il s’agissait du premier miracle qui eut lieu en rapport au Mashiah sinon la principale selon les chrétiens qui considèrent la doctrine de la manifestation de Dieu en chair dans le ventre de Marie comme le fondement même de la proclamation apostolique, l’on ne verrait pas pourquoi Marc se serait exprimé de la sorte. Cela corrobore nos observations quant au fait que le récit de l’annonciation et de la naissance virginale est un développement ultérieur. Nous renvoyons le lecteur à cette étude pour de plus amples détails.



.... FILS DE DIEU ... ( Ibid.  ) 

«  Tu ne verras jamais dans les Evangiles que Jésus s’est appelé « Dieu », mais qu’il s’est considéré comme un homme […] Il s’est toujours désigné comme un « fils d’homme » et « homme » en plusieurs endroits. Il  a toujours attribué sa puissance et son importance à son Père qui est cieux […] Il ne fait pour moi aucun doute que le Nazaréen n’a jamais osé se prétendre Dieu ou une partie de Dieu, comme le croient de nos jours les chrétiens à son sujet. Comme on peut en juger de sa manière d’agir, et de ses paroles, il ne lui est jamais venu à l’esprit de se faire Dieu […] Il savait que s’il se faisait Dieu, ou se disait être une partie du Dieu d’en haut, comme le dirent plus tard ceux qui croient en lui, même la masse du peuple l’aurait lapidé sans même l’amener devant le Tribunal. En effet, puisqu’il voulait être perçu comme plus qu’un prophète et un homme de Dieu, afin de s’élever à tous les niveaux et de l’emporter face à la controverse avec les scribes et les pharisiens, il s’est décrit comme étant le fils de Dieu. De cette manière, il aurait été élevé aux yeux de toute la masse du peuple et aurait été considéré, non plus comme plus grand que tous ceux qui sont nés de femmes, que tous les prophètes et même plus grand que Moshéh notre maître, mais comme plus grand que les anges eux-mêmes, car un fils est plus grand auprès d’un Père qu’un serviteur et un ministre. Les prophètes, en effet, sont appelés serviteurs, comme il est dit : «  Il révèle ses secrets à ses serviteurs les prophètes » (Amos 3,7). Pareillement, il est dit au sujet de Moshéh : «  Moshéh, le serviteur de l’Eternel » (Deut 34,8). Les Anges sont appelés « ministres», comme il est écrit : « Il fait des esprits ses anges, et de ses ministres un feu allumé » (Psaume 104,4). En se disant « fils de Dieu », il se prétendait ainsi plus grand que tous ceux-là. Et c’est ce qu’a dit Paul, dans l’épître aux Hébreux (chap. 1).  Avec l’appellation de « fils de Dieu », ses disciples et ceux qui crurent en lui l’ont élevé plus haut que tous les prophètes et les anges d’en haut, de même que la masse du peuple. Malgré tout, ils ne l’ont appelé Dieu qu’après un certain temps après sa mort. C’est également par cette description qu’il échappa à la condamnation du Sanhédrin, ou des juges, qui étaient en ces temps là, en disant qu’il n’avait pas l’intention de s’attribuer la Divinité. Lis, s’il te plaît, ce que relate à ce sujet l’Evangile de Jean, au dixième chapitre : « Mes brebis écoutent ma voix etc. Moi et le père nous sommes un. Ils ramassèrent de nouveau des pierres pour le lapider. Jésus leur répondit : « J’ai fait devant vous beaucoup de bonnes œuvres venant de mon Père, pour laquelle me lapidez vous ? ». Les judéens lui répondirent : «  Ce n’est pas pour une bonne œuvre que nous te lapidons, mais pour un blasphème,  parce que toi, un homme, tu te fais Dieu ». Jésus leur répondit : «  N’est t-il pas écrit dans votre loi : Vous êtes des dieux ? Si la Loi appelle dieux ceux à qui la Parole de Dieu a été adressée, et si l’Ecriture ne peut être anéantie, comment dites-vous à celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde : Tu blasphèmes, car j’ai dit que je suis le fils de Dieu ? » (Jean 10:31-40). Ainsi, il dit à chaque fois que le Père l’a envoyé, qu’il le connaît, qu’il lui a donné, et non qu’il l’a (littéralement) engendré ni qu’il est le Père lui-même, mais dans le sens du verset : Vous êtes des dieux et des fils du très Haut » ( Léon de Modène, Magen va-herev 3:8-10 )

Le titre de « Fils de Dieu » n’est sommes toutes pas littéral mais métaphorique. Il se réfère à la supériorité de Yéshou`a par rapport au reste de la création ainsi que sa proximité et sa relation spéciale avec Dieu. Cette explication cadre parfaitement avec la christologie adoptianiste de l’église primitive telle qu'exprimée en Luc 3:22 du codex Bezae, qui relate qu' au moment du baptême  :

« Une voix fit entendre du ciel ces paroles: Tu es mon Fils, je t'ai engendré aujourd'hui » 


C'EST LA VOIX DE CELUI QUI CRIE DANS LE DESERT: PREPAREZ LE CHEMIN DU SEIGNEUR, APLANISSEZ SES SENTIERS 

Il s’agit ici d’une reprise de la prophétie d'Esaïe 40:3, que le texte massorétique rapporte selon la version suivante :

ק֣וֹל קוֹרֵ֔א בַּמִּדְבָּ֕ר פַּנּ֖וּ דֶּ֣רֶךְ יְהוָ֑ה יַשְּׁרוּ֙ בָּעֲרָבָ֔ה מְסִלָּ֖ה לֵאלֹהֵֽינוּ:

« Une voix proclame : "Dans le désert, déblayez la route de l’Éternel ; nivelez, dans la campagne aride, une chaussée pour notre Dieu ! »

La Septante (LXX) est cependant  légèrement différente 

φωνὴ βοῶντος ἐν τῇ ἐρήμῳ ἑτοιμάσατε τὴν ὁδὸν κυρίου εὐθείας ποιεῗτε τὰς τρίβους τοῦ θεοῦ ἡμῶν

« Une voix qui crie dans le désert : Préparez le chemin du  Seigneur; aplanissez les chemins de notre Dieu ! »

L’on constate que comme en d’autres endroits, la citation que l’on retrouve dans les évangiles se rapproche davantage de la LXX.  Comment expliquer alors que les évangiles ne reprennent pas plutôt le texte hébreu ?

Il faut garder à l’esprit que la dissemblance entre les deux versions, la massorétique et la LXX, provient souvent d'une différence de compréhension ou de lecture d’un mot ou d’une phrase, à une époque le texte hébreu n’était pas encore voyélisé ou ponctué, d'une part, et, d’autre part, au fait que la LXX, comme l’est d’ailleurs le Targoum araméen, n’est pas une traduction littérale mais paraphrase quelques fois le texte auquel il incorpore des éléments de la Loi  Orale et de la tradition comme dans le Deut 4:8 ( cf Mishnah Méguilah 4:8 ) ou le Lev 33:4-7 ( cf Talmud de Babylone Ménahot 56a). Parfois encore et comme c’est présentement le cas, la LXX, qui n'est pas une traduction de notre texte hébreu actuel,  se fonde sur une ou plusieurs version(s) hébraïques alternatives de la Bible qui différai(en)t en endroits du texte consonantique massorétique, lequel, bien qu’il fût déjà employé à l’époque du deuxième Temple comme en témoignent les découvertes archéologiques dans le désert de Judée, n’était pas la seule version alors en circulation. En effet, rien qu’à Qoumrân, plusieurs versions en hébreu ont été excavées, certaines desquelles se rapprochent du proto-massorétique, d'autres de la LXX et d'autres encore de la Torah samaritaine. Il est remarquable que même dans la littérature talmudique,  il arrive parfois que les citations divergent de  la version retenue au point que les Tossafot déclarèrent que « notre Talmud diverge de notre Bible » הש"ס שלנו חולק על ספרים שלנו (Tossafoth sur Shabbath 55a).  Le Yad Malakhi reconnaît pareillement l'existence de ces variantes et déclare à ce sujet  que « le Talmud, les midrashim et le Zohar divergent du texte massorétique »  מצינן למימר בהו שפיר דיש חילוף גרסאות דהש"ס או המדרש או הזהר חולקים על המסורה (Yad Malakhi, volume 1 ; klalé hahet 383).  Exemples :

כתוב אחד אומר וישפוט את ישראל מ' שנה.  וכתוב א' אומר (שם) והוא שפט את ישראל ך' שנה.  אמר ר' אחא מלמד שהיו הפלשתים יראים ממנו ך' שנה לאחר מותו כדרך שהיו יראים ממנו ך' שנה בחייו

«  Un verset dit : «  Et il (Samson) jugea Israël pendant quarante ans » (Juges 16 :31). Dans un autre verset, il est dit : «  Et il jugea Israël pendant vingt ans » (Juges 15 :20).  Rabbi Aha enseigna que les Philistins le craignirent pendant vingt ans après sa mort, comme ils le craignirent pendant sa vie »  (Talmud de Jérusalem, Mo`ed Qatan 1:8)

וְה֛וּא שָׁפַ֥ט אֶת־יִשְׂרָאֵ֖ל עֶשְׂרִ֥ים שָׁנָֽה

 « Il avait été juge en Israël pendant vingt ans. » (Juges 16 :31, texte massorétique)

אמר רב יוסף מאי קרא ואחרי אחיתופל בניהו בן יהוידע ואביתר ושר צבא למלך יואב

« Rav Yossef dit : Sur quel verset s’appuie cette aggadah ? «  Et après Ahitofèl, Benayahou le fils de Yéhoyada` et Eviathar, et le général de l’armée du Roi, Yoav » »  ( Talmud de Babylone, Sanhédrin 16b )

וְאַחֲרֵ֣י אֲחִיתֹ֗פֶל יְהֹויָדָ֤ע בֶּן־בְּנָיָ֙הוּ֙ וְאֶבְיָתָ֔ר וְשַׂר־צָבָ֥א לַמֶּ֖לֶךְ יֹואָֽב

« Et après Ahitofèl, Yéhoyada`  fils de Benayahou et Eviathar, et le Général de l'armée du Roi , Yoav »  (1Chrn 27 :34, texte massorétique)

 דאמר רב פנחס לא חטא וכו׳  והכתיב (שמואל א ב, כד) אל בני כי לא טובה השמוע א"רנחמן בר יצחק בני כתיב והכתיב מעבירים

« Rav dit : Pinhas n'a pas péché etc. N’est-il pas écrit : « Non, mes enfants (banay) » (1Samuel 2 :24) ? Rabbi Nahman bar Yitshaq dit : «  Il est écrit « mon enfant » (bni) ».  Et n’est-il pas écrit : « vous faites pécher (ma`avirim) le peuple de l'Eternel » (Ibid.) ? Rav Houna, le fils de Rabbi Yéhoshou`a dit : « Il est écrit : Tu as fait pécher (ma`aviram) » [en d'autres termes, le singulier indique Hofni était coupable et non Pinhas] »  (Bavli Shabbath 55b)

אַ֖ל בָּנָ֑י כִּ֠י לֹֽוא־טֹובָ֤ה הַשְּׁמֻעָה֙ אֲשֶׁ֣ר אָנֹכִ֣י שֹׁמֵ֔עַ מַעֲבִרִ֖ים עַם־יְהוָֽה

« Non, mes enfants (banay), ce que j'entends dire n'est pas bon; vous faites pécher (ma`avirim) le peuple de l'Eternel. »  (1Samuel 2:24, texte massorétique)

Ce dernier exemple parmi la liste établie dans le Mishpahat sofrim montre qu'avant l'adoption unanime du texte massorétique, plusieurs versions de la Bible étaient connues et utilisées au sein des différents cercles rabbiniques mêmes. 

Cela dit, ces divergences mineures entre les manuscrits, lesquels comportent quasiment le même texte, n'affectent en rien la fiabilité générale de la Bible d'autant plus que dans son commentaire sur Daniel 9,  le Malbi"m fait appel à l'idée que Dieu peut s'exprimer au moyen des variantes textuelles qui  sont parfois complémentaires.

D'autre part,  il n'est pas exact de dire que les évangiles citent exclusivement la LXX. En effet, certaines citations, lorsqu' elles ne correspondent à aucune version connue suivant la pratique talmudique qui consiste à citer le sens du texte, que les rabbins paraphrasent parfois,  plutôt que la formulation exacte (cf.  Bérakhoth 55a) ou de couper les versets et de les combiner (cf Tossafoth sur Méguilah 3a), reprennent le texte proto massorétique. C'est le cas, par exemple, de la citation de Zacharie 12:10 en Jean 19,37 : « Ils regarderont vers celui qu'ils ont percé ». Dans la LXX, qui se base sur une variante où au lieu דקרו  (daqarou), c'est à dire «  percé  », figurait רקדו (raqadou), «  insulté », nous lisons : «  Ils regarderont vers moi parce qu'ils m'ont insulté ». En revanche, le texte massorétique consonantique, où אלי, voyélisé dans le texte actuel comme «  elay » ( vers moi )  peut  être lu « élé » ( vers celui ), est interprétable comme l'a fait Jean :  « Ils tourneront les regards vers celui qu' ils ont percé  ».  Autres exemples :

« J'ai appelé mon fils hors d'Egypte » (Matthieu 2 :15)

« J'appelai mon fils hors d'Égypte. » (Osée 11 :1)

« J’ai rappelé ses fils de l'Égypte. » (LXX)

 « Il a pris nos infirmités, et il s'est chargé de nos maladies. » (Matthieu 8 :17)

« il a porté nos langueurs, et il a chargé nos douleurs » (Esaïe 53 :4 )

« Il porte nos péchés, il s’attriste pour nous » (LXX)

« Voici mon serviteur que j'ai choisi, Mon bien-aimé en qui mon âme a pris plaisir. Je mettrai mon Esprit sur lui, Et il annoncera la justice aux nations.» (Matthieu 12 :18 )

« Voici mon serviteur, que je soutiendrai, Mon élu, en qui mon âme prend plaisir. J'ai mis mon esprit sur lui; Il annoncera la justice aux nations. » (Esaïe 42 :1, texte massorétique)

« Jacob mon serviteur, je te protègerai ; Israël est mon élu, mon âme l'a agréé ; j'ai répandu sur lui mon esprit, et il révèlera mon jugement aux nations. » (LXX)

« Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? » (Matthieu 27 :46)

« Mon Dieu! mon Dieu! pourquoi m'as-tu abandonné, Et t'éloignes-tu sans me secourir, sans écouter mes plaintes? » (Psaumes 22 :1 , texte massorétique)

« Ô Dieu, ô mon Dieu, regarde-moi ; pourquoi m'as-tu délaissé ? La  voix de mes péchés a fait fuir mon salut. » (LXX)

Il n'est pas exclu que Yéshou`a ait cité le texte proto massorétique mais que les correspondances avec la LXX proviennent des auteurs des évangiles qui ont employé cette version lorsqu' ils ont transcrit et traduit  en grec la tradition sémitique orale et probablement aussi en partie écrite. 

En  vue de mieux saisir pourquoi tantôt il est dit que c'est le chemin de Yéshou`a, tantôt celui de l'Eternel, que Yohanan prépara, il importe de noter que le phénomène de la créature identifiée au Créateur n’est pas sans précédent dans la  Bible. Nous lisons en effet en  Exode  4:16   :

« Et il parlera pour toi au peuple, et ainsi il te sera pour bouche, et tu seras pour lui Elohim (Dieu)  »  

Nous retrouvons également en Exode  7:1 :

« L'Eternel dit à Moïse: Vois, je te fais Elohim (Dieu) pour Pharaon »

On interprète parfois le terme « Elohim » comme signifiant ici « juge ». Quand on lit la suite, cependant, il ne semble pas que ce soit le cas:

« Aaron, ton frère, sera ton prophète »

Les juges n'ont pas de prophètes. Seul Dieu en a. Dieu a donc bien fait de Moïse « Dieu ». La Torah relate  également :

« L'Eternel dit: J'ai vu la souffrance de mon peuple qui est en Egypte, et j'ai entendu les cris que lui font pousser ses oppresseurs, car je connais ses douleurs. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens, et pour le faire monter de ce pays dans un bon et vaste pays, dans un pays où coulent le lait et le miel, dans les lieux qu'habitent les Cananéens, les Héthiens, les Amoréens, les Phéréziens, les Héviens et les Jébusiens. Voici, les cris d'Israël sont venus jusqu'à moi, et j'ai vu l'oppression que leur font souffrir les Egyptiens. Maintenant, va, je t'enverrai auprès de Pharaon, et tu feras sortir d'Egypte mon peuple, les enfants d'Israël » (Ex 3 :8-10)

Dans un premier temps, l’Eternel affirma qu’il allait lui-même faire sortir les Hébreux d’Egypte. Dans la suite, cependant, nous voyons qu’il délégua la tache à Moïse. Le livre de Samuel affirme que  « l’Eternel envoya Moïse et Aaron qui firent sortir vos pères d’Egypte et les firent habiter dans ce lieu.» (1 Samuel  12: 8 cf. Exode  3 :12, 14 : 11, 17:3, Nombre 20: 3-4). Ailleurs, c’est Dieu Lui-même qui est dit avoir fait sortir Israël d’Egypte, « par sa main puissante » (Exode 13 :9, 17 :1, Nombres 15: 41, Lévitique 25: 55, Deutéronome 16 :1). Autre exemple :

« Ainsi parle l'Eternel: A ceci tu connaitras que Je suis l’Eternel. Je vais frapper les eaux du fleuve avec la verge qui est dans ma main; et elles seront changées en sang. Les poissons qui sont dans le fleuve périront, le fleuve se corrompra, et les Egyptiens s'efforceront en vain de boire l'eau du fleuve. L'Eternel dit à Moïse: dis a Aaron: prends ta verge, et étends ta main sur les eaux des Egyptiens, sur leurs rivières, sur leurs ruisseaux, sur leurs étangs, et sur tous leurs amas d'eaux. Elles deviendront du sang: et il y aura du sang dans tout le pays d'Egypte, dans les vases de bois et dans les vases de pierre. Moïse et Aaron firent ce que l'Eternel avait ordonné. Aaron leva la verge, et il frappa les eaux qui étaient dans le fleuve, sous les yeux de Pharaon et sous les yeux de ses serviteurs; et toutes les eaux du fleuve furent changées en sang … Il s'écoula sept jours, après que l'Eternel eut frappé le fleuve » ( Exode 7 :17-25  )

Qui frappa le fleuve ? A deux reprises, il est dit qu’il s’agissait de Dieu. Cependant, nous voyons que ce fut Aaron, le frère de Moïse, qui frappa le fleuve. En outre, Dieu déclara qu'il allait Lui-même tenir la verge dans ses « mains », comme s'il possédait un corps physique. La suite nous apprend que la verge se trouvait  en réalité dans les mains d'Aaron avec lequel Dieu s'identifia. Cela explique,  compte tenu du principe selon lequel « une chose est appelée du nom de la chose à laquelle elle est attachée et le mandataire est appelé par le nom du mandant » ( Rabbénou Béhayé sur Exode 33:7, Talmud de Babylone Nédarim 72b, Qidoushin 41b ), pourquoi le Mashiah, l'agent plénipotentiaire de Dieu qui remplit Son rôle dans la Rédemption et le réceptacle de Sa Présence,  soit appelé de Son Nom : 

« Je suis venu au Nom de mon Père » (Jean  5:43 ) 

 

 ..... LE BAPTEME DE REPENTANCE, POUR LA REMISSION DES PECHES ....  (Marc 1:4)

Bien que cette pratique soit largement ignorée dans le judaïsme contemporain, elle est bel et bien présente et discutée dans les sources  halakhiques antérieures. Relevons entre autres :

וישראל שחטא ועשה חשובה דכ"ע שורת הדין אינו צריך טבילה אלא קבלת חברות בפני ב"ד לכתחילה ואף על פי כן טובל הוא מדרבנן משום מעלה

«  Si un Israélite a péché et qu’il fit repentance, tout le monde admet que selon la Lettre de la Torah, il n’a pas à s’immerger mais, à priori, à s’engager à une observance stricte devant le Tribunal. Malgré tout, il doit s’immerger selon la loi rabbinique car il y a là un avantage » ( Nimouqé Yossef sur Yévamoth 16b )

ותניא עלה בגמרא דנזיר ומצורע אפילו היה להן פנאי לגלח קודם המועד מותרין לגלח במועד, כדי שלא ישהו קרבניהם. ובעלי תשובה נמי נראה להתיר כדי שלא ישהו כמה מצות, שהרי אין מצרפין אותו לכל דבר שבקדושה עד שיגלח ויטבול. ואף על גב דוודאי אינו מעכב, מכל מקום מנהג אבותינו תורה היא

« Il est enseigné dans la Guémarah que quand bien même celui qui a fait un vœu de Naziréat et le lépreux ont pu se raser avant la fête, ils peuvent le faire pendant la fête afin de ne pas retarder leurs sacrifices. Il apparaît que cette permission s’applique également aux ba`alé téshouvah (repentants) afin de ne pas retarder leur accomplissement de plusieurs commandements. En effet, on ne s’associe pas à eux en tout ce qui concerne les choses afférant à la sainteté jusqu’à ce qu’ils se rasent et s’immergent. Et quand bien même, et cela est évident, cela n’est pas essentiel, les coutumes de nos pères sont de toute manière la Torah (minhag avoténou Torah hi) »  ( Téroumath Hadéshen 86 )

ישראל מומר שעשה תשובה א"צ לטבול רק מדרבנן יש לו לטבול ולקבל עליו דברי חבירות בפני שלושה 

« Un Israélite apostat qui s’est repenti n’a à s’immerger et à s’engager à une observance stricte devant trois individus  que selon la loi rabbinique » ( Glose  du Rama sur le Shoulhan `Aroukh, Yoréh Dé`ah 268 )

Pour sa part, Yossef Qaro la juge inutile  :

וכתב נמ"י בשם הריטב"א מסתברא דבדיני ממונות בהקנאות וחיובים כולם כישראל הוא נדון ומיהו אם דין המלכות הוא שיהא קונה ומקנה כנכרי דינא דמלכותא דינא וכתב עוד ישראל שחטא ועשה תשובה דכולי עלמא שורת הדין א"צ טבילה אלא קבלת חברות בפני בית דין לכתחילה ואף על פי כן טובל הוא מדרבנן משום מעלה דומיא דעבד משוחרר שאין טבילתו אלא מדרבנן וכ"כ בתוס' עכ"ל. ורבינו כתב בסימן רס"ז בשם גאון ישראל מומר א"צ טבילה

« Le Nimouqé Yossef a écrit au nom du Ritva : (…) Si un Israélite a péché et qu’il fit repentance, tout le monde admet que selon la Lettre de la Torah, il n’a pas à s’immerger mais, à priori, à s’engager à une observance stricte devant le Tribunal. Malgré tout, il doit s’immerger selon la loi rabbinique. Rabbénou (le Tour) a cependant écrit au nom d’un Ga'ôn (Yéhouday Ga'ôn) qu’un israélite apostat n’a pas besoin de s’immerger » ( Beth Yossef, Yoréh Dé`ah 268 )

A tel point que le Rav Yitshaq Arbenger déclara que «  cette coutume est sans fondement et n’est pas importante pour qu’on la suive »  אין למנהג זה יסוד ואינו מנהג חשוב לילך אחריו (Shou"t Davar Yéhoshou`a 43).  Pourtant, nous retrouvons bien dans le Pirqé de-Rabbi Eli`ezer :

נכנס אדם במי גיחון העליון עד שהגיעו מים עד צוארו ונתענה שבעה שבתות ימי' עד שנעשה גופו כמן כברה. אמר אדם לפני הקב"ה רבון כל העולמים העבר נא חטאתי מעלי וקבל את תשובתי וילמדו כל הדורות שיש תשובה ואתה מקבל תשובת השבים. מה עשה הקב"ה פשט יד ימינו והעביר את חטאתו מעליו וקבל את תשובתו שנאמ' חטאתי אודיעך ועוני לא כסיתי

« Adam alla dans les eaux du haut Guihon jusqu'à ce que les eaux atteignirent son cou, et il jeûna pendant sept jours jusqu'à ce que son corps soit devenu comme une sorte d'algue marine . Adam dit alors au Saint Béni Soit-il : 'Maître des mondes ! Expie, je t'en prie, mes péchés et accepte ma repentance pour que toutes les générations à venir sachent que la repentance est réelle'. Que fit le Saint Béni Soit-il ? Il étendit sa main droite, accepta la repentance d'Adam, et enleva ses péchés comme il est dit: 'Je t'ai fait connaitre mon péché, et je n'ai pas couvert mon iniquité ' (Ps 22,5) » ( Pirqé de-Rabbi Eli`ezer chapitre 20 )

L’idée que le péché et la rébellion constituent une impureté dont il faut se débarrasser par l’immersion est également présente dans les manuscrits de la Mer Morte, qui datent de l’époque du second Temple :

אל יבוא במים לגעת בטהרת אנשי הקודש כיא לוא יטהרו כי אם שבו מרעתם

« Il  n'ira pas dans les eaux pour partager la nourriture pure des hommes de sainteté, car nul n'est purifié que lorsqu'il se détourne de son iniquité » ( Manuel de Discipline 5 :13 )

Si nous remontons plus loin encore, on en trouve des allusions déjà dans le Tana"kh :

רחצו הזכו הסירו רע מעלליכם מנגד עיני חדלו הרע

«Lavez-vous, purifiez-vous, Otez de devant mes yeux la méchanceté de vos actions; Cessez de faire le mal »  ( Esaïe 1:16 )

רחצו הזכו הסירו רע מעלליכם מנגד עיני חדלו הרע

« En ce temps-là il y aura une source ouverte en faveur de la maison de David, et des habitants de Jérusalem, pour le péché, et pour la souillure » ( Zacharie 13:11 ) 

Le Midrash exprime de la manière suivante le lien entre la repentance, l’eau  et la rédemption :

ורוח אלהים מרחפת זה רוחו של מלך המשיח היאך מה דאת אמר (ישעיה יא) ונחה עליו רוח יהוה באיזו זכות ממשמשת ובאה המרחפת על פני המים בזכות התשובה שנמשלה כמים שנמשלה כמים שנאמר (איכה ב, יט): "שפכי כמים לבך"

« Et l’Esprit de Dieu planait à la surface des eaux –  il s’agit de l’esprit du Messie Roi, ainsi qu’il est dit : « L'Esprit de l'Eternel reposera sur lui ».  Par quel mérite viendra-t-il et s’approchera-t-il ? Il est dit : «  à la surface des eaux », en d’autres termes, en raison de la repentance qui est comparée à l’eau, ainsi qu’il est dit : «  Verse ton cœur comme de l’eau » (Lamentations 2:19) » (Béréshith Rabbah 2:4)

En effet :

בעתה וכתיב אחישנה זכו אחישנה לא זכו בעתה

«  Moi, l’Eternel, je la hâterai (la rédemption) en son temps »  (Esaïe 60:22 ) –   s’ils le méritent, je la hâterai, sinon, elle aura lieu en son temps » (Talmud de Babylone, Sanhédrin 97a)

D’où les propos de Yohanan tels que rapportés par Matthieu « Repentez-vous, car le royaume des cieux est proche », en d'autres termes, accessible ; le vocable קרוב   « qarov » (proche), dans le langage biblique, pouvant se référer à ce qui est  à portée de main :

כי-קרוב אליך הדבר, מאד:  בפיך ובלבבך, לעשתו

« La Parole est tout près (qarov) de toi, dans ta bouche et dans ton cœur pour que tu l’accomplisses » (Deut 30,14)

אך קרוב ליראיו ישעו;  לשכן כבוד בארצנו

« Oui, son salut est près (qarov) de ceux qui le craignent,  pour faire habiter la Gloire sur notre terre »  (Psaume 85,10)

קרוב יהוה, לכל-קראיו--   לכל אשר יקראהו באמת

« L’Éternel est près (qarov) de tous ceux qui l’invoquent, de tous ceux qui l’invoquent avec sincérité. »  (Psaume 145,18)

Faisons encore le rapprochement avec cet enseignement talmudique  : 

א"ר יונתן גדולה תשובה שמקרבת את הגאולה שנאמר (ישעיהו נט, כ) ובא לציון גואל ולשבי פשע ביעקב מה טעם ובא לציון גואל משום דשבי פשע ביעקב

« Rabbi Yonathan dit : Grande est la repentance car elle rapproche la rédemption, ainsi qu'il est dit : " Un rédempteur vient à Sion et pour ceux en Ya`aqov qui se repentent du péché " ( Esaïe 58:20, lecture alternative de l'hébreu ). Que veut dire  " et pour ceux en Ya`aqov qui se repentent du péché " ? Cela veut dire qu'un rédempteur viendra à Sion en raison de ceux qui se repentent du péché  » ( Talmud de Babylone, Yoma 86b )

Là encore , l'idée n'est pas sans fondements scripturaires : 

שובו בנים שובבים ארפה משובתיכם

« Revenez, fils infidèles; je guérirai vos infidélités » ( Jer 3:22 )

שובו אלי ואשיבה אליכם

 « Revenez à moi, et je reviendrai à vous » ( Malachie  3:7 )

L’on comprend ainsi mieux pourquoi Yohanan a été identifié à l’ « ange » précurseur du Mashiah ; ce terme (ange)  étant également appliqué dans les saintes écritures aux émissaires humains :

« Car les lèvres du sacrificateur doivent garder la science, Et c'est à sa bouche qu'on demande la loi, Parce qu'il est l’ange מלאך  de l'Eternel des armées »  ( Malachie 2:7 )


 ...  DANS LE DESERT ...    

D'aucuns virent dans le fait que l'activité de Yohanan ( Jean ) se soit tenue dans le désert et le fait qu' à l'instar des esséniens de Qoumrân, il se soit approprié ou s'est vu attribué , l'accomplissement de la prophétie d' Esaïe 40:3 la preuve qu' il appartenait peut-être à la secte essénienne.  Le passage suivant montre cependant qu' il n'en n'est rien : 

« Ils seront séparés de l' habitation des hommes du péché pour aller dans le désert et y ouvrir la voie de l' Eternel , comme il est écrit : Dans le désert , préparez le chemin de  l' Eternel  »   

En clair, alors que les évangiles interprétèrent le texte comme «  une voix qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur », les sectaires de Qoumrân, en faisaient une lecture différente ( Une voix qui crie : Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur  ). Dans les évangiles, il est question d'un accomplissement par l'oeuvre de Yohanan. Les manuscrits de Qoumran, quant à eux, font correspondre l'oracle d' Esaïe au schisme qui a conduit à la formation de la secte et son retrait au désert deux siècles avant Yohanan. La différence ne s'arrête pas là. En effet, pour les Esséniens de Qoumrân, l'appel implique de   tout délaisser derrière soit et à vivre dans le désert éloignés de la société jugée corrompue : 

בתכונים האלה יבדלו מתוך מושב  אנשי העול ללכת למדבר לפנות שם את דרך הואהא

«  En accord avec ces arrangements, ils seront séparés de l'habitation des hommes iniques pour marcher dans le désert et y ouvrir sa voie  » (1QS  7:13 )

יבדלו מתוך מושב אנשי העול ללכת למדבר לפנות שם את דרכו 

«  Ils devront être séparés de l'habitation des pécheurs pour marcher dans le désert et y ouvrir sa voie  » (4 Q258 Col 6:7)

En revanche, Yohanan, pour lequel c'est l'appel et non la préparation qui est placée dans le désert,  n’exigeait pas de ceux qui venaient à lui pour l’immersion de vivre à l’écart, ni même de tout abandonner afin d' intégrer une communauté aux règles austères , mais simplement de continuer leur mode vie habituelle d' une manière plus conforme à la volonté divine :

«  La foule l'interrogeait: Que devons-nous donc faire? Il leur répondit: Que celui qui a deux chemises partage avec celui qui n'en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même. Des collecteurs d'impôts vinrent aussi pour se faire baptiser; ils lui dirent:  Maître, que devons-nous faire? Il leur répondit: N'exigez rien de plus que ce qui vous a été ordonné. Des soldats aussi lui demandèrent: Et  nous, que devons-nous faire? Il leur répondit: Ne commettez ni extorsion ni tort envers personne et contentez-vous de votre solde. »  ( Luc 3: 10-12 )

Yohanan lui-même,  comme nous l'apprennent les évangiles , portait un habit de poils de chameau ( Marc 1:6, Matthieu 3:4  ) à l'instar des prophètes bibliques ( Zacharie  13:4 , 2 Rois 1:8 ) et non comme les esséniens qui se vêtaient habituellement de lin blanc   ( Flavius Josèphe, Guerre des Juifs 2:8:3 ). 

D'autres vont plus loin encore et infèrent que puisque l'annonciateur ( Yohanan ) était essénien, l'annoncé ( Yéshou`a ), lequel, qui plus est, est souvent présenté dans les évangiles comme étant en prise avec les sadducéens et les pharisiens a du également l'être. Or, la lecture des passages pertinents  montre que les positions qu'a défendues Yéshou`a n'étaient pas celles des esséniens qui, par exemple,  se lavaient tout le corps avant les repas : 

« Ensuite, leurs préposés envoient chacun exercer le métier qu'il connaît, et jusqu'à la cinquième heure ils travaillent de toutes leurs forces ; puis ils se réunissent de nouveau dans un même lieu, ceignent leurs reins d'une bande de lin et se lavent tout le corps d'eau froide. Après cette purification, ils s'assemblent dans une salle particulière où nul profane ne doit pénétrer ; eux-mêmes n'entrent dans ce réfectoire que purs, comme dans une enceinte sacrée. Ils prennent place sans tumulte, puis le boulanger sert à chaque convive un pain, le cuisinier place devant lui un plat contenant un seul mets »  ( Guerre des Juifs 2:8:5 )

אל יבוא במים לגעת בטהרת אנשי הקודש כיא לוא יטהרו כי אם שבו מרעתם

« Il  n'ira pas dans les eaux pour partager la nourriture pure des hommes de sainteté, car nul n'est purifié que lorsqu'il se détourne de son iniquité » ( Manuel de Discipline 5:13 )

Yéshou`a, lui, était reproché d'enseigner ses disciples à ne même pas se laver ne serais-ce que  les mains avant de prendre le pain : 

«  Et les pharisiens et les scribes lui demandèrent : Pourquoi tes disciples ne suivent-ils pas la tradition des anciens, mais prennent-ils leurs repas avec des mains impures ?  » (  Marc 7: 5, Matthieu 15:2 ) 

De même : 

«  Les pharisiens disaient à ses disciples : Pourquoi votre maître mange-t-il avec les collecteurs des taxes et les pécheurs ?  » ( Matthieu 9:11 , Marc 2:16 ) 

Comme on l'a vu, les Esséniens, qui ne mangeaient également pas avec les pécheurs, étaient beaucoup plus rigoureux que les pharisiens au point que certains se sont retirés dans  le désert pour vivre à l'écart des iniques. « Quiconque s'approchera d'eux ne restera pas impuni » הקרוב אליהם לא ינקה  ( Document de Damas, 5:14-15 ). Autre exemple : 

« Il arriva, un jour de sabbat, que Jésus traversa des champs de blé. Ses disciples, chemin faisant, se mirent à arracher des épis. Les pharisiens lui dirent: Voici, pourquoi font-ils ce qui n'est pas permis pendant le sabbat? Jésus leur répondit: N'avez-vous jamais lu ce que fit David, lorsqu'il fut dans la nécessité et qu'il eut faim, lui et ceux qui étaient avec lui; comment il entra dans la maison de Dieu, du temps du souverain sacrificateur Abiathar, et mangea les pains de proposition, qu'il n'est permis qu'aux sacrificateurs de manger, et en donna même à ceux qui étaient avec lui! Puis il leur dit: Le sabbat a été fait pour l'homme, et non l'homme pour le sabbat, de sorte que le Fils de l'homme est maître même du sabbat. » ( Marc 2:23-28 )

La halakhah qoumranienne, à l'extrême opposé, enseigne  : 

אל יילד איש בהמה ביום השבת ואם תפיל אל בור ואל פחת אל יקימה בשבת ... וכל נפש אדם אשר תפול אל מים מקום מים ואל מקום אל יעלה איש בסולם וחבל וכלי

« On ne doit pas faire accoucher un animal pendant le Shabbath, et s'il tombe dans un trou ou dans une fosse, on ne le sauvera pas pendant le Shabbath etc. Et tout être humain qui tombera dans de l’eau ou dans un réservoir d’eau ou dans un lieu, personne ne le remontera ni avec une échelle ni avec une corde ni avec un instrument  » ( Document de Damas 11:13-16 ) 

Notons le contraste avec le raisonnement de Yéshou`a : 

« Lequel d'entre vous, s'il a un mouton, et qu'il tombe dans une fosse le jour du sabbat, ne le saisira pour l'en retirer? Combien un homme ne vaut-il pas plus qu'un mouton ! Il est donc permis de faire du bien le sabbat » ( Matthieu 12:11-12 ,  Luc 14:5 ) 

« Je vous demande s'il est permis, le jour du sabbat, de faire du bien ou de faire du mal, de sauver une personne ou de la tuer » ( Marc 3:4 , Luc 6:9 )

L'on sait en outre que Yéshou`a et ses disciples ont continué à prier au Temple de Jérusalem (  Matthieu 21 :23, Marc 12 :45 , Luc 19 :47, 21 :37, 24:52 , Actes 3:1  )  et à participer au culte sacrificiel qui y avait cours  ( Marc 1 :44 , Matthieu 5:23-24 , 8 :4, Luc 5 :14 , Actes 21:23-26 ), contrairement aux esséniens dont Flavius Josèphe nous dit qu'  « ils envoient des dons monétaires (anathema) au Temple, mais font des sacrifices selon un autre genre de purifications  » ( Antiquités 18:1:5 ) et qu'  « ils s' abstiennent de l'enceinte sacrée et font des sacrifices à part » ( Ibid. ), c'est à dire l'offrande de la vache rousse, laquelle était accomplie en dehors du Temple ( Nombres 19:4, Mishnah Parah 3:6 ). Les manuscrits de la Mer Morte nous en apportent la confirmation  :

 וכל אשר הובאו בברית לבלתי בוא אל המקדש להאיר הימים מזבחו חנם ויהיו מסגירי הדלת אשר אמר אל מי בכם יסגור דלתי ולא תאירו מזבחי חנם

« Tous ceux qui entreront dans l'Alliance n'iront pas dans le Temple pour y allumer son autel en vain. Ils seront ceux qui fermeront les portes comme il est dit: Lequel de vous fermera les portes, Pour que vous n'allumiez pas en vain le feu sur mon autel ? - Malachie 1:10 - »  ( Document de Damas 6:11-14 )

La règle de la communauté ( Sérekh HaYahad ) mentionne également les  « eaux de la séparation  » מי נידה  ; ce qui suggère que les esséniens de Qoumrân utilisaient les cendres de la vache rousse, employée dans la préparation de cette eau, et en apportaient en sacrifice : 

«  C'est en se soumettant de toute son âme aux lois de Dieu que sa chair sera purifiée par l'aspersion des eaux de la séparation מי נידה, et il sera sanctifié  par les eaux de la purification etc De cette manière, il sera admis au moyen d'une expiation qui  plait à Dieu et à lui sera l'alliance d'une communauté éternelle  » ( Sérekh HaYahad  Col 3:8-12 ) 

«  Un homme pur recueillera la cendre de la vache, et la déposera hors du camp, dans un lieu pur; on la conservera pour l'assemblée des enfants d'Israël, afin d'en faire l'eau de séparation מי נדה. C'est une eau expiatoire.  »  ( Nombres 19:9 ) 

Même les points communs cités pour rattacher les premiers  judéo-chrétiens aux esséniens, lorsqu'on y regarde de plus près, étaient en réalité des valeurs universelles dans le judaïsme de l'époque du second Temple et se retrouvent également chez les autres groupes.  Il en est ainsi par exemple de la mise en commun des biens, qui  était un idéal chez les hassidim (pieux)  ( à ne pas confondre avec les disciples du même nom du Ba`al Shem Tov  ) : 

ארבע מדות באדם האומר שלי שלי ושלך שלך זו מדה בינונית ויש אומרים זו מדת סדום שלי שלך ושלך שלי עם הארץ שלי שלך ושלך שלך חסיד שלי שלי ושלך שלי רשע

«  Il y a quatre attitudes chez les individus. Celui qui dit : « Ce qui est à moi est à toi et ce qui est à toi est à moi » : c’est l’inculte ; [celui qui dit : « Ce qui est à moi est à moi et ce qui est à toi est à toi » : c’est l’attitude intermédiaire. Certains affirment que c’est l’attitude [des gens] de Sodome. Celui qui dit : « Ce qui est à moi est à toi et ce qui est à toi est à toi » : c’est le hassid ; [celui qui dit : « Ce qui est à toi est à moi et ce qui est à moi est à moi  » : c’est le méchant. » ( Mishnah Avoth 5:10 ) 

« La crainte s'emparait de chacun, et il se faisait beaucoup de prodiges et de miracles par les apôtres. Tous ceux qui croyaient étaient dans le même lieu, et ils avaient tout en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, et ils en partageaient le produit entre tous, selon les besoins de chacun. »  (  Actes 1:43-44  )

Notons avec grand intérêt qu' à l'instar des judéo-chrétiens, les hassidim sont caractérisés dans les sources rabbiniques antiques comme étant des nazirites : 

רבי יהודה אומר חסידים הראשונים היו מתאוין להביא קרבן חטאת לפי שאין הקדוש ברוך הוא מביא תקלה על ידיהם מה היו עושין עומדין ומתנדבין נזירות למקום כדי שיתחייב קרבן חטאת

« Rabbi Yéhoudah dit : Les premiers hassidim désiraient apporter des sacrifices pour le péché puisque le Saint Béni Soit-il ne mettait pas de pierres d'achoppement devant eux. Que faisaient-ils ? Ils faisaient des voeux de Naziréat afin d' être obligés d'apporter des sacrifices pour le péché » ( Talmud de Babylone,  Nédarim 10a )

«  Il y a parmi nous quatre hommes qui ont fait un voeu; prends-les avec toi, purifie-toi avec eux, et pourvois à leur dépense, afin qu'ils se rasent la tête » ( Actes 21:23-24 )

« Jacques, le frère du Seigneur, reçut l'administration de l'église avec les apôtres. Depuis les temps du Christ jusqu'à nous, il a été surnommé le juste parce que beaucoup s'appelaient Jacques. Il fut sanctifié dès le sein de sa mère : il ne buvait ni vin ni boisson enivrante, ne mangeait rien qui ait eu vie ; le rasoir n'avait jamais passé sur sa tête ; il ne se faisait jamais oindre et s'abstenait des bains. » ( Eusèbe, Histoires Ecclésiastiques 2:23 )

Le fait même que les pharisiens invitent Yéshou`a à table ( Luc 7:36; 14:1 )  ou, comme nous le montrent les passages que l'on a cités plus haut,  s'étonnent de ce qu'il ne suive pas leurs pratiques et lui fassent la remarque montrent qu' ils le percevaient comme l'un des leurs, ce qui suppose une proximité plus grande que ne sont prêts à l'admettre le commun des chrétiens.  Cela dit, tout ceci n'empêche pas que Yéshou`a ou ses disciples après lui aient pu être d'accord sur certains points avec les esséniens ou reconnaître une part de vérité dans leur enseignement et ce, suivant le principe talmudique énoncé au sujet des livres apocryphes rejetés du canon  : מילי מעלייתא דאית ביה דרשינן להו « On enseigne les bonnes choses qui s'y trouvent »  ( Talmud de Babylone Sanhédrin 100b )

 

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