mardi 9 juillet 2019

Réponse à Nétivot Olam


La communauté entre guillemets nazaréenne de « Nétivot Olam » avance que puisque le calendrier rabbinique actuel n'aurait été inventé qu'au 4ème siècle, il faut donc le rejeter et revenir au calendrier observé de l'ère du second Temple. Avant d'aborder le sujet du calendrier en tant que tel, analysons d'abord le socle de cette théorie et qui est , pour reformuler les propos du dirigeant de Netivot Olam, lequel, sans même être juif, prétend être une autorité compétente en matière de Halakhah, que toutes les décisions halakhiques qui ont été prises par les Pharisiens, après que ceux-ci ont « renié le Messie », sont frappées d'invalidité et que s'y conformer est un péché.   
Yeshou`a, il faut le reconnaître, a conféré à l'instar de tout rabbin digne de ce nom à ses disciples la sémikhah, c'est à dire le pouvoir de lier et de délier (Matthieu 16:18). Il n'est cependant nul part  affirmé qu' il a retiré cette autorité aux Pharisiens. Au contraire, l'Evangile de Matthieu rapporte :  
« Alors Jésus, parlant à la foule et à ses disciples, dit: Les scribes et les pharisiens sont assis dans la chaire de Moïse. Faites donc et observez tout ce qu'ils vous disent; mais n'agissez pas selon leurs oeuvres. Car ils disent, et ne font pas. »  ( Matthieu 23:2-3) 
La littérature Pseudo-Clémentine qui, comme nous l'avons démontré ailleurs, incorpore des matériaux remontant au 1er siècle, nous apprennent que  les Talmidéi Yéshou`a (disciples de Jésus) de l'antiquité obéissaient aussi bien aux autorités apostoliques, « le trône du Christ », qu'aux Pharisiens , le « siège de Moïse »  :  
« Cependant, écoutez vôtre évêque , et n'hésitez pas à lui accorder tous les honneurs ; en sachant qu'en lui accordant ces honneurs, ces honneurs seront portés au Christ et du Christ, à Dieu, et que celui qui les accorde sera multiplement récompensé.  Honorez, de ce fait, le trône du Christ. Car il vous est commandé d' honorer le siège de Moïse même si ceux qui l'occupent passent pour des pécheurs » ( Hom Ps-Cl 3:70 )  
« Interroge ton père, et il te l'apprendra, Tes anciens, et ils te le diront. ( Deut 32:7 ). Il convient de se renseigner auprès de ce Père et de ces anciens. Mais tu n'as pas cherché à qui appartient le temps du Royaume, ni à qui appartient le siège de la prophétie , alors que lui-même l' a indiqué en disant : Les scribes et les pharisiens sont assis sur le siège de Moïse, écoutez tout ce qu' ils vous disent (Mt 23:2-3). Ecoutez-les, dit-il, parce qu' ils possèdent la clé du Royaume, qui est la connaissance, la seule qui peut ouvrir les portes de la Vie,  la seule à travers laquelle l'on entre dans la Vie éternelle »  ( Hom Ps-Cl 3:18 )   
Alors que le Sanhédrin était constitué de 71 anciens, l'Eglise de Jérusalem, d'après le témoignage de Paul, n'était dirigée que par trois hommes qui sont « Jacques, Pierre et Jean »  (Galates 2:9). Pourquoi trois ? La Librairie Virtuelle Juive résume la Halakhah comme suit   :  
«  En général, les  tribunaux de trois juges exerçaient leur juridiction sur les affaires civiles (Sanh. 1:1), incluant celles qui impliquent l'imposition d'amendes (Sanh 1:1, Sanh 3a). Ils avaient aussi juridiction sur les affaires de divorce ( Git 5b ) et de halitsah ( Yev. 12:1 ). Un tribunal de trois juges était requis pour la conversion de non-juifs ( Yev. 46b ) ; l'absolution des voeux  (Ned. 78a; TJ, Ḥag. 1:8, 76c et Ned. 10:10, 42b), pour le contournement de la loi annulant les dettes lors de l'année sabbatique  ("prosbul"; Shev. 10:4; Git. 32b) ; la non-libération des esclaves après six années  (Ex. 21:6; Mekh. Mishpatim 2; Yad, Avadim 3:9) ; l'asservissement de celui qui a commis un vol et qui n'est pas en mesure de payer pour le principal  (Ex. 22:2; Yad, Sanh 1:1; Genevah 3:11) ; et pour le recueil de n'importe quel témoignage , même dans les affaires non controversées ( Yev. 87b; Resp. Ha-Meyuḥasot la-Ramban 113; Resp. Rashba vol. 1, no. 749). Les injonctions contraignantes nécessitent également  l'assentiment de trois juges afin d'être valides  (Ket. 86a; Ḥul. 132b), de même que l'application des sanctions ( Mordékhai Git 384 ) [ ... ] Il a été dit d'une manière faisant autorité que le Grand Tribunal de Jérusalem est la source essentielle de toute Loi Orale  ( Yad, Mamrim 1:1 ). La Loi telle que définie ( ou interprétée ) par le Grand Sanhédrin s'applique à tout le monde, et toute personne qui y contrevient ou la rejette est passible de mort (Deut. 17:12; Sif. Deut. 155; Yad, Mamrim 1:2) »  
L'on comprend aisément qu'alors qu'en matière de dogme messianique, c'étaient les Apôtres qui décidaient de ce qui était conforme ou non à ce qu'ils reçurent de leur Maître, sur le plan légal et halakhique, le Sanhédrin Pharisien, en tant que dépositaire de la tradition héritée de Moïse, était la plus haute instance, et le tribunal apostolique faisait simplement office de Beth Din communautaire, dont le domaine de juridiction était limitée et dont le rôle était surtout de veiller au respect de la Halakhah, telle que tranchée par les 71 Sages du Grand Tribunal, au sein de la communauté des premiers disciples. Notons que si les Apôtres se sont élevés comme une autorité rivale du Tribunal Religieux Pharisien, jamais ils n'auraient pu prospérer dans la Jérusalem du 1er siècle et encore moins bénéficier, comme en témoignent Flavius Josèphe et le Livre des Actes, de l'assentiment des Pharisiens. 
Il convient par ailleurs d'indiquer que même si, généralement, le Grand Sanhédrin agissait en vertu de l'autorité propre que lui confère la Torah, il fonctionnait aussi en tant qu'organe représentatif de la nation  (Qovets Hidoushéi Torah de Rabbi  Yossef Soloveitchik  p. 47-65 ). Alors que l'autorité propre du Sanhédrin ne pouvait être exercée qu'au mont du Temple (Deut 17:8, Talmud de Babylone Sanhédrin 14b, Mishneh Torah Hilkhoth Mamrim 1:1 ), le Sanhédrin pouvait agir en sa qualité de représentant du peuple n'importe où en terre d'Israël. Et comme la tâche de déterminer et sanctifier les dates revient à la nation entière (Bérakhoth 49a), le Sanhédrin pouvait, selon le Rav Soloveitchik, fixer et sanctifier les mois et les embolismes même en dehors du mont du Temple.  
Quand bien même, donc  , ç'aurait été Hillel II, dont le Tribunal  se trouvait à Tibériade, qui aurait introduit le calendrier calculé   ( il sera démontré plus bas qu'il n'en est rien )  et sanctifié d'avance les mois et les années en anticipation du démantèlement du Sanhédrin et de l'impossibilité de déterminer le calendrier selon l'observation, sa décision fait  force de Loi à laquelle les Talmidéi Yéshou`a sont tenus d'obéir. 
Il ne semble cependant pas que la computation calendaire communément attribuée à Hillel II soit son invention.  Le  Rav Hay Gaon, qui est la plus ancienne mentionnant Hillel II en rapport au calendrier et qui, paradoxalement, est cité par le président de Nétivot Olam pour étayer ses dires, affirme en effet :   
« Saches que cette computation calendaire que nous avons en notre possession ne remonte pas à Adam, et nous ignorons ce qui se faisait aux temps du premier homme. C'est pourquoi je dis  que Moïse notre maître enseigna le fondement de ce secret aux Israélites […] Et même si ce secret leur a été révélé , ils ont été prévenus que tout e temps que le Sanhédrin existera , [ les Sages du Sanhédrin] seront autorisés à dévier  de ce qui a été transmis, en avançant ou en retardant [ … ] jusqu’aux jours d’Hillel, le fils de Yéhoudah, en l’an 670 de l’ère Séleucide [358 de l’ère commune], car cette année là, ils n’ont plus avancé ni retardé, mais gardèrent ce cycle qu’ils avaient en leur possession »
הוי יודע כי החשבון הזה אשר בידינו לא מן אדם הראשון רשנו אותו ואין אנו ידעין בימי אדם הראשון איך נעשו וכן אני אומר כי משה רבינו למד את ישראל עקרו של הסוד הזה [...] ואע״פ שנתן להם הסוד הזה הזהירם שכל זמן שסנהדרין קיימת יש להם לשנות מן המסורת להקדים ולאחר [...] עד ימי הלל בר' יהודה בשנת תר"ע לשטרות שמאותה שנה לא הקדימו ולא אחרו אלא אחזו הסדר הזה אשר בידם 
     ( Otsar Ha-guéonim ,  Rosh Ha-shanah 10b )  
Il le répète ailleurs : 
«  Le calendrier en notre possession est en réalité une tradition héritée de Moïse, que la paix soit sur lui, et avec ce calendrier, les Israélites ont reçus comme instruction que le Grand Tribunal, lequel dispose de droits particuliers, peut, pendant certaines années et en des circonstances particulières,  rendre défectif un mois qui, selon le calendrier, est plein, ou de rendre plein un mois qui, selon le calendrier, est défectif.  Ce que les Sages du Grand Tribunal décident suivant les principes hérités de la tradition est un commandement divin et il incombe au peuple d’agir selon leurs prescriptions. Rosh Hodesh est le jour que le Tribunal a sanctifié.  Les émissaires du Tribunal allumaient des feux sur les collines uniquement pour informer le peuple du jour que le Tribunal a sanctifié.  » 
אמתת הדבר היא שהעבור שבידינו הוא קבלה ממשה ע"ה ויחד עם זה קבלו שבית דין הגדול אשר יש לו זכיות מיוחדות רשאי במקצת השנים ובמאורעות מיוחדים לחסר חודש שעל פי חשבון העבור הוא מלא, ולעבר חודש שעל פי החשבון הוא חסר. ומצות אלהים היא מה שיעשו על פי הכללים שנמסרו להם ועל האומה החובה להתנהג על פיהם
( Otsar Ha-guéonim , Rosh Ha-shanah 21b ) 
Il est de même enseigné dans le « Midrash Sod Ha-`ibbour  »  : 
« L'Eternel dit à Moïse et à Aaron dans le pays d'Egypte: Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois ; il sera pour vous le premier des mois de l'année (Exode 12:1-2). A cet instant, le Saint Béni Soit-il transmit à Moïse les lois du calcul du mois lunaire, et les traditions et les détails des préceptes la régissant. Et il lui fit connaître comment intercaler l'année et comment fixer le mois pour accomplir Deutéronome 16,1: Garde le mois du Printemps , et fais la Pâque à l'Eternel  (...) Et voici le cycle de l'ajout d' un 13è mois : La période synodique de la lune est de dix-neuf années parmi lesquelles la troisième est embolismique, ainsi que la sixième, la huitième, la onzième, la quatorzième, la dix-septième et la dix-neuvième. Lorsque ce cycle est terminé, il reprendra depuis le début selon ce principe et selon ce cycle d'une manière perpétuelle. Et bien que le Saint Béni Soit-il ait enseigné à Moïse les années non-embolismiques et les années embolismiques, l'autorité a été donnée à Moïse notre Maître et au Sanhédrin qui fut avec lui ainsi qu’aux Sanhédrins des générations futures de fixer les fêtes selon leur volonté, car s'ils se concertent pour intercaler une année non embolismique, ils peuvent l'intercaler. Cependant, on n'intercale une année non embolismique que lorsqu' un Grand Sanhédrin existe en terre d'Israël. Et d'où ont-ils reçu cette autorité ? Du Lévitique 23,4 : Voici les fêtes de l'Eternel, les saintes proclamations, que vous proclamerez en leurs temps. Il est dit : Vous proclamerez. La proclamation vous a été confiée »
ויאמר ה׳ אל משה ואל אהרן וגו׳ החדש הזה לכם ראש חדשים וגו׳, באותה שעה מסר לו הקב״ה למשה רבנו חוקות חשבון הירח ומסורות דקדוקי משפטיו. והודיעו היאך יהא מעבר שנים וקובע חדשים. לפי שנ׳  שמור את חדש האביב ועשית פסה ... וזהו סדרו של חדש המוסף. שנות מחזור הלבנה תשע עשרה הן, השלישית מעוברת והששית והשמינית ואחת עשרה וארבע עשרה ושבע עשרה ותשע עשרה, (ובפני) [וכן] יחזור כבתהלה   על פי הערך הזה והסדר הזה תמיד. ואף על פי שלמדו הקב״ה למשה רבינו שנים הסדורות ושנים המעוברות, כבר נתן לו רשות ולסנהדרין שעימו ושבכל דור ודור לקבוע מועדים כרצונם, שאם נמלכו לעבר שנה שהיא סדורה יכולין לעברה, אבל אין מעברין שנה הסדורה אלא בזמן שסנהדרין גדולה היתה בארץ ישראל. ומנין שנתן להן רשות שנ׳ אלה מועדי ה׳ מקראי קדש אשר תקראו אתם במועדם אין אומר כן אלא אשר תקראו. הקריאה מסורה לכם

Contrairement à ce qu'invective le président de Netivot Olam contre ceux qu'il nomme dédaigneusement les « judaïsants  », c'est à dire les croyants en Yeshou`a qui n'adhèrent pas à ses points de vues, et la communauté juive, qu'il appelle « talmudistes »,  le calendrier erronément  attribué à Hillel II est donc une « Halakhah lé-Moshéh mi-Sinay », autrement dit, une instruction orale révélée par Dieu à Moïse et non une invention rabbinique tardive. Comme l'enseignent ces sources, seul un Sanhédrin universellement reconnu siégeant en terre d'Israël , et non en Belgique ou ailleurs, est autorisé à modifier le cycle préétabli. En l'absence d'un Sanhédrin, les Israélites sont tenus de se conformer strictement à la tradition révélée.  Voilà pourquoi le Rav Hay Gaôn déclare que depuis que le dernier Sanhédrin a été dissout au 4ème siècle, les juifs « n’ont plus avancé ni retardé, mais gardèrent ce cycle qu’ils avaient en leur possession »  
Suivant cette perspective, lorsque la Torah dit que la lune est un signe pour les temps (Gn 1:16), cela veut simplement que la lune sert de repère approximatif en ce sens que le premier croissant nous permet de savoir que l'on est à peu près en début de mois et que la pleine lune indique que l'on est à vers la mi-mois. La date exacte du premier jour du mois, quant à elle, est celle qui est fixée soit selon le calendrier préétabli, soit celle qui est déterminée selon le bon vouloir du  Tribunal, qui peut choisir de se conformer au cycle hérité de la tradition . 
Au cas où d'aucuns diraient, comme le président de Netivot Olam, que « la Torah ne donne nulle part l'autorité à un quelconque Sanhédrin de changer le calendrier divin, même pour une bonne raison », indiquons que d'après le second Livre des Chroniques, Ezéchias et son tribunal décidèrent de déplacer la Pâque au deuxième mois  «  parce que les sacrificateurs ne s'étaient pas sanctifiés en assez grand nombre et que le peuple n'était pas rassemblé à Jérusalem » (2Ch. 30:1-4). Voici comment le Targoum explique le texte : 
« Le Roi, ses principaux, tout Israël et toute l'assemblée à Jérusalem tinrent conseil pour reporter le mois de Nissan et faire la Pâque au mois de Iyyar, qui est le deuxième mois »  
ואתמליך מלכא ורברבנוי וכלהון ישראל וכל קהלא בירושלם לעבריה ירחא דניסן ולמעבד פסחא בירחא דאייר הוא ירחא תניינא
( Targoum Yonathan sur 2Ch. 30:2 ) 
En d'autres termes, ils décidèrent d'ajouter un 13è mois à l'année, reportant ainsi le début du mois de Nissan ( le premier mois ) de l'année suivante et, simultanément, la date de la Pâque à ce qui devait  en temps normal être le  « deuxième mois ».  Loin de condamner la décision du Tribunal d'Ezéchias, la Bible dit que la « voix » des enfants d'Israël fut en cette occasion  « entendue, et leur prière parvint jusqu’aux cieux, jusqu’à la sainte demeure de l’Éternel. » ( 2Ch. 30:27 ).  
Que le calendrier calculé  est antérieur à Hillel II, les extraits suivants nous en apportent  également la preuve certaine . 
Talmud de Babylone, Houlin 95b
« Il [ Shmou‘el de Néhardea ] a rédigé et lui a envoyé [ à Rabbi Yohannan ] les intercalations des soixante années suivantes  »
כתב שדר ליה עיבורא דשיתין שני
Le traité Rosh Ha-shanah (20b) relate pareillement au sujet de Shmouel de Néhardea ( 165-267 de l’ère commune )  qu’ il se vantait de « pouvoir fixer les dates pour toute la Diaspora » יכולנא לתקוני לכולה גולה. Dans  le folio 7a du même traité , il est affirmé que l'année était intercalée sur la base du calcul et non de l'observation et que le peuple le savait מידע ידיע דשתא מעברתא בחושבנא. 
  Talmud de Jérusalem , Mégilah 1.2 : 
«   Rabbi Yossé dit: Il n'y a pas de 14 Adar qui tombe un deuxième jour ou un Shabbath; car si le 14 Adar tombe un deuxième jour, le Grand Jeûne (Yom Kippour)  tombera un premier jour de la semaine, et si le 14 Adar tombe le Shabbath, le Grand Jeûne (Yom Kippour) tombera un Arouvta (sixième jour) »
א"ר יוסה לית כאן חל להיות בשני ולית כאן חל להיות בשבת חל להיות בשני צומא רבא בחד בשבא חל להיות בשבת צומא רבא בערובתא

Nous avons ici la preuve qu'à l'époque de Yossé ben Halafta (2è siècle), le calendrier était identique au calendrier rabbinique actuel en ce qu’il existait déjà un nombre fixe de jours entre Pourim (le 14 Adar) et Yom Kippour (le 10 Tishri), en sortes que si Pourim était célébré un deuxième jour (Lundi), le jour du Grand Pardon tombait un sixième jour (Vendredi). Ce passage démontre également que la règle des de’hiyot, qui empêchent certaines fêtes de tomber en certains jours de la semaine, furent  alors déjà en place. 
Talmud de Babylone , Rosh Ha-shanah 5a : 
« Rabbah le fils de Shmouel répéta la tradition tannaïtique : La Torah déclare: comptez les jours et sanctifiez la néoménie, comptez les jours et sanctifiez la fête des semaines. [En d'autres termes], comme de la néoménie qui est comptée, la fête des semaines est comptée » 
דתני רבה בר שמואל אמרה תורה מנה ימים וקדש חדש מנה ימים וקדש עצרת מה חדש למנויו אף עצרת למנויו
Cette Barayta ( tradition pharisienne antérieure au 2è siècle mais non incorporée dans la Mishnah )  atteste clairement que les Israélites n’ont pas attendu Hillel II pour procéder aux calculs calendaires.   
Mishnah Ména’hot 8:2 
« Comment l’orge que l’on apportait en offrande était t-il préparé ? Il était semé pendant la première année et la deuxième année on le récoltait soixante-dix jour avant la Pâque »
כיצד הוא עושה נרה שנה ראשונה ובשנה שניה זורעה קודם לפסח שבעים יום
Comment la Mishnah peut-elle affirmer que l'orge était semé « soixante dix-jours avant la Pâque » si le début du mois de Nissan, au quinzième jour duquel la Pâque tombait, n'était pas connue d'avance ? Autrement dit, comment pouvait-on prévoir 70 jours, c'est à dire, à peu près deux mois à l' avance quand la Pâque allait être célébrée si la détermination de cette date nécessitait que l’on observe préalablement le premier croissant de lune du mois de Nissan ? Etant donné que la Mishnah évoque ici la préparation de l’orge dans le contexte de l’offrande que l’on apportait au Temple,  cet extrait est la preuve qu'à l'époque du deuxième Temple, l'on déterminait déjà les dates à l’avance , et donc que la  computation calendaire était déjà connue et utilisée
Talmud de Babylone, Rosh Ha-shanah 19a :   
« Depuis l’époque d’Esdras, on n'a jamais eu un Eloul de trente jours … L'Adar qui précède Nissan comporte toujours vingt-neuf jours »
מימות עזרא ואילך לא  מצינו אלול מעובר … אדר הסמוך לניסן לעולם חסר
Ceci n'aurait été possible que dans un calendrier fixé indépendamment de l'apparition de la lune. En effet, ces mois auraient été de durée variable et auraient pu comporter trente jours dans un calendrier dont le fondement est l'observation lunaire. Ceci implique qu’ un calendrier fixe a été utilisé au moins depuis l’époque d’ Esdras.  Dans le calendrier rabbinique actuel, la règle n'a pas changée en ce que le mois d' Eloul et l'Adar qui précède Nissan comportent invariablement vingt-neuf jours.  
Talmud de Babylone, Rosh Ha-shanah 19a  
« Rabbi Simay attesta au nom d'Aggée, de Zacharie et de Malachie à propos des deux Adars : S'ils le souhaitent, ils peuvent les rendre tous deux pleins (de 30 jours), les rendre tous deux  défectifs ( de 29 jours ),  ou rendre l'un plein (de 30 jours) et l'autre défectif (de 29 jours) »
העיד רבי סימאי משום חגי זכריה ומלאכי על שני אדרים שאם רצו לעשותן שניהן מלאין עושין שניהן חסרין עושין אחד מלא ואחד חסר עושין

Ceci montre que l’ordre de  succession des mois pleins et défectifs dépendait, non pas la première visibilité lunaire sur laquelle les hommes n'ont aucun pouvoir, mais du choix des Anciens du Sanhédrin,  et ce, depuis l’époque biblique dont la mort d’ Aggée, Zacharie et Malachie, les derniers prophètes du Tanakh , marqua la fin. Comme en atteste toutefois l’extrait précédemment cité, la durée des mois d' Eloul et d'Adar, qui influent sur les dates des fêtes majeures, fut inchangée depuis  le retour de l'exil au 4è siècle avant l'ère vulgaire.  
L'observation lunaire 
A quoi servait, dans ce cas,  l'audition des témoins de la nouvelle lune  ?

Les Sages étaient eux-mêmes divisés sur la question. Tandis que pour les uns, dont l'opinion est considérée dans la Guémara comme la Halakhah, l'observation de la lune, lorsque l'apparition de celle ci coïncidait avec  le  jour fixé comme le premier du mois selon le cycle préétabli, ne sert que de complément au calendrier calculé ( Talmud de Babylone, Rosh Ha-shanah 20a et 24a ; Mishnah Rosh Ha-shanah 2:7; Mékhilta de Rashbi sur Ex 12 :2 ), pour d'autres, Dieu n'aurait prescrit que le calcul calendaire (Talmud de Babylone Erekhin 9b ).  Quoi qu'il en soit, les sources nous apprennent que les choses se faisaient autrement dans le contexte sectaire de l'ère du deuxième Temple.   
En effet, comme nous l’avons déjà évoqué, même si le cycle  calendaire préétabli a été donné au Sinaï, les Sages du Sanhédrin pouvaient modifier la succession des mois pleins et défectifs.  Ce qui implique que s'ils le souhaitaient, les Sages du Tribunal pouvaient choisir de faire correspondre le cycle à la première visibilité lunaire de chaque mois ; comme le donne à comprendre le traité Rosh Ha-shanah de la Mishnah qui suggère que c'est de cette manière que procédaient les autorités de l'époque du deuxième Temple pour la plupart des mois de l'année. Le Talmud de Jérusalem ( Meguilah 1:2 ) nous append qu’ afin que les solennités soient célébrées en leur « temps fixe », un  quota de mois pleins et défectifs devait néanmoins être respecté, en sorte que le nombre de jours entre les dates des fêtes ne soit pas affecté et que peu importe la manière dont le Sanhédrin dispose l’ordre des mois pleins et défectifs, que ce soit suivant l'apparition de la lune, le cycle préétabli, ou de n'importe quelle autre manière, les fêtes de l'Eternel aient toujours lieu aux mêmes moments que si le modèle de cycle révélé à Moïse fut suivi.  Le Talmud de Babylone atteste que   lorsqu' il fallait obligatoirement rendre le mois défectif, surtout aux mois d’Eloul et d’Adar qui influent sur la date des fêtes majeures, et que le premier jour du mois ne coïncidait pas avec l'apparition du premier croissant  « des témoins étaient intimités pour qu'ils attestent avoir vu une lune qui n'a été pas été vue en son temps afin qu'elle soit sanctifiée, et même s'ils ne l'ont pas vu, ils doivent dire: nous l'avons vu »  (Rosh Ha-shanah 20a). Inversement, lorsqu'il fallait rendre le mois plein, « les témoins sont intimidés à propos d’une lune qui a été vue en son temps » ( ibid. ). Il apparaît clairement que la préoccupation des  Sages, qui, de toute manière, connaissaient déjà la date d'avance,  n'était pas de savoir si la lune a été vue mais de le faire accroire à d'autres.
Qui les Pharisiens cherchaient t-ils à convaincre et pourquoi ? Dans le Méguilath Evyatar, récemment découvert dans la Guénizah du vieux Caire, Eliahou b. Evyathar Ha-cohen, le dernier Gaon de Jérusalem, rapporte que la pratique qui consiste à faire coïncider le début du mois avec la première visibilité lunaire et, lorsque cela n'était pas possible, à manipuler les témoignages ne remonte qu'à l'époque hasmonéenne et  n'a été introduite qu' à cause des sadducéens qui soutenaient que le premier jour de chaque mois devait coïncider avec l’apparition du premier croissant.  Bien que cette tradition ne soit pas explicitement évoquée dans la littérature talmudique, certains passages y font allusion. Ainsi, retrouvons-nous par exemple dans le Talmud de Babylone, traité Rosh Ha-shanah 20b: 
« Rav Kahana répondit : Lorsque le temple était encore debout, le Shabbath était transgressé pour tous les mois en raison de la fixation des sacrifices, et non pas parce que c'est un commandement divin de sanctifier selon l'observation »
כשהמקדש קיים מחללין אף על כולן מפני תקנת הקרבן מדכולהו לאו משום דמצוה לקדש על הראייה

C'étaient donc  les sacrifices, et non la détermination des dates, qui nécessitaient l'observation du premier croissant par deux témoins.  La référence au culte du Temple nous laisse entrevoir que les principaux intéressés étaient les membres de la caste sacerdotale en fonction au Temple, dont on sait que la plupart étaient sadducéens , lesquels , selon une Barayta rapportée dans le Midrash,  ne calculaient pas les dates  :
« Parce qu'ils ne discernent pas les oeuvres de l'Eternel, ni l'ouvrage de ses mains, il les détruira et ne les édifiera point - Psaumes 28:1 [ ... ] Nos Rabbins ont dit : C'est la lecture du Shéma, puisqu'on récite préalablement la bénédiction du " yotser or " (celui qui forme la lumière) et qu'on termine par " Tu es Béni l'Eternel, qui crée les luminaires ".  L'ouvrage de ces mains sont les conjonctions ( moladot ), comme il est dit : " Dieu fit les deux grands luminaires " ( Gn 1:17) et " Il a fait la lune pour marquer les temps " ( Psaume 104:19 ). L'Eternel  détruira  ces hérétiques qui ne calculent ni  les temps fixés  ni les équinoxes et ne les édifiera point . Il les détruira dans ce monde-ci et ne les édifiera point dans le monde futur » 
כי לא יבינו אל פעולת ה' ואל מעשה ידיו יהרסם ולא יבנם  וכו׳  ורבנן אמריזו קריאת שמע, שמברכין לפניו יוצר אור, וחותמין ברוך אתה ה' יוצר המאורות ואל מעשה ידיו. אלו המולדות, כמה שנאמר ויעש אלהים את שני המאורות הגדולים (בראשית א טז), וכתיב עשה ירח למועדים (תהלים קד יט), והם המינין שאין חושבין לא מועדות ולא תקופות. יהרסם ולא יבנם. יהרסם, בעולם הזה. ולא יבנם. לעולם הבא
( Midrash So’her Tov sur Psaume 28:4, édité par Martin Buber )

Ceci atteste clairement qu'alors que les Pharisiens faisaient usage de la computation, les sectes antiques qui leur étaient opposés se basaient uniquement sur les données empiriques pour la détermination des dates. L'on comprend mieux les commentaires de Rav Kahana : Puisque le risque existait que les sadducéens refusent de procéder aux sacrifices de la néoménie et des fêtes si les dates ne correspondaient pas à l'apparition du premier croissant, il était absolument indispensable que des témoins, véridiques ou manipulés, se présentent à chaque fois et disent avoir vu la lune. Et comme le culte sacrificiel a préséance sur le Shabbath ( Tossefta Shabbath 16:13 ;  Matthieu 9:12 ), les témoins pouvaient donc outrepasser les règles d'observance sabbatique pour faire le trajet nécessaire jusqu'au Mont du Temple, où le Grand Tribunal siégeait encore à l'époque.   
Maïmonide,  quant à lui, considère le calendrier fixe et  celui qui est basé uniquement sur l'observation comme des méthodes distinctes remontant  toutes deux au don de la Torah :  
« Ceci est une loi révélée à Moïse au Sinaï : Tout le temps qu’un Sanhédrin existe, on fixe le calendrier selon l’observation et lorsqu’il n’y a pas de Sanhédrin, on fixe selon cette computation que l’on utilise de nos jours et dans laquelle il n’y a nul besoin de l’observation »
דבר זה הלכה למשה מסיני הוא. שבזמן שיש סנהדרין קובעין על פי הראיה ובזמן שאין שם סנהדרין קובעין על פי החשבון הזה שאנו מחשבין בו היום ואין נזקקין לראיה
        ( Mishneh Torah , Qidoush Ha-hodesh 8:2 )   
Les témoignages talmudiques tendent cependant à confirmer que même à l'époque où le Sanhédrin fonctionnait, le calcul était la base et l'observation n'avait qu'une importance secondaire dans la détermination de la date des fêtes.  
En tout état de cause, le calendrier attribué à Hillel II lui est largement antérieur et l'argument selon lequel les talmidéi Yéshou`a doivent rejeter le calendrier rabbinique parce qu'il s'agirait d'une invention postérieure de ceux qui ont « renié le Messie » n'a aucun fondement dans la Torah tant écrite et qu'orale, n'en déplaise à François Gensale ! 

4 commentaires:

  1. Bonjour,
    Dès le démarrage de ta démonstration il y a une erreur fondamentale. Je cite :

    " Il n'est cependant nul part affirmé qu' il a retiré cette autorité aux Pharisiens.Au contraire, l'Evangile de Matthieu rapporte : ... ( Matthieu 23:2-3) ."

    Un pharisien assis sur la chaire de Moïse n'avait le droit de n'enseigner que la Torah sans rien y ajouter ni y enlever. Le Christ dit justement à ceux qui l'écoutent et le comprennent que c'est ainsi "contraints" qu'ils faut les écouter car ils ne peuvent que dire la simple vérité sans ajouter de leurs traditions ou interprétations humaines.

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  2. Ais-je dit le contraire ? La Torah n'est pas qu'écrite , elle est aussi Orale.

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  3. En attendant, si c’est à cause d’un calendrier qu’il faut rejeter Netivot Olam et parce qu’ils ne sont pas « juifs » ça n’a AUCUN SENS!
    Le débat est STÉRILE

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  4. Notre désaccord avec Netivot Olam ne se limite pas au calendrier, mais porte également sur des questions doctrinales beaucoup plus graves. Nous nous dissocions donc d'eux non pas parce qu'ils ne sont pas juifs, mais pour leurs doctrines héretiques. De deux, si vous vous référez a l'autorité torahique de trancher la Loi, seul un juif peut effectivement l'exercer selon la halakhah.

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