lundi 21 décembre 2020

Réponse aux anti-missionnaires, partie 7

Réponses à Torah Box

Ce qui suit est notre réponse aux objections de Lionel Robine de Torah Box à la messianité de Yéshou`a (Jésus). Etant donné que nous n’adhérons pas aux dogmes de la Trinité, de l’incarnation, de la naissance virginale et de l’abrogation des commandements mosaïques et que quelques uns des arguments de LR ont déjà été abordés dans la quatrième et la cinquième parties de nos réponses aux anti-missionnaires, nous ne répondrons qu’aux nouveaux éléments apportés qui nous concernent également.  

Objection:

« Nous avons une prophétie très claire en Ezra 2,62-63 : « Ceux là recherchèrent leurs tables généalogiques, mais elles ne purent être trouvées, aussi furent-ils déchus du sacerdoce. Le gouverneur leur défendit de manger des choses éminément saintes, jusqu’au jour où officierait de nouveau un prêtre portant l’Ourim et le Toumim ». Tout le monde est d’accord que ce verset parle du Messie. Et qu’est ce que dit ce verset ? Que Dieu donnera la force au Grand-prêtre portant le « Ourim véToumim » de retrouver la généalogie de chaque juif. Pour résumer, non seulement la destruction des généalogies n’empêche pas que la prophétie se réalise, mais au contraire, de dire que le messie serait venu avant la destruction des généalogies empêche que la prophétie en Ezra se réalise. Le Messie doit obligatoirement venir après la destruction des généalogies, pour que se réalisent les deux prophéties [celle en Genèse et celle en Ezra]. Il est donc impossible que Jésus, qui est venu avant la déstruction des généalogies, soit le messie […] Les rabbins n’ont jamais dit que la venue du Messie sera pendant le second Temple. C’est, encore une fois, un mensonge, un terrible mensonge […] Il n’y a aucune source à cela  » (« Pourquoi les juifs ne croient pas en Jésus », parties 3 et 5)

Réponse :

Le texte n’évoque nulle part  la perte de la généalogie de tous les judéens ni ne fait d’une telle perte  la condition sine qua non à l’avènement du Messie. L’on constate en effet que lorsqu’il est parlé de la clarification des doutes au sujet des lignées, aussi bien le verset que ses commentateurs se réfèrent simplement à ces prêtres qui ont été disqualifiés de la sacrificature aux temps d’Esdras et non à la nation toute entière.  Le Malbi"m,  dont LR qui prétend s’exprimer au nom de « tout le monde » semble n’avoir pas lu le commentaire, a ainsi écrit :

אם היו זוכים אזהיתה השכינה שבה אליהם בבית שני והיה להם או"ת ובימי עלייתם היה להם עדיין תקוה לזה

« S’ils l’avaient alors mérité, la Shékhinah serait revenue vers eux à l’époque du deuxième Temple et ils auraient bénéficié de l’Ourim et du Toumim. Au moment où ils montèrent de l’Exil, ils espéraient encore que cela se produirait » (Malbi"m sur `Ezra 2 :62-63)

De toute manière, si comme nous l’avons maintes fois montré dans les parties précédentes, le Messie et éventuellement la rédemption ultime étaient attendus pour l’ère du deuxième Temple, donc à une époque où les écrits généalogiques de la plupart des juifs existaient encore et étaient scrupuleusement préservés, ce sont les spéculations infondées de LR qui tombent à l’eau. Nous citerons encore comme appui ces observations très pertinentes d’Abravanel :

וכבר ביאר ירמיה הנביא ע"ה שזה היה באמת תכלית פקידת בבל, באומרו (ירמיה כ"ט) כי כה אמר ה' כי לפי מלאת לבבל שבעים שנה אפקוד אתכם והקימותי לכם את דברי הטוב להשיב אתכם אל המקום הזה. ואין ספק שאמר על פקידת בבל. אמנם אמרו אחר זה כי אנכי ידעתי את המחשבות אשר אני חושב עליכם נאם ה' מחשבות שלום ולא לרעה לתת לכם אחרית ותקווה וקראתם אלי וגו'. ושאר הפסוקים שאחר זה, מבואר נגלה הוא שלא נאמרו על פקידת בבל, אלא להודיע שלא הייתה הפקידה ההיא מכוונת לעצמה, כי אם לתת להם הכנה והזדמנות שישובו אליו כדי לקבץ נידחיהם אשר לא שבו בבית שני. ואלה היו המחשבות שאמר שהוא חושב עליהם לטובה ולא לרעה, לתת להם אחרית ותקווה, שהיא הגאולה השלמה הנקראת 'אחרית הזעם', ולכך אמר שם והלכתם והתפללתם אלי, ר"ל שאחרי אותה הפקידה מבבל, בהיותם בירושלם מקום התפלה ושער השמים, יקראו אליו והתפללו לפניו. ואין זה יעוד, אלא צווי מצווה אותם שיעשו כן. ויעדם שהוא ישמע אליהם, ושאז ישיב את שבותם ויקבץ אותם מכל הגוים ומכל המקומות אשר נדחו שם. ואי אפשר לפרש זה על פקידת בבל, שכבר נעשתה. אלא על מה שיהיה אחר זה בחזרת עשרת השבטים ובני יהודה שנתפזרו בשאר ארצות. שמתוך אותה התחלה שיעשו בירושלם אותם השבים מבבל בפקידתם, ישיב ה‘ את שבותם ויקבצם על אדמת הקדש, ותחזור הנבואה והשכינה ביניהם כימי קדם. אמנם בני יהודה לא עשו כן. אמנם הוסיפו לחטוא בזמן בית שני, כי הם אחזו בידיהם עוונות אבותיהם, עבודת כוכבים גלוי עריות ושפיכות דמים, גזל וחמס וחילול שבתות. ועם היות שלא היו עובדי כוכבים, כבר נתחדשו ביניהם כת צדוק ובייתוס ואפיקורסות והקראים. ולכן לא זכו שתחזור נבואה ביניהם, ולא רוח הקודש ושאר הדברים הקדושים שלא חזרו בקהלם, ולא לקבוץ אחיהם הגולים. אבל בהתחברות עונותיהם על עונות אבותיהם נתחייבו בגלות אחר, לא כגלות בבל אלא יותר קשה ויותר ארוך הרבה מאוד.

« Yirméyahou le prophète, que la paix soit sur lui, a déjà expliqué que cela (la rédemption totale) était la finalité de la visite de Babylone, lorsqu’il affirma : « Dès que soixante-dix ans seront révolus pour Babel, je vous visiterai, et j’accomplirai sur vous mes excellentes promesses, en vous ramenant dans ce lieu » (Yirméyahou 29 :10). Il est ensuite dit : « Car moi, je connais les pensées que j’ai à votre égard, dit l’Éternel, pensées pour le bien et non pour le mal, et tendent à vous donner un avenir et une espérance. Et vous m’invoquerez etc. ». Il est clair que ce verset et les autres qui le suivent n’ont pas été dits au sujet de la visite de Babylone. Ils  visent plutôt à nous informer que cette visite là n’était pas une finalité en soit, mais avait pour but de leur permettre de se préparer et de leur donner l’opportunité de faire repentance afin que les exilés qui ne sont pas revenus à l’époque du deuxième Temple reviennent. C’est à cela qu’il est référé lorsqu’il est parlé de « pensées pour le bien et non pour le mal » qui « tendent à vous donner un avenir et une espérance », c'est-à-dire, la Rédemption totale, qui est appelé « fin de la colère ». C’est pourquoi il est dit : «  Et vous vous en irez, et vous me prierez », c'est-à-dire qu’après la visite de Babylone,  en étant à Jérusalem, le lieu de la prière et la porte des cieux, ils appeleront Dieu  et prieront devant Lui. Ce n’est pas là une promesse, mais un ordre qui leur a été donné pour qu’ils agissent ainsi. La promesse étant que Dieu les écoutera, qu’il rétablira leurs lieux d’habitation et les rassemblera d’entre toutes les nations et de tous les endroits où ils ont été dispersés. L’on ne peut pas expliquer cela en rapport à la visite de Babylone, qui a déjà été faite, mais à ce qu’il y aura après lors du retour des dix tribus et des fils de Juda qui ont été dispersés dans les autres contrées. Car par ce commencement là, qu’accompliront ceux qui sont revenus de Babylone, l’Eternel reconstruira leurs demeures et les rassemblera en terre sainte, puis, la prophétie et la Shékhinah reviendra parmi eux comme aux jours d’autrefois. Les enfants de Juda n’ont cependant pas fait cela, mais continuèrent à pécher à l’époque du deuxième Temple, car ils persistèrent dans les fautes de leurs pères, à savoir, l’idolâtrie, l’impudicité, le meurtre, le vol et la profanation du Shabbath. Et bien qu’ils n’aient pas été idolâtres,  la secte de Tsadoq et Baythos, l’hérésie et les qaraïm firent leur apparition parmi eux. C’est pour cela qu’ils n’ont pas mérité que la prophétie, l’esprit saint et les autres choses saintes reviennent parmi eux. Au contraire, à cause de leurs fautes, en plus des fautes de leurs pères, ils ont été condamnés à un autre Exil, qui n’est pas comme celui de Babylone, mais un Exil plus dur encore et beaucoup plus long » (Commentaire d’Abravanel sur la Parashath Béhouqotay)

Et :

 או אז ייכנע לבבם הערל ואז ירצו את עוונם כלומר, שאין להם לאנשי בית שני אלא אחד משני דרכים: אם שיעשו תשובה ויוכנע לבבם הערל, ואז ירצו את עוונם, שיעזבו עוונם בהחלט, כי זה היה תכלית הפקידה כמו שביארתי; או שילכו בגלות אחר כמו שזכר.  והרמב"ן פירש והבאתי אותם בארץ אויביהם: או עד זמן שייכנע לבבם הערל, או זמן שירצו את עוונם באורך הגלות. כמו שאחז"ל (סנהדרין ד' צ"ט) אני ה' בעתה – אחישנה. אם זכו – אחישנה; לא זכו - בעתה.

« Ou bien qu’ils humilieront alors leurs cœurs incirconcis et paieraient la dette de leur crime – autrement dit, il n’y avait que deux possibilités qui s’offraient aux gens de l’époque du deuxième Temple : Ou ils se repentent et humilient leurs cœurs incirconcis, et alors, ils expieront leurs péchés, en abandonnant complètement [leurs mauvaises actions], puisqu’ il s’agissait de la finalité de la visite de Babylone, comme je l’ai expliqué, ou bien, ils endureraient un autre Exil, comme l’a expliqué le Ramba"n dans son interprétation du verset du Levitique 26 :41 (« Et je les emmènerai dans le pays de leurs ennemis ») : Soit jusqu’à ce qu’ ils humilient leurs cœurs incirconcis, soit jusqu’ à ce qu’ ils paient la dette de leur iniquité pendant toute la durée de l’Exil. Comme l’ont dit les Sages : « Moi, l’Eternel, je la hâterai (la rédemption) en son temps (Yésha`yahou 60:22), c'est-à-dire que s’ils le méritent, je la hâterai, sinon, elle aura lieu en son temps » (Sanhédrin 89) » (Ibid.)

A rapprocher de ce que relate l’évangile de Luc :

« Et lorsque, s'étant approché, [Yéshou`a] aperçut Jérusalem, il pleura sur elle, en disant : " Si tu connaissais, toi aussi, du moins en ce jour qui t'est donné, ce qui ferait ta paix ! Mais maintenant ces choses sont cachées à tes yeux. Viendront sur toi des jours où tes ennemis t'environneront de tranchées, t'investiront et te serreront de toutes parts ; ils te renverseront par terre, toi et tes enfants qui sont dans ton sein, et ils ne laisseront pas dans ton enceinte pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps où tu as été visitée. » (Luc 19:41-44)

Aussi bien Yéshou`a et ses disciples que les rabbins d’antan conviennent ainsi que la Shékhinah se serait manifestée de la même manière qu’auparavant, et le peuple juif n’aurait non seulement pas perdu ses écrits généalogiques mais aurait de nouveau pu interroger l’Ourim et le Toumim et certifier la généalogie des prêtres disqualifiés si seulement il s’était repenti aux moments propices. Pour les rabbins, les « dates sont passées » et Dieu n’a toujours pas envoyé le Messie (Talmud de Babylone, Sanhédrin 97b). Nous maintenons pour notre part que le Messie s’est bien révélé au moment annoncé mais qu’il a été rejeté

Objection :

« Dans le Talmud, traité Soukkah, à la page 52, il est écrit comme ça, je cite : «  Nos docteur enseignent ce qui suit : Dieu saint, béni soit-il ! dit au messie fils de David (qu’il se manifeste bientôt et de nos jour) : Demande moi quoi que ce soit et je te l’accorderai, car il est écrit (Psaume 2 :7) : Je rapporte ce qui est devenu un décret irrécocable : Dieu m’a dit : Tu es mon fils, je t’ai engendré aujourd’hui, à ta demande je te l’accorde et le reste. Et puisqu’il voit que le messie fils de Joseph est mis à mort, dit devant sa face : Maître de l’Univers, je ne te demande que la vie, pour Joseph, pour le fils de Joseph, et Dieu lui répond : Ton père David a déjà prophétisé eu sujet de ta vie, car il a dit (Psaume 21 :5) : il te demande la vie, et tu lui accordes de longs jour pour le siècle infini ». C’est le messie fils de David qui parle ici sur quelqu’un d’autre, le messie fils de Joseph, qui sera lui mis à mort (…) Le messie souffrant n’est pas le libérateur. C’est ici une preuve très forte qui pose problème aux chrétiens qui disent que le Messie est à la fois le fils de Joseph et le fils de David » (Pourquoi les juifs ne croient pas en Jésus, partie 4)

Réfutation :

La Barayta, qui fait du récepteur de la vie un  fils de David בן דוד, dit en réalité : « lorsque le Messie fils de Joseph verra qu’il a été tué »  וכיון שראה משיח בן יוסף שנהרג, et non : « lorsqu’il verra que le Messie fils de Joseph mourra » וכיון שראה שמשיח בן יוסף נהרג. Nous reproduisons ci-après le texte source accompagné de sa traduction :

תנו רבנן משיח בן דוד שעתיד להגלות במהרה בימינו אומר לו הקב"ה שאל ממני דבר ואתן לך שנאמר (תהילים ב) אספרה אל חוק וגו' אני היום ילדתיך שאל ממני ואתנה גוים נחלתך וכיון שראה משיח בן יוסף שנהרג אומר לפניו רבש"ע איני מבקש ממך אלא חיים אומר לו חיים עד שלא אמרת כבר התנבא עליך דוד אביך שנאמר (תהילים כא) חיים שאל ממך נתתה לו

« Nos Rabbins ont enseigné: le Saint béni soit-il dira au Messie fils de David, qu'il se révèle rapidement de nos jours, demande-moi et je te donnerais comme il est dit: Je publierai le décret : [Adonaï m'a dit: Tu es mon fils!] Je t'ai engendré aujourd'hui. Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage, Les extrémités de la terre pour possession' (Psaume 2:8). Et lorsque le Messie fils de Joseph verra qu’il a été tué, il lui dira : Seigneur de l'univers! Je te demande seulement la vie! Concernant la vie, il lui répondra: David ton Père a déjà prophétisé te concernant, comme il est dit (Psaume 21:5): Il te demandait la vie, tu la lui as donnée » (Talmud de Babylone, Soukkah 52a)

Il apparaît suffisamment clair que dans cette Barayta, c’est le Mashiah ben Yossef, lui-même fils de David, qui, après avoir été exécuté, supplie Dieu qu’il le ressuscite. Les mots « pour Joseph » et «  pour le fils de Joseph » n’étant pas présents dans le texte.  La version reprise dans le Yalqout Shime`oni est plus remarquable encore en ce qu’elle applique au Mashiah ben Yossef le Psaume 2 qui a initialement été  interprété comme ayant trait au « Mashiah », dont la version du Talmud de Babylone nous précise qu’il s’agit du « fils de David ». Elle dépeint également le Mashiah ben Yossef comme étant  le Shiloh, l’oint issu de Juda, prophétisé en Genèse 49,10. Voici ce qu’on y lit :

שנו רבותינו משיח שעתיד להגלות במהרה בימינו אומר לו הקב"ה שאל מה אתה מבקש ואני נותן לך שנאמר שאל ממני, כיון שרואה משיח בן יוסף שנהרג אומר לפניו רבש"ע איני מבקש ממך אלא חיים, אמר לו עד שלא שאלת כבר התנבא עליך דוד אביך שנאמר חיים שאל ממך נתתה לו ארך ימים עולם ועד. ד"א שאל שיהו ישראל קיימים לעולם ועד, רבי ברכיה אמר בשביל עדתו של קרח. תרועם בשבט ברזל זה משיח בן יוסף שרודה במקל, וכה"א לא יסור שבט מיהודה וגו' עד כי יבא שילה

«  Nos rabbins ont enseigné : Le Saint Béni Soit-il dira au Mashiah, qu’il se dévoile rapidement de nos jours : Demande moi ce que tu veux et je te le donnerai, comme il est dit : « Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage » (Psaume 2:8). Lorsque le Mashiah ben Yossef verra qu’il est exécuté, il dit devant Dieu : « Seigneur de l’Univers ! Je ne te demande que la vie ! ». Dieu lui réponds : « Avant même que tu n’aies demandé, David ton père a prophétisé te concernant, ainsi qu’il est dit : Il te demandait la vie ; tu la lui as donnée, une vie longue, permanente, éternelle ». Autre interprétation : « Demande que les Israélites vivent éternellement ».  Rabbi Bérakhyah a dit pour l’assemblée de Qorah : « Tu les briseras d’un sceptre de fer, comme un vase de potier, tu les mettras en pièces » (Psaumes 2:9) - il s’agit du le Mashiah ben Yossef, qui gouverne par le bâton. Voilà pourquoi il est dit : «  Le sceptre ne s’éloignera pas de Juda etc. jusqu’à ce que vienne le Shiloh  (Genèse 40:10) » (Yalqout Shime`oni sur le Na"kh 621)

Il ne fait nul doute que selon la tradition que reprend présentement le Yalqouth, le Messie souffrant et le Messie régnant ne sont qu’un seul et même individu. C’est ce que nous confirme en ces termes le passage suivant :

רהונא בשם ראחא לשלשה חלקים נתחלקו היסורין אחד לדוד ולאבות ואחד לדורנו ואחד למלך המשיחהדא הוא דכתיב והוא מחולל מפשעינו מדוכא מעונותינו וגו'

« Rabbi Houna dit au nom de Rabbi Aha : Les souffrances sont patagées en trois parts : L’une pour David et les partriarches, l’une pour notre génération et l’une pour le Messie Roi, ainsi qu’il est écrit : «  Et c’est pour nos péchés qu’il a été meurtri, et frappé pour nos transgressions » (Yalqout Shime`oni sur Psaume 2 :7)

Le concept d’un seul Mashiah dans un premier temps souffrant se rencontre également dans la Pesiqta Rabbati (p. 161-163, Edition de Vienne) qui appelle non seulement « ben David » Ephraïm le Messie souffrant, mais voit en lui le rejeton de Yishay prophétisé dans le chapitre 11 de Yésha`yahou. D’ailleurs, le dialogue de Justin avec Tryphon (89) atteste que les juifs du premier et du deuxième siècle admettaient que les écritures ont annoncé un seul Messie, qui, avant de se manifester dans la gloire, souffrira et se fera tuer, mais refusaient simplement l’idée que son exécution se fasse par la crucifixion, dont celui qui meurt des suites est considéré par la halakhah pré mishnaïque comme ayant offensé Dieu. Voir aussi Matthieu 27 :39-44 et Luc 24:3. Relevons également dans les Nistarot de Rashbi : 

ואח״ך תמלוך מלכות הרשעה על ישראל תשעה חדשים וכו׳ ויצמח להם משיח בן יוסף ויעלה אותם לירושלם ויבנה בית המקדש ויקריב קרבנות ותרד אש מן השמים ותאכל קרבנותיהם וכו׳  ויעמוד מלך רשע ושמו ארמילוס  וכו׳  ועולה לירושלם ויעורר מלחמה עם משיח בן אפרים  וכו׳ וימות שם משיח בן אפרים וישראל סופדים אותו, ואח״ך יגלה להם הקב״ה משיח בן דוד, וישראל ירצו לסקלו ואומרים לו שקר דיברת שכבר נהרג משיח ואין משיח אחר עתיד לעמוד

« Le royaume impie régnera sur les Israélites [...] mais le messie fils de Joseph  apparaîtra, et les fera monter à Jérusalem. Il construira le Temple, offrira des sacrifices et du feu venant du ciel descendra et consumera leur sacrifices [...] Et un roi impie se lèvera, son nom est Armilos [...] Il fera la guerre au messie fils d'Ephraïm [...] Et le messie fils d’Ephraïm mourra et Israël pleurera sur lui [...] Après cela, le Saint Béni Soit-il dévoilera le messie fils de David, mais les Israélites voudront le lapider et lui diront : Tu mens ! Le messie s'est déjà fait tuer et il n'y aura plus d'autre messie qui se lèvera »

Ceci implique, d’une part, que le Messie fils de Joseph est d’ascendance davidique ou, du moins, se fera passer comme tel, et, d’autre part, que l’idée qu’il n’existe qu’ un seul Messie, dont l’éventuelle exécution était admise, était encore à l’époque de la rédaction de ce Midrash, c'est-à-dire au 8e siècle, l’interprétation communément admise. L’auteur, qui s’engage dans une polémique contre le concept d’un seul Messie, ne s’attendait manifestement pas à ce que l’opinion majoritaire change jusqu’à la rédemption finale.  Mais tout cela ayant déjà été amplement discutté dans d’autres articles de notre site, il n’est pas besoin que l’on s’y attarde davantage. L’on fera simplement remarquer que l’idée d’un seul Messie, d’abord souffrant, puis régnant après être revenu d’entre les morts, n’a pas entièrement disparu. Le Rav Dov Wolpo en parle dans son ouvrage intitulé « Yéhi Mélekh Ha-mashiah » où il prouve l’identité entre les deux messies.

Le lien avec la ligature de Yitshaq n’est pas essentiel à notre démonstration  ni à notre croyance en Yéshou`a. Mais puisque LR a abordé le sujet dans la deuxième partie de sa série de vidéos, il est notable que rien n’empêche, compte tenu de la tradition évoquant la mort et la résurrection du Messie, de penser qu’il a été préfiguré par Yitshaq, le fils ligaturé à propos duquel les Pirqé de-Rabbi Eli`ezer relatent ceci 

כיון שתגיע החרב על צוארו  פרחה ויצאה נשמתו של יצחק. כיון שהשמיע [ה'] קולו מבין שני הכרובים ואמר (בראשית כב): 'אל תשלח ידך אל הנער', חזרה הנפש לגופו. והתירו ועמד על רגליו, וידע יצחק תחיית המתים מן התורה, שכל המתים עתידין להחיות. באותה השעה פתח ואמר  'בא"י  מחיה המתים'

« Lorsque le sabre vint sur sa gorge, l’âme de Yitshaq le quitta et sortit de lui. Et lorsque l’Eternel fit entendre sa voix d’entre les deux chérubins et dit : « Ne porte pas la main sur l’enfant » (Genèse 22:12), l’âme de Yitshaq retourna dans son corps. Avraham délia alors Yitshaq, qui se tint sur ses pieds, et Yitshaq connut la résurrection des morts de la Torah, puisque tous les morts revivront dans le futur. A cette heure là, il commença à réciter: Tu es Béni, ô l’Eternel, qui fait revivre les morts » (Pirqé de-Rabbi Eli`ezer, chap. 31)

Le NT est sur ce point en résonance avec la tradition juive :

« C'est par la foi qu'Abraham mis à l'épreuve, offrit Isaac en sacrifice. Ainsi celui qui avait reçu les promesses, et à qui il avait été dit : « C'est d'Isaac que naîtra ta postérité », offrit ce fils unique, estimant que Dieu est assez puissant pour ressusciter même les morts ; aussi le recouvra-t-il comme en figure » (Hébreux 11:19)

Objection :

« L’avant, avant dernier verset de la Torah dit dans le Deutéronome, chapitre 34, verset 10, je cite : « Et il ne s’est plus levé de prophète en Israël tel que Moïse, que l’Eternel connaissait face à face ». Le Ramban dit que ce verset parle même au futur, car, au présent, ça a déjà été dit dans les Nombres chapitre 12, verset 8. Donc, toute la démonstration (que le Messie sera un prophète comme Moïse) est exactement contraire à la Torah, qui dit exactement l’inverse (…) L’image de Jésus est bien, bien loin, de l’image de Moïse (…) Moïse a libéré physiquement le peuple juif de l’esclavage, lui (Jésus), n’a libéré personne physiquement, Moïse a contribué à l’observance de la Loi, lui a contribué à son extinction. Moïse parlait face à face avec Dieu, lui, s’est dit Dieu. Moïse a contribué à l’entrée en Israël de son peuple alors que peu après Jésus, le peuple est entré en Exil, donc a quitté la terre. Moshéh a été enterré par Dieu à l’âge de 120 ans après avoir connu la mort la plus douce possible, alors que Jésus est mort attrocement crucifié, par des hommes à l’âge de 33 ans. Moïse a été reconnu durant sa vie par des millions de personnes comme étant un homme de Dieu, alors que Jésus a passé sa vie publique a tenter de prouver qu’il était quelqu’un d’important (….) Cette rigueur là au sujet du Chabbath (en référence aux Nombres chapitre 1), on la voit pas du tout chez Jésus, qui, lui,  je vous le rappelle, selon l’évangile de Jean au chapitre 9, verset 6, a fait de la boue pendant le Chabbath pour rendre la vue à un aveugle […] Pourquoi tu fais de la boue pendant Chabbath alors que cette personne là n’est pas en danger de mort ?  […] Ce qui a été fait par Moïse a été détruit par Jésus » (Pourquoi les juifs ne croient pas en Jésus, partie 4, Objection à l’identification de Yéshou`a au « prophète comme Moshéh »)

Réponse :

Le Ralba"g ne tient pas le même discours que LR :

זכר מה שהובדל בו משה מכל נביא שיקום להתנבא בישראל ומזה יתבאר שהוא אפשר שיקום נביא כמהו להתנבא בישראל ובשאר האומות לאלו העניינים שזכר אחר זה ואם לא היה הענין כן היה אמרו בישראל תנאי לבטלה והנה זה הנביא שיתנבא בישראל ובשאר האומות הוא מלך המשיח

« Est ici mentionné ce qui différencie Moshéh de tous es autres prophètes qui se lèveront pour prophétiser « pour Israël ». Il est explicité, de par cela, qu’il est possible qu’un prophète comme lui prophétise aussi bien pour Israël que pour les gentils, sur les sujets qui sont évoqués après cela. Si tel n’était pas le cas, la condition qui stipule « pour Israël » serait superflue. Ce prophète là, qui prophétisera aussi bien pour Israël que pour les gentils est le Roi Messie » (Ralba"g sur le Deutéronome 34:10)

Dans son commentaire sur la Parashath Balaq, il  est plus explicite encore :

שלא קם נביא עוד כמשה שהיה נביא בישראל לבד, אבל יהיה שיהיה עם זה נביא באומות העולם גם כן, והוא מלך המשיח, כמו שאמרו במדרש הנה ישכיל עבדי שכבר יהיה יותר גדול ממשה

« Il ne s’est jamais levé de prophète comme Moshéh qui n'a prophétisé que pour Israël. Cela n’empêche pas qu’un prophète qui prophétisera également pour les gentils, c'est-à-dire le Roi Messie, le soit, ainsi que le déclare le Midrash qui explique les mots : « Voici mon serviteur s’élèvera » comme voulant dire que le Messie sera plus grand encore que Moshéh »  (Midrash Tanhouma, Parashath Toledoth 27:14) »

Nous pouvons aussi lire dans le Livre des Principes de Rabbi Yossef Albo :

זה שנאמר בתורה אם יהיה נביאכם ה׳ במראה אליו אתודע בחלום אדבר בו לא כן עבדי משה וגו׳, לא נאמר אלא על אהרן ומרים, אבל כבר אפשר בעתיד שימצא נביא כמשה או גדול ממנו, וכן ולא קם נביא עוד בישראל כמשה אינו מורה על שלא ימצא לעולם כמוהו או גדול ממנו, כי כבר ימצא זה הלשון על דבר שימצא כמוהו בעתיד, וזה שהרי אמר הכתוב על חזקיה ואחריו לא היה כמוהו בכל מלכי יהודה ואשר היו לפניו, וכן נאמר על יאשיהו וכמוהו לא היה לפניו מלך אשר שב אל ה׳ וגו׳ ואחריו לא קם כמוהו, ואי אפשר שלא יקום כמוהו לעולם או גדול ממנו, שהרי מלך המשיח יהיה כמוהו או גדול ממנו, אבל פירוש לא קם כמוהו אינו שלא יקום כמוהו לעולם אלא שלא קם כמוהו בתואר מה יחידי, או שבכל אותו משך זמן שנמשכו המלכים עד הגלות שנפסקה המלכות מזרע דוד לא קם כמוהו מכל אופן, לא שלא יקום כמוהו לעולם, ואם כן מה המונע שלא נאמר כן בכאן כי מה שאמר הכתוב ולא קם נביא עוד בישראל כמשה רוצה לומר שבכל אותו זמן שנמשכו הנביאים אחריו עד שנפסקה הנבואה מהם לא קם כמוהו, ואבל בעתיד כבר ימצא כמוהו או גדול ממנו, ואם בעבור מלת עוד שנזכרה במשה יותר, אין לשון עוד מורה אלא על זמן מועט, כמו ישתה וישכח רישו ועמלו לא יזכר עוד, שפירושו כל זמן שלא יצא היין ממנו

«  Lorsqu’il est dit dans la Torah : « S’il existe parmi vous un prophète, moi l’Éternel, je me révèle à lui par la vision : c’est dans un songe que je lui parle.  Il n’en est pas ainsi de mon serviteur Moshéh » (Nombres 12:8), cela n’a été dit qu’en rapport à Aaron et Myriam. Il se peut cependant que dans le futur, se lève un prophète égal ou plus grand que Moshéh. Pareillement, quand il est dit qu’il ne s’est plus levé de prophète en Israël comme Moshéh (Deutéronome 34:10), cela ne veut pas dire qu’il n’existera plus de prophète qui est son égal ou son supérieur. En effet, le même language est employé au sujet d’une chose dont l’égal existera dans le futur. Ainsi, est-il écrit au sujet de Yéhizqiahou qu’ « après lui il n’y eut pas son pareil entre tous les rois de Juda, non plus que parmi ses prédécesseurs » (2Rois 18 :5). Ou encore de Yoshiahou : « Avant lui il n’y avait pas eu de roi pareil à lui, qui fût revenu à l’Éternel de tout son cœur et de toute son âme et de toute son énergie conformément à la totalité de la Loi de Moshéh, et après lui il n’en parut point de pareil » (2Rois 23 :25). Ce verset ne veut pas dire qu’il n’aura plus jamais d’égal ou de supérieur ; le Messie étant égal ou plus grand que lui. Le sens en est soit qu’il n’aura pas de semblable sur un point spécifique soit que pendant toute l’époque où les rois se succédèrent, jusqu’ à ce que la royauté des fils de David prit fin au moment de l’Exil, il n’y a pas eu de comme lui. Qu’est ce qui nous empêche alors d’interpréter les mots « il  ne s’est plus levé de prophète en Israël comme Moshéh » comme voulant dire que pendant toute l’époque des prophètes, jusqu’à ce que la prophétie cessa, aucun ne s’est levé comme lui, mais que dans le futur, il se lèvera un prophète comme lui ou plus grand que lui ? Quand au vocable « plus » employé dans ce verset, il ne désigne qu’une période courte, comme lorsqu’il est affirmé : «  qu’il boive et oublie sa misère, et qu’il ne se souvienne plus de ses peines » (Proverbes 31 :7), c'est-à-dire, tant qu’il sera ivre »  (Séfer ha-`Iqarim 3:20)

Rabbi Yossef Albo, qui attribue cette explication au « litiguant », ne partage cependant pas cet avis.  Il déclare :

והתשובה בזה שאין הכרח מדרגת נבואת משה מן הכתובים שאמרנו בלבד, שאם כן כבר היה אפשר לבעל דין לחלוק ולומר כי בישראל לא קם אבל באומות העולם קם, אבל עיקר ההכרח הוא ממה שנמצא בתורה שבקש משה רבינו מהשם שתתעלה מדרגת כל ישראל ומדרגתו בנבואה מכל שאר האומות, וזה הוא מה שבקש משה רבינו מהשם יתברך כשאמר לו ונפלינו אני ועמך מכל העם אשר על פני האדמה, כי בקש ממנו שני דברים, האחד שלא תשוה שום אומה לישראל, וזה שלא תשרה שכינה על אומות העולם להמצא נבואה בהם, וכן אמרו רבותינו ז״ל, בקש משה רבינו שלא תשרה שכינה על אומות העולם ונתן לו, והשני בקש ממנו שלא ישוה לו שום אדם בנבואה, וזה אמרו אני ועמך, כי כמו ששאל שלא תשוה שום אומה לישראל בשריית שכינה עליהם כמו שפירשו רבותינו ז״ל, כן נראה ששאל במלת אני שלא ישוה שום אדם אליו במדרגת הנבואה

« La réponse à cela est que la supériorité de la prophétie de Moshéh ne dérive pas que de ces versets (…) mais est une nécessité de par sa requête adressée à Dieu en laquelle il demanda que le niveau d’Israël et son niveau prophétique à lui soient élevés au dessus des autres peuples : « Et comment sera-t-il notoire que j’ai trouvé grâce à tes yeux, moi et ton peuple ? N’est-ce pas si tu nous accompagnes, et si nous sommes distingués moi et ton peuple de tous les peuples qui sont sur la face de la terre ? ». Il demanda deux choses : D’une part, que la Shékhinah ne se pose sur aucun autre peuple qu’Israël, comme l’ont dit nos sages : « Il demanda que la Shékhinah ne se pose pas sur les gentils, et cela lui fut accordé » (Talmud de Babylone, Bérakhoth 7a). Et de l’autre, qu’aucun homme ne soit son égal en ce qui concerne la puissance prophétique. Voilà pourquoi il dit : « Moi et ton peuple ». De même qu’il demanda qu’aucune nation ne soit comme Israël en ayant la Shékhinah se posant sur elle, comme l’ont dit nos rabbins, de même, il apparaît de par le mot « moi » qu’il demanda à ce qu’aucun homme ne soit son égal en tant que prophète » (Ibid.)

A quoi nous réondrons que le passage du Talmud qui interprète le verset n’évoque en réalité que trois requêtes faites par Moshéh, lequel n’a nulle part demandé à être à jamais le plus grand prophète :

וא"ר יוחנן משום ר' יוסי שלשה דברים בקש משה מלפני הקב"ה ונתן לו בקש שתשרה שכינה על ישראל ונתן לו שנאמר (שמות לג) הלוא בלכתך עמנו בקש שלא תשרה שכינה אומות העולם ונתן לו שנאמר (שמות לג) ונפלינו אני ועמך בקש להודיעו דרכיו של הקב"ה ונתן לו שנא' (שמות לג) הודיעני נא את דרכיך אמר לפניו רבש"ע מפני מה יש צדיק וטוב לו ויש צדיק ורע לו יש רשע וטוב לו ויש רשע ורע לו

« Rabbi Yohanan dit au nom de Rabbi Yossé : Moshéh demanda trois choses au Saint Béni Soit-il et elles lui furent accordées. Il demanda que la Shékhinah se pose sur Israël, et cela lui fut accordé, ainsi qu’il est dit : « Et comment sera-t-il notoire que j’ai trouvé grâce à tes yeux, moi et ton peuple ? N’est-ce pas si tu nous accompagnes » (Exode 33 :16). Il demanda que la Shékhinah ne se pose pas sur les gentils, et cela lui fut accordé, ainsi qu’il est dit : « et si nous sommes distingués moi et ton peuple de tous les peuples qui sont sur la face de la terre ? » (Ibid.). Il demanda de connaître les voies du Saint Béni Soit-il et cela lui fut accordé, comme il est dit : « Daigne me faire connaître ta voie pour que je te connaisse » (Exode 33 :13). Il Lui dit : « Seigneur de l’Univers ! Pourquoi y a-t-il des justes qui prospèrent et des justes dans l’adversité, et des impies qui prospèrent et des impies dans l’adversité ? » » (Talmud de Babylone, Bérakhoth 7a)

Reprenons pour la clarté le passage biblique commenté :

ועתה אם-נא מצאתי חן בעיניך, הודעני נא את-דרכך, ואדעך, למען אמצא-חן בעיניך; וראה, כי עמך הגוי הזה ויאמר: פני ילכו, והנחתי לך. ויאמר, אליו: אם-אין פניך הלכים, אל-תעלנו מזה. ובמה יודע אפוא, כי-מצאתי חן בעיניך אני ועמך--הלוא, בלכתך עמנו; ונפלינו, אני ועמך מכל-העם, אשר על-פני האדמה

« Eh bien ! Puisque j’ai pu trouver grâce à tes yeux, daigne me faire connaître ta voie pour que je te connaisse, afin de trouver grâce à tes yeux, ET considère que cette nation est ton peuple. Et Il dit : Tu seras accompagné de ma présence et je t’amènerai au repos. Et il Lui répondit : Si tu ne nous accompagnes pas de ta présence, ne nous fais point partir d’ici. Et comment sera-t-il notoire que j’ai trouvé grâce à tes yeux, moi et ton peuple ? N’est-ce pas si tu nous accompagnes, et si nous sommes distingués moi et ton peuple de tous les peuples qui sont sur la face de la terre ? Et l’Éternel dit à Moshéh : Je ferai aussi cela même que tu viens de dire ; car tu as trouvé grâce à mes yeux, et je te connais nommément »

Il ne fait pour nous nul doute que la distinction que Moshéh établit entre « lui » et le « peuple » est lié aux deux requêtes introduites par « si j’ai trouvé grâce à tes yeux » du verset 13, à savoir que l’Eternel fasse connaître à Moshéh ses voies « et » qu’il considère les Israélites comme son peuple en les accompagnant de la manifestation de sa Présence. Il ne faut donc pas s’étonner de ce que le Rada"q  ait écrit au sujet de l’ère du renouvellement de la prophétie:

והבנים והבנות יתנבאו בנערותם כמו שמואל הנביא, והנבואה תהיה להם במראה החלום כמו שאמר חלומות חזיונות, וכן היתה נבואת רוב הנביאים כמו שאמר אם יהיה נביאכם ה' במראה אליו אתודע בחלום אדבר בו, וכן יהיו בהם מעלות זה למעלה מזה כמו שהיו בנביאים שעברו עד שאולי יהיה בהם כמשה רבינו ע"ה.

« Les fils et les filles prophétiseront dans leur jeunesse comme Samuel, et la prophétie viendra sur eux en songe, comme l’indique la mention des « songes » et des « rêves », à l’instar de la plupart des prophètes, ainsi qu’il est dit : « S’il existe parmi vous un prophète, moi l’Éternel, je me révèle à lui par la vision : c’est dans un songe que je lui parle » (Nombre 12:6). Il existera, parmi eux, plusieurs degrés de prophéties à tel point que, peut-être, il y en aura parmi eux qui surpasseront la prophétie de Moshéh notre maître, que la paix soit sur lui »  (Rada"q sur Yoel 3:1)

En tout cas, le Midrash Rabbah voit également en Moshéh la préfiguration du Messie. On y lit :

דומה דודי לצבי מה הצבי  הזה, נגלה וחוזר ונכסה, כך גואל הראשון נגלה ונכסה. ר' ברכיה, בשם רבי לוי אמר: כגואל הראשון, כך גואל האחרון. הגואל הראשון, זה משה, נגלה להם וחזר ונכסה מהם. כמה נכסה מהם. רבי תנחומא אמר: שלשה חדשים. הה"ד (שם ה): ויפגעו את משה ואת אהרן וגו'. אף גואל האחרון נגלה להם וחוזר ונכסה מהם

« Mon bien-aimé est semblable à la gazelle (Cantique des cantiques 2,9). Comme cette gazelle qui apparaît, est révélée, retourne et disparaît, le premier rédempteur est apparu et a disparu. Rabbi Bérakhyah dit au nom de Rabbi Lévi: Comme le premier rédempteur, sera le dernier rédempteur. Le premier rédempteur est Moshéh, qui s'est révélé à eux, est retourné et s'est caché d'eux. Pendant combien de temps s'est-il caché d'eux ? Rabbi Tanhouma dit: Pendant trois mois, comme il est écrit : et ils rencontrèrent Moshéh et Aharon etc. (Exode 5:20). Le dernier rédempteur aussi se révèlera à eux, retournera et se cachera d'eux » (Bamidbar Rabbah, Nasso 11:2)

Le Midrash rapporte en effet une tradition d’après laquelle Moshéh, après s’être une première fois présenté devant le Pharaon suite à l’épisode du buisson ardent, a été envoyé une seconde fois par l’Eternel après être retourné à Midian : 

ויצאו נוגשי העם ושוטריו כיון שגזר כן הלך משה למדין ועשה שם ששה חדשים ואהרן היה יושב במצרים ואותה שעה החזיר משה אשתו ובניו למדין … אחר ששה חדשים נגלה הקב"ה אל משה במדין ואמר לו לך שוב מצרים

« Sur cela les exacteurs du peuple et ses préposés sortirent [et parlèrent au peuple en ces termes : Ainsi parle Pharaon : Je ne vous donne plus de paille, allez vous-mêmes vous procurer de la paille où vous en trouverez, car on ne rabat rien de la prestation que vous devez] –  Moshéh, à cause de ce décret, s’en alla à Midian et y resta pendant six mois. Aharon, quant à lui, est resté en Egypte tandis que Moshéh ramena sa femme et ses enfants à Midian (…) Six mois plus tard, le Saint Béni Soit-il se révéla à Moshéh à Midian et lui dit : Retourne en Egypte.  » (Exode Rabbah, Parashath Shémoth 5:4)

C’est en un mot tout le contraste que LR établit entre Moshéh et Yéshou`a qui s’éffondre dès lors que Moshéh n’a pas immédiatement été accepté et qu’il n’a délivré physiquement les fils d’Israël qu’à son second avènement.  Il est paradoxal que LR, malgré lui, nous apporte la confirmation de la préfiguration de Yéshou`a par Moshéh  lorsqu’il  reprend l’objection classique selon laquelle « peu après Jésus, le peuple est entré en Exil, donc a quitté la terre », et dans la partie 5 que « les progroms, les conversions forcées, les guerres et les croisades au nom de Jésus se comptent par milliers », à l’instar de la génération de l’Exode qui se plaignit du fait que la première venue de Moshéh  lui a rendue la vie dure et fut même source de mort :

ויפגעו את-משה ואת-אהרן, נצבים לקראתם, בצאתם, מאת פרעה.  ויאמרו אלהם, ירא יהוה עליכם וישפט:  אשר הבאשתם את-ריחנו, בעיני פרעה ובעיני עבדיו, לתת-חרב בידם, להרגנו. וישב משה אל-יהוה, ויאמר:  אדני, למה הרעתה לעם הזה--למה זה, שלחתני. ומאז באתי אל-פרעה, לדבר בשמך, הרע, לעם הזה; והצל לא-הצלת, את-עמך

« Et ayant abordé Moshéh et Aharon qui se tenaient là pour les rencontrer quand ils sortiraient de chez Pharaon, ils leur dirent : Que l’Éternel ait l’œil sur vous et juge, car vous nous avez mis en mauvaise odeur auprès de Pharaon et auprès de ses serviteurs, armant leurs mains de l’épée pour nous tuer. Alors Moshéh revint vers l’Éternel et dit : Seigneur, pour pourquoi as-tu si fort maltraité ce peuple ? Pourquoi donc m’as-tu envoyé ? Depuis que je me suis présenté à Pharaon pour lui parler en ton nom, il fait pis à ce peuple et tu n’as point délivré ton peuple. Et l’Éternel dit à Moshéh : Maintenant tu vas voir ce que je ferai à Pharaon ; car c’est sous une main forte qu’il les laissera partir, et c’est sous une main forte qu’il les chassera de son pays »

En ce qui nous concerne, nous croyons que Yéshou`a n’est pas seulement comme Moshéh, tant en sa qualité de prophète qu’en raison du fait que Moshéh en a été la préfiguration, mais qu’il le surpasse dans sa proximité avec Dieu.

Quant aux autres points soulevés par LR, nous nous contenterons d’y répondre par cet extrait très pertinent du « Magen va-herev » de Léon de Modène, qui déclare :

«  Tu ne verras jamais dans les Evangiles que Jésus s’est appelé « Dieu », mais qu’il s’est considéré comme un homme […] Il s’est toujours désigné comme un « fils d’homme » et « homme » en plusieurs endroits. Il  a toujours attribué sa puissance et son importance à son Père qui est cieux.  […] J’ai lu un récit, qui circule et qui se trouve la possession d’un individu de notre peuple, qui relate ses péchés de jeunesse et ceux qu’il a faites dans sa vie, comment est ce qu’il a fait pour accomplir des miracles, jusqu’au jour de sa mort. Il est clair que le tout n’est qu’un mensonge, qui a été composé par un homme qui s’est opposé à lui et dont l’intention était de le diffamer. Ce récit est une honte pour tout fils d’Israël qui y croit pour n’importe quelle raison. De ce que j’ai compris de nos livres et des leurs (aux chrétiens), j’ai dérivé ce principe, qui, à mon sens est exacte, et qui est telle que si j’ai moi-même vécu dans la même génération que lui et que j’ai étudié à ses côtés : Saches qu’il y eut, parmi les Juifs de l’époque, vers la fin de l’ère du deuxième Temple, plusieurs sectes, lesquelles reconnaissaient toutes la Torah de Moshéh mais qui étaient divisée quand à son interprétation et à l’interprétation de ses commandement. Il y avait, parmi elles, les scribes et les pharisiens, qui sont nos Sages et desquels est issue la Mishnah. Il y eut aussi les Sadducéens, les Boéthusiens, les Esséniens et d’autres encore. Flavius Josèphe, de même que Carlo Sifinio, dans son ouvrage intitulé «  Republica Hebraeorum », mentionne certaines d’entre elles. De toutes ces mouvances, le Nazaréen a choisi la véridique et a suivi tous les enseignements de nos Sages, aussi bien en ce qui concerne les croyances que la pratique ; il croyait qu’elles étaient toutes reçues de Moshéh. Et c’est ce qui transparaît clairement de l’Evangile [de Matthieu] où il dit à ses disciples : « Sur le siège de Moshéh, sont assis les scribes et les pharisiens. Faites tout ce qu’ils vous diront, mais ne faites pas selon leurs actions » (Matthieu 23:2-3). On voit qu’il a reconnu non seulement la Loi Ecrite  mais aussi la Loi Orale dans ce qu’il considérait comme reçue de Moshéh […] Si son intention était de changer, ne serais-ce qu’une petite chose dans la Torah, jamais personne n’aurait accepté de l’écouter et tout le monde l’aurait persécuté. Voilà pourquoi, il a toujours affirmé l’actualité de la Torah, comme quand il dit : «  Je ne suis pas venu abolir la Torah, mais pour l’accomplir » (Matthieu 5,17). Il dit aussi que «  Le ciel et la terre passeront, mais une seule lettre de la Torah ne passera pas » (Luc 16,17). Il y eut néanmoins quelques éléments [de la tradition pharisienne] qu’il ne considérait pas comme des lois orales données à Moshéh au Sinaï (halakhoth le-Mosheh mi-Sinaï), ni comme des traditions qu’ont hérité les anciens,  mais comme leur propre invention, auxquelles il commença à s’opposer et à dénoncer. La pratique du lavage rituel des mains a été héritée des anciens, ainsi que la bénédiction que l’on récite : «  Tu es Béni, ô Eternel notre Dieu, qui nous a sanctifié par ses commandements et nous a ordonné le lavage des mains ». Tu vois dans les Evangiles que les pharisiens l’ont critiqué en disant : «  Pourquoi tes disciples méprisent t-ils la tradition des anciens et ne se lavent t-ils pas les mains avant de manger ? » (Matthieu chapitre 15).  Les Sages eux-mêmes dirent que celui qui méprise le lavage des mains est extirpé du monde, en allusion à Jésus, pour dire qu’il n’est pas mort de lui-même mais qu’il a été extirpé du monde (Sotah 4b). Et lorsque les pharisiens entendirent que cet homme de basse condition et qui n’était pas encore d’âge mûre s’opposa à eux sur certaines choses, ils s’inquiétèrent et craignirent que cela se transforme en une nouvelle secte qui dénature la Torah, à l’instar des sadducéens, des boéthussiens et d’autres et commencèrent alors à s’informer sur lui et à s’opposer à ses dires et à ses agissements […] Il ne fait pour moi aucun doute que le Nazaréen n’a jamais osé se prétendre Dieu ou une partie de Dieu, comme le croient de nos jours les chrétiens à son sujet. Comme on peut en juger de sa manière d’agir, et de ses paroles, il ne lui est jamais venu à l’esprit de se faire Dieu […] Il savait que s’il se faisait Dieu, ou se disait être une partie du Dieu d’en haut, comme le dirent plus tard ceux qui croient en lui, même la masse du peuple l’aurait lapidé sans même l’amener devant le Tribunal. En effet, puisqu’il voulait être perçu comme plus qu’un prophète et un homme de Dieu, afin de s’élever à tous les niveaux et de l’emporter face à la controverse avec les scribes et les pharisiens, il s’est décrit comme étant le fils de Dieu. De cette manière, il aurait été élevé aux yeux de toute la masse du peuple et aurait été considéré, non plus comme plus grand que tous ceux qui sont nés de femmes, que tous les prophètes et même plus grand que Moshéh notre maître, mais comme plus grand que les anges eux-mêmes, car un fils est plus grand auprès d’un Père qu’un serviteur et un ministre. Les prophètes, en effet, sont appelés serviteurs, comme il est dit : «  Il révèle ses secrets à ses serviteurs les prophètes » (Amos 3,7). Pareillement, il est dit au sujet de Moshéh : «  Moshéh, le serviteur de l’Eternel » (Deut 34,8). Les Anges sont appelés « ministres», comme il est écrit : « Il fait des esprits ses anges, et de ses ministres un feu allumé » (Psaume 104,4). En se disant « fils de Dieu », il se prétendait ainsi plus grand que tous ceux-là. Et c’est ce qu’a dit Paul, dans l’épître aux Hébreux (chap. 1).  Avec l’appellation de « fils de Dieu », ses disciples et ceux qui crurent en lui l’ont élevé plus haut que tous les prophètes et les anges d’en haut, de même que la masse du peuple. Malgré tout, ils ne l’ont appelé Dieu qu’après un certain temps après sa mort. C’est également par cette description qu’il échappa à la condamnation du Sanhédrin, ou des juges, qui étaient en ces temps là, en disant qu’il n’avait pas l’intention de s’attribuer la Divinité. Lis, s’il te plaît, ce que relate à ce sujet l’Evangile de Jean, au dixième chapitre : « Mes brebis écoutent ma voix etc. Moi et le père nous sommes un. Ils ramassèrent de nouveau des pierres pour le lapider. Jésus leur répondit : « J’ai fait devant vous beaucoup de bonnes œuvres venant de mon Père, pour laquelle me lapidez vous ? ». Les judéens lui répondirent : «  Ce n’est pas pour une bonne œuvre que nous te lapidons, mais pour un blasphème,  parce que toi, un homme, tu te fais Dieu ». Jésus leur répondit : «  N’est t-il pas écrit dans votre loi : Vous êtes des dieux ? Si la Loi appelle dieux ceux à qui la Parole de Dieu a été adressée, et si l’Ecriture ne peut être anéantie, comment dites-vous à celui que le Père a sanctifié et envoyé dans le monde : Tu blasphèmes, car j’ai dit que je suis le fils de Dieu ? » (Jean 10:31-40). Ainsi, il dit à chaque fois que le Père l’a envoyé, qu’il le connaît, qu’il lui a donné, et non qu’il l’a (littéralement) engendré ni qu’il est le Père lui-même, mais dans le sens du verset : Vous êtes des dieux et des fils du très Haut » (Magen va-herev 3:8-10)

Le fait que Yéshou`a ait guéri miraculeusement un aveugle en appliquant de la boue sur ses yeux  un jour de Shabbath, s’explique aisément par le fait qu’un envoyé de Dieu, bien qu’il ne puisse pas abroger définitivement une loi, a le pouvoir de la lever temporairement. Le Sifri  qui s’exprime en ces termes appuie l’idée sur le Deutéronome 18,13 :

אליו תשמעון - אפילו אומר לך עבור על אחת מכל מצוות האמורות בתורה כאליהו בהר הכרמל, לפי שעה שמע לו

« Et tu l’écouteras – même s’il te dit de transgresser selon l’heure l’un des préceptes énoncés dans la Loi, à l’instar d’Eliahou (qui fit des sacrifices) au mont Carmel (alors que c’est interdit en dehors du Temple) (1Rois 17), écoutes-le » (Sifri Devarim 175, les parenthèses sont notres)

Que ce soit de cela qu’il s’agit ici, nous pouvons en être certains puisque le principal concerné, comme l’a remarqué Léon de Modène, a déclaré n’être pas venu mettre fin à la Torah (Matthieu 5:17) et qu’il a enjoint à ses disciples d’obéir aussi bien aux explications orales héritées de Moshéh, y compris le principe de la hora’at sha`ah, qu’à l’actualisation de la Loi par les Pharisiens (Matthieu 23:2-3) et même aux décrets rabbiniques qui n’annullent pas la Parole de Dieu (Matthieu 23:5)

Objection :

« Les Evangiles se contredisent grossièrement sur la généalogie de Jésus (…)  On peut voir dans l’Evangile de Marc que Jésus lui-même s’étonne que le messie devait descendre de David »  (Pourquoi les juifs ne croient pas en Jésus, partie 4)

Réponse :

Marc 12:35-37 rapporte effectivement :

« Jésus, continuant à enseigner dans le temple, dit : Comment les Scribes disent-ils que le Christ est fils de David ? Car David lui-même parle ainsi par l'Esprit-Saint : Le Seigneur a dit à mon seigneur : Assieds-toi à ma droite jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis l'escabeau de tes pieds. — David lui-même l'appelle Seigneur, comment donc est-il son fils ? » (Marc 12:35-37)

La clé de compréhension se trouve dans l’Evangile de Matthieu :

« Les Pharisiens étant assemblés, Jésus leur fit cette question : « Que vous semble du Christ ? De qui est-il fils ? » Ils lui répondirent : « De David. » — « Comment donc, leur dit-il, David inspiré d'en haut l'appelle-t-il Seigneur, en disant : Le Seigneur a dit à mon seigneur : Assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce que je fasse de tes ennemis l'escabeau de tes pieds ? Si donc David l'appelle Seigneur, comment est-il son fils ? »  Nul ne pouvait rien lui répondre, et, depuis ce jour, personne n'osa plus l'interroger. » (Matthieu 22:41-46)

La question initiale étant de savoir « de qui » le Messie « est-il fils », la réponse des Pharisiens, qui se contentèrent de dire « de David », laisse clairement voir que pour eux, le Messie n’est rien de plus qu’un fils de David.  Les faits rapportés en Marc, où Yéshou`a s’adresse cette fois-ci à la foule à laquelle il demande : « Comment les Scribes disent-ils que le Christ est fils de David », fait suite à la réponse des Pharisiens en Matthieu. Placé dans son contexte, la question rhétorique de Yéshou`a ne vise ainsi pas à contredire l’ascendance davidique du Messie, qu’admet le NT, mais précisément la position des Pharisiens à en croire ledquels le Messie est seulement un fils de David. Le midrash Tehilim permet de mieux cerner le débat :

מכאן תשובה לאומרים יש לו בן. ואת מותיב להון בן לי אתה אינו אומר אלא בני אתה כעבד שעושה לו רבו קורת רוח ואומר לו אנא מחבב לך כברי.

«  De là, nous avons une réponse à ceux qui disent que Dieu a un fils.  Réponds-leur ceci : Il n’est pas dit : « Tu es pour moi un fils », mais : « Tu es mon fils », comme lorsqu’ un esclave fait la volonté de son maître qui lui dit alors : « Je t’aime comme j’aime mon fils » »  (Midrash Tehilim sur le Psaume 2:8)

Interpréter la déclaration faite par Dieu à son oint comme n’étant qu’une simple manière de parler que n’importe quel maître peut employer envers son esclave n’exclut pas seulement la croyance en un messie de nature divine mais également la position adoptianiste des judéo-chrétiens qui, même si elle rejoint l’approche non littéraliste du midrash, maintient que Dieu a un fils, bien qu’adoptif. Il semble qu’au premier siècle, il  s’agissait de l’explication communément admise par les Pharisiens. D’où l’argumentaire de Yéshou`a qui s’est servi d’une interprétation que ceux-ci admettaient également. Nous retrouvons en effet dans la même compilation midrashique :

רבי יודן בשם רבי חמא אמר: לעתיד לבא הקב"ה מושיב מלך המשיח לימינו שנאמר:' נאם יי  לאדוני שב לימיני' – ' ואברהם לשמלי'.

« Rabbi Youdân dit au nom de Rabbi Hama : Dans le futur, le Saint Béni Soit-il fera s’asseoir le Messie Roi à sa droite, ainsi qu’il est dit : « l’Eternel a dit à mon seigneur : Assieds-toi à ma droite » (Psaume 110:1), et Abraham  « à ma gauche » » (Midrash Tehilim 18)

Gardons à l’esprit que dans la culture sémitique et, en général, orientale, il ne revient pas aux aïeuls de rendre hommage aux descendants peu importe leur grandeur. Seul un décret חק divin élevant le Messie au rang de fils de Dieu et ordonnant à tous de l’honorer comme tel (Psaume 2:8-11) permet ainsi d’expliquer pourquoi David, l’ancêtre, a appelé « seigneur » son descendant. Comme l’a montré Yéshou`a, cette idée se retrouve implicitement dans la Tradition Orale dont les Pharisiens étaient les dépositaires. La tournure de la question posée par Yéshou`a (« David lui-même l'appelle Seigneur, comment donc est-il son fils ? »), qui  donne à entendre qu’en un sens,  le Messie n’est pas un fils de David, s’explique, vu sous cet angle, par le passage de la Torah qui relate qu’Ephraïm et Ménashéh, en vertu de l’adoption, furent comptés comme des enfants de Ya`aqov et non plus comme ceux de Yossef, leur père naturel :

שני בניך הנולדים לך בארץ מצרים עד באי אליך מצרימה לי הם ... ומולדתך אשר הולדת אחריהם לך יהיו

« Tes deux fils qui te sont nés au pays d’Égypte avant mon arrivée chez toi au pays d’Égypte, seront miens … Mais tes enfants que tu engendreras après eux, seront tiens  »  (Genèse 48:5-6)

Quant à l’objection sur la contradiction apparente entre les deux généalogies que présentent les évangiles de Matthieu et de Luc, nous renvoyons le lecteur à la deuxième partie de nos réponses aux anti-missionnaires 

Objection :

« Daniel 2,44 : « Et du temps de ces Rois là, le Dieu du Ciel suscitera un empire qui ne sera jamais détruit, un empire qui ne cèdera la place à aucun autre peuple. Il écrasera et anéantira tous les autres empires, et subsistera lui-même éternellement » […] MDN dit avoir vu un rabbin qui lui aurait répondu qu’on est encore aux temps des romains. Or, on est d’accord que cette affirmation est complètement ridicule. On est d’accord de ça, on n’est pas aux temps des romains. Les chrétiens partent de l’idée que le verset parle forcément de l’empire romain, mais c’est simplement une déduction de leur part. A aucun moment le verset ne parle de l’empire romain […]  A quel moment [Jésus] a-t-il écrasé et pulverisé Rome ? Si Jésus est le Messie, peut-on dire qu’il n’a jamais cédé la place à aucun autre peuple ? Si on utilise cette prophétie, elle prouve que Jésus ne peut pas être le Messie »  (Pourquoi le juifs ne croient pas en Jésus, partie  5)

Réponse :

Au regard de ce qui a été dit et du verset de Daniel 9:27, en lequel a été annoncé une rédemption potentielle pour l’époque du deuxième Temple, nous sommes fondé à répondre que les royaumes antagonistes à Israël auraient été « pulvérisés » au premier siècle et l’ère messianique aurait été inaugurée si les Israélites en avaient été dignes. Le péché a cependant provoqué le non accomplissement des prophéties en sorte qu’au lieu de la Rédemption, c’est l’Exil qui s’est produit. Comprenons que toute prophétie est conditionnelle et dépendante des mérites de ceux qui en sont concernés (Tossafot sur Yébamot 50a). Ajoutons à la démonstration qui a déjà été faite dans la première partie de nos réfutations l’explication de R. Yossef Békhor Shor sur le Deut 18,24 :

 אם התנבא פורענות על רשעים וחזרו בתשובה , כגון אנשי נינוה (ראה יונה ג , ה - ט) , הרי בא דברו והועיל , ואינו חייב. וכן על טוב , והרשיעוּ - הם מנעו הטוב מהם. אבל אם עמדו כְּמה שהם , ולא בא - אז חייב

« S'il a prophétisé le châtiment sur les impies, mais que ceux-ci se sont repentis, à l’instar des gens de Ninive ; il n’est pas pas coupable. De même, s’il a prophétisé un bien, mais que les destinataires sont devenus impies, ils ont empêché eux-mêmes la réalisation du bien annoncé. Cependant, s’ils sont resté tels qu’ils sont, et que la prophétie ne s’est pas réalisée, il est coupable »

A l’adresse de ceux qui se demanderaient comment le fait que les prophéties soient conditionnelles peut être réconciliée avec l’idée de l’omniscience Divine, nous reprendrons les mots de Nahmanide :

עם היות רשות האדם בידו הכל גלוי וצפוי לפניו ולא יצטרך לתנאי מן התנאים בטוב ברע הגמול ובעונש מצד הק''ב ית' רק מצד המצווה בה כי קודם שתאמר הנבואה לנביא מן הנביאים היא בכח והבורא ית' יודע אם יעשה הטוב ההוא  ויבא הגמול בו או יעשה הרע ההוא ויהיה העונש עליו

« Quand bien même le choix est donné aux hommes, toute chose est révélée et perçue par Dieu ; en sortes que ce n’est pas de la perspecטtive du Saint Béni Soit-il qu’il est besoin de conditions (…) mais seulement selon la perspective de celui qui reçoit l’ordre, car avant même que la prophétie soit énoncée à un prophète, le Créateur Béni Soit-il sait déjà s’il (celui qui reçoit l’ordre) fera le bien, auquel cas, il méritera la récompense, ou fera le mal, auquel cas, le châtiment s’abattra sur lui » (Livre de la Rédemption, deuxième portique)

En effet, la Torah parle le langage des hommes et s’exprime tout naturellement selon leur perspective.  Il est à propos de relever ce qu’a écrit Rashi qui n’était pas « chrétien » :

וביומיהון די מלכיא אנון - בימיהם של מלכים הללו בעוד מלכותם של רומיים קיימת יקים אלה שמיא מלכו - מלכות הקב"ה שלעולם לא תתחבל מלכו והיא מלכות מלך המשיח

«  Aux temps de ces rois – alors que l’empire romain est encore en place, le Dieu du ciel suscitera un royaume. Le royaume du Saint Béni Soit-il, qui est éternel, est un royaume qui ne sera jamais détruit. Il s’agit du royaume du Messie Roi » (Rashi sur  Daniel 2,44)

Objection:

« Daniel 9 ,26: « Et après ces soixante-dix semaines, un oint sera supprimé sans successeur légitime, et la ville et le sanctuaire seront ruinés par le peuple d’un prince à venir, finalement, celui-ci sera violement emporté, mais jusqu’ à la fin, séviront la guerre et les dévastations ».  Ce passage est effectivement très explicite pour les chrétiens, quand on le coupe en deux. Dans sa totalité, il n’a plus aucun sens pour [leur] preuve  »

Réponse :

Avant d’aller plus avant, revoyons ce que dit réellement le texte source :

ואחרי השבעים ששים ושנים, יכרת משיח ואין לו; והעיר והקדש ישחית עם נגיד הבא, וקצו בשטף, ועד קץ מלחמה, נחרצת שממות

Une traduction plus exacte serait :

« Après les soixante-deux semaines, le Messie sera retranché, et non pour lui ואין לו. Et peuple d'un prince qui viendra détruira la ville et le Temple, et sa fin sera dans un débordement; et les dévastations sont décrétées jusqu'au terme de la guerre » (Daniel 9:27)

Faisons remarquer que l’on ne peut pas traduire אין לו (eyn lo) par «  il n’aura pas ». Si tel avait été le cas, le texte aurait en effet précisé un objet et stipulé ce que le Messie retranché n’aura pas.  Les mots « successeur légitime » de la version de LR étant, notons-le,  une interpolation.  En revanche, non seulement la difficulté s’efface lorsqu’on traduit littéralement  אין לו (eyn lo) par « non pour lui », mais cela permet de faire le rapprochement avec un autre texte, plus explicite,  qui dit qu’ « il était percé pour nos péchés, brisé pour nos crimes» הוא מחלל מפשענו מדכא מעונתינו (Yésha`yahou  53:5).

En tout cas, le passage en Daniel déclare simplement qu’« après » ces « soixante-deux semaines » qui suivront les « sept semaines », donc au cours de la soixante-dixième semaine, le Messie « sera retranché ». Puis, que Jérusalem et son Temple dont la fin « sera dans un débordement », « seront ravagés par le peuple d’un prince à venir etc. ». Si l’on considère, comme le veut le bon sens, la semaine de  guerre et de destruction (versets 26-27), donc de châtiment en cas de désobéissance, comme étant distincte du délai de 70 semaines (490 ans) qui a été accordé à la nation pour qu’elle se repente (verset 24) et suivant l’interprétation que nous avons proposée, laquelle est consultable sur ce lien, tout correspond : La grande révole juive commença en effet en 66 et s’acheva définitivement en 73, sept ans plus tard,  lorsque les insurgés zélotes se suicident en masse à Massada. Cela  place la cessation des sacrifices qui eut lieu le 17 Tammouz de l’an 70 (Guerre des juifs 6:2:1;  Mishnah Ta`anith 4:6), au « milieu » de la semaine  d’années, exactement comme l’a annoncé Daniel 9:27. Autre fait remarquable : L’intervalle entre la crucifixion (an 30) et la destruction du Temple par Titus (an 70), est de 40 ans. Cela est significatif lorsqu’on sait qu’après qu’ils se rebéllèrent contre Moshéh, les gens de la génération du désert, « pendant quarante ans » ont « porté la peine de leur crime » et « connu » l’« opposition » de l’Eternel (Nombre 14 :34).

LR, quant à lui, part de la destruction du premier Temple et identifie la semaine de rétribution des versets 26-27 avec la dernière des soixante-dix semaines du verset 24. En outre, si nous l’en croyons, l’intervalle entre la destruction des deux Temples sont les 490 ans de la prophétie de Daniel. Interprétation inadmissible d’une part parce qu’elle inclut la semaine de rétribution dans le délai fixé pour la repentance afin, précisément, d’échapper au couroux divin qui peut s’abattre; ce qui, comme nous l’avons vu est  irréconciliable avec la raison et  les faits. Et de l’autre, parce que le décompte aboutirait alors à la destruction du deuxième Temple, situant ainsi la cessation des sacrifices à  la fin de la semaine et non à la moitié.  

Rappelons que la « venue » de l’Oint correspond pour nous à l’éléction divine de Yéshou`a dans les eaux du Jourdain, et non, comme l’affirme Olivier Bonnassies,  à sa naissance. L’on ne peut en effet parler de « venue » de l’Elu en tant que Messie qu’au moment où Dieu l’envoie, et non à sa naissance, tout comme Moshéh n’est « venu » en son rôle de rédempteur qu’après que l’Eternel, dans le buisson ardent, l’envoya  délivrer les fils d’Israël.

Argument :

« Cyrus a bien été oint des siècles auparavant, contrairement à Jésus »

Réponse :

Daniel, dans sa prophétie, appelle le rédempteur « Messie » (Daniel 9:25) avant même son onction par les hommes (verset 24). Cela suppose que ce n’est pas l’onction humaine qui octroie à l’Elu le titre de Messie, mais une onction d’une toute autre nature et d’une autre provenance, comme celle évoquée par Yésha`yahou :

רוח אדני יהוה עלי--יען משח יהוה אתי לבשר ענוים שלחני לחבש לנשברי-לב לקרא לשבוים דרור ולאסורים פקח-קוח

« L’esprit du Seigneur, l’Eternel, est sur moi, parce que l’Eternel m’a oint pour porter une bonne nouvelle aux malheureux, qu’il m’a envoyé pour guérir les cœurs brisés, pour proclamer la liberté aux captifs et aux prisonniers l’ouverture des cachots » (Yésha`yahou  61 :1)

Argument :

« LR : « Il n’est pas question de Jésus dans ce texte (Daniel 9:24), ni dans son sens simple, ni dans son sens imagé ». Olivier Bonnassies : « On sait aujourd’hui que le gens qui se sont réuni à Qoumrân, c’était parce qu’ils avaient fait le calcul et qu’ils étaient arrivés en -20 avant JC, avec leur estimation à eux ». LR : « Qoumran a été détruit en 70. On pense qu’ils (les membres de la secte juive qui s’y établit)  sont partis là bas vers – 130, -100 de l’ère chrétienne. Donc, même selon leurs calculs, ça ne correspond pas avec Jésus » (« Pourquoi le juifs ne croient pas en Jésus », partie  5)

Réponse :

Selon les auteurs des rouleaux de la mer morte,  la date de l’avènement du Messie était au contraire postérieure à la fondation de la Secte, ce dont témoigne de la manière suivante le 4Q266 :

זה פרוש המשפטים אשר ישפטו בם עד מעמוד משיח אהרון וישראל

« Voici l’interprétation exacte des préceptes par lesquelles ils devront être régis jusqu’à l’avènement du Messie d’Aharon et d’Israël » (4Q266, fragment 10, colonne 1)

Un autre manuscrit excavé à Qoumrân, le 11QMelchisédech, prévoyait non seulement la rédemption ultime pour la « fin du dixième Jubilé » סוף יובל העשירי, c'est-à-dire à la conclusion de la période de 490 ans, un jubilé équivalant à 49 ans, mais voit en le « Messie dont parle Daniel », censé venir à la soixante-neuvième semaine, non pas Cyrus, mais le héraut eschatologique « qui dit à Sion : Ton Dieu est Roi » אומר לציון מלך אלוהיך (Rouleau de Melchisédech).

Argument :

« Rappelons quand même ce qu’a dit Jésus dans les évangiles, Matthieu 10 :34 : « Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre, je ne suis pas venu apporter la paix, mais l’épée. Exactement le contraire du Messie que nous attendons et que la Bible hébraïque nous a annoncé. Jésus ne peut donc claiement pas être ce messie » (Pourquoi les juifs ne croient pas en Jésus, partie 5)

Réponse :

L’argument de LR ne tient pas en cela même que c’est Yéshou`a, dont les propos sont utilisés pour prouver le contraire, qui s’est dit être le Messie prophétisé par le Tanakh. Il n’est pas difficile de comprendre, comme le montre la suite du passage sur lequel LR s’appuie (Matthieu 10:35-39 cf Luc 11:51-52), que l’avènement de Yéshou`a allait apporter dans un premier temps le conflit et la division puisque certains l’accepteront et d’autres non, conflit qui ne prendra fin que lorsque tous le reconnaîtront enfin. Hormis cela, la Torah est explicite :

אראנו ולא עתה, אשורנו ולא קרוב; דרך כוכב מיעקב, וקם שבט מישראל, ומחץ פאתי מואב, וקרקר כל-בני-שת והיה אדום ירשה, והיה ירשה שעיר--איביו וישראל עשה חיל. וירד מיעקב; והאביד שריד, מעיר

« Je le vois, quoique non présent, Je le vois, mais dans le lointain. Un astre surgit de Ya`aqov, et un sceptre s’élève d’Israël; il ébranle Moav de fond en comble, et extermine tous les fils de Sheth, et Edom devient sa conquête, et Séïr la conquête de ses ennemis, et Israël fait des actes de vaillance. Issu de Ya`aqov il aura l’empire, et fera périr les réchappés des villes. »  (Nombres 24:17-19)

Le Messie annoncé par la Torah, lequel établira la paix par l’épée et qui apportera ruine et destruction pour les impies comme nous croyons que Yéshou`a le fera à son second avènement, ne serait-il pas celui qui est attendu par LR ?

Argument :

« Ce passage tout à fait incroyable et repris dans énormément d’ouvrages chrétiens prouvant que Jésus serait le messie (…) Voyons déjà ce qui est écrit dans le texte de Sanhédrin et dans quel contexte : Rav dit : passées sont les dates et tout dépend à présent de notre téshouva et nos bonnes actions. Déjà, les chrétiens se décident de traduire uniquement les trois premiers mots de la phrase de Rav et de laisser la suite de la phrase de côté. Ce qui démontre déjà leur mauvaise foi. Mais parlons du contexte maintenant. Rabbi Yonathan dit dans cette même page du Talmud : Qu’explosent tous ceux qui calculent la date de la venue du Messie. En gros, c’est une malédiction concernant ceux qui calculeraient la date de la venue du Messie. Pour être clair, le Talmud, à aucun moment essaie de dévoiler la date de la venue du Messie, mais explique à partir de quelle date on peut espérer qu’il se dévoile, à partir de quelle date et non à cette date. Mais après cette date, il n’y plus de limites dans le temps. Et sur cette question, il y a plusieurs avis différents, à savoir à partir de quelle date le messie peut techniquement se dévoiler et Rav, à la fin, vient nous dire que selon tout le monde, selon tous les avis, le Messie peut arriver maintenant, à chaque instant , car les dates de chacun sont passés, maintenant, cela dépend uniquement de nos actes. Et ce n’est pas une simple interprétation de notre part, et que les chrétiens, eux, auraient leur propre interprétation des choses, concernant la page du Talmud. Non, non, il s’agit il s’agit ici du sens simple ! »  (Pourquoi les juifs ne croient pas en Jésus, partie 5) Et : « Zacharie 17 :7-10 : Ce sera un jour unique, DIEU SEUL LE CONNAÎT, où il ne fera ni jour ni nuit, et c’est au moment du soir que paraîtra la lumière. En ce jour, des eaux vives s’épancheront de Jérusalem (…) l’Eternel sera roi sur toute la terre, en ce jour l’Eternel sera un et son nom sera un ». Dieu seul sait le jour où le Messie viendra, donc tous les calculs que les chrétiens font pour dire que les dates des prophéties désignaient la période où Jésus est arrivé contredit ce texte. D’après ce texte, le prophète Daniel ne pouvait donc pas affirmer que les 490 ans sont la date de la venue du Messie (…) sinon les deux prophètes se contredisent » (Pourquoi les juifs ne croient pas en Jésus, parte 6)

Réponse :

LR n’est pas exempt de ce dont il accuse les « chrétiens », puisque lui-même ne cite pas la phrase de Rabbi Yonathân dans son entièreté :

תיפח עצמן של מחשבי קיצין שהיו אומרים כיון שהגיע את הקץ ולא בא שוב אינו בא

« Qu’explosent tous ceux qui calculent les qitsin car ils disent : Puisque le qets est venu, et qu’il n’est pas venu, il ne viendra plus »

Or, si les « qitsin » קיצין sont les dates à partir desquelles le messie peut venir et non, comme nous le pensons, les dates auxquelles il aurait du venir,  l’on ne verrait pas pourquoi ceux qui les calculent en viendraient à penser que « puisque le qets est venu, et qu’il (le Messie) n’est pas venu, il ne viendra plus ». Cela éclaire le sens du passage qui nous interesse et que nous reprendrons pour la clarté :

אמר רב כלו כל הקיצין ואין הדבר תלוי אלא בתשובה ומעשים טובים ושמואל אמר דיו לאבל שיעמוד באבלו

« Rav dit : Toutes les dates sont passées et la chose ne dépend que de la repentance et des bonnes œuvres. Shmouel, cependant, maintient qu’il suffit à l’endeuillé de garder le deuil » (Talmud de Babylone, Sanhédrin 97b)

L’on peut ainsi comprendre que selon le point de vue Rav, dès lors que toutes les dates prophétisées sont passées,  il ne reste plus au peuple que de se repentir et supplier Dieu afin que dans sa grande miséricorde, il fasse malgré tout advenir la rédemption.  En ce qui concerne le plurielקיצין  (qitsin), celui-ci s’explique aisément par le fait que plusieurs dates ont été prophétisées pour la rédemption, qui, si elle ne s’est pas produite à l’occasion de l’une en raison des péchés du peuple, aurait pu avoir lieu à l’occasion d’une autre.  Rapprochons de l’enseignement du Talmud ces paroles prophétiques de Yéshou`a :

« Jérusalem, Jérusalem, qui tue les prophètes et lapides ceux qui lui sont envoyés ! Que de fois j'ai voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu ! » (Matthieu 23:37)

Dans sa glose sur le folio du Talmud qui nous occupe, Rashi explique l’opinion de Shmouel comme voulant dire qu’il existe encore un dernier « qets » au moment duquel le « deuil », c’est à dire l’Exil, prendra obligatoirement fin et où la Rédemption finale aura lieu même si le peuple juif n’en est pas digne. Le contraste établi entre les avis de Shmouel et de Rav n’a de sens que si Rav n’admettait pas l’existence de ce dernier « qets » et que pour lui, « tous les qitsin sont passés » comme le rapporte explicitement le Talmud.  L’on comprend alors le désarroi qui a pu porter certains à croire que le Mashiah ne viendra jamais plus. Le commentaire du rabbin Elie Soloveitichick sur l’Evangile de Matthieu semble cependant corrobborer le point de vue de Shmouel :

« Nous lisons dans le Talmud (Sanhédrin 89b) : « Il est écrit (Isaïe, LX, 22): Je hâterai son arrivée en son temps. Contradiction  apparente, que le Talmud résout ainsi : Si la génération en est digne, je hâterai l'arrivée du Messie; sinon, il ne viendra qu'en son temps. » Donc, deux hypothèses : celle de la venue normale, à l'époque fixée par Dieu comme terme extrême ; colle de la venue anticipée, en cas de pénitence de notre part. Mais quel est ce terme extrême, quelle est cette date qu'en tout état de cause le Messie ne dépassera point ? C'est là, au dire de Jésus, une chose que les anges eux-mêmes ignorent et que Dieu seul connaît. Exactement d'après le Talmud (même traité, f. 99a) : « Le jour de la rémunération est fixé dans mon cœur », dit Isaïe (LXIII, 4); cela signifie, dit R. Siméon b. Lakisch, que j'en garde le secret dans mon cœur, et que je ne l'ai pas révélé même à mes anges. » (« La Bible, le Talmud et l’Evangile »  p. 343)

De contradiction, il n’en existe donc pas entre la prophétie de Daniel  qui, comme cela a déjà été expliqué, a parlé d’une rédemption anticipée pour l’ère du second Temple à condition que le peuple se repente et Zacharie 14:7 qui se réfère à la rédemption « en son temps ». En ce qui nous concerne, nous maintenons conformément à l’interprétation pré-chrétienne que Daniel a, outre la date d’une rédemption possible avant terme, également anoncé le moment où le Messie devait obligatoirement se manifester pour accomplir la rédemption si la nation l’avait méritée.

Objection :

« Que dit vraiment le texte (Psaume 22 :17) ? Kaari yaday véraglay, littéralement : « Comme le lion, mes mains et mes pieds ». « Ils me percent mes mains et mes pieds sont une pure invention, une pure invention. « Ké-ari », ça veut dire « comme le lion », « yaday » « mes mains », et « raglay » « mes pieds », alors, déjà, que les chrétiens traduisent mal, ça on en est conscient, mais là, ils rajoutent carément des mots qui n’existent pas pour tenter de faire correspondre leur foi à la Bible hébraïque. N’importe qui de sensé voit ici la supercherie de la méthode chrétienne. Et la suite des Psaumes est très loin de représenter Jésus et ce qu’il s’est passé durant l’histoire. En conclusion, selon le sens simple, dans ce Psaume, David parle manifestement de lui-même tout en utilisant des métaphores, une lecture simple et pure de ce texte permet de le comprendre facilement »  (Pourquoi les juifs ne croient pas en Jésus, partie 8)

Réponse :

Le verset dit en effet :

כארי ידי ורגלי

«  Comme un lion, mes mains et mes pieds »

C’est la raison pour laquelle les traducteurs juifs « ont rajouté des mots »  au texte afin de le rendre plus intelligible. Ainsi, lisons-nous dans le Targoum :

נכתין היך כאריא אידי ורגלי

« Ils mordent comme des lions mes mains et mes pieds »

Et dans la Traduction de Zadok Kahn : 

« Comme le lion, ils meurtrissent mes mains et mes pieds »

Si LR avait été cohérent, ce sont les auteurs du Targoum et de la Bible du Rabbinat qu’il devrait accuser de falsification. D’autant plus que les « chrétiens » n’ont rien modifié puisqu’ils ne se basent pas sur la version à laquelle LR se réfère mais sur des manuscrits qui comportent « ils ont perforé », כארו (« ka’arou ») ou כרו (« karou »), à l’endroit de « comme un lion », כארי (« ka’ari »). Il suffit pour s’en rendre compte de jeter un regard dans les notes de bas de page de la  Biblia Hebraica Stutgarentsia dont nous mettons ci-après l’image : 


Cette version, qui est également celle de la LXX, présente l’avantage d’être parfaitement compréhensible sans qu’il n’y ait besoin d’y rajouter des mots en plus.  

Objection :

« Isaïe 53 ne peut pas parler du messie fils de David, le libérateur selon le sens simple. Pourquoi ? Il suffit juste pour prouver cela d'ouvrir le livre d’Isaïe et chercher si à un autre endroit, il parle d'un autre serviteur en précisant son identité. Il se trouve que c'est le cas, dans des dizaines d'endroits, il parle d'un serviteur. Or, dans tous ces endroits, il parle de son serviteur Israël, le peuple d'Israël. Il est dur d'imaginer qu'au milieu de tout ça, il nous parle d'un tout autre serviteur sans nous préciser, mais surtout, il faut voir le chapitre 52 d'Isaïe, le chapitre qui précède le chapitre tant expliqué par les chrétiens qui parlerait, selon eux, de Jésus. De quoi parle ce chapitre 52 ? Il parle tout simplement du peuple d'Israël, du début jusqu'à la fin, en commençant par ses souffrances et son triomphe à la fin des temps (...) Et ensuite, ça s'enchaine sur le chapitre 53 parlant du serviteur souffrant, expliquant ce qui va lui arriver au cours de l'histoire. Pas besoin d'être un génie pour comprendre que le serviteur souffrant est le peuple juif. En plus, ce qui prouve que la démonstration des chrétiens est totalement fausse par deux points, c'est que si nous devions faire une petite comparaison entre les souffrances de Jésus au cours de sa vie, et les souffrances du peuple d'Israël à travers l'histoire, nous aurions du mal à croire que le prophète parle du premier et, deuxième point, c'est que dans le verset 10 de ce même chapitre, expliqué par tous les chrétiens comme étant une prophétie sur Jésus, il est écrit : S'il s'offrait lui-même comme sacrifice expiatoire, il vit une postérité destiné à vivre de longs jours. Si l'on décide que ce passage parle de Jésus,  comme le font les chrétiens, comme le disent les chrétiens, il faudrait aussi décider qu'il a eu des enfants et vécu longtemps, et non que 33 ans. On ne peut pas prendre qu'en partie ce que l'on veut et laisser ce qui nous contredit. Ce texte ne peut donc pas parler de Jésus, point (…) Même s'il parlait du messie, disons qu'il parle du messie, ce verset ne parle pas de résurrection » (« Pourquoi les juifs ne croient pas en Jésus », Partie 8 et 9) 

Réponse:

Le Tanakh infirme l’idée qu’Israël n’est pas coupable ou que ce n’est pas pour ses péchés qu’il a été châtié en son Exil :

וידעו הגוים כי בעונם גלו בית-ישראל, על אשר מעלו-בי, ואסתר פני, מהם; ואתנם ביד צריהם, ויפלו בחרב כלם כטמאתם וכפשעיהם, עשיתי אתם; ואסתר פני, מהם

« Les nations comprendront que c’est par suite de son crime que la maison d’Israël a été déportée, parce qu’ils furent coupables envers moi, et que je leur cachai ma face, et que je les livrai à la main de leurs ennemis, afin que par l’épée ils périssent tous. Je les ai traités selon leur souillure et leur désobéissance, et je leur ai caché ma face. » (Ezéchiel 3 :23-24)

Or, les versets 4 et 9 de Yésha`yahou 53 nous disent  que le serviteur est mort innocent. Qui plus est,  la Mékhilta est on ne peut plus claire :

ויש שיש להן פדיון ויש שאין להן פדיון: אומות אין להן פדיון, תלמוד לומר: אח לא פדה יפדה איש, ולא יתן אלהים כפרו, ויקר פדיון נפשם. חביבין ישראל שנתן הקדוש ברוך הוא אומות העולם תחתיהן כפרה תחת נפשותיהם, שנאמר: נתתי כפרך מצרים.

« Certains peuvent être rédimés et certains ne peuvent pas être rédimés. Il n’y pas de rédemption pour les Gentils, comme le dit l’Ecriture : Ils ne peuvent se rédimer l'un l'autre, Ni donner à Dieu la rançon La rédemption de leur âme est chère, Et n'aura jamais lieu; Ils ne vivront pas toujours, Ils n'éviteront pas la vue de la fosse. Bien aimés sont les Israélites car le Saint Béni Soit-Il fit des Gentils une rançon à leur place, ainsi qu’il est dit : Je livre pour ta rançon l’Egypte, l’Ethiopie et Saba à ta place.  Parce que tu as du prix à mes yeux, que je t’estime et que je t’aime, je livre des hommes à ta place, et des peuples en échange de ta vie (Yésha`yahou 43:3-4) » (Mékhilta de-Rabbi Yishma`el Néziqin 10)

De même, le Midrash Tanhouma déclare qu’afin que les gentils n’encouragent pas les juifs à violer la Loi, « quand les Israélites pèchent, le monde entier est frappé » אם יחטאו, כל העולם לוקה (Tanhouma Béhouqotay paragraphe III). Le sens littéral (Peshat) de la prophétie de Yésha`yahou, qui dit que le serviteur souffre en raison des péchés d’autrui, ne peut donc pas concerner la nation d’Israël. LR voudrait malgré tout nous faire accroire que « dans tous ces endroits » où il est question d’un serviteur, « il parle d’Israël ». Mais il n’en n’est rien. Yésha`yahou et David sont en effet appelés « serviteurs » dans le livre de Yésha`yahou (20:3 et 37:3). Nous lisons également au chapitre 49 :

ועתה אמר יהוה, יוצרי מבטן לעבד לו, לשובב יעקב אליו, וישראל לו יאסף; ואכבד בעיני יהוה, ואלהי היה עזי ויאמר, נקל מהיותך לי עבד, להקים את-שבטי יעקב, ונצירי  ישראל להשיב; ונתתיך לאור גוים, להיות ישועתי עד-קצה הארץ

« Or maintenant l’Éternel parle, lui qui me forma dès le sein maternel, pour être son serviteur, pour ramener à lui Jacob, et Israël qui n’est pas recueilli ; et aux yeux de l’Éternel je suis honoré, et mon Dieu est ma force. Il dit : C’est trop peu que tu sois mon serviteur, pour relever les tribus de Jacob et ramener les restes conservés d’Israël ; je t’établis lumière des nations, pour que tu portes mon salut jusqu’au bout de la terre. » (Yésha`yahou 49:5-6)

Il est clair que ce serviteur là ne peut être Israël qu’il appelle à la repentance et dont il rassemble ses exilés ; des tâches qui, traditionnellement, sont attribuées au Messie. LR lui-même se contredit lorsqu’il reconnait à la partie 10 de sa série de vidéos que ce serviteur là est bien le Messie, admettant ainsi que le Messie est bien appelé « serviteur » dans le livre de Yésha`ayahou.  L’on ne peut pas non plus dire que  le chapitre 52 parle « du début jusqu'à la fin » de la nation d’Israël. Nous trouvons en effet au verset 7 :

מה-נאוו על-ההרים רגלי מבשר, משמיע שלום מבשר טוב--משמיע ישועה; אמר לציון, מלך אלהיך קול צפיך נשאו קול, יחדו ירננו:  כי עין בעין יראו, בשוב יהוה ציון. פצחו רננו יחדו, חרבות ירושלם:  כי-נחם יהוה עמו, גאל ירושלם. חשף יהוה את-זרוע קדשו, לעיני כל-הגוים; וראו, כל-אפסי-ארץ, את, ישועת אלהינו

« Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds de celui qui apporte une bonne nouvelle, qui proclame la paix, qui annonce du bonheur, qui proclame le salut, qui dit à Sion : Ton Dieu règne ! Écoute la voix de tes sentinelles ! Ensemble elles élèvent la voix en acclamations ; car face à face elles voient revenir l’Éternel en Sion. Éclatez ensemble en acclamations, ruines de Jérusalem ! Car l’Éternel prend pitié de son peuple, Il rachète Jérusalem. L’Éternel découvre son bras saint aux yeux de toutes les nations, et toutes les extrémités de la terre contemplent le salut de notre Dieu »

La correspondance des idées nous fonde à penser que le « serviteur » qui porte le salut  ישועה (yéshou`ah) évoqué au chapitre 49 est le même que celui là qui  « proclame le salut ». D’autre part, « celui qui apporte les bonnes nouvelles » est ici distinct de la congrégation d’Israël qui est appelée « Sion ». Tout porte à croire que c’est de ce « serviteur » là qu’il s’agit lorsque le texte enchaîne avec les versets 13-15 du chapitre 52 et le poème du chapitre 53. Cette lecture est appuyée par les manuscrits de Qoumran, datant de l’ère pré chrétienne, qui, commentant ce passage, affirment que « celui qui apporte les bonnes nouvelles est le Messie dont parle Daniel » (11QMélchisédech), au sujet duquel il est affirmé qu’ « il sera retranché mais pas pour lui ».  La tradition rabbinique confirme :

רבי יוסי הגלילי אומר: גדול הוא השלום שבשעה שמלך המשיח נגלה לישראל, אין פותח אלא בשלום שנאמר: מה נאוו על ההרים רגלי מבשר משמיע שלום

« Rabbi Yossé le Galiléen dit : Grande est la paix car au moment où le Roi Mashiah se dévoilera aux Israélites, il ne commencera que par la paix, ainsi qu'il est dit : Qu'ils sont beaux sur les montagnes,  les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles, qui annonce la paix (Yésha`yahou 52:7) » (Dérekh Erets Zouta, pereq ha-shalom)

שיר למעלות אשא עיני אל ההרים וגו' (תהלים קכא). זה שאמר הכתוב: (זכריה ד) מי אתה הר הגדול לפני זרובבל למישור, זה משיח בן דוד. ולמה נקרא שמו הר הגדול? שהוא גדול מן האבות, שנאמר: (ישעיה נב) הנה ישכיל עבדי ירום ונשא וגבה מאד ירום מאברהם, ונשא מיצחק, וגבה מיעקב ירום מאברהם. שנאמר: (בראשית יד) הרמותי יד אל ה'. ונשא ממשה, שאמר (במדבר יא) כי תאמר אלי שאהו בחיקך, וגבה כמלאכי השרת, שנאמר: (יחזקאל א) וגבותם מלאות עיניים. לכך נאמר: מי אתה הר הגדול, וממי הוא יוצא מזרובב

«  Cantique des degrés. Je lève les yeux vers les montagnes etc (Psaume 121:1), c’est celui dont il est dit : Qu'es-tu, grande montagne, devant Zéroubavel ? Une simple plaine (Zékharyah 4:7). C’est le Messie fils de David. Et pourquoi est-il appelé grande montagne? Car il est plus grand que les Pères, comme il est dit : Voyez, mon serviteur prospère; il s'élève, grandit, est placé très haut. (Yésha`yahou  52:13). Il s’élève plus haut qu’Avraham. Il grandit plus que Yitshaq. Il est placé plus haut que Ya`aqov. Il s’élève plus haut qu’Avraham, car il est dit : Je lève la main devant l’Eternel. Il est plus grand que Moshéhh, car il est dit : Pour que tu me dises: Il  est dans ton sein? (Nombres 11:12). Il est placé plus haut que les Anges serviteurs, car il est dit : leurs jantes sont pleines d’yeux autour (Yehezqéel 1:18). C’est pourquoi il est dit : Qu’es-tu grande Montagne ? Et de qui est-il issu ? De Zéroubavel » (Midrash Tanhouma, Parashath Toledoth 27:14)

למשיח מה שמו (...) רבנן אמרי חיוורא דבי רבי שמו שנאמר (ישעיהו נג) אכן חליינו הוא נשא ומכאובינו סבלם ואנחנו חשבנוהו נגוע מוכה אלהים ומעונה)

« Quel est le nom du Messie? (...) Les Rabbins disent: son nom est le savant battu, comme il est écrit (Yésha`yahou 53:5): Mais il a porté nos maladies, et il a chargé nos douleurs; et nous avons estimé qu'étant frappé, il était battu de Dieu, et affligé » (Talmud de Babylone Sanhédrin 98b)

מדבר במלך המשיח גשי הלום קרובי למלכות ואכלת מן הלחם זה לחמה של מלכות וטבלת פתך בחומץ אלו היסורין שנאמר (ישעיה נ"גוהוא מחולל מפשעינו

« Il (Boaz) lui parla (à Routh) du Messie Roi: « Approche », approche du Royaume, « et mange de notre pain », c’est le pain du Royaume, « et trempes ton pain dans le vinaigre » ce sont les souffrances du Messie Roi comme il est dit (Yésha`yahou 53:5): « Et c’est pour nos péchés qu’il a été meurtri »  » (Midrash Routh Rabbah 5 :6)

ר' הונא בשם ר' אחא לשלשה חלקים נתחלקו היסורין אחד לדוד ולאבות ואחד לדורנו ואחד למלך המשיח, הדא הוא דכתיב והוא מחולל מפשעינו מדוכא מעונותינו וגו'

« Rabbi Houna dit au nom de Rabbi Aha : Les souffrances sont patagées en trois parts : L’une pour David et les partriarches, l’une pour notre génération et l’une pour le Messie Roi, ainsi qu’il est écrit : «  Et c’est pour nos péchés qu’il a été meurtri, et frappé pour nos transgressions » (Yalqout Shime`oni sur Psaume 2 :7)

La question mérite néanmoins que l’on s’y penche : Etant donné que Yésha`yahou 53:10 attribue au serviteur une descendance,  peut on dire de Yéshou`a qu’il a accompli cette prophétie ? Il ne faut pas aller bien loin pour en avoir la réponse puisque dans son commentaire sur ce passage, Abravanel, qui a dans un premier temps émis cette objection contre les chrétiens, est revenu sur ses dires lorsqu’il identifia par la suite la figure du serviteur souffrant à Yoshiyahou, lequel est mort sans enfants :

אמר תשים אשם נפשו יראה זרע יאריך ימים וחפץ השם בידו יצלח רצה לומר מאחר שיאשיהו בהיותו טוב עם ה' ועם אנשיו הקב"ה חפץ דכאו החלי הנה אם כן אם היה בהפך בעל אשמות וחטאות וזהו אם תשים אשם נפשו לא היו מתקצרים ימיו אבל יראה זרע יאריך ימים רוצה לומר שהיה רואה בנים לבניו ויאריך ימים עד זקנה ושיבה ולא היה אז חפץ השם לדכאו כמו שעשה אבל בהפך שבהיותו אשם וחוטא יהיה חפץ השם שיאשיהו בידו יצלח וינצח אויביו לא שינוצח ויהרג כמו שנהרג, וזה כולו מדרכי התרעומת והתלונה על דרך מ"ש איוב (איוב כא, ז) מדוע רשעים יחיו עתקו גם גברו חיל זרעם נכון לפניהם וגומר

« Il a été dit : « Si son âme se rend coupable, il verra une postérité et ralongera ses jours, et la volonté de l’Eternel serait qu’il réussisse de sa main » (Lecture alternative de l’hébreu). Autrement dit, étant donné que Yoshiyahou a été bon aux yeux de Dieu et des hommes, il a plu au Saint Béni Soit-il de l’affliger de douleurs. Il s’en suit que s’il était coupable et pécheur, et c’est là le sens des mots « si son âme se rend coupable », ses jours n’auraient pas été raccourcis, mais il aurait « vu une postérité et vécu de longs jours ». En d’autre mots, il aurait  eu des petits enfants et rallongé ses jours jusqu’à la vieillesse, et il n’aurait pas plu à l’Eternel de l’affliger, comme il l’a fait. Au contraire, si Yoshiyahou avait été coupable et pécheur, la volonté de l’Eternel aurait été qu’il réussisse et vainque ses ennemis et non qu’ils le vainquent et le tuent. Tout cela est affirmé d’une manière ironique et plaintive, de la même manière qu’Iyov, qui a dit : « Pourquoi les impies vivent-ils, avancent-ils en âge, accroissent-ils leurs moyens ? Devant eux, autour d’eux, leur descendance s’affermit » (Iyov 21:7) » (Commentaire d’Abravanel sur Yésha`yahou 53) 

Il s’agirait alors au verset 10 d’une réponse à ce qui est rapporté au verset 4 : « Nous le crûmes puni, frappé de Dieu et humilié » חשבנהו נגוע מכה אלהים ומענה. Sachant cependant que les Ecritures relatent que la mort de Yoshiyahou fut la conséquence de sa désobéissance (2Chroniques 31:20-21), interpréter d’une part le Peshat de Yésha`yahou 53:10 de cette manière et de l’autre, identifier le serviteur à Yoshiyahou est contradictoire. Néanmoins, si l’on considère uniquement l’explication des termes employés dans Yésha`yahou 53:10 que nous fournit Abravanel, le fait que Yéshou`a soit mort jeune sans laisser de descendance n’infirme pas sa messianité. Bien au contraire, il la corrobore. Nous lisons au verset 12 qu’ « avec les braves il partagera le butin, parce qu’il vida son âme à la mort » ואת-עצומים יחלק שלל תחת אשר הערה למות נפש. Cela suppose  la résurrection du Messie souffrant et son élevation en gloire.

Objection :

« Pour le Psaume 16 verset 10, voir la résurrection de Jésus dans ce passage est incompréhensible. Le Roi David dit ici que Dieu le sauvera de l’abîme. On ne voit même pas le rapport même en cherchant bien avec la résurrection » (Pourquoi les juifs ne croient pas en Jésus, partie 9

Réponse :

Reportons nous à l’argumentaire des Apôtres 

« David dit de lui: J'avais continuellement le Seigneur devant moi, parce qu'il est à ma droite, afin que je ne sois point ébranlé. C'est pourquoi mon cœur est dans la joie, et ma langue dans l'allégresse, et ma chair aussi reposera sûrement; car car tu n’abandonneras pas mon âme au séjour des morts, et tu ne permettras pas que ton Saint voie la corruption Tu me montreras les sentiers de la vie. En ta présence on trouve plénitude de joie » Mes frères, qu'il me sois permis de vous dire en toute franchise, au sujet du patriarche David, qu'il est mort, qu'il a été enseveli, et que son sépulcre est encore aujourd'hui parmi nous. Comme il était prophète, et qu'il savait que Dieu lui avait promis avec serment de faire asseoir sur son trône le fruit de ses entrailles, c'est la résurrection du Messie qu'il a vue d'avance, en disant que son âme ne serait pas laissée dans le séjour des morts, et que sa chair ne verrait pas la corruption. C'est ce Yéshou`a que Dieu a ressuscité ; nous en sommes tous témoins » (Actes 2:22-32)

Autrement dit, David étant mort et étant retourné à la poussière, ce n’est pas à lui-même qu’il se réfère, mais à quelqu’un d’autre, en l’occurrence le « Saint », c'est-à-dire le Messie dont il pouvait dire qu’il s’agit de sa chair, car issu physiquement de lui. Un cas semblable se lit en Hagaï 2:21 qu’Abravanel commente de la manière suivante :

אמר אקחך זרובבל בן שאלתיאל עבדי ושמתיך כחותם כי בך בחרתי כי להיות מלך המשיח מזרעו אמר שיקחהו והוא על דרך מה שאמר (יחזקאל לז, כה) ודוד עבדי נשיא להם לעולם שמלך המשיח הוא יהיה דוד הוא יהיה זרובבל להיותו חוטר יוצא מגזעם

« Dans ce même temps, dit l’Éternel des armées, je te prendrai, Zéroubavel, fils de Salathiel, mon serviteur, dit l’Éternel, et te garderai comme un sceau ; car je t’ai choisi, dit l’Éternel des armées (Hagaï 2:23) – la raison pour laquelle l’Eternel dit qu’il le prendra est parce que le Messie Roi sera de sa descendance, de la même manière qu’ il est en Ezéchiel 37,28 : « Et David mon serviteur sera leur prince pour l’éternité ». Le Messie Roi est David et Zéroubavel en ce sens qu’il est issu de leur tronc » (Commentaire d’Abravanel sur Hagaï 2 :21)

L’assertion selon laquelle « David » ne verra pas la corruption suppose en outre le retour du Messie davidique à la vie avant la décomposition du corps. La résurrection de Yéshou`a au troisième jour répond parfaitement à la prophétie.

Quant au reste, il est notoire que d’après la tradition juive, le texte ne se limite pas à son sens littéral ou Peshat. Nous en avons parlé plus amplement dans la première partie de nos réfutations aux arguments antimissionnaires. Quand bien même, donc, LR, qui ne nous apprend rien, a effectivement montré qu’au niveau du Peshat (sens littéral) le Psaume 34:21 parle des justes en général (Partie 8) ou que le serpent d’airain, à propos duquel il faut noter qu’il ne s’agissait à l’origine d’une idole mais d’un instrument de guérison mis en place par décret de l’Eternel, n’est pas lié au Messie (Ibid.), il n’a par contre pas réussi à prouver en quoi ces textes n’y font pas allusion (Rémez) ou que les choses auxquelles ces passages se réfèrent n’en sont pas la préfiguration comme nous l’enseigne la tradition apostolique, dont nous ne voyons pas en quoi elle est incompatible avec la tradition prophétique.

En conclusion, le titre de la série, « pourquoi les juifs ne croient pas en Jésus », est trompeur étant donné que les réponses qui y sont apportées sont contredites par la littérature rabbinique sur laquelle elle prétend s’appuyer. Par ailleurs, des juifs versés dans la tradition orale que la littérature talmudique et midrashique aura plus tard couché par écrit ont bien  reconnu en grand nombre Yéshou`a comme le Messie sans pour autant se départir de la Loi et des traditions. Nous en voulons pour preuve le fait que leur nombre allait en croissant à  tel point que le Beth din de Rabban Gamaliel II, vers la fin du premier siècle,  voulut circonscrire leur influence grandissante et les exclure de la communauté juive à laquelle ils appartenaient (Halakhoth Gédoloth Bérakhoth, Talmud de Babylone traité Bérakhoth 28-29a). Il ne s’agissait donc pas d’une secte marginale mais  d’une mouvance telle que les seuls sages dont la mémoire est de nos jours honorée par le judaïsme rabbinique y virent une menace.  Origène, au IIè siècle encore, a écrit que « les Juifs qui croient en Jésus n'ont pas abandonné la loi de leurs pères et l'observent toujours » (Contre Celse 2:1). Il explique que « c’est qui leur a fait donner un nom pris de la pauvreté du sens littéral de la loi » (Ibid.).  Selon Irénée, les ébionites  (« pauvres ») « n’acueillent pas en leur âme l’union de Dieu et de l’homme mais qui restent dans le levain de la naissance naturelle » (Adversus hæreses 5:1:3). Autrement dit, ils rejetaient la doctrine de l’incarnation et de la parthénogenèse : « Les Ebionites (…) disent qu’il (Jésus) a été engendré de Joseph » (Ibid. 4:33:4). Tout cela corrobore le témoignage des Actes d’apôtres : « Tu vois, frère, combien de myriades de Juifs ont cru, et tous sont zeles pour la Loi. Or ils ont entendu dire (codex Bezae : ils disent) de toi (Paul) que tu enseignes aux Juifs dispersés parmi les Gentils d’apostasier Moïse, leur disant de ne pas circoncire leurs enfants et de ne pas se conformer aux coutumes » (Actes 21:20-21). Nous tenons à préciser que bien nous citons les écrits rabbiniques, nous ne croyons pas en l’infaillibilité de sages qui en sont les auteurs. Comme l’ont en effet noté plusieurs,  l’interprétation rabbinique des écritures, lorsqu’elle ne porte pas sur la pratique légale, n’a pas à être systématiquement adoptée et n’est pas toujours exacte (Shmouel Hanaguid, Introduction au Talmud ; Séfer ha-eskhol, hilkhoth séfer Torah 60a ; Téshouvot Haguéonim sur Hagigah 4a ; Béhinat Hadat 55-56). Néanmoins, le fait que les dépositaires de la Loi et de la tradition orales aient vu les choses de telle ou telle manière montre qu’ils ne consideraient pas une telle interprétation comme  illégitime ou incompatible avec la Loi et la tradition orales ou, du moins,  ce qu'ils ont reçu et conservé. Pourquoi alors nécessairement une interprétation et pas une autre sachant que la littérature juive présente parfois des points de vues contradictoires ? Gardons à l’esprit que « toutes ces choses là et tout ce qui s’y rapporte, aucun homme ne peut savoir comme elles se produiront jusqu’à ce qu’elles se produisent, puisqu’il s’agit de choses scellées dans les paroles des prophètes et que les Sages n’ont rien reçu les concernant » וכל אלו הדברים וכיוצא בהן--לא יידע אדם היאך יהיו, עד שיהיו: שדברים סתומים הן אצל הנביאים גם החכמים אין להם קבלה בדברים אלו. Et Maïmonide d’ajouter que « chacun n’a fait qu’interpréter les écritures, c’est pourquoi les Sages ne sont pas d’accord entre eux ; en tout cas, la succession de ces événements ainsi que les détails ne sont pas des fondements de la foi »  אלא לפי הכרע הפסוקים; ולפיכך יש להם מחלוקת בדברים אלו.  ועל כל פנים, אין סידור הוויית דברים אלו ולא דקדוקן, עיקר בדת (Yad Ha-hazaqah, Hilkhoth Mélakhim 12,4). Il n'est par conséquent ni traditionnel ni sensé de fixer, comme le font LR et les anti-missionnaires actuels, en amont comme une vérité absolue ce qui n’est qu’une lecture parmi d’autres, voire même parfois sa propre interprétation innovante lorsqu’il ne s’agit pas d’une falsification délibérée des écrits cités, et prétendre que quiconque n’accomplit pas les choses selon le scénario que l’on s’est imaginé est un charlatan. Il est à rappeler que le Talmud rapporte  plusieurs phénomènes inexplicables  dont notamment la cessation du miracle du blanchissement du ruban du bouc émissaire, signe du pardon des péchés du peuple, « quarante ans avant la destruction du Temple ». Ces mêmes sages attestent également de la réalité des miracles et des guérisons effectués « au nom de Yéshou » (Yeroushalmi Shabbath 14:4). Les docteurs du Talmud n’étant pas chrétiens, cela garantit l’objectivité de leur témoignage. Plusieurs éléments probants permettent en outre d’établir que le NT n’a pas inventé la résurrection de Yéshou`a au troisième jour. Puisque les faits concourent à prouver que Yéshou`a est le Messie, toute  interprétation qui tente de faire nier cela aux écritures est donc obligatoirement fausse. De plus, étant donné que Yéshou`a et ses disciples n’ont pas dévié, comme nous l’avons montré au moyen des manuscrits de Qoumran et de la littérature talmudique et midrashique, des interprétations admises par les sectes majeures de l’époque du deuxième Temple  et, plus tard, par le judaïsme rabbinique, il ne serait  pas exagéré de dire qu’intituler la série de vidéos: « Pourquoi Lionel Robine et Bétsalel Cohen », le co auteur, « ne croient pas en Jésus » aurait été plus approprié et ce, bien que nous ayons grandement apprécié la reprise par LR d’extraits de notre article du 1er Octobre 2017 où nous réfutons les arguments des missionnaires qui justifient sur la base du Zohar leur dogme de la Trinité.

2 commentaires:

  1. Les juifs messianique n etant qu une partie infime du peuple juifs donc oui la majorite des juifs ne croient pas en jesus donc le titre de torah box est tous a fait approprie

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  2. Certes, mais les raisons avancées ne sont pas du tout conformes à ce qu'enseignent les ecrits juifs. Le titre n'est tout bonnement pas en adéquation avec le contenu.

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